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Yellowknife : Miser sur les ressources

Comme les maisons flottantes bercées par les vagues du Grand lac des Esclaves, Yellowknife est une habituée des hauts et des bas.

AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, la ville s’est maintenue Ă  flot pendant des dĂ©cennies grĂące Ă  deux immenses mines d’or situĂ©es dans ses environs. Les mines Giant et Con ont non seulement procurĂ© des centaines d’emplois Ă  des gĂ©nĂ©rations de mineurs, elles ont aussi structurĂ© la vie sociale de Yellowknife et trempĂ© son caractĂšre. Elles ont disparu peu aprĂšs le tournant du millĂ©naire, tout comme les emplois syndiquĂ©s et bien payĂ©s occupĂ©s par une main-d’Ɠuvre locale.

Puis quelqu’un a dĂ©couvert des diamants. C’est ainsi qu’à environ 300 kilomĂštres au nord-est de la ville, la mine Ekati a ouvert ses portes en 1998, suivie quelques annĂ©es plus tard de la mine Diavik et, en 2016, de celle de Gahcho KuĂ©. C’était une autre vague de croissance, mais d’un genre diffĂ©rent. Bon nombre des emplois Ă©taient occupĂ©s par des travailleurs navetteurs ou des membres des PremiĂšres Nations de la rĂ©gion nouvellement autonome de TĆ‚Ä±ÌšchÇ«. Yellowknife a bĂ©nĂ©ficiĂ© de certaines retombĂ©es de cet essor et obtenu une part des emplois, notamment dans le nouveau secteur de la taille des diamants, mais rien de comparable au bon vieux temps des mines d’or.

Une troisiĂšme vague s’est profilĂ©e aprĂšs 2004 avec l’ambition de construire un gazoduc dans la vallĂ©e du Mackenzie. Ce projet colossal, d’un coĂ»t estimĂ© Ă  16 milliards de dollars, avait suscitĂ© un vif engouement dans tous les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), mais aurait sans doute principalement bĂ©nĂ©ficiĂ© Ă  Yellowknife et Ă  la communautĂ© d’Inuvik de la rĂ©gion Beaufort-Delta. Ce rĂȘve s’est toutefois heurtĂ© Ă  la rĂ©volution de la fracturation hydraulique, qui a fait chuter le prix du gaz naturel au-dessous du seuil de rentabilitĂ© d’un gazoduc. En 2017, Imperial Oil a dĂ©finitivement renoncĂ© au projet.

Quant aux mines de diamants, qui ont soutenu la rĂ©gion pendant deux dĂ©cennies, elles sont en fin de parcours. Celle de Diavik, dont les gisements s’épuisent, fermera ses portes en 2026. Celles d’Ekati et de Gahcho KuĂ© devraient maintenir leurs activitĂ©s un certain temps, mais l’« ùge de diamant » de Yellowknife tire Ă  sa fin.

Deux autres Ă©vĂ©nements ont aussi durement frappĂ© la ville. D’abord la pandĂ©mie de COVID-19, qui a grandement fragilisĂ© ses entreprises, y compris celles du florissant secteur du tourisme des aurores borĂ©ales Ă  Yellowknife, qui remplissait normalement les hĂŽtels de visiteurs dĂ©sireux d’admirer les spectaculaires jeux de lumiĂšre du ciel nordique. Certains commerces Ă  vocation touristique, comme les galeries d’art, n’en sont toujours pas complĂštement remis.

Puis Ă  l’étĂ© 2023, toute la ville a Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©e en raison de gigantesques feux de forĂȘt. La nĂ©cessitĂ© de dĂ©placer dans l’urgence plus de 20 000 personnes (dont tous les patients d’un hĂŽpital) dans une rĂ©gion oĂč les capacitĂ©s d’accueil et les moyens de transport Ă©taient limitĂ©s a fait rĂ©aliser Ă  bien des rĂ©sidents le grand isolement de leur vie nordique. Beaucoup ne sont d’ailleurs jamais revenus, et cela se voit : la moitiĂ© des locaux des deux centres commerciaux du centre-ville, sur Franklin Avenue, sont vacants.

Yellowknife a donc sĂ©rieusement besoin d’une nouvelle vague de croissance, qui pourrait bien provenir des minĂ©raux critiques. Les semi-conducteurs, piles Ă  combustibles, batteries et moteurs Ă©lectriques – tous essentiels Ă  l’avenir Ă©nergĂ©tique planĂ©taire – sont fabriquĂ©s Ă  partir de minĂ©raux qui abondent dans les T.N.-O. Des 31 minĂ©raux recensĂ©s dans la StratĂ©gie canadienne sur les minĂ©raux critiques, 23 se trouvent ici en quantitĂ©s « significatives » ou dans des gisements « à fort potentiel de dĂ©veloppement », selon le gouvernement territorial.

Plusieurs mines en sont à différents stades de développement, mais il reste beaucoup à faire avant leur lancement.

Bref, ce nouveau dĂ©bouchĂ© pourrait soit engendrer une quatriĂšme vague sur laquelle Yellowknife – et d’autres communautĂ©s du Nord – pourrait naviguer pendant des gĂ©nĂ©rations, soit crĂ©er des Ă©cueils qui feront sombrer la ville. Les Knifers, comme s’appellent parfois les Yellowknifiens, feront de leur mieux. Tenaces et rĂ©silients, ils trouvent toujours le moyen d’aller de l’avant. Comme l’a dit un rĂ©sident rencontrĂ© lors de notre visite : « Les gens ne s’établissent pas ici faute de mieux, ils font un vĂ©ritable choix de vie. »

Harnacher l’IA gĂ©nĂ©rative : composer avec son impact transformateur sur le marchĂ© de l’emploi canadien

Cette Ă©tude explore l’impact potentiel de l’intelligence artificielle (IA) gĂ©nĂ©rative sur la main-d’Ɠuvre canadienne au cours des cinq prochaines annĂ©es. GrĂące Ă  deux approches novatrices — l’utilisation de ChatGPT pour Ă©valuer le risque d’automatisation de l’IA gĂ©nĂ©rative dans les professions et l’utilisation de la base de donnĂ©es du SystĂšme d’information sur les professions et les compĂ©tences (SIPeC) rĂ©cemment créée — nous analysons comment l’IA gĂ©nĂ©rative pourrait transformer les activitĂ©s professionnelles et les exigences en matiĂšre de compĂ©tences dans diffĂ©rents secteurs et rĂ©gions de l’économie canadienne.

Pour ce faire, nous Ă©valuons la capacitĂ© technique estimĂ©e de l’IA gĂ©nĂ©rative Ă  composer avec les diverses compĂ©tences et activitĂ©s professionnelles associĂ©es Ă  toutes les professions au Canada. Il est important de noter que cela ne tient pas compte de l’ensemble des considĂ©rations qui peuvent entrer en ligne de compte dans la dĂ©cision d’une entreprise d’automatiser un emploi particulier. L’automatisation de certaines professions peut, par exemple, ĂȘtre limitĂ©e par la nĂ©cessitĂ© d’investissements importants, de nouvelles technologies ou de modifications des lois et rĂ©glementations. Toutefois, en se concentrant uniquement sur la faisabilitĂ© technique en lien avec l’IA gĂ©nĂ©rative, nos estimations peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour anticiper un spectre plus large de risques et d’opportunitĂ©s.

Notre analyse rĂ©vĂšle trois tendances significatives qui ont des implications importantes pour l’amĂ©lioration de la productivitĂ© et le dĂ©veloppement de la main-d’Ɠuvre. D’abord, l’impact de l’IA varie considĂ©rablement selon les diffĂ©rents types de compĂ©tences et d’activitĂ©s professionnelles, les tĂąches de bureau et de traitement des donnĂ©es prĂ©sentant le risque d’automatisation le plus Ă©levĂ©. Les compĂ©tences impliquant les interactions interpersonnelles et sociales et l’enseignement sont nettement moins vulnĂ©rables.

