Disposer dâun accĂšs Internet fiable est un aspect essentiel de la vie quotidienne, mais ce nâest pas le cas pour tout le monde. Les communautĂ©s autochtones et nordiques sont en retard par rapport au reste du Canada en ce qui concerne lâaccĂšs Ă Internet aux vitesses nĂ©cessaires pour profiter des services en ligne essentiels, tels que les soins de santĂ©, lâĂ©ducation, les services bancaires et lâemploi. Les Canadiens Ă faible revenu ont du mal Ă sâoffrir la technologie et les forfaits Internet nĂ©cessaires pour accĂ©der Ă ces services. Pour combler ces lacunes, cette Ă©tude identifie de nouvelles approches que les gouvernements peuvent adopter pour rĂ©pondre aux besoins des communautĂ©s mal desservies et amĂ©liorer lâaccessibilitĂ© financiĂšre dâInternet pour les Canadiens Ă faible revenu.
Les enseignants en alphabĂ©tisation avaient autrefois accĂšs Ă une solide infrastructure nationale de connaissances sur lâalphabĂ©tisation des adultes : des activitĂ©s qui gĂ©nĂ©raient des recherches sur les pratiques dâalphabĂ©tisation des adultes et les apprenants garantissaient que les connaissances Ă©taient largement partagĂ©es et quâelles Ă©taient rassemblĂ©es et prĂ©servĂ©es pour une utilisation future. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a jouĂ© un rĂŽle crucial dans la crĂ©ation et le maintien de cette infrastructure de connaissances, mais son rĂŽle sâest considĂ©rablement rĂ©duit au fil du temps. Cette Ă©tude soutient que, pour fournir aux enseignants en alphabĂ©tisation les outils nĂ©cessaires Ă un travail efficace, le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait jouer un rĂŽle de premier plan dans le rĂ©tablissement de cette infrastructure de connaissances, et elle formule plusieurs recommandations sur la maniĂšre dây parvenir.
La crise actuelle du coĂ»t de la vie a mis en Ă©vidence les lacunes du filet de sĂ©curitĂ© sociale du Canada. Les programmes provinciaux dâaide sociale, qui sont censĂ©s fournir un revenu minimum pour acheter de la nourriture et satisfaire dâautres besoins essentiels, ne sont pas Ă la hauteur.
Les mĂ©nages Ă faibles revenus, qui consacrent une part plus importante de leurs revenus aux besoins de base, sont les plus touchĂ©s par lâinflation des prix de lâalimentation et du logement. Les parents vivant seuls et les adultes seuls en Ăąge de travailler sont plus susceptibles dâavoir un faible revenu que les autres types de mĂ©nage.
ParallĂšlement, le taux dâinsĂ©curitĂ© alimentaire augmente. En 2022, 18â% des Canadiens ont connu lâinsĂ©curitĂ© alimentaire, contre 16â% un an plus tĂŽt et 17â% en 2019. Les mĂ©nages qui y sont les plus vulnĂ©rables sont les mĂȘmes que ceux qui sont les plus susceptibles dâavoir un faible revenu, notamment les mĂšres cĂ©libataires.
Il est urgent dâaugmenter les aides au revenu des mĂ©nages Ă faible revenu. Ce rapport prĂ©sente les diffĂ©rents mĂ©canismes de programmes de transfert monĂ©taires que le gouvernement fĂ©dĂ©ral pourrait utiliser. Il met lâaccent sur les rĂ©formes des programmes de transfert de fonds dĂ©jĂ existants, mis en Ćuvre par lâAgence du revenu du Canada, notamment le crĂ©dit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisĂ©e (TPS/TVH), lâallocation canadienne pour enfants et lâallocation canadienne pour les travailleurs, parce que ces rĂ©formes pourraient ĂȘtre mises en Ćuvre plus rapidement que la conception dâune prestation entiĂšrement nouvelle.
Pour dĂ©terminer lequel des scĂ©narios potentiels de transfert de fonds le gouvernement devrait mettre en Ćuvre, le rapport dĂ©finit les critĂšres dâĂ©valuation suivantsâ:
Sur la base de ces critĂšres et de lâanalyse des diffĂ©rentes options, ce rapport recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral dâĂ©tendre le crĂ©dit existant pour la TPS/TVH aux familles composĂ©es dâadultes en Ăąge de travailler et de leurs enfants. Ce crĂ©dit prĂ©sente plusieurs avantagesâ: il touche tous les types de familles, y compris les adultes seuls en Ăąge de travailler et les familles monoparentales, et il cible bien les mĂ©nages Ă faible revenu. Cependant, le crĂ©dit existant fournit un soutien modesteâ: pour lâannĂ©e de prestation 2023-2024, il a fourni une prestation de base de 325â$ par an par adulte et de 171â$ par an par enfant. Bien que le crĂ©dit existant pour la TPS/TVH soit indexĂ© sur lâinflation, il est liĂ© Ă lâindice gĂ©nĂ©ral des prix Ă la consommation, qui a augmentĂ© moins vite que les prix des aliments et du logement.
Ce rapport recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral dâadopter lâune des deux options suivantes : un crĂ©dit de TPS/TVH de 100â$ par mois et par adulte en Ăąge de travailler, rĂ©parti de maniĂšre relativement Ă©gale entre les mĂ©nages Ă revenus faibles et moyens, ou un crĂ©dit de 150â$ par mois destinĂ© aux personnes en situation de grande pauvretĂ©. Les deux scĂ©narios amĂ©lioreraient lâaccĂšs aux besoins de base des mĂ©nages Ă faible revenu Ă un coĂ»t relativement modĂ©rĂ©. Ce complĂ©ment ne sâĂ©tendrait pas aux personnes ĂągĂ©es de 65 ans et plus parce quâelles sont moins susceptibles dâĂȘtre Ă faible revenu ou de connaĂźtre lâinsĂ©curitĂ© alimentaire, et quâelles bĂ©nĂ©ficient dĂ©jĂ dâun soutien au revenu par le biais de la pension de la SĂ©curitĂ© de la vieillesse et du SupplĂ©ment de revenu garanti.
En outre, nous recommandons que le crĂ©dit Ă©largi pour la TPS/TVH soit distribuĂ© mensuellement plutĂŽt que trimestriellement, comme câest le cas actuellement. Cela permettrait de rĂ©partir les paiements de maniĂšre Ă©gale tout au long de lâannĂ©e et dâoffrir aux bĂ©nĂ©ficiaires une plus grande stabilitĂ© pour payer leurs factures mensuelles. Nous recommandons Ă©galement au gouvernement fĂ©dĂ©ral d’implanter le projet pilote de la production automatique des dĂ©clarations de revenus, annoncĂ©e dans le budget 2023, afin dâaider les Canadiens qui ne dĂ©clarent pas actuellement leurs revenus Ă recevoir les prestations auxquelles ils ont droit.
Sur la base des conclusions de cette Ă©tude, le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ©, une collaboration non partisane de divers experts en politiques publiques et de dirigeants communautaires de tout le pays, a recommandĂ© dans un rapport publiĂ© en dĂ©cembre 2023 que le gouvernement fĂ©dĂ©ral restructure et Ă©largisse lâactuel crĂ©dit pour la TPS/TVH et le renomme «âallocation pour lâĂ©picerie et les besoins de baseâ». Lâallocation proposĂ©e sâappuierait sur le remboursement pour lâĂ©picerie mise en Ćuvre en 2023 et ciblerait les mĂ©nages Ă faible revenu composĂ©s dâadultes en Ăąge de travailler. Lâoption retenue par le Conseil consisterait Ă verser 150â$ par mois par adulte et 50â$ par enfant aux mĂ©nages aux plus faibles revenus. Tous les mĂ©nages qui bĂ©nĂ©ficient actuellement du remboursement de la TPS/TVH recevraient plus dâargent dans le cadre de la proposition du Conseil, mais ce sont les mĂ©nages Ă faible revenu qui bĂ©nĂ©ficieraient de lâaugmentation la plus importante.
Les technologies numĂ©riques ont le potentiel dâamĂ©liorer la mobilitĂ© urbaine et dâapporter toute une sĂ©rie dâavantages sociĂ©taux et environnementaux. Elles peuvent amĂ©liorer lâaccĂšs aux transports en commun pour les personnes mal desservies ; aider les usagers Ă optimiser leurs itinĂ©raires et Ă combiner diffĂ©rents modes de transport grĂące Ă des applications intĂ©grĂ©es et au paiement sans contact ; et amĂ©liorer lâefficacitĂ©, lâefficience et la durabilitĂ© des systĂšmes de transport en commun qui sont de plus en plus Ă©lectrifiĂ©s. Cependant, pour atteindre leur plein potentiel, les technologies numĂ©riques doivent faire partie dâune transformation plus large menĂ©e par les gouvernements, qui comprend une plus grande planification conjointe de lâutilisation du territoire et des transports, et lâamĂ©lioration des services de mobilitĂ© partagĂ©e tels que les applications de voitures de transport avec chauffeur, lâautopartage et les vĂ©los en libre-service. Les gouvernements Ă tous les niveaux ont un rĂŽle important Ă jouer dans lâĂ©laboration de cette transformation de maniĂšre Ă amĂ©liorer lâĂ©quitĂ©, lâefficacitĂ© et lâefficience des transports publics.
Au Canada, lâassurance mĂ©dicaments est une mosaĂŻque de rĂ©gimes publics provinciaux, territoriaux et fĂ©dĂ©raux, dâassurances privĂ©es et de paiements directs. Des millions de Canadiens nâont pas les moyens dâacheter les mĂ©dicaments qui leur ont Ă©tĂ© prescrits. Mais nous avons lâoccasion de changer cette situation. Le gouvernement libĂ©ral fĂ©dĂ©ral a signĂ© un accord de soutien et de confiance avec le Nouveau Parti dĂ©mocratique qui comprend lâengagement dâintroduire un rĂ©gime national dâassurance mĂ©dicaments. Il existe plusieurs modĂšles que le gouvernement pourrait utiliser pour mettre en Ćuvre un tel rĂ©gime. Le prĂ©sent document prĂ©conise une approche par Ă©tapes, prudente sur le plan financier, en commençant par un programme fĂ©dĂ©ral de rĂ©assurance pour les mĂ©dicaments coĂ»teux destinĂ©s au traitement des maladies rares, qui jetterait les bases dâun rĂ©gime dâassurance mĂ©dicaments complet et universel.
Alors que la pandĂ©mie de COVID-19 commençait Ă montrer des signes de recul au dĂ©but de lâannĂ©e 2022, les Canadiens envisageaient lâavenir avec un regain dâespoir. Les gouvernements ont dâabord parlĂ© de « reconstruire en mieux » aprĂšs les ravages de la pandĂ©mie, en souhaitant sâattaquer aux inĂ©galitĂ©s sociales et rendre les systĂšmes du pays plus rĂ©sistants.
Mais pour beaucoup, cet espoir de progrĂšs a vite Ă©tĂ© tempĂ©rĂ© par la flambĂ©e des prix des denrĂ©es alimentaires, des loyers et des carburants, ainsi que par les consĂ©quences dâune saison record de feux de forĂȘt, dâinondations, de tempĂȘtes et dâautres Ă©vĂ©nements causĂ©s par les changements climatiques qui ont touchĂ© pratiquement tous les coins du pays.
Câest dans le contexte de ces deux crises que le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ©, une collaboration non partisane de divers experts en politiques publiques et de dirigeants communautaires de tout le pays, sâest rĂ©uni pour Ă©laborer une sĂ©rie de mesures politiques visant Ă lutter simultanĂ©ment contre ceux dâune inflation Ă©levĂ©e et des changements climatiques. Le Conseil a rassemblĂ© des experts, commandĂ© des recherches et organisĂ© des discussions afin de fournir au gouvernement fĂ©dĂ©ral des recommandations politiques fondĂ©es sur des donnĂ©es probantes. Ce rapport est lâaboutissement de notre travail.
Le Conseil a Ă©tĂ© guidĂ© par une nouvelle approche de lâĂ©laboration des politiquesâ: une approche qui renonce aux mesures politiques fragmentaires en faveur dâune vision holistique prenant en compte tous les besoins de base Ă la fois. En effet, personne ne devrait ĂȘtre obligĂ© de renoncer Ă acheter de la nourriture pour payer son loyer ou renoncer Ă chauffer ou Ă climatiser son logement pour sâabonner aux transports en commun et se rendre au travail. Et rien de tout cela ne devrait se faire au dĂ©triment de la lutte contre les changements climatiques.
Nous entendons trop souvent des arguments selon lesquels les efforts visant Ă accĂ©lĂ©rer la transition vers une Ă©conomie carboneutre rendront la vie encore plus inabordable. Nous croyons quâen mettant en Ćuvre les bonnes politiques, il est possible dâattĂ©nuer les problĂšmes dâabordabilitĂ© Ă court terme tout en mettant en place les Ă©lĂ©ments constitutifs dâune abordabilitĂ©, dâune rĂ©silience, ainsi que dâune rĂ©duction des Ă©missions durables. En effet, si les efforts visant Ă rĂ©soudre les problĂšmes dâabordabilitĂ© et de changements climatiques restent dĂ©connectĂ©s les uns des autres, les familles Ă faibles revenus deviendront plus vulnĂ©rables Ă la volatilitĂ© des prix des combustibles fossiles et supporteront le coĂ»t des changements climatiques.
Les travaux du Conseil sont guidĂ©s par la conviction que les efforts dĂ©ployĂ©s pour relever ces dĂ©fis doivent bĂ©nĂ©ficier en prioritĂ© aux familles Ă faibles revenus. Les jeunes gĂ©nĂ©rations, dĂ©jĂ confrontĂ©es Ă des coĂ»ts de logement Ă©levĂ©s, Ă une part disproportionnĂ©e des cotisations au filet social et Ă des risques climatiques croissants, ne devraient pas ĂȘtre encore plus lourdement dĂ©savantagĂ©es.
Jennifer Ditchburn Présidente et chef de la direction, Institut de recherche en politiques publiques Lili-Anna Pereƥa |
Ăric St-Pierre Directeur gĂ©nĂ©ral, Fondation de la famille Trottier Catherine Abreu Fondatrice et directrice gĂ©nĂ©rale, Destination Zero |
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Yasmin Abraham
Jasveen Brar Caroline Brouillette Cherise Burda Evan Fraser Brendan Haley Kate Harland Paul Kershaw |
Marc Lee
Angella MacEwen Mike Moffatt Gillian Petit Shelagh Pizey-Allen Rosemarie Powell Lisa Rae Nate Wallace |
Plus de quatre millions de Canadiens vivent dans des zones Ă faible densitĂ©, ce qui inclut les collectivitĂ©s rurales, Ă©loignĂ©es, autochtones et nordiques. La plupart ont peu dâoptions de transport en dehors de la voiture. Pour les personnes qui ne peuvent pas conduire pour des raisons de coĂ»t, dâĂąge ou de capacitĂ©, le manque dâoptions peut exacerber les inĂ©galitĂ©s et accroĂźtre les risques pour leur santĂ© et leur sĂ©curitĂ©.
