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La prochaine transformation économique du Canada : Quel rôle pour les politiques industrielles ?

Les gouvernements doivent-ils orienter les décisions d’investissement privé ? Encadrer les choix de politique industrielle du Canada

IRPP Steering Group 8 octobre 2024

La politique industrielle – l’utilisation des pouvoirs fiscaux des gouvernements pour influencer le niveau l’activité du secteur privé ou son orientation – est revenue sur le devant de la scène ces dernières années, à la lumière d’événements tels que la pandémie de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces événements ont mis en évidence certains des risques économiques et liés à aux chaînes d’approvisionnements qui sont associés à la perte de la capacité de production nationale. Cela a incité certains de nos alliés, en particulier les États-Unis, à prendre des initiatives majeures en matière de politique industrielle, telles que la Inflation Reduction Act et la CHIPS and Science Act.

Il est aussi devenu communément admis que certains de nos plus grands défis politiques nécessitent une action accélérée du secteur privé et d’importants investissements en capital. La lutte contre les changements climatiques et les risques liés aux chaînes d’approvisionnements sont deux des nombreux défis pour lesquels les gouvernements ont besoin que les entreprises réagissent de manière à soutenir les objectifs de la politique nationale. La politique industrielle n’est pas le seul outil disponible, mais c’en est un peu étudié au Canada par rapport aux interventions législatives et réglementaires.

Pour aider les gouvernements à s’orienter dans le paysage de la politique industrielle, l’IRPP organise une série d’ateliers, dirigés par un groupe d’experts, afin de formuler des recommandations à l’intention des gouvernements. Ce document est le premier d’une série et explore les justifications potentielles de la politique industrielle, certaines considérations pour les gouvernements et les questions qui demandent encore des réponses.

Ce rapport identifie plusieurs domaines qui pourraient constituer des priorités pour les gouvernements qui envisagent des interventions en matière de politique industrielle :

  • Remédier aux retards de productivité. Les politiques industrielles peuvent contribuer à développer les petites entreprises productives ou à créer des incitations à l’investissement du secteur privé dans les technologies, les secteurs ou les marchés susceptibles d’accroître la productivité. La politique industrielle peut également jouer un rôle important dans la création de nouvelles industries productives. Le canola et les sables bitumineux du Canada sont deux exemples où les gouvernements ont joué un rôle majeur dans la croissance d’une nouvelle industrie.
  • Gérer les risques commerciaux et géopolitiques. Environ 40 % des industries représentant 25 % de la production canadienne sont très vulnérables aux chocs externes de l’offre et de la demande. Garantir la capacité nationale dans les industries stratégiques pourrait protéger le Canada contre les chocs géopolitiques.
  • Construire une économie carboneutre. La mise en place de capacités en matière d’énergie propre, de fabrication et de minerais critiques implique souvent des projets d’investissement à grande échelle qui ne peuvent être rentabilisés que plusieurs décennies plus tard. L’incertitude politique et celle liée à la viabilité future des technologies émergentes peuvent signifier que le risque d’investissement est trop important pour que le secteur privé puisse l’assumer seul.
  • Faire progresser la réconciliation économique avec les Autochtones. Les communautés et les entreprises autochtones n’ont souvent pas accès aux capitaux en raison d’injustices historiques et des restrictions actuelles imposées par le gouvernement du Canada en matière de politique publique. La politique industrielle pourrait contribuer à améliorer l’accès au capital et à accroître les possibilités d’approvisionnement des Autochtones.
  • Accélérer l’innovation pour résoudre la crise du logement au Canada. Le Canada est aux prises avec une grave crise du logement, qui nécessitera la construction de millions de logements supplémentaires au cours des prochaines décennies par rapport aux prévisions actuelles. L’augmentation de la productivité devra faire partie de l’équation. Il existe des outils tels que la préfabrication et l’impression 3D qui pourraient contribuer à la productivité, mais les coûts et les risques liés à l’expansion des petites entreprises dans ce secteur sont considérables. Les gouvernements pourraient contribuer à réduire les risques de cette industrie naissante.
  • Promouvoir la croissance inclusive et l’équité régionale. Les efforts visant à soutenir l’entrepreneuriat des Noirs, le développement économique du Nord ou d’autres objectifs de croissance inclusive peuvent nécessiter la participation du gouvernement pour surmonter les obstacles à l’investissement. Étant donné que le gouvernement du Canada est déjà impliqué dans ces domaines, il convient de déterminer s’il existe des moyens d’améliorer les résultats.
  • Reconstruire la base industrielle de défense du Canada. Le Canada et une grande partie du monde occidental ne sont toujours pas préparés militairement à la perspective d’une guerre de grande envergure impliquant nos alliés. Depuis longtemps, le Canada ne parvient pas à atteindre l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN pour les dépenses annuelles de défense. Pour préserver nos alliances, nous pourrions nous acquitter en partie de nos obligations conventionnelles en reconstruisant notre capacité de production de défense.
  • Favoriser une économie résiliente face aux changements climatiques. Alors que les pays du monde entier redoublent d’efforts pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de limiter les effets négatifs des changements climatiques, l’évolution du climat est inévitable. Il est donc également nécessaire que les secteurs public et privé investissent dans l’adaptation afin de limiter les conséquences économiques nationales. Les gouvernements pourraient collaborer plus étroitement avec les universités et l’industrie pour investir dans la recherche et le développement de technologies visant à atténuer les inondations et les incendies, à rendre les infrastructures et l’agriculture plus résistantes, et à aider à leur commercialisation.

