Comme les maisons flottantes bercées par les vagues du Grand lac des Esclaves, Yellowknife est une habituée des hauts et des bas.
AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, la ville sâest maintenue Ă flot pendant des dĂ©cennies grĂące Ă deux immenses mines dâor situĂ©es dans ses environs. Les mines Giant et Con ont non seulement procurĂ© des centaines dâemplois Ă des gĂ©nĂ©rations de mineurs, elles ont aussi structurĂ© la vie sociale de Yellowknife et trempĂ© son caractĂšre. Elles ont disparu peu aprĂšs le tournant du millĂ©naire, tout comme les emplois syndiquĂ©s et bien payĂ©s occupĂ©s par une main-dâĆuvre locale.
Puis quelquâun a dĂ©couvert des diamants. Câest ainsi quâĂ environ 300 kilomĂštres au nord-est de la ville, la mine Ekati a ouvert ses portes en 1998, suivie quelques annĂ©es plus tard de la mine Diavik et, en 2016, de celle de Gahcho KuĂ©. CâĂ©tait une autre vague de croissance, mais dâun genre diffĂ©rent. Bon nombre des emplois Ă©taient occupĂ©s par des travailleurs navetteurs ou des membres des PremiĂšres Nations de la rĂ©gion nouvellement autonome de TĆı̚chÇ«. Yellowknife a bĂ©nĂ©ficiĂ© de certaines retombĂ©es de cet essor et obtenu une part des emplois, notamment dans le nouveau secteur de la taille des diamants, mais rien de comparable au bon vieux temps des mines dâor.
Une troisiĂšme vague sâest profilĂ©e aprĂšs 2004 avec lâambition de construire un gazoduc dans la vallĂ©e du Mackenzie. Ce projet colossal, dâun coĂ»t estimĂ© Ă 16 milliards de dollars, avait suscitĂ© un vif engouement dans tous les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), mais aurait sans doute principalement bĂ©nĂ©ficiĂ© Ă Yellowknife et Ă la communautĂ© dâInuvik de la rĂ©gion Beaufort-Delta. Ce rĂȘve sâest toutefois heurtĂ© Ă la rĂ©volution de la fracturation hydraulique, qui a fait chuter le prix du gaz naturel au-dessous du seuil de rentabilitĂ© dâun gazoduc. En 2017, Imperial Oil a dĂ©finitivement renoncĂ© au projet.
Quant aux mines de diamants, qui ont soutenu la rĂ©gion pendant deux dĂ©cennies, elles sont en fin de parcours. Celle de Diavik, dont les gisements sâĂ©puisent, fermera ses portes en 2026. Celles dâEkati et de Gahcho KuĂ© devraient maintenir leurs activitĂ©s un certain temps, mais lâ« ùge de diamant » de Yellowknife tire Ă sa fin.
Deux autres Ă©vĂ©nements ont aussi durement frappĂ© la ville. Dâabord la pandĂ©mie de COVID-19, qui a grandement fragilisĂ© ses entreprises, y compris celles du florissant secteur du tourisme des aurores borĂ©ales Ă Yellowknife, qui remplissait normalement les hĂŽtels de visiteurs dĂ©sireux dâadmirer les spectaculaires jeux de lumiĂšre du ciel nordique. Certains commerces Ă vocation touristique, comme les galeries dâart, nâen sont toujours pas complĂštement remis.
Puis Ă lâĂ©tĂ© 2023, toute la ville a Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©e en raison de gigantesques feux de forĂȘt. La nĂ©cessitĂ© de dĂ©placer dans lâurgence plus de 20 000 personnes (dont tous les patients dâun hĂŽpital) dans une rĂ©gion oĂč les capacitĂ©s dâaccueil et les moyens de transport Ă©taient limitĂ©s a fait rĂ©aliser Ă bien des rĂ©sidents le grand isolement de leur vie nordique. Beaucoup ne sont dâailleurs jamais revenus, et cela se voit : la moitiĂ© des locaux des deux centres commerciaux du centre-ville, sur Franklin Avenue, sont vacants.
Yellowknife a donc sĂ©rieusement besoin dâune nouvelle vague de croissance, qui pourrait bien provenir des minĂ©raux critiques. Les semi-conducteurs, piles Ă combustibles, batteries et moteurs Ă©lectriques â tous essentiels Ă lâavenir Ă©nergĂ©tique planĂ©taire â sont fabriquĂ©s Ă partir de minĂ©raux qui abondent dans les T.N.-O. Des 31 minĂ©raux recensĂ©s dans la StratĂ©gie canadienne sur les minĂ©raux critiques, 23 se trouvent ici en quantitĂ©s « significatives » ou dans des gisements « à fort potentiel de dĂ©veloppement », selon le gouvernement territorial.
Plusieurs mines en sont à différents stades de développement, mais il reste beaucoup à faire avant leur lancement.
Bref, ce nouveau dĂ©bouchĂ© pourrait soit engendrer une quatriĂšme vague sur laquelle Yellowknife â et dâautres communautĂ©s du Nord â pourrait naviguer pendant des gĂ©nĂ©rations, soit crĂ©er des Ă©cueils qui feront sombrer la ville. Les Knifers, comme sâappellent parfois les Yellowknifiens, feront de leur mieux. Tenaces et rĂ©silients, ils trouvent toujours le moyen dâaller de lâavant. Comme lâa dit un rĂ©sident rencontrĂ© lors de notre visite : « Les gens ne sâĂ©tablissent pas ici faute de mieux, ils font un vĂ©ritable choix de vie. »
Cette Ă©tude explore lâimpact potentiel de lâintelligence artificielle (IA) gĂ©nĂ©rative sur la main-dâĆuvre canadienne au cours des cinq prochaines annĂ©es. GrĂące Ă deux approches novatrices â lâutilisation de ChatGPT pour Ă©valuer le risque dâautomatisation de lâIA gĂ©nĂ©rative dans les professions et lâutilisation de la base de donnĂ©es du SystĂšme dâinformation sur les professions et les compĂ©tences (SIPeC) rĂ©cemment créée â nous analysons comment lâIA gĂ©nĂ©rative pourrait transformer les activitĂ©s professionnelles et les exigences en matiĂšre de compĂ©tences dans diffĂ©rents secteurs et rĂ©gions de lâĂ©conomie canadienne.