Pour rĂ©soudre ces problĂšmes, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit collaborer avec ses homologues provinciaux, territoriaux et autochtones afin dâĂ©laborer une nouvelle vision du transport de passagers au Canada, tout en tirant parti du financement fĂ©dĂ©ral des infrastructures et en lâaugmentant afin de combler les lacunes en matiĂšre de services.
Bien que ces zones soient moins peuplĂ©es, leurs habitants sont plus susceptibles dâĂȘtre aux prises avec des coĂ»ts de transport plus Ă©levĂ©s et de gĂ©nĂ©rer plus dâĂ©missions de gaz Ă effet de serre (GES) par personne parce quâils doivent parcourir de plus longues distances.
Compte tenu des besoins spĂ©cifiques des collectivitĂ©s rurales, des solutions crĂ©atives sont nĂ©cessaires. Lâabsence dâune vision nationale fiable en matiĂšre de transport contribue aux lacunes dans les services, et la fermeture de lignes dâautobus vitales amplifie le problĂšme. Bien que le gouvernement fĂ©dĂ©ral ait fait des progrĂšs en ce qui concerne les besoins quotidiens de transport en milieu rural grĂące Ă son Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural, le potentiel de ce fonds est limitĂ©, car il ne couvre pas les coĂ»ts dâexploitation ni les trajets entre les diffĂ©rentes communautĂ©s.
Le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de :
1. Collaborer avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones pour déve-lopper une vision nationale renouvelée du transport de passagers, étayée par de meilleures données, recherches et analyses.
2. Mobiliser le financement de lâinfrastructure et VIA Rail pour aider Ă combler les lacunes dans les services interrĂ©gionaux dâautobus et de transport ferroviaire.
3. Ălargir le Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural afin de couvrir un plus large Ă©ventail de coĂ»ts, de projets et de candidats
Le risque de pauvretĂ© en matiĂšre de transports, ou le manque dâoptions de transport adĂ©quates pour accĂ©der aux services essentiels et Ă lâemploi, augmentent dans les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es du Canada. Si la pauvretĂ© liĂ©e au transport existe Ă©galement dans les zones urbaines, les habitants des collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es se trouvent devant des obstacles supplĂ©mentaires en raison des longues distances quâils doivent parcourir pour accĂ©der aux services, consulter un mĂ©decin ou obtenir de lâaide sociale (Fairbairn et Gustafson, 2006).
Les habitants de ces zones ont davantage recours Ă la voiture pour se rendre au travail et accĂ©der aux services et aux commoditĂ©s, en partie parce quâils doivent parcourir de plus grandes distances et parce quâils disposent de systĂšmes de transport en commun nettement moins dĂ©veloppĂ©s. Lâaugmentation des coĂ»ts de possession dâune voiture peut Ă©galement limiter leurs options de transport. Les personnes qui vivent dans des collectivitĂ©s rurales ont gĂ©nĂ©ralement des revenus infĂ©rieurs Ă ceux de leurs homologues urbains, ce qui peut aggraver le problĂšme.
Il y a des proportions plus Ă©levĂ©es de personnes ĂągĂ©es et de jeunes vivant dans des collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es â deux groupes qui sont souvent incapables de conduire ou dâaccĂ©der Ă un vĂ©hicule et qui sont donc plus limitĂ©s dans leurs dĂ©placements lorsquâil nây a pas dâautres options de transport en commun (voir le tableau 1). Les collectivitĂ©s trĂšs Ă©loignĂ©es peuvent avoir peu de routes, et les collectivitĂ©s nordiques sont confrontĂ©es au dĂ©fi supplĂ©mentaire des routes de glace construites sur le pergĂ©lisol qui ne sont praticables quâune partie de lâannĂ©e (Barrette et Charlebois, 2018). Les changements climatiques crĂ©ent de plus en plus dâincertitudes quant Ă lâavenir de ces routes de glace.
Comparativement aux zones urbaines, les options de transport en commun Ă grande Ă©chelle sont moins rĂ©alisables dans les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es. Moins de 2 % des voyageurs des rĂ©gions rurales et Ă©loignĂ©es utilisent les transports en commun pour se rendre au travail (Statistique Canada, 2023b ; Larijani et al., 2019). Cela sâexplique par le fait que les collectivitĂ©s sont rĂ©parties sur un vaste territoire et que les populations rurales sont plus petites. Par consĂ©quent, les systĂšmes de transport ruraux sont souvent plus rĂ©duits, comptent moins dâusagers et ne bĂ©nĂ©ficient pas des Ă©conomies dâĂ©chelle de nombreux systĂšmes urbains.
La figure 1 montre les subdivisions de recensement du Canada regroupĂ©es selon cinq degrĂ©s dâĂ©loignement, tels que dĂ©finis par Statistique Canada (2022a). Les centres de population du pays sont reprĂ©sentĂ©s en orange. Tous les territoires situĂ©s en dehors des zones orange sont considĂ©rĂ©s comme ruraux. Les provinces de lâAtlantique et le Nord du Canada ont une proportion nettement plus Ă©levĂ©e de collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es.
Certaines des collectivitĂ©s les plus Ă©loignĂ©es du pays ne sont pas accessibles par route ou par traversier pendant une grande partie de lâannĂ©e (Transports Canada, 2020). En 2021, 117 subdivisions de recensement, sur un total de 5 112 au Canada, nâĂ©taient pas reliĂ©es aux centres de population par une route principale ou un rĂ©seau de traversiers. Ces collectivitĂ©s ne sont accessibles que par avion, par des traversiers saisonniers et par des bateaux-bus qui, dans certains cas, nâont pas dâhoraires rĂ©guliers ou doivent ĂȘtre affrĂ©tĂ©s.
Le manque dâoptions de transport pour les personnes vivant dans des zones Ă faible densitĂ© peut limiter leur accĂšs aux soins de santĂ© et aux activitĂ©s sociales et les exposer Ă un risque plus Ă©levĂ© dâatteinte Ă leur intĂ©gritĂ© physique. Les personnes Ă faible revenu, les Autochtones, les personnes ĂągĂ©es, les jeunes et les personnes handicapĂ©es sont particuliĂšrement touchĂ©es.
LâaccĂšs aux services essentiels tels que les soins de santĂ© est plus restreint dans les zones rurales, un problĂšme qui est exacerbĂ© par le manque dâoptions de transport (Institut canadien dâinformation sur la santĂ©, 2012 ; Mirza et Hulko, 2022). Les zones reculĂ©es sont Ă©galement moins susceptibles dâavoir accĂšs Ă des rĂ©seaux de tĂ©lĂ©communication de qualitĂ© qui leur permettraient de contourner certains problĂšmes dâaccĂšs au transport, comme les -rendez-vous de tĂ©lĂ©santĂ©.
Les personnes ĂągĂ©es vivant dans les zones urbaines et rurales sont soumises Ă un risque accru dâisolement social (National Seniors Council, 2014), mais celles qui vivent dans des zones rurales et dans des endroits dĂ©pourvus de moyens de transport adĂ©quats sont face Ă des obstacles encore plus importants lorsquâil sâagit de participer Ă des activitĂ©s sociales (National Seniors Council, 2017).
Certaines personnes qui ne peuvent pas conduire ou qui nâont pas dâoptions de dĂ©placement accessibles et abordables risquent de subir des dommages physiques. Le rapport final de lâEnquĂȘte nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinĂ©es (2019) appelle Ă une augmentation des services et des infrastructures de transport sĂ»rs et abordables pour les femmes, les filles et les personnes autochtones de la diversitĂ© sexuelle et de genre vivant dans des collectivitĂ©s rurales et isolĂ©es. En rĂ©ponse au meurtre de plus de 40 personnes, qui Ă©taient principalement des femmes et des filles autochtones, sur un tronçon dâautoroute entre Prince George et Prince Rupert, en Colombie-Britannique, le gouvernement provincial a pris des mesures pour amĂ©liorer les transports en commun communautaires (Gouvernement de la Colombie-Britannique, s. d.).
Des options de transport moins nombreuses et plus coĂ»teuses exacerbent Ă©galement lâincidence de la pauvretĂ© dans les collectivitĂ©s rurales, oĂč le coĂ»t des produits essentiels tels que la nourriture et lâĂ©nergie est dĂ©jĂ considĂ©rablement plus Ă©levĂ© que dans les zones urbaines (Banques alimentaires Canada, s. d. ; Lovekin et Heerema, 2019). Des rapports montrent que les factures dâĂ©nergie dans les collectivitĂ©s Ă©loignĂ©es peuvent ĂȘtre de six Ă dix fois plus Ă©levĂ©es que dans le reste du Canada (Lovekin, 2021). Lâajout de coĂ»ts de transport plus Ă©levĂ©s Ă lâĂ©quation peut amener les budgets des mĂ©nages ruraux Ă faible revenu Ă leur point de rupture.
Des options de transport accessibles et abordables peuvent renforcer la rĂ©silience des communautĂ©s en permettant aux travailleurs de se rendre sur leur lieu de travail et dans les rĂ©gions voisines, et en aidant les communautĂ©s Ă conserver leur population en Ăąge de travailler (Orb, 2021). Cela est particuliĂšrement important pour les collectivitĂ©s qui comptent une forte proportion de travailleurs saisonniers, car cela pourrait augmenter les possibilitĂ©s dâemploi disponibles hors saison, et pour les collectivitĂ©s dont lâĂ©conomie est plus petite et qui dĂ©pendent dâindustries Ă forte intensitĂ© dâĂ©missions, comme lâexploitation miniĂšre et pĂ©troliĂšre, qui peuvent ĂȘtre plus vulnĂ©rables aux fluctuations Ă©conomiques (Infrastructure Canada, 2019â; Institut climatique du Canada, 2021).
Le Canada a le taux de croissance de la population rurale le plus Ă©levĂ© parmi les pays du G7 et est lâun des deux seuls pays oĂč la population rurale augmente (Statistique Canada, 2022a). De nombreuses collectivitĂ©s rurales et isolĂ©es sont composĂ©es dâagriculteurs, de forestiers, de commerçants, de pĂȘcheurs et dâexploitants miniers. De nombreuses communautĂ©s autochtones sont Ă©galement situĂ©es dans des zones reculĂ©es.
Bien que ces rĂ©gions soient moins peuplĂ©es, elles sont plus coĂ»teuses et produisent plus dâĂ©missions de gaz Ă effet de serre par personne (OCDE, 2021). Cela sâexplique en partie par le fait que les Canadiens vivant dans les collectivitĂ©s rurales, Ă©loignĂ©es et nordiques doivent parcourir de plus longues distances et sont plus susceptibles de recourir Ă des combustibles plus coĂ»teux et plus polluants tels que le diesel, le propane et le mazout domestique (Lovekin & Heerema, 2019 ; Statistique Canada, 2022b ; Campbell, 2023).
Alors que le Canada et dâautres pays opĂšrent une transition vers une consommation nette nulle et adoptent davantage dâoptions en matiĂšre dâĂ©nergie renouvelable, les dĂ©sĂ©quilibres entre lâoffre et la demande de pĂ©trole pourraient entraĂźner une volatilitĂ© croissante des prix (Leach, 2022). Les mĂ©nages qui restent dĂ©pendants des combustibles fossiles pour le transport et lâĂ©nergie seront de plus en plus exposĂ©s aux augmentations de coĂ»ts. En lâabsence de solutions de rechange abordables, les mĂ©nages ruraux Ă faibles revenus verront leur budget se resserrer de plus en plus.
Le supplĂ©ment rural au Paiement de lâincitatif Ă agir pour le climat (rabais sur la taxe carbone) a Ă©tĂ© doublĂ© en 2023 pour tenir compte du coĂ»t de la vie plus Ă©levĂ© dans les zones rurales (MinistĂšre des Finances du Canada, 2023). Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a Ă©galement supprimĂ© la taxe carbone sur le mazout domestique pendant trois ans afin de donner aux mĂ©nages le temps de passer aux thermopompes. Une remise augmentĂ©e pour lâinstallation dâune thermopompe contribue Ă rendre le changement plus abordable.
LâĂ©largissement de lâaccĂšs Ă des solutions de transport abordables et Ă faible Ă©mission de carbone nĂ©cessitera une approche diffĂ©rente dans les collectivitĂ©s rurales. Les solutions crĂ©atives telles que les transports en commun Ă la demande et les navettes adaptĂ©es aux besoins spĂ©cifiques des collectivitĂ©s seront les plus efficaces, car elles offrent des solutions de remplacement Ă faibles Ă©missions tout en contribuant Ă lutter contre la pauvretĂ© en matiĂšre de transport. Ces options sont souvent Ă lâĂ©chelle appropriĂ©e pour les rĂ©gions rurales et Ă©loignĂ©es, qui nâont pas la densitĂ© requise pour un transport en commun Ă itinĂ©raire fixe rentable. Un meilleur accĂšs Ă des moyens de transport privĂ©s abordables et peu polluants, tels que des vĂ©hicules Ă©lectriques dâoccasion, sera Ă©galement utile (Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ©, 2024).
En 2013, les ministres fĂ©dĂ©ral, provinciaux et territoriaux des Transports se sont entendus sur une vision stratĂ©gique permettant de maintenir, de promouvoir et dâamĂ©liorer des rĂ©seaux de transport sĂ»rs, concurrentiels, viables et durables qui favoriseraient Ă leur tour la prospĂ©ritĂ© Ă©conomique et la qualitĂ© de vie des Canadiens. Cette vision comprenait un plan prioritaire quinquennal visant Ă favoriser des systĂšmes de transport homogĂšnes qui relient les personnes, les services et les emplois (Conseil des ministres, 2013).
Si des progrĂšs ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s dans certains domaines, des lacunes subsistent. La vision stratĂ©gique de 2013 a prĂ©cĂ©dĂ© les objectifs climatiques actuels du Canada et doit ĂȘtre mise Ă jour pour les reflĂ©ter. En outre, Transports Canada dĂ©crit le rĂŽle des transports comme Ă©tant -essentiellement un soutien Ă lâĂ©conomie et au commerce du Canada (Transports Canada, 2023a). Bien que ce soit important, le transport est Ă©galement un besoin fondamental, nĂ©cessaire Ă la survie et Ă lâĂ©panouissement des personnes dans leurs collectivitĂ©s.
La fermeture des lignes de bus de Greyhound Canada et de la Saskatchewan Transportation Company en 2017 et 2018 a entraĂźnĂ© une forte rĂ©duction des options de transport abordables pour de nombreux Canadiens dans les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es (voir encadrĂ© 2). Cependant, lâampleur et la portĂ©e des lacunes en matiĂšre de connectivitĂ© des bus et des trains vont bien au-delĂ de ces fermetures.