Toutefois, les gouvernements ne devraient pas s’engager dans une politique industrielle sans y avoir mûrement réfléchi. Pour que la politique industrielle soit couronnée de succès, elle doit s’appuyer sur une stratégie globale claire, une bonne gouvernance et une évaluation minutieuse. Même dans ce cas, il n’y a aucune garantie qu’une intervention donnée sera couronnée de succès. En effet, il se peut que les outils de la politique industrielle ne soient pas adaptés à certains de ces défis ou que des réformes complémentaires soient nécessaires dans d’autres domaines tels que la politique de la concurrence ou la réglementation.

Ce document explore certains des domaines politiques dans lesquels les gouvernements pourraient faire appel à une politique industrielle, tout en définissant certains des contours de ce que cela implique et en se penchant sur certaines des questions auxquelles il faut encore répondre. Les prochains documents aborderont certaines de ces questions dans le cadre d’une série d’études qui aboutiront à un rapport final comprenant des recommandations à l’intention des gouvernements.

La politique industrielle est un terme chargé. Pour certains, elle évoque un retour à l’intervention musclée de l’État au cours des dernières décennies. Pour d’autres, elle suggère de rééquilibrer les relations entre l’État, l’économie, les entreprises et l’accès au financement. D’autres encore la considèrent comme un complément à l’économie de marché qui donne les incitations et les capacités au secteur privé d’atteindre certains objectifs spécifiques.

L’évolution des réalités géopolitiques, les préoccupations environnementales pressantes et les retards de productivité ont amené les décideurs politiques à se demander si les gouvernements devaient consciemment orienter certaines industries en accord avec des objectifs de politiques publiques spécifiques. En d’autres termes, avons-nous besoin d’une stratégie industrielle ?

Même si une certaine forme de politique ou de stratégie industrielle est souhaitable, de nombreuses questions restent en suspens. Quelle forme devrait-elle prendre ? Combien de ressources devrions-nous y consacrer ? Quels sont les principaux objectifs ? Comment mesurer le succès ? Pouvons-nous faire confiance à nos institutions pour fixer des objectifs judicieux et élaborer des politiques crédibles pour atteindre ces objectifs, sans parler de les mettre en œuvre, de les superviser et de les évaluer correctement ?

En bref, le nouveau débat sur la politique industrielle est complexe. C’est pourquoi l’Institut de recherche en politiques publiques entreprend un projet pluriannuel intitulé « La prochaine transformation économique du Canada : Quel rôle pour les politiques industrielles ? » Nous avons formé un groupe d’experts chargé de comprendre les défis et les opportunités qui motivent la politique industrielle, d’évaluer les succès et les échecs du passé, et d’évaluer les différents outils disponibles. Le groupe est informé par les consultations que nous menons dans tout le pays avec des experts universitaires, des gouvernements, des dirigeants autochtones, des chefs d’entreprise et d’autres parties prenantes.