Pour ce faire, nous Ă©valuons la capacitĂ© technique estimĂ©e de lâIA gĂ©nĂ©rative Ă composer avec les diverses compĂ©tences et activitĂ©s professionnelles associĂ©es Ă toutes les professions au Canada. Il est important de noter que cela ne tient pas compte de lâensemble des considĂ©rations qui peuvent entrer en ligne de compte dans la dĂ©cision dâune entreprise dâautomatiser un emploi particulier. Lâautomatisation de certaines professions peut, par exemple, ĂȘtre limitĂ©e par la nĂ©cessitĂ© dâinvestissements importants, de nouvelles technologies ou de modifications des lois et rĂ©glementations. Toutefois, en se concentrant uniquement sur la faisabilitĂ© technique en lien avec lâIA gĂ©nĂ©rative, nos estimations peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour anticiper un spectre plus large de risques et dâopportunitĂ©s.
Notre analyse rĂ©vĂšle trois tendances significatives qui ont des implications importantes pour lâamĂ©lioration de la productivitĂ© et le dĂ©veloppement de la main-dâĆuvre. Dâabord, lâimpact de lâIA varie considĂ©rablement selon les diffĂ©rents types de compĂ©tences et dâactivitĂ©s professionnelles, les tĂąches de bureau et de traitement des donnĂ©es prĂ©sentant le risque dâautomatisation le plus Ă©levĂ©. Les compĂ©tences impliquant les interactions interpersonnelles et sociales et lâenseignement sont nettement moins vulnĂ©rables.
Ensuite, plutĂŽt que dâĂ©liminer des professions entiĂšres, lâIA gĂ©nĂ©rative est plus susceptible de transformer la nature des tĂąches au sein dâune activitĂ© professionnelle donnĂ©e. Câest ce quâindiquent nos rĂ©sultats, qui montrent quâune liste de professions reprĂ©sentant 50 % de lâemploi total au Canada prĂ©sente un risque dâautomatisation modĂ©rĂ© du fait de lâIA gĂ©nĂ©rative, ce qui laisse supposer une automatisation partielle plutĂŽt que complĂšte.
Enfin, il existe dâimportantes variations entre les industries et les rĂ©gions, en fonction du type et du nombre de professions prĂ©sentes. Des secteurs comme le transport et lâentreposage affichent la plus forte proportion de professions Ă risque (56,4 %), tandis que dâautres, comme les services Ă©ducatifs, font preuve dâune plus grande rĂ©silience (3,1 %). Ces diffĂ©rences sont plus prononcĂ©es dans certaines rĂ©gions, comme le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest, oĂč les secteurs de la fabrication, de lâexploitation miniĂšre et des transports affichent des parts plus Ă©levĂ©es dâemplois Ă risque que dans le reste du pays.
Le risque dâautomatisation varie Ă©galement dâune rĂ©gion Ă lâautre lorsquâon examine les types de professions qui sont actuellement en forte demande. En Ontario et au Manitoba, par exemple, les professions en demande prĂ©sentent un risque moyen dâautomatisation liĂ© Ă lâIA gĂ©nĂ©rative plus Ă©levĂ© quâĂ lâĂle-du-Prince-Ădouard et Ă Terre-Neuve-et-Labrador.
Ces rĂ©sultats ont dâimportantes implications pour les dĂ©cideurs politiques et les chefs dâentreprise qui cherchent Ă tirer parti de lâIA gĂ©nĂ©rative pour accroĂźtre la productivitĂ©. Principalement, les variations gĂ©ographiques et sectorielles suggĂšrent la nĂ©cessitĂ© dâapproches ciblĂ©es pour le dĂ©veloppement de la main-dâĆuvre et lâadoption de lâIA, et la rĂ©alisation des avantages de lâIA gĂ©nĂ©rative en termes de productivitĂ© nĂ©cessitera de relever dâimportants dĂ©fis de mise en Ćuvre, en particulier pour dĂ©velopper les compĂ©tences nĂ©cessaires de la main-dâĆuvre.
LâIA gĂ©nĂ©rative pourrait contribuer Ă relever les dĂ©fis du Canada en matiĂšre de productivitĂ©, mais la capture de ces gains nĂ©cessite une approche coordonnĂ©e du dĂ©veloppement de lâinfrastructure et de la prĂ©paration de la main-dâĆuvre. Nos rĂ©sultats suggĂšrent que les initiatives dâamĂ©lioration des compĂ©tences et de formation devraient donner la prioritĂ© au dĂ©veloppement de compĂ©tences complĂ©mentaires â les compĂ©tences qui prĂ©sentent un faible risque dâautomatisation mais une valeur Ă©levĂ©e dans un milieu de travail qui fait usage de lâIA. Il sâagit notamment des compĂ©tences sociales, managĂ©riales et de leadership qui, selon notre analyse, sont les moins menacĂ©es par lâautomatisation due Ă lâIA gĂ©nĂ©rative. Cette Ă©tude contribue donc Ă la comprĂ©hension de la maniĂšre dont lâIA gĂ©nĂ©rative peut ĂȘtre dĂ©ployĂ©e pour stimuler la productivitĂ© canadienne tout en soutenant une adaptation plus large de la main-dâĆuvre.
Ce Commentaire IRPP soutient que la voie vers une innovation et une productivitĂ© accrue passe par les communautĂ©s rurales, dont il est grand temps que les gouvernements fĂ©dĂ©ral et provinciaux reconnaissent le potentiel. Son auteur, Gordon More, directeur du Southeast Techhub (SETH) dâEstevan en Saskatchewan, y explique comment les rĂ©gions rurales peuvent devenir des moteurs dâinnovation si les gouvernements y soutiennent les modĂšles de conception locale et sâils collaborent avec les leaders locaux selon leurs propres termes. Lâauteur exhorte les gouvernements Ă aller au-delĂ des projets pilotes et Ă fournir plutĂŽt un soutien prolongĂ© et flexible qui fonctionne en accord avec les connaissances et lâexpertise locales.
Ă la tĂȘte du chenal Douglas, sur la cĂŽte nord-ouest de la Colombie-Britannique, sâĂ©tend le territoire ancestral de la nation Haisla, dont le mode de vie a toujours reposĂ© sur la terre, la mer et la pĂȘche.
LâarrivĂ©e des colons europĂ©ens y avait marquĂ© le dĂ©but dâune pĂ©riode de maladies, dâoppression et de discrimination dont les Haislas ne sont pas encore complĂštement remis. Mais, ils ont repris leur destin en main, portĂ©s par des rĂȘves plus ambitieux que ce que lâon croyait rĂ©alisable.
Englobant la municipalitĂ© de Kitimat et le village de Kitamaat de la nation Haisla, la rĂ©gion attire des projets industriels de grande envergure depuis plusieurs dĂ©cennies grĂące Ă son port en eau profonde qui permet dâaccĂ©der aux marchĂ©s internationaux.