Le transport de passagers au Canada est une compĂ©tence partagĂ©e entre les gouvernements fĂ©dĂ©ral, provinciaux, territoriaux et autochtones. Les opĂ©rateurs de bus et de trains sont aussi bien des entreprises privĂ©es que des agences publiques, avec un mĂ©lange dâautres modĂšles entre les deux. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral joue un rĂŽle important dans le transport de passagers par le biais du financement des infrastructures, de VIA Rail ainsi que de la rĂ©glementation et la collecte et lâanalyse des donnĂ©es relatives au transport.
Pour fournir des services de transport abordables et durables aux collectivitĂ©s rurales, il faut une Ă©pine dorsale nationale dâautocars et de lignes ferroviaires le long des corridors les plus frĂ©quentĂ©s, avec des centres nĂ©vralgiques le long du trajet oĂč les petites collectivitĂ©s peuvent dĂ©velopper des solutions de transport rĂ©guliers ou Ă la demande qui dĂ©posent les passagers en toute sĂ©curitĂ© pour quâils puissent poursuivre leur voyage.
Pourtant, le Canada ne dispose pas dâune infrastructure de transport fiable. Les services et la frĂ©quentation de VIA Rail sont en dĂ©clin depuis que les subventions dâinvestissement et dâexploitation ont Ă©tĂ© considĂ©rablement rĂ©duites pour la sociĂ©tĂ© dâĂtat dans les annĂ©es 1990 (Dupuis, 2014). Entre le sommet atteint en 1983 et 2022, les subventions dâinvestissement et dâexploitation combinĂ©es ont diminuĂ© de 66 % (VIA Rail Canada, 2022 ; Dupuis, 2014). En outre, VIAâRail ne possĂšde que 2 % des voies quâelle utilise, ce qui a entraĂźnĂ© des difficultĂ©s pour assurer un service frĂ©quent et ponctuel, car les trains de passagers doivent cĂ©der le passage au trafic de marchandises sur les voies partagĂ©es (Bureau du vĂ©rificateur gĂ©nĂ©ral du Canada, 2016).
Avec la perte dâimportants services de transport de VIA Rail, Greyhound, Saskatchewan Transportation Company et bien dâautres depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie, les passagers des collectivitĂ©s Ă travers le Canada se retrouvent sans options de transport sĂ»res et abordables.
Le rapport 2023 du ComitĂ© permanent des transports, de lâinfrastructure et des collectivitĂ©s de la Chambre des communes invitait le gouvernement fĂ©dĂ©ral Ă collaborer avec les autres ordres de gouvernement et les opĂ©rateurs publics et privĂ©s pour recenser et combler les lacunes dans les services de transport de passagers. Lâune des recommandations du comitĂ© Ă©tait que le gouvernement fĂ©dĂ©ral Ă©largisse le Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural, administrĂ© par le ministĂšre du Logement, de lâInfrastructure et des CollectivitĂ©s, afin dâoffrir des mesures incitatives pour les itinĂ©raires ruraux intercommunautaires (Chambre des communes, 2023a).
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral dispose dâautres leviers pour amĂ©liorer lâĂ©pine dorsale des transports au Canada, notamment le financement des infrastructures pour les provinces, les territoires et les municipalitĂ©s, VIA Rail et la Banque de lâinfrastructure du Canada (BIC).
Ătant donnĂ© que de nombreux itinĂ©raires pour lesquels le besoin est le plus urgent dans les zones rurales ne sont pas rentables, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit soit adapter le mandat de la BIC, soit fournir des sources de financement supplĂ©mentaires pour que lâinvestissement de la BIC soit une solution Ă long terme qui crĂ©e des options de transport permanentes et fiables. Il sera Ă©galement important de maintenir des tarifs abordables pour ceux qui ont le plus besoin de transports. Dans de nombreux cas, une entitĂ© publique ou Ă but non lucratif peut ĂȘtre mieux adaptĂ©e pour fournir des services de transport de passagers abordables dans les zones rurales et Ă©loignĂ©es.
Par exemple, une combinaison de sources de financement de Transports Canada, de la BIC et du gouvernement du QuĂ©bec a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour financer le premier chemin de fer autochtone du Canada, Tshiuetin, qui relie trois PremiĂšres Nations (entre Innu Takuaikan Uashat mak Mani Utenam, Naskapi Nation of Kawawachikamach et la Nation Innu de Matimekush Lac John) Ă Schefferville au QuĂ©bec (Banque dâinfrastructure du Canada, 2021). Les tarifs sont structurĂ©s de maniĂšre Ă offrir des rĂ©ductions importantes aux jeunes, aux personnes ĂągĂ©es et aux -Autochtones (Transport Ferrovaire Tshiuetin, s. d.).
LâOntario a investi dans lâamĂ©lioration des services de transport pour les collectivitĂ©s du Nord par lâintermĂ©diaire de sa sociĂ©tĂ© dâĂtat, Ontario Northland, qui fournit des services de bus et de train. Elle est en train de rĂ©tablir les lignes ferroviaires fermĂ©es entre Toronto et le Nord-Est de la province (Ontario Northland, 2023). Les collectivitĂ©s du nord de lâOntario seront ainsi desservies par une combinaison de services dâautobus et de trains fournis par des entitĂ©s provinciales et fĂ©dĂ©rales, un modĂšle qui pourrait ĂȘtre adoptĂ© par dâautres sociĂ©tĂ©s dâĂtat.
La sociĂ©tĂ© dâĂtat provinciale de la Colombie-Britannique, BC Transit, gĂšre Ă©galement les transports publics dans les villes et entre les villes en dehors de la rĂ©gion mĂ©tropolitaine de Vancouver. Des fonds fĂ©dĂ©raux ont Ă©tĂ© utilisĂ©s pour aider Ă mettre en place des services de transport public pour les collectivitĂ©s rurales, Ă©loignĂ©es et autochtones du Nord de la Colombie-Britannique aprĂšs la fermeture des itinĂ©raires par Greyhound en 2018 (Chambre des communes, 2023b).
VIA Rail assure dâimportantes liaisons entre les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es du Canada et entre celles-ci. Ces itinĂ©raires pourraient ĂȘtre prolongĂ©s et la frĂ©quence du service pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ©e et rendue plus abordable. Par exemple, un billet aller simple en classe Ă©conomique de Sioux Lookout (Ontario) Ă Toronto en fĂ©vrier 2024 coĂ»tait 221 $ et les trajets nâĂ©taient disponibles que les lundis et jeudis (VIA Rail, s. d.).
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a annoncĂ© un projet de train Ă haute frĂ©quence qui traversera le corridor Toronto-QuĂ©bec avec des voies rĂ©servĂ©es, dans le but dâamĂ©liorer la frĂ©quence et la fiabilitĂ© du service ferroviaire dans lâavenir (Transports Canada, 2023b). Pour sâassurer que les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es puissent Ă©galement bĂ©nĂ©ficier de ces amĂ©liorations et dâautres amĂ©liorations du systĂšme, les arrĂȘts ferroviaires pourraient faire partie dâun systĂšme rĂ©gional en Ă©toile qui offrait des liaisons par autobus ou par fourgonnette aux collectivitĂ©s plus petites, ainsi que des bĂątiments chauffĂ©s, des toilettes, des siĂšges et des services de restauration.
Le dĂ©putĂ© nĂ©odĂ©mocrate Taylor Bachrach a lancĂ© une pĂ©tition demandant au gouvernement fĂ©dĂ©ral dâĂ©laborer une loi pour actualiser le mandat de VIA Rail afin de rĂ©pondre aux besoins des passagers et de lâenvironnement et de financer le renouvellement de la flotte longue distance de VIA Rail (Chambre des communes, 2024).
Une plus grande collaboration entre les entités de services de transport aux paliers fédéral et provincial est nécessaire pour favoriser des connexions transparentes entre les services en intégrant les systÚmes de réservation et en permettant les transferts.
Le Fonds de solutions pour le transport en commun en milieu rural, dotĂ© de 250 millions de dollars sur cinq ans et mis en place en 2021, a constituĂ© une premiĂšre Ă©tape pour remĂ©dier au grave manque dâaccĂšs aux moyens de transport quotidiens que connaissent les collectivitĂ©s rurales.
Le Fonds a soutenu des solutions dans de trĂšs petites collectivitĂ©s de moins de 1 000 habitants ainsi que dans de petites villes avec des pĂ©riphĂ©ries rurales. Il apporte Ă©galement un soutien important aux communautĂ©s autochtones et a dĂ©jĂ dĂ©passĂ© son mandat de leur consacrer 10 % de ses fonds. La Nouvelle-Ăcosse et lâAlberta ont Ă©tĂ© les premiĂšres Ă accĂ©der au Fonds, mais sa popularitĂ© sâĂ©tend Ă dâautres rĂ©gions (Infrastructure Canada, communication personnelle, 6 septembre 2023).
Cependant, plusieurs contraintes imposĂ©es au Fonds limitent son potentiel. Le programme ne couvre que les coĂ»ts dâinvestissement des systĂšmes de transport en commun, et non leurs opĂ©rations. Pour les transports ruraux, les coĂ»ts dâexploitation tels que les salaires des chauffeurs peuvent constituer lâune des dĂ©penses les plus importantes et un obstacle Ă lâexpansion des services. Lâaccent mis sur les coĂ»ts dâinvestissement empĂȘche Ă©galement lâutilisation de vĂ©hicules louĂ©s, qui peuvent pourtant ĂȘtre une option moins coĂ»teuse.
PrĂ©sentement, de nombreuses options de transport rural sont offerts par des organisations caritatives communautaires qui sâappuient sur des conducteurs bĂ©nĂ©voles ou qui sont soutenues par des gouvernements locaux dont les assiettes fiscales sont trĂšs limitĂ©es (Levesque, 2022). Il est difficile dâintroduire de nouvelles lignes de service sans ĂȘtre en mesure de financer les coĂ»ts dâexploitation et dâinvestissement nĂ©cessaires Ă la gestion et Ă lâexploitation des itinĂ©raires, en particulier pour les collectivitĂ©s dont lâassiette fiscale est limitĂ©e.
Les services de transport en commun Ă la demande permettent aux passagers de rĂ©server un trajet au jour et Ă lâheure qui leur conviennent. Ce type de service gagne en popularitĂ© dans les petites villes et les collectivitĂ©srurales. Certains services visent les personnes ĂągĂ©es ou handicapĂ©es, mais beaucoup Ă©tendent Ă toute personne qui en a besoin. Le transport Ă la demande devient plus pratique et plus rentable grĂące aux applications logicielles et aux technologies numĂ©riques qui permettent de rĂ©server des trajets et de planifier des itinĂ©raires en toute transparence (Mobility Innovators, 2022). Pour rĂ©aliser le potentiel du transport en commun Ă la demande, les opĂ©rateurs ont besoin de fonds pour fournir des logiciels ou sâassocier Ă des fournisseurs de technologie privĂ©s.
Le Fonds limite gĂ©nĂ©ralement le financement des projets aux dĂ©placements vers les collectivitĂ©s voisines, aux rendez-vous quotidiens et Ă lâĂ©picerie, plutĂŽt quâaux dĂ©placements entre collectivitĂ©s ou aux liaisons vers les plaques tournantes de transports ou les grands centres urbains. Il nâa pas non plus soutenu les dĂ©placements entre les diffĂ©rents territoires et provinces (voir figure 2).
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit jouer un rĂŽle plus important dans le soutien des solutions de transport dans les collectivitĂ©s rurales. Le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande quâil prenne les mesures suivantes.
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit ĂȘtre le fer de lance dâune initiative pancanadienne visant Ă mettre Ă jour la vision fĂ©dĂ©rale-provinciale-territoriale des transports au Canada de 2013, en mettant davantage lâaccent sur les besoins des collectivitĂ©s rurales et autochtones et en comblant les lacunes en matiĂšre de transport interrĂ©gional par autobus et par train. La vision doit ĂȘtre guidĂ©e par les objectifs climatiques du Canada, et le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit investir dans lâamĂ©lioration de la collecte et de lâanalyse des donnĂ©es afin de cerner les besoins et les lacunes en matiĂšre de transport qui sont prĂ©occupants du point de vue de lâaccessibilitĂ© financiĂšre, de lâĂ©quitĂ©, de la santĂ©, de la sĂ©curitĂ© et de lâenvironnement. Cela devrait inclure lâĂ©laboration dâune enquĂȘte nationale sur les dĂ©placements des mĂ©nages, gĂ©rĂ©e par Statistique Canada, afin de suivre les habitudes de dĂ©placement au-delĂ des trajets entre le domicile et le travail.
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit soutenir les efforts dĂ©ployĂ©s par les provinces, les territoires et les populations autochtones pour combler les lacunes dans les services dâautobus et de train en -finançant les infrastructures et en amĂ©liorant les infrastructures et les services de VIA Rail. Dans le cadre de ses efforts, le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait sâefforcer de rĂ©pondre aux besoins des populations vulnĂ©rables en leur offrant des services de transport plus abordables, plus accessibles et moins polluants. Pour amĂ©liorer la frĂ©quence des services de VIA Rail et rendre les tarifs plus abordables, il faudra investir davantage dans le renouvellement des locomotives et des wagons, dans les arrĂȘts et les gares, dans le personnel, ainsi que dans lâinfrastructure ferroviaire.
Pour faire de VIA Rail lâĂ©pine dorsale dâun rĂ©seau de transport national, le gouvernement pourrait lui fournir des fonds supplĂ©mentaires pour quâil offre un service de navette entre les gares et les collectivitĂ©s avoisinantes. VIA Rail doit Ă©galement amĂ©liorer son intĂ©gration aux rĂ©seaux de bus provinciaux existants, en utilisant les arrĂȘts ruraux et Ă©loignĂ©s comme des centres de transport rĂ©gionaux sĂ»rs qui permettent des transferts fluides Ă travers un rĂ©seau pancanadien.
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit Ă©largir le Fonds de solutions pour le transport rural afin de tirer parti de sa rĂ©ussite. Il peut le faire en Ă©largissant les coĂ»ts admissibles pour inclure les coĂ»ts dâexploitation tels que la location de vĂ©hicules, les salaires des employĂ©s et les autres -ressources humaines nĂ©cessaires pour superviser les itinĂ©raires, ainsi que les logiciels requis pour gĂ©rer les services Ă la demande. Le Fonds peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ© pour soutenir les dĂ©placements intercommunautaires entre les provinces et les territoires.
Ces ajustements favoriseront des solutions de transport équitable et durable dans les collectivités rurales et aideront le gouvernement fédéral à atteindre ses objectifs en matiÚre de climat et de réduction de la pauvreté, tout en facilitant les efforts de réconciliation avec les communautés autochtones.
Le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© a donnĂ© la prioritĂ© au logement, au transport et Ă lâalimentation en tant que domaines clĂ©s dans lesquels le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut agir pour aider les mĂ©nages Ă faibles revenus Ă satisfaire leurs besoins fondamentaux dâune maniĂšre qui favorise Ă©galement la rĂ©duction des Ă©missions et la rĂ©silience face aux changements climatiques.