Ensuite, plutĂŽt que d’éliminer des professions entiĂšres, l’IA gĂ©nĂ©rative est plus susceptible de transformer la nature des tĂąches au sein d’une activitĂ© professionnelle donnĂ©e. C’est ce qu’indiquent nos rĂ©sultats, qui montrent qu’une liste de professions reprĂ©sentant 50 % de l’emploi total au Canada prĂ©sente un risque d’automatisation modĂ©rĂ© du fait de l’IA gĂ©nĂ©rative, ce qui laisse supposer une automatisation partielle plutĂŽt que complĂšte.

Enfin, il existe d’importantes variations entre les industries et les rĂ©gions, en fonction du type et du nombre de professions prĂ©sentes. Des secteurs comme le transport et l’entreposage affichent la plus forte proportion de professions Ă  risque (56,4 %), tandis que d’autres, comme les services Ă©ducatifs, font preuve d’une plus grande rĂ©silience (3,1 %). Ces diffĂ©rences sont plus prononcĂ©es dans certaines rĂ©gions, comme le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest, oĂč les secteurs de la fabrication, de l’exploitation miniĂšre et des transports affichent des parts plus Ă©levĂ©es d’emplois Ă  risque que dans le reste du pays.

Le risque d’automatisation varie Ă©galement d’une rĂ©gion Ă  l’autre lorsqu’on examine les types de professions qui sont actuellement en forte demande. En Ontario et au Manitoba, par exemple, les professions en demande prĂ©sentent un risque moyen d’automatisation liĂ© Ă  l’IA gĂ©nĂ©rative plus Ă©levĂ© qu’à l’Île-du-Prince-Édouard et Ă  Terre-Neuve-et-Labrador.

Ces rĂ©sultats ont d’importantes implications pour les dĂ©cideurs politiques et les chefs d’entreprise qui cherchent Ă  tirer parti de l’IA gĂ©nĂ©rative pour accroĂźtre la productivitĂ©. Principalement, les variations gĂ©ographiques et sectorielles suggĂšrent la nĂ©cessitĂ© d’approches ciblĂ©es pour le dĂ©veloppement de la main-d’Ɠuvre et l’adoption de l’IA, et la rĂ©alisation des avantages de l’IA gĂ©nĂ©rative en termes de productivitĂ© nĂ©cessitera de relever d’importants dĂ©fis de mise en Ɠuvre, en particulier pour dĂ©velopper les compĂ©tences nĂ©cessaires de la main-d’Ɠuvre.

L’IA gĂ©nĂ©rative pourrait contribuer Ă  relever les dĂ©fis du Canada en matiĂšre de productivitĂ©, mais la capture de ces gains nĂ©cessite une approche coordonnĂ©e du dĂ©veloppement de l’infrastructure et de la prĂ©paration de la main-d’Ɠuvre. Nos rĂ©sultats suggĂšrent que les initiatives d’amĂ©lioration des compĂ©tences et de formation devraient donner la prioritĂ© au dĂ©veloppement de compĂ©tences complĂ©mentaires — les compĂ©tences qui prĂ©sentent un faible risque d’automatisation mais une valeur Ă©levĂ©e dans un milieu de travail qui fait usage de l’IA. Il s’agit notamment des compĂ©tences sociales, managĂ©riales et de leadership qui, selon notre analyse, sont les moins menacĂ©es par l’automatisation due Ă  l’IA gĂ©nĂ©rative. Cette Ă©tude contribue donc Ă  la comprĂ©hension de la maniĂšre dont l’IA gĂ©nĂ©rative peut ĂȘtre dĂ©ployĂ©e pour stimuler la productivitĂ© canadienne tout en soutenant une adaptation plus large de la main-d’Ɠuvre.

Big Innovation in Small Places: Southeast Saskatchewan Demonstrates How Rural Innovators Can Lead Canada’s Economic Transformation

Ce Commentaire IRPP soutient que la voie vers une innovation et une productivitĂ© accrue passe par les communautĂ©s rurales, dont il est grand temps que les gouvernements fĂ©dĂ©ral et provinciaux reconnaissent le potentiel. Son auteur, Gordon More, directeur du Southeast Techhub (SETH) d’Estevan en Saskatchewan, y explique comment les rĂ©gions rurales peuvent devenir des moteurs d’innovation si les gouvernements y soutiennent les modĂšles de conception locale et s’ils collaborent avec les leaders locaux selon leurs propres termes. L’auteur exhorte les gouvernements Ă  aller au-delĂ  des projets pilotes et Ă  fournir plutĂŽt un soutien prolongĂ© et flexible qui fonctionne en accord avec les connaissances et l’expertise locales.

Kitimat et village de Kitamaat : De grands rĂȘves au pays des Haislas

À la tĂȘte du chenal Douglas, sur la cĂŽte nord-ouest de la Colombie-Britannique, s’étend le territoire ancestral de la nation Haisla, dont le mode de vie a toujours reposĂ© sur la terre, la mer et la pĂȘche.

L’arrivĂ©e des colons europĂ©ens y avait marquĂ© le dĂ©but d’une pĂ©riode de maladies, d’oppression et de discrimination dont les Haislas ne sont pas encore complĂštement remis. Mais, ils ont repris leur destin en main, portĂ©s par des rĂȘves plus ambitieux que ce que l’on croyait rĂ©alisable.

Englobant la municipalitĂ© de Kitimat et le village de Kitamaat de la nation Haisla, la rĂ©gion attire des projets industriels de grande envergure depuis plusieurs dĂ©cennies grĂące Ă  son port en eau profonde qui permet d’accĂ©der aux marchĂ©s internationaux.

Elle forme un pĂŽle de dĂ©veloppement industriel depuis qu’Alcan y a ouvert une aluminerie et une installation hydroĂ©lectrique au dĂ©but des annĂ©es 1950. Plus rĂ©cemment, LNG Canada, menĂ© par un consortium d’entreprises, a construit une installation de traitement et d’exportation de gaz naturel liquĂ©fiĂ© (GNL) de 40 milliards $ aux portes de la nation Haisla.

Historiquement, les Haislas ont peu profitĂ© de cet essor industriel, qui leur a surtout portĂ© prĂ©judice. Les choses ont changĂ© depuis qu’ils ont nĂ©gociĂ© une part du gaz naturel du gazoduc Coastal GasLink qui alimente le terminal de LNG Canada, puis lancĂ© leur propre projet de GNL. La construction de Cedar LNG, une installation flottante de traitement du GNL majoritairement dĂ©tenue par les Haislas, devrait s’achever fin 2028, trois ans aprĂšs le projet de LNG Canada.

À l’heure oĂč le Canada est confrontĂ© au bouleversement de ses liens commerciaux avec les États-Unis, la possibilitĂ© d’accĂ©der aux marchĂ©s asiatiques depuis Kitimat suscite de plus en plus d’intĂ©rĂȘt. On a mĂȘme proposĂ© d’y reprendre l’exportation du pĂ©trole, mais les Haislas et certains rĂ©sidents ont prĂ©venu qu’ils s’opposeraient Ă  une telle dĂ©cision.

La nation Haisla a apportĂ© son soutien Ă  l’industrie florissante du GNL parce qu’elle dĂ©place vers l’Asie l’énergie au charbon et favorise ainsi la rĂ©duction des Ă©missions mondiales de gaz Ă  effet de serre (GES). Ailleurs dans la communautĂ© et la province, d’autres soutiennent que les nouveaux projets feront plutĂŽt obstacle Ă  la rĂ©alisation des objectifs climatiques.