Elle forme un pĂŽle de dĂ©veloppement industriel depuis quâAlcan y a ouvert une aluminerie et une installation hydroĂ©lectrique au dĂ©but des annĂ©es 1950. Plus rĂ©cemment, LNG Canada, menĂ© par un consortium dâentreprises, a construit une installation de traitement et dâexportation de gaz naturel liquĂ©fiĂ© (GNL) de 40 milliards $ aux portes de la nation Haisla.
Historiquement, les Haislas ont peu profitĂ© de cet essor industriel, qui leur a surtout portĂ© prĂ©judice. Les choses ont changĂ© depuis quâils ont nĂ©gociĂ© une part du gaz naturel du gazoduc Coastal GasLink qui alimente le terminal de LNG Canada, puis lancĂ© leur propre projet de GNL. La construction de Cedar LNG, une installation flottante de traitement du GNL majoritairement dĂ©tenue par les Haislas, devrait sâachever fin 2028, trois ans aprĂšs le projet de LNG Canada.
Ă lâheure oĂč le Canada est confrontĂ© au bouleversement de ses liens commerciaux avec les Ătats-Unis, la possibilitĂ© dâaccĂ©der aux marchĂ©s asiatiques depuis Kitimat suscite de plus en plus dâintĂ©rĂȘt. On a mĂȘme proposĂ© dây reprendre lâexportation du pĂ©trole, mais les Haislas et certains rĂ©sidents ont prĂ©venu quâils sâopposeraient Ă une telle dĂ©cision.
La nation Haisla a apportĂ© son soutien Ă lâindustrie florissante du GNL parce quâelle dĂ©place vers lâAsie lâĂ©nergie au charbon et favorise ainsi la rĂ©duction des Ă©missions mondiales de gaz Ă effet de serre (GES). Ailleurs dans la communautĂ© et la province, dâautres soutiennent que les nouveaux projets feront plutĂŽt obstacle Ă la rĂ©alisation des objectifs climatiques.
Quoi quâil en soit, la rĂ©ussite de ces grands projets montre quâon peut accomplir de grandes choses au Canada tout en assurant des avantages durables aux peuples autochtones et en limitant les dommages Ă©cologiques. Mais ce fragile Ă©quilibre pourrait ĂȘtre Ă©branlĂ© par une croissance plus importante. Certains craignent en outre que ce regain dâactivitĂ© industrielle nâaccentue la dĂ©pendance de Kitimat Ă lâĂ©gard dâune Ă©conomie en dents de scie.
La sinueuse Cabot Trail, qui dĂ©ploie ses 300 kilomĂštres autour du littoral escarpĂ© de la pointe nord de lâĂźle du Cap-Breton, offre des vues imprenables sur de verdoyantes collines, des falaises abruptes et lâimmensitĂ© de lâocĂ©an Atlantique. Dâabord appelĂ©e Unamaâki par les Micmacs, lâĂźle a connu au fil des dĂ©cennies de grands bouleversements provoquĂ©s par le dĂ©clin des industries dont elle dĂ©pendait : lâacier, la pĂȘche Ă la morue et, surtout, le charbon.
Longtemps synonyme dâexploitation charbonniĂšre, la rĂ©gion semble Ă lâorĂ©e dâun autre grand tournant depuis que la Nouvelle-Ăcosse sâest engagĂ©e Ă Ă©liminer ses centrales au charbon dâici Ă 2030 et Ă produire 80 % de son Ă©lectricitĂ© Ă partir de sources dâĂ©nergie renouvelable.
Le charbon sert encore Ă produire environ 40 % de lâĂ©lectricitĂ© de la province, y compris dans trois centrales de lâĂźle du Cap-Breton.
Dans le cadre de sa transition Ă©nergĂ©tique, le gouvernement nĂ©o-Ă©cossais a annoncĂ© son intention de stimuler le dĂ©veloppement dâĂ©nergies propres, dont lâĂ©olien en mer. Une Ă©valuation du potentiel de lâĂ©olien extracĂŽtier a permis dâidentifier plusieurs zones favorables, dont lâune au large de la cĂŽte nord-est du Cap-Breton. Sâil se concrĂ©tise, ce projet pourrait donner le coup dâenvoi Ă une toute nouvelle industrie dans la rĂ©gion et au dĂ©veloppement dâautres carburants Ă faible teneur en carbone, notamment lâhydrogĂšne vert.
Les communautĂ©s des PremiĂšres Nations du Cap-Breton, autrefois exclues des grands projets de dĂ©veloppement, sont partenaires actionnaires de plusieurs initiatives dâĂ©nergie propre et devraient apporter une solide contribution Ă ce secteur en expansion.
De plus, la population de la rĂ©gion semble augmenter aprĂšs des dĂ©cennies de recul, surtout grĂące Ă lâafflux dâĂ©tudiants Ă©trangers qui lui offrent une nouvelle vitalitĂ©.
Mais les dĂ©fis sont nombreux. Les projets dâĂ©olien en mer et dâhydrogĂšne vert nĂ©cessitent dâimportants investissements, et lâon ignore dans quelle mesure ils seront touchĂ©s par la dĂ©cision du prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump de suspendre tout nouveau projet dâĂ©olien extracĂŽtier aux Ătats-Unis.
MalgrĂ© son potentiel, le Cap-Breton reste toutefois lâune des rĂ©gions les plus pauvres du Canada, comme en tĂ©moignent ses taux de chĂŽmage et de pauvretĂ© infantile supĂ©rieurs Ă la moyenne nationale.
Ses habitants sont aussi conscients que la transition nĂ©cessitera un changement de mentalitĂ©. Mais la plupart considĂšrent les Ă©nergies renouvelables comme une occasion Ă saisir plutĂŽt quâune menace Ă leur mode de vie.
Dans le cadre du projet Transformations communautaires de lâIRPP, nous avons beaucoup rĂ©flĂ©chi Ă la maniĂšre dont les chocs externes peuvent affecter de maniĂšre disproportionnĂ©e la main-dâĆuvre locale. MĂȘme lorsque le choc semble gĂ©rable au niveau national, il peut perturber considĂ©rablement lâactivitĂ© Ă©conomique dans certaines communautĂ©s Ă travers le pays, avec des consĂ©quences sociales et Ă©conomiques potentiellement durables.
Notre travail sâest largement concentrĂ© sur le potentiel de perturbation de la main-dâĆuvre liĂ© aux efforts mondiaux et nationaux de rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă effet de serre. Ă lâaide dâune nouvelle mĂ©thodologie et dâune carte interactive, nous avons identifiĂ© les communautĂ©s oĂč une grande partie de la main-dâĆuvre est employĂ©e dans les secteurs ou les industries les plus susceptibles dâĂȘtre affectĂ©s par la transition Ă©nergĂ©tique mondiale. Nous publions Ă©galement une sĂ©rie de profils de communautĂ©s et de notes dâinformation qui contiennent des recommandations Ă lâintention des gouvernements.