Des options de transport bien planifiĂ©es et abordables peuvent amĂ©liorer lâaccĂšs Ă lâemploi et aux activitĂ©s sociales et rĂ©duire la nĂ©cessitĂ© de possĂ©der une voiture dans les zones rurales. Dans notre note dâinformation sur les transports urbains, le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande de modifier le programme fĂ©dĂ©ral dâincitations pour les vĂ©hicules zĂ©ro Ă©mission, ce qui pourrait Ă©galement profiter aux automobilistes ruraux en leur offrant des remises pour lâachat de vĂ©hicules Ă©lectriques dâoccasion. Des connexions plus fluides entre les rĂ©seaux rĂ©gionaux de bus et de trains et les systĂšmes urbains de transport en commun amĂ©lioreraient lâaccĂšs au transport et lâabordabilitĂ© dans tout le pays. Des options de transport plus abordables seraient bĂ©nĂ©fiques pour les budgets des mĂ©nages ainsi que pour lâenvironnement, et permettraient de libĂ©rer des dĂ©penses pour lâalimentation afin de rĂ©duire lâinsĂ©curitĂ© alimentaire.
Le transport est lâune des dĂ©penses les plus importantes pour les mĂ©nages, avec le logement et lâalimentation. Il reprĂ©sente Ă©galement la deuxiĂšme source dâĂ©missions de gaz Ă effet de serre (GES) au Canada. Afin dâoffrir aux Canadiens Ă faible revenu des options de transport abordables et utilisant des Ă©nergies propres, le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait rĂ©viser son programme de mesures incitatives pour les vĂ©hicules Ă©lectriques et fournir un financement opĂ©rationnel durable pour les systĂšmes de transport en commun.
PrĂšs dâun million de personnes vivant dans les huit plus grandes villes du Canada Ă©taient menacĂ©es de pauvretĂ© en matiĂšre de transport en 2019, ce qui signifie quâelles nâont pas accĂšs aux transports ou quâelles nâont pas les moyens de les payer. Sans un soutien accru, ces Canadiens risquent lâiso-lement social et Ă©conomique. Les politiques de mobilitĂ© urbaine doivent mieux servir les mĂ©nages Ă faible revenu et tenir compte en prioritĂ© de leurs besoins sur la voie de la carboneutralitĂ©.
Avec la crise financiĂšre qui frappe les systĂšmes de transport en commun et lâintroduction de rĂ©glementations nationales qui interdiront progressivement la vente de nouvelles voitures Ă essence dâici 2035, il est temps de repenser le rĂŽle du gouvernement fĂ©dĂ©ral dans le transport de passagers.
Pour parvenir Ă un systĂšme de transport plus Ă©quitable et Ă faible Ă©mission de carbone, le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de prendre deux mesures clĂ©s :
1. RĂ©former le Programme dâincitatifs pour les vĂ©hicules zĂ©ro Ă©mission (iVZE) afin de soutenir lâachat dâoptions de transport Ă moindre coĂ»t et sans Ă©mission, telles que les vĂ©hicules Ă©lectriques dâoccasion, les vĂ©los Ă©lectriques, les cyclomoteurs et les scooters Ă©lectriques, et de rĂ©orienter les incitatifs afin de mieux soutenir les mĂ©nages Ă faible et Ă moyen revenus.
Pour gĂ©rer les coĂ»ts du programme et promouvoir lâĂ©quitĂ©, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit faire des acheteurs Ă faibles et moyens revenus les principaux bĂ©nĂ©ficiaires du programme et supprimer progressivement les rabais dans les points de vente pour les mĂ©nages Ă -revenus plus Ă©levĂ©s. Il doit Ă©galement abaisser progressivement les limites de prix existantes pour les vĂ©hicules admissibles au programme.
2. Tirer parti du financement fĂ©dĂ©ral des transports en commun pour dĂ©velopper des -services accessibles et abordables en fournissant des fonds dâexploitation pour augmenter la frĂ©quentation.
Les fonds de fonctionnement permettraient aux systĂšmes de transport en commun de sâadapter aux nouveaux modes de dĂ©placement et de se remettre des pertes de frĂ©quentation liĂ©es Ă la pandĂ©mie, dâaugmenter la frĂ©quence des services et dâamĂ©liorer lâaccessibilitĂ© des tarifs. Pour stimuler la croissance de la frĂ©quentation et garantir un meilleur accĂšs au logement, le gouvernement doit Ă©galement accĂ©lĂ©rer le dĂ©ploiement du plan de financement permanent du transport en commun et mettre en place des exigences en matiĂšre de densitĂ© de logement Ă proximitĂ© des stations de transport en commun.
Lorsquâil sâagit de se dĂ©placer, de nombreux Canadiens nâont pas de choix abordables. Les transports en commun sont souvent non disponibles ou peu pratiques dans les zones oĂč le logement est abordable, et les coĂ»ts pour les propriĂ©taires de voiture augmentent.
Il en rĂ©sulte une pauvretĂ© en matiĂšre de transport. Celle-ci survient lorsque les personnes nâont pas accĂšs Ă des moyens de transport abordables et accessibles (Kiss, 2022). Faute de pouvoir se rendre lĂ oĂč elles le souhaitent, les personnes confrontĂ©es Ă la pauvretĂ© en matiĂšre de transport sont souvent victimes dâexclusion sociale et nâont quâun accĂšs limitĂ© aux occasions dâemploi et aux services essentiels tels que les soins de santĂ© et lâĂ©ducation.
Les mĂ©nages Ă faibles revenus sont particuliĂšrement vulnĂ©rables Ă la pauvretĂ© en matiĂšre de transport, car nombre dâentre eux nâont pas les moyens de sâoffrir un vĂ©hicule privĂ©. Dâautres facteurs, tels que le handicap, le fait dâavoir des enfants, le sexe et lâappartenance ethnique peuvent lâaggraver. Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2019 a rĂ©vĂ©lĂ© que 40 % de lâensemble des rĂ©sidents Ă faible revenu (prĂšs dâun million de personnes) des huit plus grandes villes du Canada Ă©taient exposĂ©s au risque de pauvretĂ© en matiĂšre de transport (Allen & Farber, 2019) (voir figure 1).
Le transport constitue lâun des coĂ»ts les plus importants pour les familles canadiennes. Comme le montre la figure 2, les dĂ©penses de transport reprĂ©sentaient plus dâun quart du revenu avant impĂŽt des mĂ©nages Ă trĂšs faible revenu au deuxiĂšme trimestre 2023.
Bien que les dĂ©penses des mĂ©nages en matiĂšre de transport aient diminuĂ© Ă la suite de la pandĂ©mie, les gens reviennent maintenant en personne sur leurs lieux de travail et les temps de dĂ©placement augmentent Ă nouveau. Entre janvier 2019 et janvier 2023, lâindice des prix Ă la consommation (IPC) pour les transports publics a augmentĂ© de 17 %, tandis que les prix des transports privĂ©s ont augmentĂ© de 21 % au cours de la mĂȘme pĂ©riode
(Statistique Canada, 2023a).
Les coĂ»ts Ă©levĂ©s des transports et du logement crĂ©ent un paradoxe Ă lâĂ©gard de lâaccessibilitĂ© financiĂšre. Lâaugmentation rapide du coĂ»t du logement pousse de plus en plus de Canadiens Ă vivre loin des centres urbains. Cette situation a conduit de nombreuses familles Ă faibles revenus Ă sâinstaller dans des endroits plus dĂ©pendants de lâautomobile, oĂč les services de transport en commun sont moins frĂ©quents et oĂč les trajets entre le domicile et le travail sont plus longs. De nombreux Canadiens Ă faibles revenus et racialisĂ©s sont confrontĂ©s Ă des « trajets extrĂȘmes », câest-Ă -dire des trajets qui durent plus dâune heure pour un aller simple (Allen et Farber, 2021).
Les Canadiens se retrouvent de plus en plus souvent devant un « paradoxe de lâabordabilité »â: ils doivent choisir entre des logements moins chers dans les banlieues, oĂč le manque de services de transport en commun rend indispensable la possession dâun vĂ©hicule personnel coĂ»teux, et des logements plus chers dans les centres urbains, oĂč lâaccĂšs Ă des transports en commun fiables peut potentiellement rendre lâautomobile inutile (Kramer, 2018). Pour beaucoup, le choix de vivre plus loin des grands centres a conduit Ă un isolement social accru et Ă des dĂ©savantages sociaux aggravĂ©s, tel quâun accĂšs rĂ©duit aux emplois, aux services et Ă dâautres avantages (Allen et al., 2022).
Dans les dix plus grandes rĂ©gions mĂ©tropolitaines du Canada, les personnes racisĂ©es, les jeunes, les femmes, les immigrants et les personnes Ă faible revenu sont plus susceptibles dâutiliser les transports en commun pour se rendre au travail (Statistique Canada, 2022a). Il est donc -essentiel de soutenir les systĂšmes de transport en commun pour favoriser un accĂšs Ă©quitable aux options de transport.
En outre, une grande partie des personnes qui utilisent les transports publics effectuent des trajets en dehors des heures de pointe, notamment les travailleurs à faible revenu, qui sont -disproportionnellement racisés (Palm et al., 2023). Pourtant, la plupart des systÚmes de transport public sont conçus pour desservir les voyageurs qui se rendent dans un quartier commercial central et qui en reviennent, selon un horaire de neuf à cinq en semaine (Taylor et Morris, 2015).
Ă MontrĂ©al, les dĂ©placements entre le domicile et le travail liĂ©s Ă lâemploi reprĂ©sentent moins de la moitiĂ© de tous les dĂ©placements en transport en commun (Ravensbergen et al., 2023). Le deuxiĂšme type de dĂ©placement le plus courant est le dĂ©placement pour soins, qui est -effectuĂ© de maniĂšre disproportionnĂ©e par les femmes. Il sâagit dâactivitĂ©s telles que les courses, lâaccompagnement des enfants et dâautres dĂ©placements liĂ©s Ă lâentretien de la maison. La pandĂ©mie a prouvĂ© que le transport public est un Ă©lĂ©ment clĂ© de la vie quotidienne et pas seulement un moyen de dĂ©placement (Farber et al., 2022). Tout au long de la pandĂ©mie, la demande de transport en commun est restĂ©e forte dans les quartiers Ă faibles revenus oĂč les travailleurs manuels et les travailleurs des services sont plus susceptibles de vivre (Freemark et al., 2021).
Dans les trois plus grandes rĂ©gions mĂ©tropolitaines du Canada (MontrĂ©al, Toronto et -Vancouver), seuls 12 Ă 16â% des dĂ©placements sont effectuĂ©s en transport en commun (Transportation Tomorrow, 2016â; ARTM, 2018â; TransLink, 2017). Dans les zones urbaines plus petites, oĂč les arrĂȘts de transport en commun sont plus rares et plus espacĂ©s (Statistique Canada, 2023a), la majoritĂ© des dĂ©placements se font en voiture (Statistique Canada, 2022b).
Les estimations montrent que 20 Ă 40 % des habitants dâune communautĂ© type ne peuvent pas, ne devraient pas ou prĂ©fĂšrent ne pas conduire pour la plupart de leurs dĂ©placements (Litman, 2023). Il sâagit notamment des personnes handicapĂ©es, des personnes ĂągĂ©es qui ne conduisent pas ou ne devraient pas conduire, des adolescents, des mĂ©nages disposant dâun vĂ©hicule partagĂ©. Pour certaines personnes, notamment celles dont la mobilitĂ© est rĂ©duite ou qui ont dâautres besoins particuliers, la conduite dâune voiture peut ĂȘtre la seule option viable pour se rendre lĂ oĂč elles doivent aller. Or, possĂ©der et utiliser une voiture coĂ»te de plus en plus cher.
Le prix mĂ©dian dâun vĂ©hicule dâoccasion, que les familles Ă faible ou Ă moyen revenu sont plus susceptibles dâacheter, a augmentĂ© de 110 % entre 2019 et 2023, passant dâun peu moins de 19â000âdollars Ă environ 40â000âdollars (AutoTrader, 2023). Pour les vĂ©hicules neufs, les prix ont augmentĂ© de prĂšs de 70 %, passant de 39 000 Ă 66 000 dollars au cours de la mĂȘme pĂ©riode. En raison de la hausse des taux dâintĂ©rĂȘt, les mĂ©nages ont de plus en plus de mal Ă payer leur voiture (Young et Fanjoy, 2023). Par rapport aux prix prĂ©pandĂ©miques du dĂ©but de 2020, le coĂ»t des mensualitĂ©s a augmentĂ© de 30 % pour les vĂ©hicules dâoccasion et de 20 % pour les vĂ©hicules neufs (Alini, 2023).
De plus en plus de logements sont construits loin des centres-villes, les systĂšmes de transport en commun rĂ©duisent leurs services et augmentent leurs tarifs, et la taille des vĂ©hicules sâaccroĂźt. En consĂ©quence, les coĂ»ts de transport des mĂ©nages augmentent. Ces tendances empĂȘchent Ă©galement le Canada dâatteindre ses objectifs de rĂ©duction des Ă©missions de GES.
Les transports sont la deuxiĂšme source dâĂ©missions de GES au Canada, avec 150 mĂ©gatonnes dâĂ©quivalent en dioxyde de carbone en 2021 (Environnement et Changement climatique Canada, 2023). Les dĂ©placements des personnes (voitures, camionnettes, motocyclettes, autobus, trains et avions) ont reprĂ©sentĂ© plus de la moitiĂ© de ces Ă©missions.
Les Ă©missions des vĂ©hicules Ă essence et Ă moteur diesel prĂ©sentent des risques importants pour la santĂ©, en particulier pour les enfants et les personnes ĂągĂ©es. SantĂ© Canada estime que la pollution de lâair due Ă la circulation automobile a contribuĂ© Ă 1 200 dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ©s et a entraĂźnĂ© des coĂ»ts socioĂ©conomiques de 9,5 milliards de dollars en 2015 (SantĂ© Canada, 2022).
Les centres urbains se dĂ©veloppent et les temps de trajet augmentent. En 2021, ce sont 73,7â% des Canadiens qui vivaient dans un grand centre urbain (Statistique Canada, 2022b). De 2016 Ă 2021, les banlieues intermĂ©diaires (situĂ©es Ă 20 ou 30 minutes du centre-ville) ont connu une croissance importante ; ces zones se sont Ă©largies de plus de 20 % Ă Edmonton, Calgary et Ottawa. Les banlieues Ă©loignĂ©es (celles situĂ©es Ă 30 minutes ou plus du centre-ville) ont Ă©galement connu une croissance. Ces zones se sont Ă©largies de plus de 9 % Ă Toronto et Ă Vancouver, et de plus de 7 % Ă MontrĂ©al.
Entre mai 2021 et mai 2023, le nombre de travailleurs ayant Ă faire un trajet en voiture de plus dâune heure a augmentĂ© de 51,7 % et reprĂ©sentait 7 % de tous ceux qui se dĂ©placent en voiture (prĂšs de 900 000 personnes) (Statistique Canada, 2023c). Remarquons que ces longs trajets sâeffectuent de plus en plus au sein des mĂȘmes zones urbaines.