Ce rapport est le premier d’une série. Il présente les défis économiques du Canada dans le but de définir une politique industrielle et ses potentielles lignes directrices. Les prochaines publications exploreront des questions telles que les mesures de performance et l’évaluation des programmes, ainsi que les mandats et la gouvernance. Le rapport final proposera une stratégie pour le Canada et des recommandations pour les gouvernements.

Steve Lafleur
Directeur de recherche
Institut de recherche en politiques publiques

Introduction

La politique industrielle a longtemps été un sujet largement mis en veille au Canada, même si de nombreux types de politique industrielle sont restés en vigueur. Maintenant que les défis économiques actuels ont suscité un regain d’intérêt pour la politique industrielle, il convient de résumer ce que nous savons à son sujet, les formes qu’elle peut prendre, les compromis qu’elle peut impliquer et ses aspects qui se prêtent particulièrement bien à l’analyse.

La politique industrielle est un vaste sujet qui laisse beaucoup de place au désaccord. Nous espérons qu’en nous penchant sur les débats en cours et les mérites des différentes approches, nous pourrons identifier certaines bonnes pratiques en la matière sur lesquelles des experts ayant un large éventail d’antécédents et de perspectives pourront se mettre d’accord. Que l’on souhaite ou non que l’État mène une politique industrielle active, force est d’admettre que certains outils et pratiques sont plus susceptibles d’atteindre leurs objectifs que d’autres.

Notre intérêt pour la politique industrielle découle de trois réalités primordiales : 1) le ­Canada est confronté à de véritables défis qui laissent un temps de réponse limité, et il risque de perdre des opportunités cruciales alors que ses alliés et ses rivaux investissent massivement dans leurs propres politiques industrielles ; 2) les gouvernements du pays mènent déjà une politique industrielle et il n’est pas certain que leurs décisions soient suffisamment coordonnées ou fondées sur une stratégie cohérente ; et 3) la politique industrielle au Canada a fait l’objet de peu de recherches.

Ce rapport commence par présenter le concept de politique industrielle. Nous détaillons ensuite ses justifications potentielles et les outils disponibles, et nous expliquons la nécessité d’une stratégie cohérente. Nous abordons ensuite les compromis nécessaires pour orienter consciemment certains pans de l’économie. Enfin, nous présentons les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans le cadre de notre programme de recherche.

En examinant la politique industrielle à la fois de manière théorique et concrète, nous espérons mieux comprendre les mérites de celles en vigueur présentement et en tirer des indices sur la manière dont nous pouvons prendre de meilleures décisions. L’objectif est d’élaborer une série de recommandations politiques à l’intention des gouvernements.

Qu’est-ce que la politique industrielle ?

La politique industrielle est un concept et une pratique vaste, qui n’a pas de définition unique.

L’ Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) la décrit comme « l’aide gouvernementale aux entreprises pour stimuler ou remodeler des activités économiques spécifiques, en particulier les entreprises ou les types d’entreprises en fonction de leur activité, de leur technologie, de leur emplacement, de leur taille ou de leur âge » (OCDE, 2024b). Jim Stanford, directeur du Centre for Future Work et membre de notre groupe de pilotage, définit la politique industrielle comme « des efforts proactifs visant à soutenir l’investissement, l’emploi, l’innovation et les exportations dans des secteurs économiques ciblés à forte valeur ajoutée » (Stanford, 2023)[1]. David A. Wolfe, codirecteur de l’Innovation Policy Lab à la Munk School of Global and Public Affairs, propose une définition plus structurelle que basée sur les résultats : « une politique visant à modifier la structure économique, le comportement et/ou la performance d’un secteur donné » (Wolfe, 2024).