Nous avons focalisĂ© notre analyse au niveau communautaire parce que le risque de perturbation de la main-dâĆuvre est le plus Ă©levĂ© dans les zones Ă forte concentration dâemplois dans certains secteurs prĂ©cis. Dans ces communautĂ©s, ce ne sont pas seulement les travailleurs directement employĂ©s par les entreprises touchĂ©es qui sont confrontĂ©s Ă des perturbations. Cela peut affecter tout le monde, des fournisseurs locaux aux restaurants.
Avec lâĂ©mergence dâune guerre commerciale de plus en plus intense avec notre principal partenaire commercial, nous avons adaptĂ© notre mĂ©thodologie afin dâexaminer le niveau dâexposition des communautĂ©s aux perturbations de la main-dâĆuvre causĂ©es par les tarifs douaniers. Les droits de douane amĂ©ricains pourraient avoir un impact significatif sur les travailleurs des communautĂ©s dont une grande partie des emplois se trouve dans des secteurs dĂ©pendant des exportations vers les Ătats-Unis.
Alors que lâincertitude plane sur les niveaux tarifaires et les produits auxquels ils pourraient sâappliquer, nos tableaux de bord permettent aux utilisateurs dâidentifier les communautĂ©s oĂč lâemploi est concentrĂ© dans les secteurs ciblĂ©s. Les gouvernements peuvent utiliser ces informations pour Ă©laborer des programmes visant Ă attĂ©nuer les effets des droits de douane et Ă aider les communautĂ©s Ă diversifier leur Ă©conomie et Ă rĂ©duire leur niveau dâexposition.
Lâanalyse
Les deux tableaux de bord ci-dessous prĂ©sentent les rĂ©sultats de notre analyse. Nous avons utilisĂ© les divisions de recensement comme substitut aux communautĂ©s. Lâexposition de la main-dâĆuvre aux exportations amĂ©ricaines correspond au niveau moyen dâexposition industrielle dâune communautĂ©, pondĂ©rĂ© en fonction de la part de lâemploi dans chaque industrie. Lâexposition industrielle est Ă©gale Ă la valeur des exportations amĂ©ricaines dâune industrie en tant que part de la production en 2021 des industries exportatrices de biens. Les industries qui nâexportent aucuns biens vers les Ătats-Unis se voient attribuer la valeur 0 dans notre Ă©chelle de mesure. Les donnĂ©es sur lâemploi proviennent du recensement de 2021 (tableau 98-10-0592-01) et les donnĂ©es sur lâindustrie proviennent des tableaux des ressources et des emplois (tableaux 12-10-0100-01 et 36-10-0488-01).
Pourquoi utiliser des figures interactives ? Le Canada compte 293 divisions de recensement et la plupart dâentre elles emploient au moins un travailleur dans plus de 10 industries exportatrices de biens. Les tableaux de bord sont le moyen le plus simple dâexplorer et de transmettre nos conclusions. Lâincertitude quant aux produits qui seront touchĂ©s et Ă lâampleur de lâimpact favorise Ă©galement lâutilisation dâoutils plus souples.
Quelques mises en garde
Bon nombre des mises en garde dĂ©crites dans notre mĂ©thodologie pour mesurer le niveau dâexposition des communautĂ©s aux perturbations de la main-dâĆuvre sâappliquent Ă©galement ici. Notre mesure de lâexposition industrielle est basĂ©e sur des moyennes nationales, qui ne reflĂštent pas nĂ©cessairement le commerce rĂ©el dans les divisions de recensement. Certaines communautĂ©s peuvent avoir beaucoup dâemplois dans des industries trĂšs exposĂ©es au niveau national, mais ces mĂȘmes industries peuvent ne pas ĂȘtre aussi exposĂ©es au niveau local.
Les donnĂ©es de recensement ont Ă©galement leurs limites. Certaines divisions de recensement sont trop vastes et ses communautĂ©s trop clairsemĂ©es pour constituer de bons indicateurs des communautĂ©s, et les chiffres de lâemploi pour certaines industries ne sont pas disponibles sous forme dĂ©sagrĂ©gĂ©e (comme la production vĂ©gĂ©tale et animale).
Tableau de bord 1 : Carte de lâexposition de la main-dâĆuvre aux exportations amĂ©ricaines par division de recensement
Ce tableau de bord prĂ©sente une carte des provinces et territoires canadiens par divisions de recensement, colorĂ©e en fonction de lâexposition estimĂ©e de leur main-dâĆuvre aux exportations amĂ©ricaines en 2021. En cliquant sur les noms des provinces ou des territoires Ă droite, vous filtrerez lâaffichage (en maintenant la touche Ctrl enfoncĂ©e, vous pourrez en choisir plusieurs). Le diagramme Ă barres situĂ© Ă cĂŽtĂ© indique la part de la main-dâĆuvre totale vivant dans les divisions de recensement dans les six niveaux dâexposition.
Le tableau sous la carte rĂ©pertorie toutes les divisions de recensement de la province ou du territoire sĂ©lectionnĂ©, classĂ©es en fonction de lâexposition de la main-dâĆuvre aux exportations amĂ©ricaines. Pour en savoir plus sur une division de recensement, cliquez dessus sur la carte et le tableau sâagrandira pour montrer les quatre principales industries contribuant au niveau dâexposition de la main-dâĆuvre de la division de recensement. Vous pouvez afficher le tableau de bord en plein Ă©cran en cliquant sur le bouton situĂ© dans le coin infĂ©rieur droit, Ă gauche de « Partager ».
Tableau de bord 2. Ventilation de lâexposition de la main-dâĆuvre aux exportations amĂ©ricaines par division de recensement
Ce tableau de bord prĂ©sente les 293 divisions de recensement du Canada Ă partir du mĂȘme ensemble de donnĂ©es.
Chaque tuile reprĂ©sente une division de recensement. Sa taille est dĂ©terminĂ©e par la mesure sĂ©lectionnĂ©e. Par dĂ©faut, lâexposition de la main-dâĆuvre aux exportations amĂ©ricaines est affichĂ©e, mais les utilisateurs peuvent Ă©galement choisir de classer les donnĂ©es en fonction du nombre de travailleurs ou de la part de la main-dâĆuvre locale.
Les utilisateurs peuvent se concentrer sur des industries ou des groupes dâindustries prĂ©cis en cliquant sur leur nom. Les industries ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es en raison dâune combinaison dâexposition Ă©levĂ©e et de grandes concentrations dâemploi dans les divisions de recensement. Les principales industries sont toutes les industries exportatrices de biens pour lesquelles les exportations amĂ©ricaines reprĂ©sentaient plus de 40 % de la production en 2021.