Le fait de parcourir de plus longues distances signifie que les mĂ©nages dĂ©pensent plus pour lâessence et que les voitures Ă©mettent plus de dioxyde de carbone. Cela se traduit Ă©galement par une augmentation des embouteillages et de la pollution de lâair dans les zones urbaines.
Les systĂšmes de transport public ont du mal Ă sâadapter aux modes de dĂ©placement post–pandĂ©miques (voir figure 3). Auparavant, les systĂšmes de transport se concentraient sur les dĂ©placements de pointe des voyageurs et les budgets dâexploitation reposaient sur les recettes des passagers pour couvrir plus de la moitiĂ© des coĂ»ts (Association canadienne du transport urbain, 2020).
Pendant la pandĂ©mie, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a fourni une aide au fonctionnement dâurgence aux agences de transport afin quâelles puissent continuer Ă fournir des services aux travailleurs essentiels et Ă rĂ©tablir la frĂ©quentation, mais cette aide a pris fin depuis, et le manque Ă gagner nâa Ă©tĂ© que partiellement comblĂ© par certaines provinces.
De nombreuses municipalités ont alors choisi de faire peser le fardeau sur les usagers en augmentant les tarifs de transports en commun et en réduisant les services. Pourtant, ces tendances entraßnent une réduction encore plus importante de la fréquentation, ce qui conduit inévitablement à de nouvelles suppressions de trajets et à de nouvelles augmentations de tarifs (Freemark et Rennert, 2023).
Les dĂ©placements de passagers Ă lâaide de camions lĂ©gers ont reprĂ©sentĂ© un tiers des Ă©missions totales de gaz Ă effet de serre provenant des transports en 2021 (Environnement et Changement climatique Canada, 2023). La part des camions lĂ©gers (minifourgonnettes, vĂ©hicules utilitaires sport, camionnettes et fourgonnettes) en pourcentage de toutes les ventes de voitures neuves au Canada, a augmentĂ© rĂ©guliĂšrement, passant de 53 % en 2010 Ă 80 % en 2022 (Statistique Canada, 2023d).
En consĂ©quence, le parc canadien de vĂ©hicules personnels prĂ©sente la plus mauvaise Ă©conomie de carburant de tous les grands marchĂ©s automobiles du monde, et la croissance des ventes de camions lĂ©gers annule les gains en matiĂšre dâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et de rĂ©duction des Ă©missions de GES (voir figure 4). Les camions lĂ©gers ont un rendement Ă©nergĂ©tique infĂ©rieur Ă celui des autres modĂšles de voitures, produisent plus dâĂ©missions et sont plus coĂ»teux pour leurs propriĂ©taires.
Il existe toutefois certaines tendances positives. Le nombre de nouvelles immatri-culations de vĂ©hicules Ă©lectriques Ă batterie (VE) et de vĂ©hicules hybrides rechargeables est en constante augmentation, atteignant 13,3 % du marchĂ© au troisiĂšme trimestre 2023. S&PâGlobalâ-Mobility (2023) prĂ©voit que les vĂ©hicules Ă zĂ©ro Ă©mission reprĂ©senteront 25 % du marchĂ© canadien dâici 2025.
Le programme fĂ©dĂ©ral dâincitation pour les vĂ©hicules Ă zĂ©ro Ă©mission (iVZE) offre jusquâĂ 5â000 dollars aux particuliers qui achĂštent de nouveaux vĂ©hicules Ă zĂ©ro Ă©mission auprĂšs de concessionnaires enregistrĂ©s au Canada. Entre 2019 et 2023, les demandes annuelles auprĂšs du programme dâincitation ont passĂ©es dâenviron 34 000 Ă 114 000 (voir figure 5). La modĂ©lisation suggĂšre que le maintien des subventions existantes jusquâen 2035 coĂ»terait prĂšs de 27,3 milliards de dollars (Axsen et Bhardwaj, 2022). Au fur et Ă mesure que le marchĂ© canadien des VE se dĂ©veloppe, il sera essentiel que le programme iVZE Ă©volue et fournisse un soutien plus ciblĂ© aux mĂ©nages Ă faible ou moyen revenu.
Tous les ordres de gouvernement ne parviennent pas Ă amĂ©liorer lâaccĂšs aux transports, leur accessibilitĂ© financiĂšre et leur durabilitĂ©. Les systĂšmes de transport public sont en difficultĂ© et ont besoin de plus de fonds dâexploitation pour offrir des services supplĂ©mentaires et augmenter le nombre dâusagers. Les mesures provinciales telles que les rĂ©ductions des taxes sur lâessence profitent principalement aux mĂ©nages aisĂ©s, vont Ă lâencontre des efforts de rĂ©duction des Ă©missions et privent les gouvernements des recettes nĂ©cessaires pour investir dans des solutions. Enfin, le principal programme fĂ©dĂ©ral visant Ă encourager lâachat de vĂ©hicules Ă©lectriques nâest pas applicable aux personnes Ă faible revenu.
En 2016, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a lancĂ© le Programme dâinfrastructure Investir dans le -Canada (PIIC), qui comprend 23,5 milliards de dollars dâinvestissements en capital pour les systĂšmes de transport en commun. Le programme sâest engagĂ© Ă partager 40 % des coĂ»ts des projets dâinvestissement par le biais dâaccords bilatĂ©raux fĂ©dĂ©raux-provinciaux-territoriaux. MalgrĂ© la promesse de ces investissements historiques, le service de transport public par habitant est aujourdâhui infĂ©rieur de 7 % pour le Canadien moyen Ă ce quâil Ă©tait lors du lancement du programme (Association canadienne du transport urbain, 2022). Les systĂšmes de transport public nâont tout simplement pas suivi la croissance de la population.
Comme le PIIC ne finance que les investissements en capital et non les dĂ©penses dâexploi-tation, un nombre croissant dâautobus restent inutilisĂ©s dans les garages. Par exemple, la Toronto Transit Commission compte 172 bus, 44 tramways et 13 rames de mĂ©tro qui restent inutilisĂ©s en raison dâun manque de chauffeurs (Elliott, 2023). Dans lâensemble du pays, on estime Ă 1â700 le nombre dâautobus immobilisĂ©s.
En 2021, le gouvernement fĂ©dĂ©ral sâest engagĂ© Ă fournir 3 milliards de dollars par annĂ©e pour le financement permanent du transport en commun Ă partir de 2026-2027 par le biais du fonds permanent pour le transport en commun, mais il ne financera que les projets dâinvestissement et non les opĂ©rations (Infrastructure Canada, 2022).
Sans une source prĂ©visible et stable de financement opĂ©rationnel, les municipalitĂ©s dont les budgets sont serrĂ©s ont du mal Ă supporter ce fardeau. Les collectivitĂ©s locales ne perçoivent que 10 % de lâensemble des recettes fiscales (OCDE, 2021), mais sont responsables de 60â% des infrastructures du Canada (Johal, 2019). Les municipalitĂ©s paient dĂ©jĂ 75 % des coĂ»ts dâexploitation des transports en commun (Association canadienne du transport urbain, 2023). Les rĂ©gions qui dĂ©pendent principalement des services dâautobus, y compris la plupart des petites et moyennes villes du Canada, sont touchĂ©es de maniĂšre disproportionnĂ©e, car chaque autobus a besoin dâun chauffeur et la main-dâĆuvre constitue le plus important coĂ»t dâexploitation du transport en commun.
En rĂ©ponse Ă lâaugmentation des prix de lâĂ©nergie et aux problĂšmes dâaccessibilitĂ©, certains gouvernements provinciaux ont rĂ©duit les taxes sur les carburants afin dâallĂ©ger la pression des prix pour les consommateurs. Cependant, ces politiques ont souvent un impact rĂ©gressif, bĂ©nĂ©ficiant principalement aux personnes les plus riches parce que celles-ci conduisent davantage. Les rĂ©ductions des taxes sur les carburants vont Ă©galement Ă lâencontre des politiques climatiques telles que le prix du carbone, et entraĂźnent un manque Ă gagner en termes de -recettes fiscales nĂ©cessaires pour soutenir les services publics (Samson et al., 2022).
Des recherches rĂ©centes menĂ©es par Trevor Tombe et Jennifer Winter (2023) montrent que les impĂŽts indirects tels que les taxes de vente, les taxes sur les carburants et la taxe fĂ©dĂ©rale sur le carbone ont un impact minime sur les prix Ă la consommation. Ils estiment que lâimpact cumulĂ© de toutes les augmentations dâimpĂŽts indirects sur les prix Ă la consommation entre janvier 2015 et octobre 2023 nâa Ă©tĂ© que de 0,6 %. Une analyse de lâInstitut climatique du Canada montre que les exemptions Ă la taxe carbone, telles que lâexemption rĂ©cemment annoncĂ©e par le gouvernement fĂ©dĂ©ral pour le mazout rĂ©sidentiel, causent une augmentation des Ă©missions et aggravent la situation des mĂ©nages Ă faible revenu en raison de la rĂ©duction des rabais accordĂ©s dans le cadre du programme Paiement de lâincitatif Ă agir pour le climat (Sawyer et Beugin, 2023).
Les vĂ©hicules Ă zĂ©ro Ă©mission (VZE) ont actuellement un coĂ»t initial plus Ă©levĂ© que leurs Ă©quivalents Ă essence, mais leurs coĂ»ts dâexploitation et dâentretien Ă long terme sont plus faibles, ce qui contribue Ă une rĂ©duction substantielle des Ă©missions de carbone et Ă des Ă©conomies Ă long terme pour leurs propriĂ©taires (voir figure 6) (McNamara et al., 2023).
Transports Canada encourage lâadoption de VZE par le biais du programme iVZE. Ce programme ne rĂ©pond toutefois pas aux besoins des mĂ©nages Ă faible revenu.
Les mĂ©nages Ă faibles revenus sont plus susceptibles dâacheter des voitures dâoccasion. Les VZE dâoccasion peuvent offrir des rĂ©ductions importantes par rapport aux modĂšles plus -rĂ©cents. Cependant, ils ne sont pas actuellement admissibles au programme fĂ©dĂ©ral iVZE. Plusieurs autres juridictions, dont les Ătats-Unis, le QuĂ©bec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ăcosse, lâĂle-du-Prince-Ădouard et Terre-Neuve-et-Labrador, les incluent.
Le programme iVZE nâest pas non plus soumis Ă un critĂšre de revenu. Par consĂ©quent, les mĂ©nages Ă revenu Ă©levĂ© en sont les principaux bĂ©nĂ©ficiaires. De nombreux acheteurs Ă revenus Ă©levĂ©s achĂštent un VE indĂ©pendamment des subventions gouvernementales, ce qui signifie que le gouvernement subventionne en fait un comportement existant (Sheldon et Dua, 2019). Des Ă©tudes ont montrĂ© que 90 % de tous les crĂ©dits dâimpĂŽt pour les VE sont distribuĂ©s aux 20 % des revenus les plus Ă©levĂ©s (Borenstein et Davis, 2016) et sont principalement distribuĂ©s dans les quartiers les plus aisĂ©s (Guo & Kontou, 2021).
Les consommateurs Ă faible ou moyen revenus sont gĂ©nĂ©ralement plus hĂ©sitants quant Ă lâachat dâun VE. Lier les incitations aux revenus permettrait de mieux influencer leurs dĂ©cisions dâachat (DeShazo et al., 2017). Certaines juridictions, comme la Colombie-Britannique et la -Californie, testent dĂ©jĂ leurs incitations Ă lâachat de VE en fonction des revenus, en ajustant leurs programmes pour se concentrer sur les mĂ©nages Ă faibles revenus Ă mesure que -lâadoption des VZE augmente.
Le programme iVZE ne sâapplique pas non plus aux nouvelles formes de micromobilitĂ© sans Ă©missions, comme les vĂ©los Ă©lectriques, les cyclomoteurs et les quadricycles, malgrĂ© la croissance de la demande pour ces formes de mobilitĂ©. En Colombie-Britannique, la remise sur les vĂ©los Ă©lectriques en fonction des revenus a suscitĂ© un vif intĂ©rĂȘt, atteignant une inscription excĂ©dentaire huit heures seulement aprĂšs son lancement (The Energy Mix, 2023). Ă lâĂ©chelle mondiale, lâadoption des VZE a dĂ©jĂ permis de rĂ©duire la demande de pĂ©trole de prĂšs de 1,7âmillion de barils par jour en 2022, dont 61 % pour les vĂ©hicules Ă deux et trois roues
(BloombergNEF, 2022).
La nouvelle rĂ©glementation canadienne sur les vĂ©hicules exigera que tous les nouveaux vĂ©hicules lĂ©gers vendus soient Ă zĂ©ro Ă©mission dâici 2035. La modĂ©lisation suggĂšre que cette -rĂ©glementation peut faire baisser le prix dâun VZE dâenviron 20 % par rapport Ă la trajectoire de rĂ©fĂ©rence actuelle en encourageant davantage dâinvestissements dans la recherche et le dĂ©veloppement de vĂ©hicules et de batteries, ce qui permettra de mettre sur le marchĂ© des modĂšles plus abordables (Axsen et Bhardwaj, 2022). Au fur et Ă mesure que les exigences canadiennes en matiĂšre de ventes de VZE augmenteront, les rabais joueront un rĂŽle moins important dans la stimulation de la demande de VE et les incitations Ă grande Ă©chelle deviendront insoutenables sur le plan financier.
Alors que les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux sont en premiĂšre ligne pour rĂ©soudre les problĂšmes de transport au Canada, le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut jouer un rĂŽle important dans deux domaines clĂ©s. Il peut rĂ©former son programme iVZE afin de mieux soutenir les mĂ©nages Ă faible et moyen revenus. Il peut Ă©galement ajuster son financement des transports publics afin de fournir des fonds dâexploitation qui ciblent mieux lâaccessibilitĂ© et lâabordabilitĂ©, et des fonds dâinvestissement qui sont liĂ©s Ă de meilleurs rĂ©sultats en matiĂšre de logement et de climat.
Ă mesure que le marchĂ© des VE se dĂ©veloppe et que des modĂšles plus Ă©conomiques deviennent disponibles, le programme iVZE doit offrir un soutien ciblĂ© aux acheteurs Ă revenu faible ou moyen qui achĂštent des VE dans les segments abordables du marchĂ©. Il peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ© pour encourager des formes nouvelles et innovantes de modes de mobilitĂ© sans -Ă©missions, offrant ainsi davantage de choix aux Canadiens.