Quoi qu’il en soit, la rĂ©ussite de ces grands projets montre qu’on peut accomplir de grandes choses au Canada tout en assurant des avantages durables aux peuples autochtones et en limitant les dommages Ă©cologiques. Mais ce fragile Ă©quilibre pourrait ĂȘtre Ă©branlĂ© par une croissance plus importante. Certains craignent en outre que ce regain d’activitĂ© industrielle n’accentue la dĂ©pendance de Kitimat Ă  l’égard d’une Ă©conomie en dents de scie.

Le Cap-Breton: Quand une région charbonniÚre se tourne vers les énergies renouvelables

La sinueuse Cabot Trail, qui dĂ©ploie ses 300 kilomĂštres autour du littoral escarpĂ© de la pointe nord de l’üle du Cap-Breton, offre des vues imprenables sur de verdoyantes collines, des falaises abruptes et l’immensitĂ© de l’ocĂ©an Atlantique. D’abord appelĂ©e Unama’ki par les Micmacs, l’üle a connu au fil des dĂ©cennies de grands bouleversements provoquĂ©s par le dĂ©clin des industries dont elle dĂ©pendait : l’acier, la pĂȘche Ă  la morue et, surtout, le charbon.

Longtemps synonyme d’exploitation charbonniĂšre, la rĂ©gion semble Ă  l’orĂ©e d’un autre grand tournant depuis que la Nouvelle-Écosse s’est engagĂ©e Ă  Ă©liminer ses centrales au charbon d’ici Ă  2030 et Ă  produire 80 % de son Ă©lectricitĂ© Ă  partir de sources d’énergie renouvelable.

Le charbon sert encore Ă  produire environ 40 % de l’électricitĂ© de la province, y compris dans trois centrales de l’üle du Cap-Breton.

Dans le cadre de sa transition Ă©nergĂ©tique, le gouvernement nĂ©o-Ă©cossais a annoncĂ© son intention de stimuler le dĂ©veloppement d’énergies propres, dont l’éolien en mer. Une Ă©valuation du potentiel de l’éolien extracĂŽtier a permis d’identifier plusieurs zones favorables, dont l’une au large de la cĂŽte nord-est du Cap-Breton. S’il se concrĂ©tise, ce projet pourrait donner le coup d’envoi Ă  une toute nouvelle industrie dans la rĂ©gion et au dĂ©veloppement d’autres carburants Ă  faible teneur en carbone, notamment l’hydrogĂšne vert.

Les communautĂ©s des PremiĂšres Nations du Cap-Breton, autrefois exclues des grands projets de dĂ©veloppement, sont partenaires actionnaires de plusieurs initiatives d’énergie propre et devraient apporter une solide contribution Ă  ce secteur en expansion.

De plus, la population de la rĂ©gion semble augmenter aprĂšs des dĂ©cennies de recul, surtout grĂące Ă  l’afflux d’étudiants Ă©trangers qui lui offrent une nouvelle vitalitĂ©.

Mais les dĂ©fis sont nombreux. Les projets d’éolien en mer et d’hydrogĂšne vert nĂ©cessitent d’importants investissements, et l’on ignore dans quelle mesure ils seront touchĂ©s par la dĂ©cision du prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump de suspendre tout nouveau projet d’éolien extracĂŽtier aux États-Unis.

MalgrĂ© son potentiel, le Cap-Breton reste toutefois l’une des rĂ©gions les plus pauvres du Canada, comme en tĂ©moignent ses taux de chĂŽmage et de pauvretĂ© infantile supĂ©rieurs Ă  la moyenne nationale.

Ses habitants sont aussi conscients que la transition nĂ©cessitera un changement de mentalitĂ©. Mais la plupart considĂšrent les Ă©nergies renouvelables comme une occasion Ă  saisir plutĂŽt qu’une menace Ă  leur mode de vie.

Mesurer l’exposition de la main-d’Ɠuvre des communautĂ©s face aux exportations amĂ©ricaines

Dans le cadre du projet Transformations communautaires de l’IRPP, nous avons beaucoup rĂ©flĂ©chi Ă  la maniĂšre dont les chocs externes peuvent affecter de maniĂšre disproportionnĂ©e la main-d’Ɠuvre locale. MĂȘme lorsque le choc semble gĂ©rable au niveau national, il peut perturber considĂ©rablement l’activitĂ© Ă©conomique dans certaines communautĂ©s Ă  travers le pays, avec des consĂ©quences sociales et Ă©conomiques potentiellement durables.

Notre travail s’est largement concentrĂ© sur le potentiel de perturbation de la main-d’Ɠuvre liĂ© aux efforts mondiaux et nationaux de rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre. À l’aide d’une nouvelle mĂ©thodologie et d’une carte interactive, nous avons identifiĂ© les communautĂ©s oĂč une grande partie de la main-d’Ɠuvre est employĂ©e dans les secteurs ou les industries les plus susceptibles d’ĂȘtre affectĂ©s par la transition Ă©nergĂ©tique mondiale. Nous publions Ă©galement une sĂ©rie de profils de communautĂ©s et de notes d’information qui contiennent des recommandations Ă  l’intention des gouvernements.

Nous avons focalisĂ© notre analyse au niveau communautaire parce que le risque de perturbation de la main-d’Ɠuvre est le plus Ă©levĂ© dans les zones Ă  forte concentration d’emplois dans certains secteurs prĂ©cis. Dans ces communautĂ©s, ce ne sont pas seulement les travailleurs directement employĂ©s par les entreprises touchĂ©es qui sont confrontĂ©s Ă  des perturbations. Cela peut affecter tout le monde, des fournisseurs locaux aux restaurants.

Avec l’émergence d’une guerre commerciale de plus en plus intense avec notre principal partenaire commercial, nous avons adaptĂ© notre mĂ©thodologie afin d’examiner le niveau d’exposition des communautĂ©s aux perturbations de la main-d’Ɠuvre causĂ©es par les tarifs douaniers. Les droits de douane amĂ©ricains pourraient avoir un impact significatif sur les travailleurs des communautĂ©s dont une grande partie des emplois se trouve dans des secteurs dĂ©pendant des exportations vers les États-Unis.

Alors que l’incertitude plane sur les niveaux tarifaires et les produits auxquels ils pourraient s’appliquer, nos tableaux de bord permettent aux utilisateurs d’identifier les communautĂ©s oĂč l’emploi est concentrĂ© dans les secteurs ciblĂ©s. Les gouvernements peuvent utiliser ces informations pour Ă©laborer des programmes visant Ă  attĂ©nuer les effets des droits de douane et Ă  aider les communautĂ©s Ă  diversifier leur Ă©conomie et Ă  rĂ©duire leur niveau d’exposition.

L’analyse

Les deux tableaux de bord ci-dessous prĂ©sentent les rĂ©sultats de notre analyse. Nous avons utilisĂ© les divisions de recensement comme substitut aux communautĂ©s. L’exposition de la main-d’Ɠuvre aux exportations amĂ©ricaines correspond au niveau moyen d’exposition industrielle d’une communautĂ©, pondĂ©rĂ© en fonction de la part de l’emploi dans chaque industrie. L’exposition industrielle est Ă©gale Ă  la valeur des exportations amĂ©ricaines d’une industrie en tant que part de la production en 2021 des industries exportatrices de biens. Les industries qui n’exportent aucuns biens vers les États-Unis se voient attribuer la valeur 0 dans notre Ă©chelle de mesure. Les donnĂ©es sur l’emploi proviennent du recensement de 2021 (tableau 98-10-0592-01) et les donnĂ©es sur l’industrie proviennent des tableaux des ressources et des emplois (tableaux 12-10-0100-01 et 36-10-0488-01).

Pourquoi utiliser des figures interactives ? Le Canada compte 293 divisions de recensement et la plupart d’entre elles emploient au moins un travailleur dans plus de 10 industries exportatrices de biens. Les tableaux de bord sont le moyen le plus simple d’explorer et de transmettre nos conclusions. L’incertitude quant aux produits qui seront touchĂ©s et Ă  l’ampleur de l’impact favorise Ă©galement l’utilisation d’outils plus souples.