Cliquez sur une division de recensement (tuile) pour en savoir plus. Recherchez une division de recensement sur la carte en utilisant la barre de recherche en bas à droite. Vous pouvez afficher le tableau de bord en plein écran en cliquant sur le bouton situé dans le coin inférieur droit, à gauche de « Partager ».
Encadré 1. Trouver votre communauté
Toutes les divisions de recensement sont identifiĂ©es par un nombre Ă quatre chiffres appelĂ© DRIDU. Vous pouvez utiliser lâoutil ci-dessous pour trouver le DRIDU de votre division de recensement. Consultez lâoutil GĂ©oRecherche de Statistique Canada pour plus dâinformation.
Téléchargez les données qui ont servi à créer ces tableaux de bord.
Le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump pensait peut-ĂȘtre que les droits de douane pousseraient le Canada vers une plus grande intĂ©gration avec les Ătats-Unis, mais ils ont fait le contraire. Les Canadiens Ă©vitent les produits amĂ©ricains, annulent leurs vacances et vendent mĂȘme leurs propriĂ©tĂ©s dans le sud.
MalgrĂ© des objectifs en constante mutation, les promesses non tenues et les menaces Ă la souverainetĂ© du Canada, certains gardent encore espoir de pouvoir nĂ©gocier avec lâadministration Trump.
Dâautres sont convaincus que le Canada peut obtenir des concessions en ripostant par des contre-tarifs et dâautres mesures punitives, mĂȘme sâil est difficile dâavoir un impact significatif sur une Ă©conomie plus de dix fois supĂ©rieure Ă la nĂŽtre.
Le Canada nâest peut-ĂȘtre pas en mesure de contrĂŽler ce que font les Ătats-Unis, mais nous pouvons commencer Ă faire le travail nĂ©cessaire pour rĂ©duire lâinfluence Ă©conomique quâils exercent sur nous. Sâil est vrai que lâachat de produits canadiens peut ĂȘtre utile, notre marchĂ© intĂ©rieur nâest pas assez grand pour soutenir notre Ă©conomie. Il est essentiel de diversifier tant la nature de nos exportations que les pays auxquels elles sont destinĂ©es.
Ce ne sera pas facile. Tout particuliÚrement pour les membres des communautés les plus touchées par les droits de douane.
Les gouvernements peuvent aider ces communautĂ©s Ă surmonter les impacts Ă court terme tout en sâefforçant de simultanĂ©ment rĂ©orienter les Ă©conomies locales et renforcer la rĂ©silience nationale.
Les Canadiens se sentent trahis par un pays oĂč se trouvent, pour beaucoup dâentre eux, familles, amis et collĂšgues. Le Canada a signĂ© de multiples accords de libre-Ă©change avec les Ătats-Unis en toute bonne foi, permettant aux entreprises privĂ©es des deux cĂŽtĂ©s de la frontiĂšre de rĂ©aliser des transactions mutuellement bĂ©nĂ©fiques. La situation actuelle semble Ă©galement diffĂ©rente des conflits commerciaux prĂ©cĂ©dents, puisque le prĂ©sident Trump porte ouvertement atteinte Ă notre souverainetĂ©.
La plupart des Canadiens ne veulent pas ĂȘtre AmĂ©ricains et sont prĂȘts Ă tout pour dĂ©fendre leur souverainetĂ©.
Il sera essentiel de rĂ©duire lâinfluence Ă©conomique que les Ătats-Unis exercent sur nous. Nous avons mis la plupart de nos Ćufs dans le mĂȘme panier avec le libre-Ă©change amĂ©ricain, en attendant de notre alliĂ© de longue date quâil respecte sa part du contrat.
Puisque nous ne pouvons plus compter sur les AmĂ©ricains, nous devons trouver dâautres Ćufs et dâautres paniers. MĂȘme si les Ătats-Unis abandonnaient demain leurs menaces tarifaires, nous ne pouvons plus refermer les yeux sur les risques dĂ©couverts. PrĂ©server la souverainetĂ© du Canada, câest travailler avec le secteur privĂ© pour rĂ©duire notre dĂ©pendance Ă lâĂ©gard de notre voisin.
Mais diversifier ses exportations est aussi difficile que lutter contre la gravité. Nous vivons à un jet de pierre de la plus grande économie du monde et y vendre nos biens a été facile, pratique et lucratif.
Ă court terme, lâĂ©conomie de notre pays risque de rĂ©trĂ©cir et le niveau de vie des Canadiens pourrait connaĂźtre un dĂ©clin. Mais Ă moyen et long terme, en changeant Ă la fois ce que nous produisons et pour qui nous le produisons, notre Ă©conomie et notre pays en tant que tel pourraient sâen trouver plus forts et plus rĂ©silients.
Pour rĂ©duire lâinfluence des Ătats-Unis sur le Canada, nous devons augmenter les exportations vers dâautres marchĂ©s
Le Canada a vendu pour 547 milliards de dollars de marchandises aux Ătats-Unis en 2024 (voir figure 1). La mĂȘme annĂ©e, nous avons vendu pour 173 milliards de dollars Ă dâautres pays. Cela signifie que 76 % des exportations de biens du Canada sont destinĂ©es aux Ătats-Unis. Le Canada devra fournir un effort considĂ©rable pour rééquilibrer la situation et ainsi se dĂ©faire de lâeffet de levier que les Ătats-Unis exercent sur lui.
Le pĂ©trole et le gaz, les vĂ©hicules et les piĂšces automobiles constituent nos principales exportations vers les Ătats-Unis (voir figure 2). Elles contribuent significativement au PIB et Ă lâemploi au Canada. En 2022, 74 % du pĂ©trole et du gaz produits et 54 % du matĂ©riel de transport fabriquĂ© au pays Ă©taient destinĂ©s Ă notre voisin du sud.
Le Canada a dĂ©jĂ fait un grand pas vers lâexportation de son pĂ©trole et de son gaz vers dâautres marchĂ©s avec lâouverture en 2024 de lâolĂ©oduc agrandi Trans Mountain, ou TMX, qui va de lâAlberta Ă la cĂŽte ouest, et du gazoduc Coastal GasLink qui va du nord-est de la Colombie-Britannique Ă lâinstallation LNG Canada de Kitimat, qui devrait commencer ses exportations en 2025. Cependant, la capacitĂ© maximale du TMX ne reprĂ©sente quâenviron 18 % de la production canadienne de pĂ©trole brut de novembre 2024. Elle pourrait atteindre 23 % si des modifications sont apportĂ©es, telles que lâajout de stations de pompage. Il est Ă©galement possible de construire un tronçon nord de lâolĂ©oduc TMX pour acheminer le pĂ©trole jusquâĂ Kitimat, mais une farouche opposition Ă la prĂ©sence de pĂ©troliers dans le canal Douglas reste probable. Lâinstallation de LNG Canada aura la capacitĂ© de traiter environ 11 % de la production de gaz naturel du pays. Plusieurs autres installations de gaz naturel liquĂ©fiĂ© sont prĂ©vues, ce qui pourrait accroĂźtre considĂ©rablement la capacitĂ© du Canada Ă exporter vers des marchĂ©s autres que les Ătats-Unis.