Le programme doit Ă©tendre doit lâadmissibilitĂ© aux VZE dâoccasion. Dans dâautres juridictions oĂč les VZE dâoccasion sont couverts, il nây a gĂ©nĂ©ralement quâune seule incitation autorisĂ©e pour chaque vĂ©hicule dâoccasion (vĂ©rifiĂ©e avec le numĂ©ro dâidendification du vĂ©hicule), appliquĂ©e uniquement chez les concessionnaires enregistrĂ©s et assortie dâune obligation de tester les performances de la batterie. Les Ătats-Unis ont fixĂ© Ă 25 000 dollars amĂ©ricains (34 000 dollars canadiens) le prix maximum des vĂ©hicules VZE dâoccasion admissibles Ă lâincitation et les acheteurs peuvent dĂ©terminer lâadmissibilitĂ© des vĂ©hicules dâoccasion aux crĂ©dits dâimpĂŽt en saisissant le numĂ©ro dâidentification du vĂ©hicule dans un outil de recherche en ligne (Internal Revenue Service, 2023).
 Les analystes de lâindustrie ont observĂ© que les prix des VZE sont influencĂ©s par les limites de prix fixĂ©es par le gouvernement fĂ©dĂ©ral pour les vĂ©hicules admissibles dans le cadre du programme iVZE (Kennedy, 2023). Les prix limites actuels varient entre 55 000 et 70 000 dollars selon les modĂšles. Lâabaissement progressif des limites de prix existantes pourrait encourager les constructeurs automobiles Ă commercialiser des VE plus abordables sur le marchĂ© canadien.
Le programme doit rĂ©affecter les fonds existants de maniĂšre plus Ă©quitable en accordant davantage de soutien aux mĂ©nages Ă revenus faibles et moyens et en supprimant progressivement les incitations destinĂ©es aux mĂ©nages plus aisĂ©s. La Californie a fixĂ© un plafond de revenu pour lâadmissibilitĂ© Ă son programme de rabais VZE, et la Colombie-Britannique a fait de mĂȘme tout en augmentant le montant du rabais pour les acheteurs Ă faible revenu.
Le programme iVZE devrait ĂȘtre Ă©largi pour inclure les fauteuils de mobilitĂ© et les quadricycles, ainsi que les vĂ©hicules Ă deux ou trois roues tels que les scooters Ă©lectriques, les vĂ©los Ă©lectriques et les scooters. Plus de la moitiĂ© des trajets entre le domicile et le travail effectuĂ©s en voiture, en camion ou en camionnette font moins de 10 kilomĂštres, et 32â% font 5âkilomĂštres ou moins (Statistique Canada, 2017). Le remplacement des plus gros -vĂ©hicules pour ces courts trajets par des scooters et des vĂ©los Ă©lectriques pourrait amĂ©liorer considĂ©rablement les -embouteillages et rĂ©duire les Ă©missions. En Colombie-Britannique, les remises sur les vĂ©los Ă©lectriques en fonction du revenu vont de 350 Ă â1â400 dollars (BC Electric Bike Rebate Program, s. d.). La Californie offre jusquâĂ 1 000 dollars pour les vĂ©los Ă©lectriques ordinaires et jusquâĂ 1 750 dollars pour les vĂ©los Ă©lectriques cargos ou adaptĂ©s (California E-Bike Incentive Project, s. d.).
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut utiliser le soutien au financement de lâexploitation pour amĂ©liorer la qualitĂ© des services de transport en commun et augmenter le nombre dâusagers. Les investissements Ă long terme peuvent ĂȘtre mis Ă profit pour garantir lâintĂ©gration des dĂ©cisions de financement en matiĂšre de logement, de climat et de transport.
Lâun des principaux motifs de la demande pour les transports en commun est la frĂ©quence des passages et la proximitĂ© des services (Redman et al., 2013 ; Diab et al., 2020). AccroĂźtre le soutien du gouvernement fĂ©dĂ©ral aux opĂ©rations serait un moyen rapide et efficace dâaugmenter la frĂ©quentation en permettant aux systĂšmes de transport en commun de remettre en marche leurs vĂ©hicules inutilisĂ©s. Ceci est particuliĂšrement important pour les petites et moyennes villes qui dĂ©pendent des autobus.
Le soutien au financement de lâexploitation peut ĂȘtre assurĂ© par le plan fĂ©dĂ©ral proposĂ© de financement permanent pour les transports publics. Le gouvernement doit accĂ©lĂ©rer le -financement promis dans le cadre du programme en le faisant passer de 2026-27 Ă 2024-2025 afin que les agences de transport locales puissent commencer Ă embaucher des conducteurs et des opĂ©rateurs dĂšs que possible.
En sâinspirant du Programme dâinfrastructure Investir dans le Canada, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit fournir ce financement en tenant compte des diffĂ©rences rĂ©gionales, notam-ment de la croissance dĂ©mographique prĂ©vue et de la capacitĂ© des infrastructures municipales. Il doit Ă©galement exiger un partage des coĂ»ts avec les provinces pour les grands projets. Ă lâinstar du Fonds pour le dĂ©veloppement des collectivitĂ©s du Canada, la source permanente de financement dâInfrastructure Canada, le plan de financement permanent pour les transports publics doit offrir un financement prĂ©visible et Ă long terme directement aux municipalitĂ©s (Association canadienne du transport urbain, 2021).
 Le financement de lâexploitation permettra aux systĂšmes de transport dâamĂ©liorer le service en dehors des pĂ©riodes de pointe et de mieux rĂ©pondre aux besoins de dĂ©placement des groupes en quĂȘte dâĂ©quitĂ©. Les villes doivent ĂȘtre autorisĂ©es Ă utiliser les fonds dâexploi-tation pour rĂ©duire les tarifs payĂ©s par les usagers des transports publics et pour mettre en place des tarifs rĂ©duits pour les personnes Ă faibles revenus.
Lors de lâattribution des fonds destinĂ©s aux transports en commun, le gouvernement fĂ©dĂ©-ral peut sâinspirer du succĂšs du Fonds pour accĂ©lĂ©rer la construction de logements, un programme qui fournit des fonds directement aux gouvernements locaux pour augmenter lâoffre de logements. Le plan de financement permanent pour les transports publics peut Ă©galement fournir des incitations directement aux municipalitĂ©s qui atteignent les objectifs fĂ©dĂ©raux en matiĂšre dâaccessibilitĂ© au logement, de rĂ©duction de la pauvretĂ© et de rĂ©duction des GES par le biais de projets de transport.
Les grands projets dâinvestissement financĂ©s par le plan de financement permanent pour les transports publics devraient comprendre des « accords de politiques de soutien » qui reconnaissent la compĂ©tence des municipalitĂ©s en matiĂšre de politique dâamĂ©nagement du territoire tout en encourageant les changements qui garantiraient la rĂ©ussite des projets de transport en commun. Il pourrait sâagir dâexigences en matiĂšre de densitĂ© de logement, de lâĂ©limination des exigences minimales en matiĂšre de stationnement autour des stations de transport en commun et de lâamĂ©lioration des points de correspondance pour les bus, les piĂ©tons et les cyclistes. Lâaugmentation de lâoffre de logements Ă proximitĂ© des stations rapprocherait un plus grand nombre dâusagers dâoptions de transport accessibles et favoriserait lâaugmentation du nombre dâusagers.
Pour soutenir les objectifs climatiques, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit exiger que tous les nouveaux vĂ©hicules de transport en commun achetĂ©s avec des fonds fĂ©dĂ©raux ne produisent pas dâĂ©missions. Afin de garantir lâĂ©quitĂ© du dĂ©veloppement axĂ© sur les transports en commun, les municipalitĂ©s qui reçoivent des fonds fĂ©dĂ©raux pour de grands projets de transport en commun doivent Ă©galement ĂȘtre tenues de mettre en place des plans dâaction visant Ă prĂ©venir le dĂ©placement des rĂ©sidents.
Les gens ont besoin dâun plus grand nombre de choix en matiĂšre de transport Ă faible -Ă©missions de carbone qui conviennent Ă leur vie et Ă leur porte-monnaie. LâexpĂ©rience prouve que lorsque les gens disposent de meilleures options de mobilitĂ©, plus abordables et Ă faible Ă©missions de carbone, ils les utilisent. En leur offrant des moyens fiables, abordables et durables de se rendre lĂ oĂč ils doivent aller, on leur permet de mieux maĂźtriser leurs dĂ©penses, leur temps et leur bien-ĂȘtre.
Le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© a donnĂ© la prioritĂ© au logement, au transport et Ă lâalimentation en tant que domaines clĂ©s dans lesquels le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut agir pour aider les mĂ©nages Ă faibles revenus Ă satisfaire leurs besoins fondamentaux dâune maniĂšre qui favorise Ă©galement la rĂ©duction des Ă©missions et la rĂ©silience face Ă lâĂ©volution du climat.
Des transports en commun bien planifiĂ©s peuvent jouer un rĂŽle important dans lâavancement des projets de logements abordables. La mise Ă disposition de moyens de transport efficaces et accessibles, intĂ©grĂ©s aux programmes de logements abordables, peut rĂ©duire les coĂ»ts pour les mĂ©nages, amĂ©liorer lâaccĂšs aux possibilitĂ©s dâemploi et aux activitĂ©s sociales, et rĂ©duire la nĂ©cessitĂ© de possĂ©der une voiture, ce qui est bon pour le budget des mĂ©nages et pour lâenvironnement.
Les secteurs Ă haute densitĂ© de logement planifiĂ©s en fonction des transports en commun rĂ©duisent la dĂ©pendance Ă lâĂ©gard de la voiture et les distances Ă parcourir. Pour ceux qui doivent absolument prendre la voiture, le passage Ă des VZE peut rĂ©duire les coĂ»ts dâentretien et dâexploitation tout en diminuant les Ă©missions. Les projets immobiliers qui comprennent des programmes de covoiturage pour les vĂ©hicules Ă©lectriques et des stations de recharge pour les options de micromobilitĂ© peuvent nĂ©cessiter moins de places de stationnement, ce qui peut rĂ©duire les coĂ»ts de dĂ©veloppement et les loyers. Des logements et des moyens de transport plus abordables amĂ©liorent le budget des mĂ©nages, rĂ©duisent la pollution de lâair et diminuent les Ă©missions. La rĂ©duction de toutes ces dĂ©penses libĂšre des fonds pour lâalimentation et -rĂ©duit ainsi lâinsĂ©curitĂ© alimentaire.
PrĂšs de sept millions de personnes au Canada â dont prĂšs de deux millions dâenfants â nâont pas un accĂšs stable Ă une alimentation suffisante. Les rĂ©centes augmentations des prix des aliments, des loyers, des coĂ»ts de lâĂ©nergie et des transports ont dĂ©passĂ© lâaugmentation des revenus, ne laissant que peu de marge Ă la fin du mois. Il est souvent plus facile de faire des Ă©conomies sur les produits alimentaires que sur le loyer et les services publics, ce qui fait que de nombreuses personnes souffrent de la faim.
Le Canada, lâun des pays les plus riches du monde, ne devrait pas tolĂ©rer cette situation. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit crĂ©er une nouvelle allocation pour aider les familles Ă faible revenu Ă acheter de la nourriture et Ă couvrir leurs autres besoins quotidiens.
Il faut poursuivre les efforts actuels visant Ă rĂ©duire les prix des denrĂ©es alimentaires et des loyers, mais il est peu probable que ces mesures suffisent Ă rĂ©pondre aux besoins immĂ©diats et urgents des mĂ©nages Ă faible revenu. Ralentir la lutte contre les changements climatiques nâest pas non plus la solution â les fluctuations des prix mondiaux du pĂ©trole, les sĂ©cheresses et les inondations exacerbĂ©es par les changements climatiques et lâinstabilitĂ© gĂ©opolitique ont une influence bien plus grande sur les prix des denrĂ©es alimentaires que les politiques climatiques actuelles.
Au lieu de cela, les gouvernements doivent fournir un revenu supplĂ©mentaire aux personnes qui en ont le plus besoin. Pour lutter contre lâinsĂ©curitĂ© alimentaire, le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de prendre la mesure suivanteâ:
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit restructurer et Ă©largir le CrĂ©dit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisĂ©e et le renommer «âAllocation pour lâĂ©picerie et les besoins de baseâ». Lâallocation proposĂ©e sâappuierait sur le remboursement unique de la taxe sur les produits et services mis en Ćuvre en 2023 et ciblerait les mĂ©nages avec des adultes en Ăąge de travailler. Elle fournirait 1â800â$ par annĂ©e et par adulte et 600â$ par enfant. En outre, le Conseil recommande que lâallocation proposĂ©e soit versĂ©e mensuellement plutĂŽt que trimestriellement. Ce changement â qui permettrait de verser 150â$ par mois par adulte et 50â$ par enfant aux mĂ©nages les plus pauvres â rĂ©partirait les paiements de maniĂšre Ă©gale tout au long de lâannĂ©e et offrirait aux bĂ©nĂ©ficiaires une plus grande stabilitĂ© pour le paiement de leurs factures mensuelles. Tous les mĂ©nages qui reçoivent actuellement le remboursement de la TPS/TVH recevraient plus dâargent, mais les mĂ©nages Ă plus faible revenu bĂ©nĂ©ficieraient dâune augmentation plus importante.
LâinsĂ©curitĂ© alimentaire, câest-Ă -dire lâaccĂšs inadĂ©quat ou incertain Ă des aliments nutritifs et culturellement appropriĂ©s, est en augmentation (SantĂ© Canada, 2020). Selon un rĂ©cent rapport de Statistique Canada, prĂšs de sept millions de personnes, dont prĂšs de deux millions dâenfants, sont confrontĂ©es Ă lâinsĂ©curitĂ© alimentaire. Plus de 40â% des familles de mĂšres cĂ©libataires, environ 60â% des mĂšres cĂ©libataires handicapĂ©es, plus dâun tiers des familles noires et autochtones et plus de 60â% des familles dont la personne gagnant le principal revenu est au chĂŽmage sont en situation dâinsĂ©curitĂ© alimentaire (Uppal, 2023a).
Dâautres indicateurs rĂ©vĂšlent Ă©galement une tendance inquiĂ©tante. Banques alimentaires Canada (2023) a enregistrĂ© prĂšs de deux millions de visites dans les banques alimentaires du pays en mars 2023, soit une hausse de 32â% par rapport au mĂȘme mois de lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente et de plus de 78â% par rapport Ă 2019. Les adultes seuls en Ăąge de travailler reprĂ©sentaient 44â% des usagers des banques alimentaires, soit lâun des plus grands sous-ensembles de visiteurs.
La premiĂšre cause de lâinsĂ©curitĂ© alimentaire est la contrainte financiĂšre (Uppal, 2023a, voir lâencadrĂ© 1). Les prix des denrĂ©es alimentaires augmentent et les loyers nâont jamais Ă©tĂ© aussi Ă©levĂ©s. Les personnes qui dĂ©pendent des aides publiques, telles que lâaide sociale, les allocations pour enfants ou lâassurance-emploi, sont beaucoup plus susceptibles de souffrir dâinsĂ©curitĂ© alimentaire (Uppal, 2023a). Les personnes qui gagnent le salaire minimum sont de plus en plus incapables de se procurer des biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ© tels que le logement et la nourriture. Selon un calcul, le salaire de subsistance dans la grande rĂ©gion de Toronto est passĂ© Ă 25â$ de lâheure en 2023, alors que le salaire minimum en Ontario nâest que de 16,55â$ (Pickthorne, 2023). Ă Saskatoon, le salaire de subsistance pour une famille de quatre personnes Ă©tait de 16,23 $ de lâheure en 2022, alors que le salaire minimum de la province nâĂ©tait que de 14â$ de lâheure, le plus bas du pays (Centre canadien de politiques alternatives, bureau de la Saskatchewan, 2022â; Saskatchewan, s.d.).