Quelques mises en garde

Bon nombre des mises en garde dĂ©crites dans notre mĂ©thodologie pour mesurer le niveau d’exposition des communautĂ©s aux perturbations de la main-d’Ɠuvre s’appliquent Ă©galement ici. Notre mesure de l’exposition industrielle est basĂ©e sur des moyennes nationales, qui ne reflĂštent pas nĂ©cessairement le commerce rĂ©el dans les divisions de recensement. Certaines communautĂ©s peuvent avoir beaucoup d’emplois dans des industries trĂšs exposĂ©es au niveau national, mais ces mĂȘmes industries peuvent ne pas ĂȘtre aussi exposĂ©es au niveau local.

Les donnĂ©es de recensement ont Ă©galement leurs limites. Certaines divisions de recensement sont trop vastes et ses communautĂ©s trop clairsemĂ©es pour constituer de bons indicateurs des communautĂ©s, et les chiffres de l’emploi pour certaines industries ne sont pas disponibles sous forme dĂ©sagrĂ©gĂ©e (comme la production vĂ©gĂ©tale et animale).

Tableau de bord 1 : Carte de l’exposition de la main-d’Ɠuvre aux exportations amĂ©ricaines par division de recensement

Ce tableau de bord prĂ©sente une carte des provinces et territoires canadiens par divisions de recensement, colorĂ©e en fonction de l’exposition estimĂ©e de leur main-d’Ɠuvre aux exportations amĂ©ricaines en 2021. En cliquant sur les noms des provinces ou des territoires Ă  droite, vous filtrerez l’affichage (en maintenant la touche Ctrl enfoncĂ©e, vous pourrez en choisir plusieurs). Le diagramme Ă  barres situĂ© Ă  cĂŽtĂ© indique la part de la main-d’Ɠuvre totale vivant dans les divisions de recensement dans les six niveaux d’exposition.

Le tableau sous la carte rĂ©pertorie toutes les divisions de recensement de la province ou du territoire sĂ©lectionnĂ©, classĂ©es en fonction de l’exposition de la main-d’Ɠuvre aux exportations amĂ©ricaines. Pour en savoir plus sur une division de recensement, cliquez dessus sur la carte et le tableau s’agrandira pour montrer les quatre principales industries contribuant au niveau d’exposition de la main-d’Ɠuvre de la division de recensement. Vous pouvez afficher le tableau de bord en plein Ă©cran en cliquant sur le bouton situĂ© dans le coin infĂ©rieur droit, Ă  gauche de « Partager ».

 

Tableau de bord 2. Ventilation de l’exposition de la main-d’Ɠuvre aux exportations amĂ©ricaines par division de recensement

Ce tableau de bord prĂ©sente les 293 divisions de recensement du Canada Ă  partir du mĂȘme ensemble de donnĂ©es.

Chaque tuile reprĂ©sente une division de recensement. Sa taille est dĂ©terminĂ©e par la mesure sĂ©lectionnĂ©e. Par dĂ©faut, l’exposition de la main-d’Ɠuvre aux exportations amĂ©ricaines est affichĂ©e, mais les utilisateurs peuvent Ă©galement choisir de classer les donnĂ©es en fonction du nombre de travailleurs ou de la part de la main-d’Ɠuvre locale.

Les utilisateurs peuvent se concentrer sur des industries ou des groupes d’industries prĂ©cis en cliquant sur leur nom. Les industries ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es en raison d’une combinaison d’exposition Ă©levĂ©e et de grandes concentrations d’emploi dans les divisions de recensement. Les principales industries sont toutes les industries exportatrices de biens pour lesquelles les exportations amĂ©ricaines reprĂ©sentaient plus de 40 % de la production en 2021.

Cliquez sur une division de recensement (tuile) pour en savoir plus. Recherchez une division de recensement sur la carte en utilisant la barre de recherche en bas à droite. Vous pouvez afficher le tableau de bord en plein écran en cliquant sur le bouton situé dans le coin inférieur droit, à gauche de « Partager ».

 

Encadré 1. Trouver votre communauté

Toutes les divisions de recensement sont identifiĂ©es par un nombre Ă  quatre chiffres appelĂ© DRIDU. Vous pouvez utiliser l’outil ci-dessous pour trouver le DRIDU de votre division de recensement. Consultez l’outil GĂ©oRecherche de Statistique Canada pour plus d’information.

 

Téléchargez les données qui ont servi à créer ces tableaux de bord.

Plus d’Ɠufs dans plus de paniers : Il faut rĂ©duire la vulnĂ©rabilitĂ© canadienne face aux tarifs amĂ©ricains, Ă  commencer dans les communautĂ©s les plus affectĂ©es

Le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump pensait peut-ĂȘtre que les droits de douane pousseraient le Canada vers une plus grande intĂ©gration avec les États-Unis, mais ils ont fait le contraire. Les Canadiens Ă©vitent les produits amĂ©ricains, annulent leurs vacances et vendent mĂȘme leurs propriĂ©tĂ©s dans le sud.

MalgrĂ© des objectifs en constante mutation, les promesses non tenues et les menaces Ă  la souverainetĂ© du Canada, certains gardent encore espoir de pouvoir nĂ©gocier avec l’administration Trump.

D’autres sont convaincus que le Canada peut obtenir des concessions en ripostant par des contre-tarifs et d’autres mesures punitives, mĂȘme s’il est difficile d’avoir un impact significatif sur une Ă©conomie plus de dix fois supĂ©rieure Ă  la nĂŽtre.

Le Canada n’est peut-ĂȘtre pas en mesure de contrĂŽler ce que font les États-Unis, mais nous pouvons commencer Ă  faire le travail nĂ©cessaire pour rĂ©duire l’influence Ă©conomique qu’ils exercent sur nous. S’il est vrai que l’achat de produits canadiens peut ĂȘtre utile, notre marchĂ© intĂ©rieur n’est pas assez grand pour soutenir notre Ă©conomie. Il est essentiel de diversifier tant la nature de nos exportations que les pays auxquels elles sont destinĂ©es.

Ce ne sera pas facile. Tout particuliÚrement pour les membres des communautés les plus touchées par les droits de douane.

Les gouvernements peuvent aider ces communautĂ©s Ă  surmonter les impacts Ă  court terme tout en s’efforçant de simultanĂ©ment rĂ©orienter les Ă©conomies locales et renforcer la rĂ©silience nationale.

LES CANADIENS : ENFIN ASSEZ DÉTERMINÉS POUR SE DIVERSIFIER ?

Les Canadiens se sentent trahis par un pays oĂč se trouvent, pour beaucoup d’entre eux, familles, amis et collĂšgues. Le Canada a signĂ© de multiples accords de libre-Ă©change avec les États-Unis en toute bonne foi, permettant aux entreprises privĂ©es des deux cĂŽtĂ©s de la frontiĂšre de rĂ©aliser des transactions mutuellement bĂ©nĂ©fiques. La situation actuelle semble Ă©galement diffĂ©rente des conflits commerciaux prĂ©cĂ©dents, puisque le prĂ©sident Trump porte ouvertement atteinte Ă  notre souverainetĂ©.

La plupart des Canadiens ne veulent pas ĂȘtre AmĂ©ricains et sont prĂȘts Ă  tout pour dĂ©fendre leur souverainetĂ©.

Il sera essentiel de rĂ©duire l’influence Ă©conomique que les États-Unis exercent sur nous. Nous avons mis la plupart de nos Ɠufs dans le mĂȘme panier avec le libre-Ă©change amĂ©ricain, en attendant de notre alliĂ© de longue date qu’il respecte sa part du contrat.