Il est plus difficile dâorienter la construction automobile vers des marchĂ©s non amĂ©ricains, Ă©tant donnĂ© lâintĂ©gration Ă©troite des secteurs canadien et amĂ©ricain. Toutefois, les fournisseurs de piĂšces automobiles, tels que Magna International, Linamar et Martinrea International, pourraient Ă©ventuellement accroĂźtre leurs exportations vers dâautres marchĂ©s.
Vendre nos principales sources dâexportation Ă dâautres pays ne suffira pas Ă amĂ©liorer notre rĂ©silience, car les secteurs du pĂ©trole, du gaz naturel et de lâautomobile sont Ă©galement exposĂ©s aux perturbations du marchĂ© mondial. Par exemple, le Canada pourrait construire de multiples olĂ©oducs vers ses cĂŽtes est et ouest, pour ensuite ĂȘtre confrontĂ© Ă une baisse de la demande mondiale de pĂ©trole Ă mesure que la Chine, lâEurope et dâautres pays adoptent le transport Ă©lectrique et lâĂ©nergie propre. Les technologies des batteries des vĂ©hicules Ă©lectriques sont Ă©galement en constante Ă©volution, ce qui pourrait perturber les usines de fabrication de batteries lithium-ion. Pour ĂȘtre rĂ©silient, le Canada devra diversifier Ă la fois ses clients et les produits quâil vend.
Une analyse rĂ©alisĂ©e en 2021 par Exportation et dĂ©veloppement Canada donne des indications utiles sur les possibilitĂ©s de choix des destinataires de nos ventes. Cette analyse a identifiĂ© dâimportantes possibilitĂ©s dâexportation pour le Canada, en supposant que les risques politiques, les accords de libre-Ă©change et la proximitĂ© culturelle restent inchangĂ©s (ce qui nâest Ă©videmment plus le cas). Lâensemble des dĂ©bouchĂ©s non amĂ©ricains identifiĂ©s par Exportation et dĂ©veloppement Canada reprĂ©senterait moins dâun tiers de la valeur des exportations canadiennes actuelles vers les Ătats-Unis (voir figure 3). NĂ©anmoins, en saisissant ces occasions, le Canada pourrait doubler ses exportations vers les marchĂ©s non amĂ©ricains. Mais il y a aussi des considĂ©rations gĂ©opolitiques sur les marchĂ©s non amĂ©ricains, la Chine et lâInde reprĂ©sentant certains des plus grands dĂ©bouchĂ©s.
Le potentiel pourrait ĂȘtre plus important si le Canada diversifiait et Ă©largissait les biens quâil produit. Les marchĂ©s dont la croissance est plus certaine au cours du siĂšcle Ă venir pourraient constituer de bons paris. Il sâagit notamment des minĂ©raux essentiels, des matĂ©riaux pour batteries, de lâagriculture et de lâagroalimentaire, de lâuranium et de la potasse.
Il y a également fort à parier que les dépenses mondiales en matiÚre de défense augmenteront, y compris au Canada. Les entreprises canadiennes pourraient saisir certaines de ces opportunités, qui débouchent souvent sur des applications civiles.
La technologie est un autre domaine oĂč il est possible de mieux saisir les opportunitĂ©s du marchĂ© mondial, notamment dans les technologies propres, la biotechnologie et lâintelligence artificielle.
Il ne faut pas non plus oublier le potentiel de croissance des exportations de services, domaine dans lequel le Canada sâest davantage diversifiĂ© au cours de la derniĂšre dĂ©cennie.
Le Canada est la dixiĂšme Ă©conomie mondiale, mais se classe au 37e rang en termes de population. Nous ne pourrons pas maintenir notre niveau de vie si nous ne mettons pas lâaccent sur les exportations. Cela signifie quâil est dans notre intĂ©rĂȘt de dĂ©fendre un commerce sans entraves et fondĂ© sur des rĂšgles dans le monde entier. Les accords commerciaux sâaccompagnent dâun accord : chaque pays bĂ©nĂ©ficie dâune rĂ©duction des barriĂšres commerciales et dâun accĂšs accru au marchĂ© de lâautre. Lorsque les Canadiens sont ouverts Ă lâachat de produits internationaux, notre marchĂ© est plus attrayant pour les accords commerciaux. Nous ne voulons pas que cela change.
Par exemple, le Canada est sur le point de conclure un accord commercial global avec lâUnion europĂ©enne qui offre un Ă©norme potentiel Ă©conomique. Avec la mise en Ćuvre provisoire de lâaccord en 2017, les exportations canadiennes vers lâEurope ont augmentĂ© de 31 % entre 2016 et 2023. Nos importations en provenance de lâEurope ont augmentĂ© de 56 % au cours de la mĂȘme pĂ©riode. Dix pays de lâUnion europĂ©enne, dont la France et lâItalie, doivent encore ratifier lâaccord. Une forte demande canadienne pour leurs produits pourrait contribuer Ă sceller lâaccord.
Lorsquâun pays, comme les Ătats-Unis, menace de violer les accords commerciaux existants, il peut ĂȘtre possible de bĂ©nĂ©ficier dâun sentiment dâachat canadien pour dĂ©tourner la consommation des importations amĂ©ricaines vers des produits de substitution canadiens. Ce sentiment pourrait ĂȘtre particuliĂšrement utile aux entreprises canadiennes qui perdent des marchĂ©s Ă cause des droits de douane. Lâimpact le plus important proviendrait des gouvernements et des grandes entreprises qui changent de fournisseurs, mais les consommateurs individuels peuvent aussi avoir un impact collectif en changeant leurs habitudes dâachats de nourriture, dâalcool et de produits mĂ©nagers.