Chaque définition vise un angle légèrement différent, mais toutes trois ont en commun de souligner le rôle conscient que les gouvernements jouent dans l’orientation d’au moins une partie de l’activité économique vers un objectif particulier. Cependant, de nombreuses politiques gouvernementales peuvent être considérées comme favorisant ou défavorisant des entreprises, des industries ou des segments de marché particuliers. Il est donc difficile de déterminer ce qui constitue ou non une politique industrielle, et encore plus de la définir. Le concept peut conserver une part d’imprécision ou de subjectivité.

À ce stade du projet, nous adoptons une définition souple de la politique industrielle. Ce qui nous intéresse est la mesure dans laquelle les gouvernements peuvent – ou doivent – utiliser leur pouvoir fiscal pour orienter ou guider consciemment certains aspects de l’activité économique afin d’atteindre des objectifs d’intérêt public. Il peut s’agir de dépenses visant à encourager des activités économiques ou des investissements particuliers, d’incitations financières visant à orienter le secteur privé vers la réalisation d’objectifs sociaux ou environnementaux particuliers, ou d’outils financiers destinés à remédier aux défaillances du marché ou à aider les entreprises innovantes à se développer.

La politique industrielle dépend aussi grandement du contexte. De nombreuses forces façonnent des industries particulières, notamment la politique internationale et la dynamique du marché, les ressources naturelles et le capital humain. Un éventail de politiques publiques menées par les différents gouvernements influencent également les décisions d’investissement, l’accès au capital et la compétitivité. Il s’agit notamment du droit de la propriété intellectuelle, du droit de la concurrence, de la politique fiscale, des réglementations, des investissements dans les infrastructures et des dépenses en matière d’éducation et de recherche. La politique industrielle n’est qu’un des nombreux outils disponibles.

Étant donné que le groupe de pilotage est encore en train de formuler des recommandations, il serait prématuré d’exclure des politiques publiques offrant de potentielles solutions pour relever les défis que nous considérons comme pertinents pour la politique industrielle. En outre, dans certains cas, la solution politique la plus appropriée pour relever un défi peut sortir du cadre de ce que nous appelons traditionnellement la politique industrielle. Nous ne voulons pas exclure de bonnes options sur la base d’une définition rigide.

Notre rapport final proposera des frontières sectorielles plus clairement délimitées, des outils politiques et des objectifs que nous recommandons dans le cadre d’une politique industrielle.

Quel problème la politique industrielle cherche-t-elle à résoudre ?

Cela nous amène à la question du « pourquoi ». En théorie, la politique industrielle peut être utilisée à plusieurs fins. Il ne s’agit pas toujours de création d’emplois ou de développement économique. La clarification des objectifs peut aider les gouvernements à éviter de gaspiller des ressources publiques limitées dans des initiatives de faible valeur.

La politique industrielle doit être axée sur l’encouragement des activités du secteur privé qui contribueront à la réalisation d’objectifs de politique publique plus larges. Il peut s’agir d’une croissance économique à long terme, d’un renforcement de l’innovation, d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), d’une amélioration du niveau de vie, de la santé et de la sécurité des Canadiens, ou d’une répartition plus équitable des gains entre les régions et les populations. Les gouvernements ne doivent jamais chercher à améliorer uniquement la rentabilité de certaines entreprises privées ou de certains actionnaires. Le bénéfice sociétal net de la politique industrielle doit être plus important que le bénéfice financier reçu par une entreprise particulière.

Le Canada est confronté à un certain nombre de défis sociétaux cruciaux, souvent interdépendants, auxquels une politique industrielle bien conçue et soigneusement ciblée pourrait apporter des solutions partielles. Nous regroupons ces défis sous huit rubriques :

  • Combler le retard de productivité
  • Gérer les risques commerciaux et géopolitiques
  • Construire une économie carboneutre
  • Faire progresser la réconciliation économique avec les Autochtones
  • Accélérer l’innovation pour résoudre la crise du logement
  • Promouvoir la croissance inclusive et l’équité régionale
  • Reconstruire l’industrie de la défense canadienne
  • Favoriser une économie résiliente face aux changements climatiques

Bien entendu, la politique industrielle est souvent utilisée à des fins douteuses. Elle peut servir à soutenir des entreprises en difficulté (ou à « adoucir leur déclin », comme l’a dit l’économiste Don Drummond lors du premier atelier de l’IRPP sur la politique industrielle), à poursuivre des projets par vanité ou simplement à créer des emplois à un coût très élevé pour l’économie. Le fait que la politique industrielle fasse souvent l’objet d’abus ne discrédite pas le concept, mais souligne plutôt la nécessité d’une stratégie, d’une évaluation et d’un contrôle solides, ainsi que de l’humilité.