Puisque nous ne pouvons plus compter sur les AmĂ©ricains, nous devons trouver d’autres Ɠufs et d’autres paniers. MĂȘme si les États-Unis abandonnaient demain leurs menaces tarifaires, nous ne pouvons plus refermer les yeux sur les risques dĂ©couverts. PrĂ©server la souverainetĂ© du Canada, c’est travailler avec le secteur privĂ© pour rĂ©duire notre dĂ©pendance Ă  l’égard de notre voisin.

Mais diversifier ses exportations est aussi difficile que lutter contre la gravité. Nous vivons à un jet de pierre de la plus grande économie du monde et y vendre nos biens a été facile, pratique et lucratif.

À court terme, l’économie de notre pays risque de rĂ©trĂ©cir et le niveau de vie des Canadiens pourrait connaĂźtre un dĂ©clin. Mais Ă  moyen et long terme, en changeant Ă  la fois ce que nous produisons et pour qui nous le produisons, notre Ă©conomie et notre pays en tant que tel pourraient s’en trouver plus forts et plus rĂ©silients.

Une figure montre les principaux pays destinataires des exportations canadiennes en 2024. Les États-Unis reprĂ©sentaient 76 % des exportations canadiennes cette annĂ©e-lĂ .

Pour rĂ©duire l’influence des États-Unis sur le Canada, nous devons augmenter les exportations vers d’autres marchĂ©s

Le Canada a vendu pour 547 milliards de dollars de marchandises aux États-Unis en 2024 (voir figure 1). La mĂȘme annĂ©e, nous avons vendu pour 173 milliards de dollars Ă  d’autres pays. Cela signifie que 76 % des exportations de biens du Canada sont destinĂ©es aux États-Unis. Le Canada devra fournir un effort considĂ©rable pour rééquilibrer la situation et ainsi se dĂ©faire de l’effet de levier que les États-Unis exercent sur lui.

Le pĂ©trole et le gaz, les vĂ©hicules et les piĂšces automobiles constituent nos principales exportations vers les États-Unis (voir figure 2). Elles contribuent significativement au PIB et Ă  l’emploi au Canada. En 2022, 74 % du pĂ©trole et du gaz produits et 54 % du matĂ©riel de transport fabriquĂ© au pays Ă©taient destinĂ©s Ă  notre voisin du sud.

Le Canada a dĂ©jĂ  fait un grand pas vers l’exportation de son pĂ©trole et de son gaz vers d’autres marchĂ©s avec l’ouverture en 2024 de l’olĂ©oduc agrandi Trans Mountain, ou TMX, qui va de l’Alberta Ă  la cĂŽte ouest, et du gazoduc Coastal GasLink qui va du nord-est de la Colombie-Britannique Ă  l’installation LNG Canada de Kitimat, qui devrait commencer ses exportations en 2025. Cependant, la capacitĂ© maximale du TMX ne reprĂ©sente qu’environ 18 % de la production canadienne de pĂ©trole brut de novembre 2024. Elle pourrait atteindre 23 % si des modifications sont apportĂ©es, telles que l’ajout de stations de pompage. Il est Ă©galement possible de construire un tronçon nord de l’olĂ©oduc TMX pour acheminer le pĂ©trole jusqu’à Kitimat, mais une farouche opposition Ă  la prĂ©sence de pĂ©troliers dans le canal Douglas reste probable. L’installation de LNG Canada aura la capacitĂ© de traiter environ 11 % de la production de gaz naturel du pays. Plusieurs autres installations de gaz naturel liquĂ©fiĂ© sont prĂ©vues, ce qui pourrait accroĂźtre considĂ©rablement la capacitĂ© du Canada Ă  exporter vers des marchĂ©s autres que les États-Unis.

Une figure montre les principaux produits que le Canada a exportĂ©s vers les États-Unis et les importations correspondantes de ces produits des États-Unis vers le Canada en 2024. Le Canada a exportĂ© pour 596 milliards de dollars de produits et en a importĂ© pour 376 milliards.

Il est plus difficile d’orienter la construction automobile vers des marchĂ©s non amĂ©ricains, Ă©tant donnĂ© l’intĂ©gration Ă©troite des secteurs canadien et amĂ©ricain. Toutefois, les fournisseurs de piĂšces automobiles, tels que Magna International, Linamar et Martinrea International, pourraient Ă©ventuellement accroĂźtre leurs exportations vers d’autres marchĂ©s.

LE CANADA A BESOIN D’UNE DIVERSITÉ DE MARCHÉS ET DE PRODUITS

Vendre nos principales sources d’exportation Ă  d’autres pays ne suffira pas Ă  amĂ©liorer notre rĂ©silience, car les secteurs du pĂ©trole, du gaz naturel et de l’automobile sont Ă©galement exposĂ©s aux perturbations du marchĂ© mondial. Par exemple, le Canada pourrait construire de multiples olĂ©oducs vers ses cĂŽtes est et ouest, pour ensuite ĂȘtre confrontĂ© Ă  une baisse de la demande mondiale de pĂ©trole Ă  mesure que la Chine, l’Europe et d’autres pays adoptent le transport Ă©lectrique et l’énergie propre. Les technologies des batteries des vĂ©hicules Ă©lectriques sont Ă©galement en constante Ă©volution, ce qui pourrait perturber les usines de fabrication de batteries lithium-ion. Pour ĂȘtre rĂ©silient, le Canada devra diversifier Ă  la fois ses clients et les produits qu’il vend.

Une analyse rĂ©alisĂ©e en 2021 par Exportation et dĂ©veloppement Canada donne des indications utiles sur les possibilitĂ©s de choix des destinataires de nos ventes. Cette analyse a identifiĂ© d’importantes possibilitĂ©s d’exportation pour le Canada, en supposant que les risques politiques, les accords de libre-Ă©change et la proximitĂ© culturelle restent inchangĂ©s (ce qui n’est Ă©videmment plus le cas). L’ensemble des dĂ©bouchĂ©s non amĂ©ricains identifiĂ©s par Exportation et dĂ©veloppement Canada reprĂ©senterait moins d’un tiers de la valeur des exportations canadiennes actuelles vers les États-Unis (voir figure 3). NĂ©anmoins, en saisissant ces occasions, le Canada pourrait doubler ses exportations vers les marchĂ©s non amĂ©ricains. Mais il y a aussi des considĂ©rations gĂ©opolitiques sur les marchĂ©s non amĂ©ricains, la Chine et l’Inde reprĂ©sentant certains des plus grands dĂ©bouchĂ©s.

Le potentiel pourrait ĂȘtre plus important si le Canada diversifiait et Ă©largissait les biens qu’il produit. Les marchĂ©s dont la croissance est plus certaine au cours du siĂšcle Ă  venir pourraient constituer de bons paris. Il s’agit notamment des minĂ©raux essentiels, des matĂ©riaux pour batteries, de l’agriculture et de l’agroalimentaire, de l’uranium et de la potasse.

Une carte montre les possibilitĂ©s d'exportation de biens et de services canadiens dĂ©terminĂ©es par Exportation et dĂ©veloppement Canada, par continent. Les principaux partenaires commerciaux identifiĂ©s sont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France, l'Inde, la Chine et l'Australie. La carte met Ă©galement en Ă©vidence les marchĂ©s potentiels en AmĂ©rique du Sud, en Afrique et en Asie.

Il y a également fort à parier que les dépenses mondiales en matiÚre de défense augmenteront, y compris au Canada. Les entreprises canadiennes pourraient saisir certaines de ces opportunités, qui débouchent souvent sur des applications civiles.

La technologie est un autre domaine oĂč il est possible de mieux saisir les opportunitĂ©s du marchĂ© mondial, notamment dans les technologies propres, la biotechnologie et l’intelligence artificielle.

Il ne faut pas non plus oublier le potentiel de croissance des exportations de services, domaine dans lequel le Canada s’est davantage diversifiĂ© au cours de la derniĂšre dĂ©cennie.