Bien entendu, il serait beaucoup plus facile dâacheter canadien si nous accĂ©lĂ©rions la rĂ©duction des barriĂšres commerciales interprovinciales. Selon un rapport du Fonds monĂ©taire international de 2019, les barriĂšres commerciales internes du Canada Ă©quivalent Ă des droits de douane dâenviron 21 %. LâAccord de libre-Ă©change canadien, lancĂ© en 2017, a Ă©tabli plusieurs domaines Ă aborder, notamment la mobilitĂ© de la main-dâĆuvre, les marchĂ©s publics, la conciliation et la coopĂ©ration en matiĂšre de rĂ©glementation et le commerce des boissons alcoolisĂ©es. Il y a eu quelques succĂšs notables, comme lâAccord de conciliation sur les normes dâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique pour les appareils Ă©lectromĂ©nagers, mais les progrĂšs dans dâautres domaines, comme celui des boissons alcoolisĂ©es, ont Ă©tĂ© lents.
Suite Ă la menace des droits de douane amĂ©ricains, Anita Anand, la ministre fĂ©dĂ©rale responsable du commerce intĂ©rieur, a promis dâaccĂ©lĂ©rer la suppression des barriĂšres commerciales internes et a rĂ©cemment annoncĂ© la suppression de prĂšs de la moitiĂ© des exceptions fĂ©dĂ©rales restantes Ă lâAccord sur le commerce intĂ©rieur.
Acheter canadien peut aider et le fera certainement, mais nous ne devons pas perdre de vue lâimportance stratĂ©gique de liens commerciaux solides avec des pays du monde entier.
Les recherches menĂ©es par lâIRPP dans le cadre de son projet Transformations communautaires montrent quâil est important de penser non seulement aux entreprises concernĂ©es et Ă leurs travailleurs, mais aussi aux communautĂ©s.
Les communautĂ©s oĂč lâemploi est fortement concentrĂ© dans un seul secteur peuvent subir des consĂ©quences importantes lorsquâun employeur majeur est en difficultĂ©. Il peut y avoir des licenciements, des annulations de contrats pour les fournisseurs et une baisse des dĂ©penses dans les restaurants et les entreprises locales. Les administrations municipales peuvent Ă©galement Ă©prouver des difficultĂ©s si les recettes fiscales diminuent considĂ©rablement, et les prestataires de services Ă but non lucratif peuvent voir leurs dons diminuer alors quâils connaissent une augmentation de la demande de leurs services. Les prix de lâimmobilier peuvent Ă©galement chuter et les familles peuvent avoir donc plus de difficultĂ©s Ă dĂ©mĂ©nager.
Les consĂ©quences pour les membres de ces communautĂ©s ne sont pas seulement Ă©conomiques. Les familles peuvent Ă©galement ĂȘtre confrontĂ©es Ă un stress financier et psychologique important.
Cela signifie que tout plan visant à réorienter les liens commerciaux du Canada doit intégrer une série de mesures de soutien communautaire couvrant les besoins économiques, financiers et sociaux.
PlutĂŽt que dâexaminer les implications de propositions tarifaires spĂ©cifiques, qui sont toujours en cours, nous examinons le niveau dâexposition des communautĂ©s aux tarifs amĂ©ricains en utilisant une approche similaire Ă notre analyse du niveau dâexposition Ă la transition Ă©nergĂ©tique. Nous sĂ©lectionnons les secteurs dont les exportations vers les Ătats-Unis sont importantes et nous identifions les communautĂ©s (ou divisions de recensement) dont plus de 5 % de la main-dâĆuvre est employĂ©e dans ces secteurs (voir figure 4).
Par exemple, les communautĂ©s ayant de fortes concentrations dâemploi dans la production de pĂ©trole et de gaz comprennent Fort McMurray et Cold Lake en Alberta et Fort Nelson en Colombie-Britannique. Les communautĂ©s ayant de fortes concentrations dâemploi dans la fabrication automobile comprennent Ingersoll et Windsor en Ontario. Sault Ste. Marie, en Ontario, et Sept-Ăles, au QuĂ©bec, ont respectivement de fortes concentrations dâemplois dans les secteurs de lâacier et de lâaluminium. Ces secteurs pourraient ĂȘtre confrontĂ©s Ă des droits de douane pouvant atteindre 50 %.
Si lâadministration Trump a proposĂ© des droits de douane de 10 % sur lâĂ©nergie et les minerais, soit moins que les 25 % quâil a menacĂ© dâimposer aux produits manufacturĂ©s, rien ne garantit quâil sây tiendra. Il est devenu Ă©vident que tout secteur dĂ©pendant des exportations vers les Ătats-Unis pourrait ĂȘtre vulnĂ©rable face Ă un prĂ©sident imprĂ©visible.
Bien entendu, lâimpact sur ces communautĂ©s pourrait ĂȘtre rĂ©duit si les Ătats-Unis dĂ©cidaient dâabaisser leurs droits de douane, si les acheteurs amĂ©ricains sâefforçaient de trouver dâautres solutions ou si les entreprises canadiennes avaient facilement accĂšs Ă dâautres marchĂ©s dâexportation.
Les rĂ©percussions les plus importantes du conflit commercial pourraient se faire sentir lorsque les entreprises rĂ©duiront leurs investissements au Canada, que les acheteurs amĂ©ricains ajusteront leurs chaĂźnes dâapprovisionnement ou que les entreprises canadiennes dĂ©cideront de se dĂ©localiser. MĂȘme si les droits de douane ne sont pas imposĂ©s, lâincertitude pourrait freiner considĂ©rablement les investissements pendant un certain temps.
Si les droits de douane amĂ©ricains sont mis en Ćuvre, un certain nombre de dommages Ă court terme seront inĂ©vitables. Mais les gouvernements fĂ©dĂ©ral et provinciaux peuvent contribuer Ă en rĂ©duire lâampleur et la durĂ©e grĂące Ă plusieurs mesures clĂ©s :
Avec le soutien des gouvernements Ă tous les niveaux et lâengagement du secteur privĂ© et des communautĂ©s, le Canada pourra finalement sortir de la tourmente actuelle avec une Ă©conomie plus forte et plus rĂ©siliente qui soutiendra un niveau de vie Ă©levĂ© dans tout le pays pour les dĂ©cennies Ă venir.
Note de lâĂ©quipe de rĂ©daction (13 fĂ©vrier 2025): Au dĂ©but de lâannĂ©e 2025, Jeremy Harrison, ministre de la Saskatchewan responsable de SaskPower, a dĂ©clarĂ© que la province avait lâintention de remettre en Ă©tat ses centrales Ă©lectriques au charbon, notamment les centrales Boundary Dam et Shand dâEstevan, et de les maintenir en activitĂ© au-delĂ de 2030. Ceci sera fait en dĂ©pit des rĂ©glementations fĂ©dĂ©rales qui exigent lâĂ©limination progressive de lâĂ©lectricitĂ© produite Ă partir du charbon sans technologie de capture du carbone dâici cette date. Le ministre a dĂ©clarĂ© que le gouvernement provincial prendrait une dĂ©cision finale sur lâavenir de ses centrales au charbon dâici le 1er juillet.