Les prix ont augmentĂ© rapidement Ă la suite de la pandĂ©mie de COVID-19, lâinflation atteignant un pic de 8,1â% (dâune annĂ©e Ă lâautre) en juin 2022, son niveau le plus Ă©levĂ© depuis le dĂ©but des annĂ©es 1980. Bien que lâinflation ait ralenti au cours des derniers mois, les prix continuent dâaugmenter. Les augmentations des prix de la nourriture et du logement ont dĂ©passĂ© lâinflation globale depuis novembre 2021 (Statistique Canada, 2023a).
La hausse des prix est un problĂšme dâabordabilitĂ© pour de nombreux Canadiens, mais pour les mĂ©nages Ă faibles revenus, câest une question de survie. La figure 1 montre que les familles Ă trĂšs faible revenu (les 20â% de salariĂ©s les moins bien rĂ©munĂ©rĂ©s) dĂ©pensent plus de 100â% de leur revenu disponible au logement, Ă lâalimentation et au transport.
Les mĂ©nages Ă faible revenu (lâavant-derniĂšre tranche de 20â% de la population) sont Ă©galement en difficultĂ©â: prĂšs de 60â% de leur revenu disponible est consacrĂ© aux nĂ©cessitĂ©s de base. Dans lâensemble, une plus grande proportion de familles Ă faible revenu vivant sous le seuil de pauvretĂ© ont dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© confrontĂ©es Ă lâinsĂ©curitĂ© alimentaire en 2022. Cependant, lâinsĂ©curitĂ© alimentaire est trĂšs rĂ©pandue et des recherches rĂ©centes de Statistique Canada montrent que huit familles sur dix en situation dâinsĂ©curitĂ© alimentaire se situent au-dessus du seuil de pauvretĂ© (Uppal, 2023a).
Les efforts de la Banque du Canada pour ramener lâinflation de base dans sa fourchette cible de 1 Ă 3â% nâont pas encore permis de ralentir de maniĂšre notable lâaugmentation des prix des denrĂ©es alimentaires. En tant quâĂ©lĂ©ment essentiel de la vie quotidienne, lâalimentation a tendance Ă ĂȘtre moins sensible aux augmentations des taux dâintĂ©rĂȘt que dâautres secteurs des dĂ©penses de consommation. Bien que lâaugmentation des prix des denrĂ©es alimentaires ait ralenti, les prix devraient rester Ă©levĂ©s dans lâavenir (Janzen & Fan, 2023). Plusieurs facteurs Ă lâorigine de cette hausse, comme la guerre en Ukraine, sont extĂ©rieurs Ă lâĂ©conomie canadienne, et les contraintes structurelles du secteur agricole (comme le vieillissement de la main-dâĆuvre) devraient persister pendant un certain temps.
Le manque de concurrence dans le secteur de lâĂ©picerie au dĂ©tail au Canada a Ă©tĂ© identifiĂ© comme un coupable possible. Un rapport du ComitĂ© permanent de lâagriculture et de lâagroalimentaire de la Chambre des communes (2023) note que les Canadiens achĂštent les trois quarts de leur nourriture dans des Ă©piceries et que les cinq plus grands dĂ©taillants du Canada contrĂŽlent 80â% du marchĂ© de lâĂ©picerie. Pour stimuler la concurrence, le Bureau de la concurrence (2023) recommande que les gouvernements Ă tous les niveaux prennent des mesures pour encourager la croissance des Ă©piceries indĂ©pendantes et faciliter lâentrĂ©e des dĂ©taillants basĂ©s Ă lâĂ©tranger.
En septembre 2023, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a prĂ©sentĂ© le projet de loi C-56, la Loi sur le logement et lâĂ©picerie Ă prix abordable (ministĂšre des Finances, 2023a). Entre autres choses, le projet de loi proposĂ© donnerait au Bureau de la concurrence des pouvoirs accrus pour rejeter les fusions dans certaines circonstances. En outre, sur lâinsistance du gouvernement fĂ©dĂ©ral, les PDG des cinq plus grandes chaĂźnes dâĂ©picerie ont prĂ©sentĂ© des plans aux fonctionnaires fĂ©dĂ©raux sur la maniĂšre dont ils prĂ©voient contenir les prix des aliments. Mais les rĂ©sultats de ces efforts sont incertains et il est peu probable quâils se fassent sentir Ă court terme.
RĂ©cemment, des voix de plus en plus nombreuses se sont Ă©levĂ©es pour rĂ©clamer une rĂ©duction de la taxe carbone (taxe sur les carburants) en raison des coĂ»ts supplĂ©mentaires quâelle engendre. Toutefois, des recherches ont montrĂ© quâune telle mesure nâaurait probablement quâun trĂšs faible impact sur les prix des denrĂ©es alimentaires. Une note dâinformation rĂ©digĂ©e par Trevor Tombe et Jennifer Winter, Ă©conomistes Ă lâUniversitĂ© de Calgary (2023), compare lâindice des prix Ă la consommation (IPC) Ă lâIPC sans les impĂŽts indirects (par exemple, la TPS, la taxe carbone, etc.). Ils constatent que les prix Ă la consommation nâont augmentĂ© que de 0,6â% en aoĂ»t 2023 par rapport Ă janvier 2015 en raison des impĂŽts indirects.
Tombe et Winter (2023) utilisent Ă©galement la Base de donnĂ©es et ModĂšle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) de Statistique Canada, une base de donnĂ©es de Canadiens reprĂ©sentatifs de toutes les provinces (mais pas des territoires), pour examiner lâincidence de la tarification du carbone sur lâinflation en Colombie-Britannique. MĂȘme en tenant compte des effets de dĂ©bordement du transport et dâautres parties de la chaĂźne dâapprovisionnement, ils concluent que les taxes sur le carbone nâont fait augmenter le coĂ»t moyen des denrĂ©es alimentaires en Colombie-Britannique que de 0,33â%.
Les fluctuations des prix du pĂ©trole ont un effet bien plus important sur lâinflation et les prix des denrĂ©es alimentaires que la taxe carbone. Par exemple, la variation du prix mondial du pĂ©trole entre le dĂ©but de 2021 et le printemps 2022, de 40 Ă 120 $ amĂ©ricains le baril, Ă©quivaut Ă une augmentation hypothĂ©tique du prix du carbone Ă 300â$ canadiens la tonne. Au cours de la mĂȘme pĂ©riode, le prix du carbone nâa augmentĂ© que de 10â$ canadiens par tonne (Stanford, 2023).
Une stratĂ©gie Ă long terme visant Ă rĂ©duire lâeffet des prix du pĂ©trole et du gaz naturel sur les prix des aliments pourrait inclure lâamĂ©lioration de lâefficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et la rĂ©duction de lâutilisation des combustibles fossiles tout au long de la chaĂźne dâapprovisionnement. Cela aurait pour avantage de rĂ©duire simultanĂ©ment les Ă©missions de gaz Ă effet de serre (GES). En 2021, le secteur agricole canadien a produit 69 mĂ©gatonnes de GES, soit 10â% des Ă©missions totales du Canada (Environnement et changement climatique Canada, 2023).
Les effets des changements climatiques sont Ă©galement susceptibles dâavoir des retombĂ©es plus importantes sur les prix des denrĂ©es alimentaires que les politiques visant Ă rĂ©duire les Ă©missions de GES. Les phĂ©nomĂšnes mĂ©tĂ©orologiques extrĂȘmes â qui devraient devenir plus frĂ©quents et plus intenses au fil du temps â affectent de plus en plus lâapprovisionnement et la production de denrĂ©es alimentaires. En 2021, une vague de chaleur extrĂȘme dans les Prairies a contribuĂ© Ă la hausse des prix de la viande, en particulier du bĆuf, et des produits cĂ©rĂ©aliers. Aux Ătats-Unis, premier partenaire commercial agricole du Canada, une sĂ©cheresse dans le Sud-Ouest amĂ©ricain, ainsi que des vagues de chaleur, des inondations et un gel prĂ©coce dans dâautres rĂ©gions du pays ont entraĂźnĂ© une augmentation du prix des lĂ©gumes et des fruits frais (Fradella, 2022).
La hausse des prix des aliments nâest pas la seule cause de lâinsĂ©curitĂ© alimentaire. Les coĂ»ts dâautres biens et services essentiels, tels que le logement, lâĂ©nergie et les transports, Ă©tant Ă©galement en hausse, les mĂ©nages doivent de plus en plus souvent faire des choix difficiles entre payer les factures et mettre de la nourriture sur la table. Ce sont souvent les dĂ©penses alimentaires qui sont rĂ©duites parce que câest la chose la plus facile Ă faireâ: ne pas payer le loyer peut conduire Ă lâexpulsion, ne pas payer les factures dâĂ©nergie peut conduire Ă la coupure du chauffage, et renoncer Ă un abonnement de transport peut signifier ne pas ĂȘtre en mesure de se rendre au travail ou Ă un rendez-vous mĂ©dical (voir la figure 2).
Une enquĂȘte menĂ©e en 2023 par Statistique Canada a rĂ©vĂ©lĂ© quâenviron un mĂ©nage canadien sur sept avait dĂ» rĂ©duire ses dĂ©penses de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, comme la nourriture, pendant au moins un mois par an pour pouvoir payer une facture dâĂ©nergie. (Statistique Canada, 2023b).
Selon un rapport de la Daily Bread Food Bank et de la North York Harvest Food Bank (2023), les clients des banques alimentaires disposaient en 2023 dâenviron 200â$ par mois, aprĂšs avoir payĂ© le loyer et les charges, pour acheter dâautres produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, soit une baisse dâenviron 17â% par rapport Ă lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente.
Le manque de revenus est lâune des principales sources dâinsĂ©curitĂ© alimentaire, mais les mĂ©nages ayant un niveau dâendettement Ă©levĂ© et un faible niveau dâactifs sont Ă©galement Ă risque (Uppal, 2023b). En 2019, plus de cinq millions de Canadiens vivaient dans des familles appartenant au quintile infĂ©rieur de revenu (les 20 % de personnes ayant les revenus les plus faibles) (Uppal, 2023bâ; voir lâencadrĂ© 2). Le revenu mĂ©dian aprĂšs impĂŽt des familles et des adultes cĂ©libataires de ce groupe Ă©tait de 21 000â$. PrĂšs de 70â% des familles du quintile infĂ©rieur vivaient sous le seuil de pauvretĂ©.
Plus de 60â% des Canadiens appartenant au quintile de revenu le plus bas se disent trĂšs inquiets quant Ă leur capacitĂ© Ă faire face aux dĂ©penses quotidiennes, et 19â% dĂ©clarent devoir souvent emprunter de lâargent Ă des amis et Ă des parents ou sâendetter pour joindre les deux bouts (Uppal, 2023b).
Depuis la pandĂ©mie, lâaugmen-tation des revenus des mĂ©nages les plus modestes nâa pas suivi lâaugmentation du coĂ»t de la vie. Les organisations travaillant dans le domaine de la sĂ©curitĂ© alimentaire ont depuis longtemps remarquĂ© que les personnes vivant avec des revenus faibles ou fixes ont besoin dâaides au revenu plus nombreuses et plus importantes au revenu pour joindre les deux bouts. Bien que ces organisations proposent diffĂ©rentes façons de fournir ces soutiens, elles sâaccordent toutes sur un pointâ: le filet de sĂ©curitĂ© sociale actuel ne fournit pas un soutien suffisant Ă ceux qui en ont le plus besoin (Daily Bread Food Bank et North York Harvest Food Bank, 2023â; Banques alimentaires Canada, 2023â; PROOF, 2022).
De nombreuses Ă©tudes ont montrĂ© que lâincidence de lâinsĂ©curitĂ© alimentaire a diminuĂ© chez les familles et les personnes qui bĂ©nĂ©ficient de soutiens au revenu tels que lâAllocation canadienne pour enfants et lâaide sociale provinciale (Brown et Tarasuk, 2019â; Ionescu-Ittu et al., 2015â; Li et al., 2016â; Loopstra et al., 2015â; Men et al., 2021â; Tarasuk et al., 2019). Les programmes de repas dans les Ă©coles sont un autre moyen de lutter contre lâinsĂ©curitĂ© alimentaire, mais ils nâaideront pas les familles sans enfants et sont difficiles Ă mettre en Ćuvre Ă lâĂ©chelle nationale.
Les mĂ©nages soutenus par des personnes ĂągĂ©es de 65 ans et plus, qui perçoivent des pensions, la pension de la SĂ©curitĂ© de la vieillesse et le SupplĂ©ment de revenu garanti, sont confrontĂ©s Ă des niveaux dâinsĂ©curitĂ© alimentaire plus faibles, ce qui dĂ©montre lâimportance du soutien au revenu (McIntyre et al., 2016â; Uppal, 2023a).
Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a prĂ©cĂ©demment reconnu le lien entre lâinsĂ©curitĂ© alimentaire et le revenu. Dans le budget 2023, il a annoncĂ© un remboursement unique pour les produits dâĂ©picerie qui a fourni 2,5 G$ en allĂ©gement ciblĂ© de lâinflation. Ce remboursement consistait en un supplĂ©ment unique au CrĂ©dit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisĂ©e (TPS/TVH), qui a Ă©tĂ© versĂ© le 5 juillet 2023 Ă environ 11 millions de Canadiens Ă faible ou modeste revenu sous la forme dâun paiement non imposable. Les couples admissibles avec deux enfants ont reçu 467â$, les cĂ©libataires sans enfants 234â$ et les personnes ĂągĂ©es 225â$ (ministĂšre des Finances, 2023b). Le remboursement des frais dâĂ©picerie sâajoutait au doublement ponctuel du crĂ©dit pour la TPS par le gouvernement fĂ©dĂ©ral au cours de lâannĂ©e de prestation de juin 2022 Ă juillet 2023, qui a Ă©tĂ© Ă©mis pour aider les mĂ©nages les plus touchĂ©s par lâinflation (par exemple, la prestation pour une mĂšre cĂ©libataire avec un enfant et un revenu net de 30 000â$ est passĂ©e de 773â$ Ă 1 160â$) (MinistĂšre des Finances, 2022).
Toutefois, cet allĂ©gement Ă©tait Ă la fois inadĂ©quat et temporaire. Le remboursement des frais dâĂ©picerie sâĂ©levait Ă moins de 20â$ par mois pour un adulte, alors quâon estimait quâune famille type dĂ©penserait environ 130 $ de plus par mois en aliments achetĂ©s dans les magasins en juillet 2023 par rapport Ă juillet 2021.