ACHETER CANADIEN ÇA AIDE, MAIS ÇA A SES LIMITES

Le Canada est la dixiĂšme Ă©conomie mondiale, mais se classe au 37e rang en termes de population. Nous ne pourrons pas maintenir notre niveau de vie si nous ne mettons pas l’accent sur les exportations. Cela signifie qu’il est dans notre intĂ©rĂȘt de dĂ©fendre un commerce sans entraves et fondĂ© sur des rĂšgles dans le monde entier. Les accords commerciaux s’accompagnent d’un accord : chaque pays bĂ©nĂ©ficie d’une rĂ©duction des barriĂšres commerciales et d’un accĂšs accru au marchĂ© de l’autre. Lorsque les Canadiens sont ouverts Ă  l’achat de produits internationaux, notre marchĂ© est plus attrayant pour les accords commerciaux. Nous ne voulons pas que cela change.

Par exemple, le Canada est sur le point de conclure un accord commercial global avec l’Union europĂ©enne qui offre un Ă©norme potentiel Ă©conomique. Avec la mise en Ɠuvre provisoire de l’accord en 2017, les exportations canadiennes vers l’Europe ont augmentĂ© de 31 % entre 2016 et 2023. Nos importations en provenance de l’Europe ont augmentĂ© de 56 % au cours de la mĂȘme pĂ©riode. Dix pays de l’Union europĂ©enne, dont la France et l’Italie, doivent encore ratifier l’accord. Une forte demande canadienne pour leurs produits pourrait contribuer Ă  sceller l’accord.

Lorsqu’un pays, comme les États-Unis, menace de violer les accords commerciaux existants, il peut ĂȘtre possible de bĂ©nĂ©ficier d’un sentiment d’achat canadien pour dĂ©tourner la consommation des importations amĂ©ricaines vers des produits de substitution canadiens. Ce sentiment pourrait ĂȘtre particuliĂšrement utile aux entreprises canadiennes qui perdent des marchĂ©s Ă  cause des droits de douane. L’impact le plus important proviendrait des gouvernements et des grandes entreprises qui changent de fournisseurs, mais les consommateurs individuels peuvent aussi avoir un impact collectif en changeant leurs habitudes d’achats de nourriture, d’alcool et de produits mĂ©nagers.

Bien entendu, il serait beaucoup plus facile d’acheter canadien si nous accĂ©lĂ©rions la rĂ©duction des barriĂšres commerciales interprovinciales. Selon un rapport du Fonds monĂ©taire international de 2019, les barriĂšres commerciales internes du Canada Ă©quivalent Ă  des droits de douane d’environ 21 %. L’Accord de libre-Ă©change canadien, lancĂ© en 2017, a Ă©tabli plusieurs domaines Ă  aborder, notamment la mobilitĂ© de la main-d’Ɠuvre, les marchĂ©s publics, la conciliation et la coopĂ©ration en matiĂšre de rĂ©glementation et le commerce des boissons alcoolisĂ©es. Il y a eu quelques succĂšs notables, comme l’Accord de conciliation sur les normes d’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique pour les appareils Ă©lectromĂ©nagers, mais les progrĂšs dans d’autres domaines, comme celui des boissons alcoolisĂ©es, ont Ă©tĂ© lents.

Suite Ă  la menace des droits de douane amĂ©ricains, Anita Anand, la ministre fĂ©dĂ©rale responsable du commerce intĂ©rieur, a promis d’accĂ©lĂ©rer la suppression des barriĂšres commerciales internes et a rĂ©cemment annoncĂ© la suppression de prĂšs de la moitiĂ© des exceptions fĂ©dĂ©rales restantes Ă  l’Accord sur le commerce intĂ©rieur.

Acheter canadien peut aider et le fera certainement, mais nous ne devons pas perdre de vue l’importance stratĂ©gique de liens commerciaux solides avec des pays du monde entier.

LA RÉORIENTATION DU COMMERCE SERA PLUS DIFFICILE POUR CERTAINES COMMUNAUTÉS

Les recherches menĂ©es par l’IRPP dans le cadre de son projet Transformations communautaires montrent qu’il est important de penser non seulement aux entreprises concernĂ©es et Ă  leurs travailleurs, mais aussi aux communautĂ©s.

Les communautĂ©s oĂč l’emploi est fortement concentrĂ© dans un seul secteur peuvent subir des consĂ©quences importantes lorsqu’un employeur majeur est en difficultĂ©. Il peut y avoir des licenciements, des annulations de contrats pour les fournisseurs et une baisse des dĂ©penses dans les restaurants et les entreprises locales. Les administrations municipales peuvent Ă©galement Ă©prouver des difficultĂ©s si les recettes fiscales diminuent considĂ©rablement, et les prestataires de services Ă  but non lucratif peuvent voir leurs dons diminuer alors qu’ils connaissent une augmentation de la demande de leurs services. Les prix de l’immobilier peuvent Ă©galement chuter et les familles peuvent avoir donc plus de difficultĂ©s Ă  dĂ©mĂ©nager.

Les consĂ©quences pour les membres de ces communautĂ©s ne sont pas seulement Ă©conomiques. Les familles peuvent Ă©galement ĂȘtre confrontĂ©es Ă  un stress financier et psychologique important.

Cela signifie que tout plan visant à réorienter les liens commerciaux du Canada doit intégrer une série de mesures de soutien communautaire couvrant les besoins économiques, financiers et sociaux.

PlutĂŽt que d’examiner les implications de propositions tarifaires spĂ©cifiques, qui sont toujours en cours, nous examinons le niveau d’exposition des communautĂ©s aux tarifs amĂ©ricains en utilisant une approche similaire Ă  notre analyse du niveau d’exposition Ă  la transition Ă©nergĂ©tique. Nous sĂ©lectionnons les secteurs dont les exportations vers les États-Unis sont importantes et nous identifions les communautĂ©s (ou divisions de recensement) dont plus de 5 % de la main-d’Ɠuvre est employĂ©e dans ces secteurs (voir figure 4).

Par exemple, les communautĂ©s ayant de fortes concentrations d’emploi dans la production de pĂ©trole et de gaz comprennent Fort McMurray et Cold Lake en Alberta et Fort Nelson en Colombie-Britannique. Les communautĂ©s ayant de fortes concentrations d’emploi dans la fabrication automobile comprennent Ingersoll et Windsor en Ontario. Sault Ste. Marie, en Ontario, et Sept-Îles, au QuĂ©bec, ont respectivement de fortes concentrations d’emplois dans les secteurs de l’acier et de l’aluminium. Ces secteurs pourraient ĂȘtre confrontĂ©s Ă  des droits de douane pouvant atteindre 50 %.

L'encadré comprend une liste des tarifs douaniers potentiels menacés par le président américain Trump sur les produits canadiens à partir du 24 février 2025.

Un graphique montre les divisions de recensement canadiennes ayant de fortes concentrations d'emploi dans trois secteurs susceptibles d'ĂȘtre touchĂ©s par les Ă©ventuels tarifs douaniers amĂ©ricains : la fabrication de mĂ©taux de premiĂšre fusion, la fabrication de vĂ©hicules Ă  moteur et l'extraction de pĂ©trole et de gaz. Les communautĂ©s ayant de fortes concentrations d'emploi dans le secteur de l'acier et de l'aluminium comprennent Sault Ste. Marie, en Ontario, et Sept-Îles, au QuĂ©bec. Les communautĂ©s ayant de fortes concentrations d'emploi dans la fabrication d'automobiles sont Ingersoll et Windsor en Ontario. Les divisions de recensement ayant de fortes concentrations d'emploi dans la production de pĂ©trole et de gaz comprennent Fort McMurray et Cold Lake en Alberta, et Fort Nelson en Colombie-Britannique.