Ce nâest pas la premiĂšre fois quâEstevan se trouve Ă la croisĂ©e des chemins.
Avec une histoire ancrĂ©e dans la production dâĂ©nergie Ă©lectrique, de charbon, de pĂ©trole et de gaz, cette ville de 10 900 habitants du sud-est de la Saskatchewan a connu tous les remous occasionnĂ©s par ses liens Ă©troits avec les ressources naturelles â les booms comme les flops.
Alors que le Canada sâachemine vers la dĂ©carbonation de son rĂ©seau Ă©lectrique, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a adoptĂ© une rĂ©glementation qui impose dâĂ©liminer dâici Ă 2030 la production dâĂ©lectricitĂ© Ă partir du charbon, une dĂ©cision qui devrait toucher les mineurs du charbon et les travailleurs des centrales au charbon. Ă lâapproche de lâĂ©chĂ©ance, beaucoup sâinquiĂštent Ă Estevan des effets de cette Ă©limination sur leurs emplois, leurs revenus et leur mode de vie.
Les rĂ©sidents craignent aussi les effets dâautres politiques climatiques sur leur communautĂ©, notamment dans les secteurs de lâagriculture et de la production pĂ©troliĂšre.
ParallĂšlement, plusieurs nouveaux projets dâĂ©nergie propre, dont un petit rĂ©acteur modulaire, une ferme solaire et une centrale gĂ©othermique, suscitent espoir et opportunitĂ©s.
Selon le principal message qui sâest dĂ©gagĂ© de nos entrevues avec les membres de la communautĂ©, la « ville Ă©nergĂ©tique » dâEstevan possĂšde la cohĂ©sion, la rĂ©silience, les compĂ©tences et les atouts nĂ©cessaires pour gĂ©rer sa transformation et crĂ©er de nouvelles sources de croissance Ă©conomique. Mais ils sâinquiĂštent aussi de voir leurs vies et leurs moyens dâexistence chamboulĂ©s, dâavoir peu Ă dire sur les changements Ă venir et de ne disposer dâaucun organisme pour tracer leur propre voie.
PrĂšs de 10â% de la population canadienne vit dans 68 communautĂ©s qui pourraient ĂȘtre exposĂ©es Ă une crise de main-dâĆuvre au fur et Ă mesure que le Canada et le reste du monde rĂ©duiront leurs Ă©missions de gaz Ă effet de serre. Les crises de main-dâĆuvre peuvent ĂȘtre provoquĂ©es par des investissements technologiques, le dĂ©clin de certaines industries ou lâessor de nouveaux secteurs dâactivitĂ©. Elles peuvent profiter Ă long terme Ă certaines communautĂ©s, mais nĂ©cessitent tout de mĂȘme un soutien pour gĂ©rer la pĂ©riode de transformation.
Les communautĂ©s exposĂ©es ont une population moyenne plus faible et sont gĂ©nĂ©ralement Ă©loignĂ©es et moins diversifiĂ©es Ă©conomiquement. Elles font face Ă des dĂ©fis et possibilitĂ©s qui varient selon leurs propres atouts et situations. Câest pourquoi les stratĂ©gies communautaires sur mesure y ont de meilleures chances de succĂšs que les approches descendantes et uniformisĂ©es.
Les programmes de dĂ©veloppement Ă©conomique fĂ©dĂ©raux, provinciaux et territoriaux leur assurent actuellement un certain soutien, mais ils ne sont pas conçus pour guider les communautĂ©s lors de transformations Ă©conomiques et sociĂ©tales de grande ampleur. De nombreux programmes font aussi abstraction dâun engagement communautaire adĂ©quat et dâune approche structurĂ©e qui prenne en compte les besoins des communautĂ©s dans la prise de dĂ©cisions.
Pour rĂ©duire lâexposition des communautĂ©s et favoriser leur rĂ©silience Ă long terme, lâInstitut de recherche en politiques publiques formule les recommandations suivantes :
Ingersoll, ville de 13 700 habitants du sud-ouest de lâOntario, abrite depuis 2022 lâune des premiĂšres installations de fabrication de vĂ©hicules Ă©lectriques (VE) Ă grande Ă©chelle du Canada : lâusine de montage CAMI de General Motors.
La transition de CAMI, passĂ©e de la production des VUS Ă essence Chevrolet Equinox Ă celle de fourgonnettes de livraison entiĂšrement Ă©lectriques, a relancĂ© lâusine et renouvelĂ© les perspectives dâavenir de la communautĂ©. Mais ce parcours a Ă©tĂ© semĂ© dâembĂ»ches. La fermeture temporaire de lâusine pendant son rĂ©outillage a suivi de prĂšs une grĂšve survenue en 2019, la pandĂ©mie de COVID-19 a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e lâannĂ©e suivante, puis une pĂ©nurie de semi-conducteurs et dâautres composants a frappĂ© lâĂ©conomie mondiale. Cette sĂ©rie de perturbations a entraĂźnĂ© des mises Ă pied temporaires et permanentes. Aujourdâhui, la nouvelle usine a besoin dâeffectifs moins nombreux aux compĂ©tences diffĂ©rentes.
Lâaventure dâIngersoll offre plusieurs leçons sur les dĂ©fis soulevĂ©s par une transformation de la main-dâĆuvre, elle met en Ă©vidence la vulnĂ©rabilitĂ© dâune communautĂ© qui dĂ©pend dâun seul gros employeur, et elle illustre comment le passage Ă une Ă©conomie mondiale faible en carbone peut toucher la production automobile, les travailleurs et les communautĂ©s Ă lâĂ©chelon local.
MalgrĂ© tout, il y a de bonnes raisons dâĂȘtre optimiste. Ingersoll fait partie dâun vaste Ă©cosystĂšme dâinvestissements en VE dans le sud de lâOntario, qui comprend plusieurs usines de batteries et un projet de 15 milliards $ de Honda visant Ă durabiliser la fabrication de vĂ©hicules et de piĂšces dâautomobiles dans cette rĂ©gion de la province.
Ingersoll est situĂ©e sur lâun des meilleurs territoires agricoles du pays, et sa proximitĂ© avec dâimportants rĂ©seaux de transport, la rĂ©gion du Grand Toronto et les Ătats-Unis lui procure encore dâautres avantages.
Mais si la transformation dâIngersoll constitue une rĂ©ussite communautaire, des questions demeurent sur la gestion de cette transformation et sur lâefficacitĂ© du soutien offert aux travailleurs, aux employeurs et Ă la communautĂ©. Sans compter lâĂ©ventualitĂ© de tarifs amĂ©ricains et de modifications aux politiques sur les VE, qui ajoute Ă lâincertitude ambiante.