La meilleure façon de fournir un soutien au revenu Ă court terme aux personnes qui en ont le plus besoin est de sâappuyer sur les complĂ©ments antĂ©rieurs au crĂ©dit pour la TPS/TVH.
Une Ă©tude Ă paraĂźtre commandĂ©e par le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© Ă Gillian Petit, de lâUniversitĂ© de Calgary, a comparĂ© diffĂ©rentes options de soutien au revenu pour le gouvernement fĂ©dĂ©ral. Elle a analysĂ© les augmentations de lâAllocation canadienne pour enfants, de lâAllocation canadienne pour les travailleurs et du crĂ©dit pour la TPS/TVH. La prestation canadienne dâinvaliditĂ© proposĂ©e, qui nâa pas encore Ă©tĂ© mise en Ćuvre, nâa pas Ă©tĂ© incluse dans son analyse. Un soutien au revenu supplĂ©mentaire pour les personnes handicapĂ©es aiderait sans aucun doute Ă lutter contre les taux Ă©levĂ©s dâinsĂ©curitĂ© alimentaire au sein de la population handicapĂ©e du Canada.
Cependant, lâinsĂ©curitĂ© alimentaire touche de nombreux types de mĂ©nages. Gillian Petit conclut que le crĂ©dit pour la TPS/TVH est la meilleure option pour atteindre un large Ă©ventail de types de familles, y compris les adultes seuls et les chĂŽmeurs, et quâil cible adĂ©quatement les familles Ă revenu faible et moyen.
Selon lâanalyse de Gillian Petit, 78â% des mĂ©nages qui reçoivent le crĂ©dit pour la TPS/TVH sont des adultes vivant seuls, et 90â% des familles bĂ©nĂ©ficiaires ont un revenu familial net infĂ©rieur Ă 60â000â$ par an.
Cependant, le crĂ©dit actuel pour la TPS/TVH, qui est basĂ© sur le revenu familial, est modeste. Il prĂ©voit un montant de base de 325â$ par annĂ©e par adulte, et de 171â$ par annĂ©e par enfant Ă charge de moins de 18 ansâ; les adultes cĂ©libataires reçoivent 171â$ supplĂ©mentaires par an. Le montant maximal de la prestation est de 496â$ par annĂ©e pour un adulte cĂ©libataire, de 821â$ pour un parent cĂ©libataire ou un couple avec un enfant, et de 650â$ par an pour un couple sans enfant (voir le tableau 1).
Les dĂ©penses fĂ©dĂ©rales totales au titre du crĂ©dit existant pour la TPS/TVH devraient sâĂ©lever Ă 5,44 G$ en 2023, y compris le remboursement unique pour les produits dâĂ©picerie (MinistĂšre des Finances, 2023c).
Gillian Petit a Ă©laborĂ© plusieurs scĂ©narios Ă lâaide de la Base de donnĂ©es et ModĂšle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) qui permettent de simuler les coĂ»ts et les avantages des changements proposĂ©s en matiĂšre de prestations fiscales. Sâappuyant sur lâanalyse de Gillian Petit, le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de crĂ©er une nouvelle allocation pour lâĂ©picerie et les besoins de base afin dâaider les mĂ©nages Ă acheter des aliments adĂ©quats et dâautres produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ©.
Le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de restructurer et dâĂ©largir le crĂ©dit pour la TPS/TVH existant et de le renommer «âAllocation pour lâĂ©picerie et les besoins de baseâ» (voir figure 3). Lâallocation proposĂ©e ciblerait les mĂ©nages composĂ©s dâadultes en Ăąge de travailler et offrirait des montants basĂ©s sur le revenu et le nombre de personnes dans le mĂ©nage. LâĂ©largissement porterait le montant de base Ă 1â800â$ par annĂ©e par adulte (au lieu de 325â$) et Ă 600 $ par enfant (au lieu de 171â$).
En outre, le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande de verser lâallocation mensuellement plutĂŽt que trimestriellement. Ce changement permettrait de rĂ©partir les paiements de maniĂšre uniforme tout au long de lâannĂ©e et offrirait aux bĂ©nĂ©ficiaires une plus grande stabilitĂ© pour le paiement des factures mensuelles. Des Ă©tudes ont montrĂ© que la consommation est sensible au moment oĂč les revenus sont versĂ©s (Aguila et al., 2017â; Shapiro, 2005â; Stephens, 2006). Plus les versements dâaide sociale sont frĂ©quents, plus les mĂ©nages peuvent Ă©taler leurs achats et dĂ©penser de maniĂšre cohĂ©rente dans des domaines essentiels tels que lâalimentation et les soins de santĂ©.
Les mĂ©nages recevraient une allocation mensuelle de 150â$ par adulte (comparativement Ă 41,33â$ par mois pour une personne seule dont le revenu net se situe entre 10 544 et 24â824â$, et Ă 27,08â$ par mois pour une personne seule dont le revenu net se situe entre 0 et 10 544â$) et de 50â$ par enfant (comparativement Ă 14,25â$).
Le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© recommande Ă©galement dâabaisser le niveau de revenu net Ă partir duquel lâallocation commence Ă diminuer progressivement de 42 335 $ Ă 24â824â$. Cela garantirait que les mĂ©nages Ă trĂšs faible revenu, qui sont plus exposĂ©s aux risques dâinsĂ©curitĂ© alimentaire et dâitinĂ©rance, reçoivent lâallocation la plus Ă©levĂ©e possible. Ces mĂ©nages recevraient une allocation proportionnellement plus Ă©levĂ©e dans le cadre de la nouvelle structure. Les mĂ©nages Ă revenus faibles et intermĂ©diaires dont le revenu est supĂ©rieur Ă 24â824â$ recevraient toujours plus que dans le cadre du crĂ©dit actuel, mais moins que ceux qui se situent au bas de lâĂ©chelle des revenus. La restructuration proposĂ©e augmenterait Ă©galement le montant perçu par les cĂ©libataires dont le revenu est infĂ©rieur Ă 10â000â$, pour le porter au mĂȘme niveau que celui des cĂ©libataires dont le revenu est infĂ©rieur Ă 24â824â$.
Le tableau 2 prĂ©sente une ventilation de lâimpact de lâallocation proposĂ©e pour lâĂ©picerie et les besoins de base en fonction des diffĂ©rents niveaux de revenus et des diffĂ©rentes structures familiales. Il montre le rĂŽle que lâallocation proposĂ©e pourrait jouer en aidant les mĂ©nages Ă faibles revenus Ă payer des biens essentiels tels que la nourriture, le logement et le transport.
Selon les calculs de Gillian Petit, lâallocation proposĂ©e toucherait environ 9,7 millions de familles), pour un coĂ»t supplĂ©mentaire estimĂ© Ă environ 11 G$ par an pour le gouvernement fĂ©dĂ©ral. Lâallocation proposĂ©e exclurait les personnes ĂągĂ©es, qui font face Ă des taux plus faibles dâinsĂ©curitĂ© alimentaire et qui reçoivent dĂ©jĂ des soutiens ciblĂ©s au revenu par le biais de la pension de la SĂ©curitĂ© de la vieillesse et du SupplĂ©ment de revenu garanti. Cependant, elles continueraient de recevoir le crĂ©dit existant de TPS/TVH.
Lâallocation pour lâĂ©picerie et les besoins de base doit ĂȘtre revue pĂ©riodiquement et ajustĂ©e en fonction de lâĂ©volution des revenus et de lâinflation (comme câest actuellement le cas pour le crĂ©dit pour la TPS/TVH).
Comme pour les autres prestations fournies par le biais du systĂšme dâimpĂŽt sur le revenu, les personnes qui ne remplissent pas de dĂ©claration de revenus ne recevraient pas lâallocation proposĂ©e pour lâĂ©picerie et les besoins de base. Robson et Schwartz (2020) estiment que 10âĂ 12â% des Canadiens ne remplissent pas de dĂ©claration et que pour les personnes en Ăąge de travailler ayant de faibles revenus, cette estimation sâĂ©lĂšve Ă 22â%â; les personnes en Ăąge de travailler qui nâont pas rempli de dĂ©claration de revenus ont manquĂ© environ 1,7 G$ en prestations en espĂšces en 2015. Les personnes qui ne remplissent pas de dĂ©claration sont plus susceptibles dâĂȘtre des personnes vivant dans la pauvretĂ©, des Autochtones, des sans-abri et des bĂ©nĂ©ficiaires de lâaide sociale (Calgary Homeless Foundation, 2018â; Petit et al., 2021â; Prosper Canada, 2018â; Robson et Schwartz, 2020â; Stapleton, 2018).
Dans le budget 2023, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a annoncĂ© son intention de mettre en place un systĂšme automatisĂ© de dĂ©claration de revenus pour les personnes Ă revenus faibles ou fixes. LâAgence du revenu du Canada devrait piloter ce nouveau systĂšme en 2024. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit accĂ©lĂ©rer le lancement du projet pilote afin que le plus grand nombre possible de mĂ©nages puissent recevoir les prestations auxquelles ils ont droit. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit Ă©galement collaborer avec les organismes communautaires, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les gouvernements autochtones pour atteindre les personnes sans-abri, les Autochtones et les personnes sans domicile fixe et sans compte bancaire afin de dĂ©terminer les moyens dâaider ces groupes Ă accĂ©der aux prestations.
Le Conseil dâaction sur lâabordabilitĂ© a donnĂ© la prioritĂ© au logement, au transport et Ă lâalimentation en tant que domaines clĂ©s dans lesquels le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut agir pour aider les mĂ©nages Ă faibles revenus Ă rĂ©pondre Ă leurs besoins fondamentaux de maniĂšre Ă soutenir Ă©galement la rĂ©duction des GES et la rĂ©silience face aux changements climatiques. Tous les domaines de lâabordabilitĂ© sont interconnectĂ©sâ: les actions menĂ©es dans un domaine bĂ©nĂ©ficieront aux autres.
Tous les Canadiens ont le droit de pouvoir mettre de la nourriture sur la table. Cela ne doit pas signifier se priver dâun logement convenable, dâune carte de transport pour se rendre au travail, de chauffage et de climatisation, de mĂ©dicaments sur ordonnance ou dâautres biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ©. Les Ă©tudes montrent que les familles dont les revenus sont les plus faibles dĂ©penseront lâallocation pour lâalimentation, le logement, le transport et dâautres besoins essentiels.
Le Canada ne devrait pas ĂȘtre un pays oĂč prĂšs de deux millions dâenfants ne mangent pas Ă leur faim. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit prendre des mesures immĂ©diates pour rĂ©duire lâinsĂ©curitĂ© alimentaire des plus vulnĂ©rables.ÂÂÂÂÂ
La production, le partage et lâutilisation de donnĂ©es numĂ©riques sont essentiels pour accĂ©lĂ©rer les nouvelles dĂ©couvertes scientifiques, lâinnovation et lâefficacitĂ© du systĂšme alimentaire mondial. Si elle est bien menĂ©e, lâadoption des technologies numĂ©riques devrait permettre aux secteurs agricole et agroalimentaire du Canada de soutenir certains des objectifs de dĂ©veloppement durable les plus urgents adoptĂ©s par les Nations Unies, notamment la rĂ©duction de la faim, lâattĂ©nuation des changements climatiques et lâadaptation face Ă ceux-ci, lâoptimisation de lâutilisation des terres arables et de lâeau, et la fourniture dâun travail dĂ©cent et dâune croissance Ă©conomique durable. Elle peut Ă©galement contribuer Ă la sĂ©curitĂ© alimentaire et Ă lâabordabilitĂ© au Canada.
Le Canada dispose dâun avantage important en matiĂšre de sĂ©curitĂ© alimentaire et est un important fournisseur de denrĂ©es alimentaires, dâaliments pour animaux et de fibres au niveau mondial. Le pays dispose Ă©galement dâun secteur des tĂ©lĂ©communications avancĂ© et est un innovateur et un adepte prĂ©coce de nombreuses approches que les agriculteurs, les scientifiques, les industriels, les gouvernements et les ONG espĂšrent voir se concrĂ©tiser.
Lâintelligence artificielle, lâinternet des objets, les mĂ©gadonnĂ©es et lâĂ©dition gĂ©nomique offrent la possibilitĂ© dâaugmenter la production, de rĂ©duire les coĂ»ts, les Ă©missions, la consommation dâeau, le gaspillage alimentaire et les risques, dâamĂ©liorer la rĂ©silience et la sĂ©curitĂ© alimentaire et de fournir aux consommateurs davantage dâinformations sur les aliments quâils consomment. De nouvelles technologies et de nouveaux services apparaissent dans un large Ă©ventail de domaines liĂ©s Ă lâagriculture, notamment lâagriculture de prĂ©cision, la technologie Ă taux variable, et la gestion numĂ©rique des exploitations agricoles et de la santĂ© animale. Il existe dâimportantes possibilitĂ©s de croissance Ă©conomique pour les dĂ©veloppeurs de technologies, les entreprises de tĂ©lĂ©communications, les agriculteurs et dâautres entreprises tout au long de la chaĂźne dâapprovisionnement, de la ferme Ă la table.
Il existe cependant de nombreux dĂ©fis et obstacles au dĂ©veloppement et Ă lâadoption de ces opportunitĂ©s numĂ©riques, notamment la capacitĂ© du secteur agricole et agroalimentaire dâadopter de nouvelles technologies, des marchĂ©s incomplets pour les donnĂ©es, la concentration industrielle et une gouvernance des donnĂ©es mal dĂ©finie.
Les gouvernements canadiens sont confrontĂ©s Ă un choix. Ils peuvent suivre le modĂšle canadien par excellence de lâadoption passive des technologies, qui est Ă la fois peu risquĂ© et peu rentable. Ils peuvent adopter une approche plus proactive et confuse, en sâattaquant aux obstacles les plus faciles Ă surmonter tout en ignorant les plus difficiles. Ou ils peuvent se lancer Ă corps perdu dans une stratĂ©gie ambitieuse, Ă haut risque et Ă haut rendement, visant une transformation Ă grande Ă©chelle.
Lâampleur des opportunitĂ©s Ă©conomiques offertes par la croissance des marchĂ©s mondiaux, combinĂ©e aux avantages sociĂ©taux dâune plus grande sĂ©curitĂ© alimentaire mondiale et dâun systĂšme de production alimentaire plus efficace et moins polluant, justifie la mise en place dâune stratĂ©gie ambitieuse. Celle-ci nĂ©cessitera des actions audacieuses sur plusieurs fronts, en collaboration avec le secteur privĂ© et les institutions acadĂ©miques :
Le Canada a la possibilitĂ© de rĂ©ussir avec un plan bien pensĂ© et la bonne combinaison dâinvestissements, de planification, de collaboration et de gouvernance. Le Canada peut faire mieux en faisant le bien, en augmentant le rendement Ă©conomique de son systĂšme agroalimentaire de classe mondiale et en contribuant aux objectifs mondiaux en matiĂšre de sĂ©curitĂ© alimentaire et de changement climatique. Il nây a pas de temps Ă perdre.