Si l’administration Trump a proposĂ© des droits de douane de 10 % sur l’énergie et les minerais, soit moins que les 25 % qu’il a menacĂ© d’imposer aux produits manufacturĂ©s, rien ne garantit qu’il s’y tiendra. Il est devenu Ă©vident que tout secteur dĂ©pendant des exportations vers les États-Unis pourrait ĂȘtre vulnĂ©rable face Ă  un prĂ©sident imprĂ©visible.

Bien entendu, l’impact sur ces communautĂ©s pourrait ĂȘtre rĂ©duit si les États-Unis dĂ©cidaient d’abaisser leurs droits de douane, si les acheteurs amĂ©ricains s’efforçaient de trouver d’autres solutions ou si les entreprises canadiennes avaient facilement accĂšs Ă  d’autres marchĂ©s d’exportation.

Les rĂ©percussions les plus importantes du conflit commercial pourraient se faire sentir lorsque les entreprises rĂ©duiront leurs investissements au Canada, que les acheteurs amĂ©ricains ajusteront leurs chaĂźnes d’approvisionnement ou que les entreprises canadiennes dĂ©cideront de se dĂ©localiser. MĂȘme si les droits de douane ne sont pas imposĂ©s, l’incertitude pourrait freiner considĂ©rablement les investissements pendant un certain temps.

LES GOUVERNEMENTS PEUVENT ATTÉNUER LE CHOC DE LA TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE

Si les droits de douane amĂ©ricains sont mis en Ɠuvre, un certain nombre de dommages Ă  court terme seront inĂ©vitables. Mais les gouvernements fĂ©dĂ©ral et provinciaux peuvent contribuer Ă  en rĂ©duire l’ampleur et la durĂ©e grĂące Ă  plusieurs mesures clĂ©s :

  1. Encourager les investissements des entreprises liĂ©s Ă  la diversitĂ© des marchĂ©s ou des produits. Le Canada a dĂ©jĂ  expĂ©rimentĂ© des crĂ©dits d’impĂŽt Ă  l’investissement pour encourager le dĂ©veloppement et l’adoption de technologies et d’énergies propres. Un crĂ©dit d’impĂŽt similaire couvrant 30 % des coĂ»ts en capital des investissements admissibles dans les technologies, le transport et l’équipement nĂ©cessaires pour rĂ©orienter ou dĂ©velopper de nouvelles exportations vers des marchĂ©s non amĂ©ricains pourrait contribuer Ă  accĂ©lĂ©rer la diversification. Ce crĂ©dit pourrait Ă©galement s’appliquer Ă  l’expansion des capacitĂ©s de transformation et de valeur ajoutĂ©e au Canada. Les provinces pourraient mettre en place leurs propres incitations.
  2. AccĂ©lĂ©rer les investissements dans les infrastructures de commerce et de transport. La Banque d’infrastructure du Canada (BIC) a rĂ©alisĂ© des investissements importants dans les infrastructures de commerce et de transport, notamment l’agrandissement du port de Prince Rupert en Colombie-Britannique. Étant donnĂ© que la BIC catalyse les investissements privĂ©s, ses projets nĂ©cessitent moins de dĂ©penses publiques. La BIC a Ă©galement Ă©tabli des partenariats fructueux avec les communautĂ©s autochtones dans le cadre de plusieurs projets.
  3. Identifier les moyens de stimuler la demande intĂ©rieure pour les produits concernĂ©s. Les gouvernements peuvent stimuler les achats de produits fabriquĂ©s au Canada et touchĂ©s par les droits de douane et accĂ©lĂ©rer les plans de rĂ©duction des barriĂšres commerciales interprovinciales. Par exemple, Postes Canada, qui possĂšde l’un des plus grands parcs de vĂ©hicules du pays, pourrait s’approvisionner en fourgonnettes de livraison Ă©lectriques auprĂšs de l’usine CAMI de GM Ă  Ingersoll, en Ontario. La rĂ©duction des barriĂšres commerciales interprovinciales pourrait donner la prioritĂ© aux secteurs les plus touchĂ©s.
  4. Aider les communautĂ©s concernĂ©es Ă  Ă©laborer des plans stratĂ©giques de dĂ©veloppement Ă©conomique. Les communautĂ©s qui dĂ©pendent des exportations amĂ©ricaines devront peut-ĂȘtre réévaluer leurs plans de dĂ©veloppement Ă©conomique et rĂ©flĂ©chir Ă  la maniĂšre dont elles peuvent s’adapter. PrĂ©cĂ©demment, l’IRPP a proposĂ© de dĂ©velopper les organisations du RĂ©seau de dĂ©veloppement des collectivitĂ©s financĂ©es par le gouvernement fĂ©dĂ©ral afin d’apporter un soutien plus concret au dĂ©veloppement Ă©conomique communautaire stratĂ©gique dans les collectivitĂ©s qui subissent des transformations Ă©conomiques.
  5. Faciliter l’accĂšs des travailleurs touchĂ©s aux soutiens au revenu. Les programmes destinĂ©s Ă  soutenir les travailleurs en cas de perte d’emploi, tels que l’assurance-emploi (AE), peuvent ne pas ĂȘtre assez souples pour rĂ©pondre aux impacts concentrĂ©s dans les petites communautĂ©s. Par exemple, les allocations de chĂŽmage ne sont pas disponibles ou sont difficiles Ă  obtenir pour les ­travailleurs autonomes et les travailleurs Ă  temps partiel, qui peuvent ĂȘtre touchĂ©s indirectement si le ralentissement de l’activitĂ© Ă©conomique se rĂ©percute sur les fournisseurs et les restaurateurs locaux. En facilitant l’accĂšs Ă  l’AE et en augmentant les prestations, on pourrait attĂ©nuer le choc Ă©conomique subi par une communautĂ©. Le moment est venu de rĂ©examiner la modernisation de l’AE, que le gouvernement fĂ©dĂ©ral a promis d’entreprendre en 2021, mais qui n’a fait que des progrĂšs mineurs jusqu’à prĂ©sent.

Avec le soutien des gouvernements Ă  tous les niveaux et l’engagement du secteur privĂ© et des communautĂ©s, le Canada pourra finalement sortir de la tourmente actuelle avec une Ă©conomie plus forte et plus rĂ©siliente qui soutiendra un niveau de vie Ă©levĂ© dans tout le pays pour les dĂ©cennies Ă  venir.

Estevan: La ville énergétique de la Saskatchewan veut tracer sa propre voie

Note de l’équipe de rĂ©daction (13 fĂ©vrier 2025): Au dĂ©but de l’annĂ©e 2025, Jeremy Harrison, ministre de la Saskatchewan responsable de SaskPower, a dĂ©clarĂ© que la province avait l’intention de remettre en Ă©tat ses centrales Ă©lectriques au charbon, notamment les centrales Boundary Dam et Shand d’Estevan, et de les maintenir en activitĂ© au-delĂ  de 2030. Ceci sera fait en dĂ©pit des rĂ©glementations fĂ©dĂ©rales qui exigent l’élimination progressive de l’électricitĂ© produite Ă  partir du charbon sans technologie de capture du carbone d’ici cette date. Le ministre a dĂ©clarĂ© que le gouvernement provincial prendrait une dĂ©cision finale sur l’avenir de ses centrales au charbon d’ici le 1er juillet.


Ce n’est pas la premiĂšre fois qu’Estevan se trouve Ă  la croisĂ©e des chemins.

Avec une histoire ancrĂ©e dans la production d’énergie Ă©lectrique, de charbon, de pĂ©trole et de gaz, cette ville de 10 900 habitants du sud-est de la Saskatchewan a connu tous les remous occasionnĂ©s par ses liens Ă©troits avec les ressources naturelles – les booms comme les flops.

Alors que le Canada s’achemine vers la dĂ©carbonation de son rĂ©seau Ă©lectrique, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a adoptĂ© une rĂ©glementation qui impose d’éliminer d’ici Ă  2030 la production d’électricitĂ© Ă  partir du charbon, une dĂ©cision qui devrait toucher les mineurs du charbon et les travailleurs des centrales au charbon. À l’approche de l’échĂ©ance, beaucoup s’inquiĂštent Ă  Estevan des effets de cette Ă©limination sur leurs emplois, leurs revenus et leur mode de vie.

Les rĂ©sidents craignent aussi les effets d’autres politiques climatiques sur leur communautĂ©, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de la production pĂ©troliĂšre.

ParallĂšlement, plusieurs nouveaux projets d’énergie propre, dont un petit rĂ©acteur modulaire, une ferme solaire et une centrale gĂ©othermique, suscitent espoir et opportunitĂ©s.

Selon le principal message qui s’est dĂ©gagĂ© de nos entrevues avec les membres de la communautĂ©, la « ville Ă©nergĂ©tique » d’Estevan possĂšde la cohĂ©sion, la rĂ©silience, les compĂ©tences et les atouts nĂ©cessaires pour gĂ©rer sa transformation et crĂ©er de nouvelles sources de croissance Ă©conomique. Mais ils s’inquiĂštent aussi de voir leurs vies et leurs moyens d’existence chamboulĂ©s, d’avoir peu Ă  dire sur les changements Ă  venir et de ne disposer d’aucun organisme pour tracer leur propre voie.

Dynamiser les stratégies de transformation communautaire

PrĂšs de 10 % de la population canadienne vit dans 68 communautĂ©s qui pourraient ĂȘtre exposĂ©es Ă  une crise de main-d’Ɠuvre au fur et Ă  mesure que le Canada et le reste du monde rĂ©duiront leurs Ă©missions de gaz Ă  effet de serre. Les crises de main-d’Ɠuvre peuvent ĂȘtre provoquĂ©es par des investissements technologiques, le dĂ©clin de certaines industries ou l’essor de nouveaux secteurs d’activitĂ©. Elles peuvent profiter Ă  long terme Ă  certaines communautĂ©s, mais nĂ©cessitent tout de mĂȘme un soutien pour gĂ©rer la pĂ©riode de transformation.

Les communautĂ©s exposĂ©es ont une population moyenne plus faible et sont gĂ©nĂ©ralement Ă©loignĂ©es et moins diversifiĂ©es Ă©conomiquement. Elles font face Ă  des dĂ©fis et possibilitĂ©s qui varient selon leurs propres atouts et situations. C’est pourquoi les stratĂ©gies communautaires sur mesure y ont de meilleures chances de succĂšs que les approches descendantes et uniformisĂ©es.

Les programmes de dĂ©veloppement Ă©conomique fĂ©dĂ©raux, provinciaux et territoriaux leur assurent actuellement un certain soutien, mais ils ne sont pas conçus pour guider les communautĂ©s lors de transformations Ă©conomiques et sociĂ©tales de grande ampleur. De nombreux programmes font aussi abstraction d’un engagement communautaire adĂ©quat et d’une approche structurĂ©e qui prenne en compte les besoins des communautĂ©s dans la prise de dĂ©cisions.

Pour rĂ©duire l’exposition des communautĂ©s et favoriser leur rĂ©silience Ă  long terme, l’Institut de recherche en politiques publiques formule les recommandations suivantes :

  1. Les gouvernements fĂ©dĂ©ral, provinciaux et territoriaux devraient mieux tenir compte du lieu gĂ©ographique lorsqu’ils Ă©valuent le financement d’un projet et les incitations financiĂšres Ă  l’investissement.
  • À l’exemple de l’approche adoptĂ©e aux États-Unis, oĂč les « communautĂ©s Ă©nergĂ©tiques » se sont vus allouĂ© des fonds supplĂ©mentaires en vertu de la loi sur la rĂ©duction de l’inflation (Inflation Reduction Act), les gouvernements canadiens pourraient dĂ©finir des critĂšres d’admissibilitĂ© permettant Ă  certaines communautĂ©s de bĂ©nĂ©ficier d’une attention particuliĂšre et de meilleures incitations Ă  l’investissement privĂ©. À
  1. Le gouvernements fédéral devrait élargir le mandat et accroßtre les ressources financiÚres des organismes du Programme de développement des collectivités, au sein et aux environs des communautés exposées.
  • SituĂ©s au cƓur des communautĂ©s et dirigĂ©s par des leaders communautaires, les organismes de ce programme fĂ©dĂ©ral sont bien placĂ©s pour soutenir les transformations fondĂ©es sur une planification stratĂ©gique de dĂ©veloppement Ă©conomique, mais leurs ressources ne suffisent pas Ă  la tĂąche.
  1. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait crĂ©er un Centre canadien de transformation communautaire ayant pour mandat de fournir les informations nĂ©cessaires pour soutenir les communautĂ©s et l’élaboration de programmes gouvernementaux.
  • Cette plateforme centralisĂ©e, qui pourrait relever d’Innovation, Sciences et DĂ©veloppement Ă©conomique Canada, recueillerait et produirait analyses de marchĂ©, donnĂ©es communautaires et Ă©tudes de cas en appui aux stratĂ©gies communautaires et aux programmes de soutien public les plus efficaces.

Ingersoll : La ville ontarienne qui mĂšne la transition vers les VE

Ingersoll, ville de 13 700 habitants du sud-ouest de l’Ontario, abrite depuis 2022 l’une des premiĂšres installations de fabrication de vĂ©hicules Ă©lectriques (VE) Ă  grande Ă©chelle du Canada : l’usine de montage CAMI de General Motors.

La transition de CAMI, passĂ©e de la production des VUS Ă  essence Chevrolet Equinox Ă  celle de fourgonnettes de livraison entiĂšrement Ă©lectriques, a relancĂ© l’usine et renouvelĂ© les perspectives d’avenir de la communautĂ©. Mais ce parcours a Ă©tĂ© semĂ© d’embĂ»ches. La fermeture temporaire de l’usine pendant son rĂ©outillage a suivi de prĂšs une grĂšve survenue en 2019, la pandĂ©mie de COVID-19 a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e l’annĂ©e suivante, puis une pĂ©nurie de semi-conducteurs et d’autres composants a frappĂ© l’économie mondiale. Cette sĂ©rie de perturbations a entraĂźnĂ© des mises Ă  pied temporaires et permanentes. Aujourd’hui, la nouvelle usine a besoin d’effectifs moins nombreux aux compĂ©tences diffĂ©rentes.

L’aventure d’Ingersoll offre plusieurs leçons sur les dĂ©fis soulevĂ©s par une transformation de la main-d’Ɠuvre, elle met en Ă©vidence la vulnĂ©rabilitĂ© d’une communautĂ© qui dĂ©pend d’un seul gros employeur, et elle illustre comment le passage Ă  une Ă©conomie mondiale faible en carbone peut toucher la production automobile, les travailleurs et les communautĂ©s Ă  l’échelon local.

MalgrĂ© tout, il y a de bonnes raisons d’ĂȘtre optimiste. Ingersoll fait partie d’un vaste Ă©cosystĂšme d’investissements en VE dans le sud de l’Ontario, qui comprend plusieurs usines de batteries et un projet de 15 milliards $ de Honda visant Ă  durabiliser la fabrication de vĂ©hicules et de piĂšces d’automobiles dans cette rĂ©gion de la province.

Ingersoll est situĂ©e sur l’un des meilleurs territoires agricoles du pays, et sa proximitĂ© avec d’importants rĂ©seaux de transport, la rĂ©gion du Grand Toronto et les États-Unis lui procure encore d’autres avantages.

Mais si la transformation d’Ingersoll constitue une rĂ©ussite communautaire, des questions demeurent sur la gestion de cette transformation et sur l’efficacitĂ© du soutien offert aux travailleurs, aux employeurs et Ă  la communautĂ©. Sans compter l’éventualitĂ© de tarifs amĂ©ricains et de modifications aux politiques sur les VE, qui ajoute Ă  l’incertitude ambiante.