Combler le retard de productivité

Le retard de productivité du Canada, récemment qualifié d’urgence par Carolyn Rogers, première sous-gouverneure de la Banque du Canada, est aujourd’hui largement considéré comme un grave problème économique (Rogers, 2024). Elle a souligné que le Canada est à la traîne par rapport à d’autres pays, tant en ce qui concerne le niveau de production économique par heure travaillée que le taux d’amélioration au fil du temps (figure 1).

Bien que les remarques de Mme Rogers ne soient pas liées à la politique industrielle, elles devraient inciter les décideurs politiques à explorer toutes les options permettant d’accroître la productivité.

Les économistes ont identifié certaines explications des faibles performances du Canada en matière de productivité :

  • Compétences des travailleurs : Il existe des inadéquations entre les compétences et les emplois, ainsi qu’une expertise insuffisante en matière de gestion (Mahboubi, 2019).
  • Caractéristiques des entreprises : Le Canada compte un grand nombre de petites entreprises qui ne profitent pas des économies d’échelle et il y a trop d’entreprises « zombies » qui performent mal sans sortir du marché (Amundsen et al., 2023).
  • Concurrence : La concurrence internationale et interprovinciale est insuffisante dans plusieurs secteurs (Deslauriers et Gagné, 2023).
  • Investissement des entreprises : Les investissements des entreprises dans la recherche et le développement, les machines, les équipements, la technologie et la propriété intellectuelle sont insuffisants, et les investissements par travailleur sont faibles (figure 2).

La figure 2 montre une tendance inquiétante de l’investissement des entreprises au cours de la dernière décennie. L’investissement en capital des entreprises par travailleur a atteint un sommet en 2014 et se situe désormais bien en dessous des niveaux de 2006. Plusieurs raisons expliquent ce déclin, notamment une réorientation des investissements en capital pour l’expansion du secteur pétrolier et gazier vers l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et les paiements aux actionnaires, ainsi qu’une diminution du taux d’entrée de nouvelles entreprises (Gu, 2024 ; St-Arnaud, 2022).

Les politiques industrielles (ainsi que d’autres politiques) peuvent jouer un rôle en aidant les petites entreprises productives à se développer ou en créant des incitations à l’investissement du secteur privé dans des secteurs ou des marchés susceptibles d’accroître la productivité. Dans certains cas, encourager les entreprises à investir dans la technologie peut les aider à améliorer leur productivité tout en augmentant la demande de technologies développées par des entreprises canadiennes innovantes.

La politique industrielle peut également jouer un rôle important dans l’établissement de nouvelles industries productives. Par exemple, les premières étapes du développement des sables bitumineux de l’Alberta ont été largement subventionnées par le gouvernement canadien. Compte tenu de l’importance des capitaux nécessaires et de la nature spéculative de l’entreprise, le secteur canadien des sables bitumineux n’aurait peut-être pas vu le jour sans l’intervention de l’État (Hastings-Simon, 2019). La production de canola et le secteur de l’aérospatial sont d’autres domaines dans lesquels le succès a sans doute été ­assuré par l’intervention de l’État (Carbonneau, 2024 ; Phillips, 2024). Certains affirment que les gouvernements ont également joué un rôle majeur dans la croissance des secteurs canadiens de la construction automobile, de l’aérospatiale, des télécommunications et des produits pharmaceutiques (Stanford, 2023).

Bien que l’on puisse débattre des coûts et des avantages des interventions au moyen d’une politique industrielle, même les plus réussies, il est clair que les gouvernements peuvent être bénéfiques au développement d’un secteur. Jim Stanford, membre du groupe de pilotage, affirme que le Canada tirerait le meilleur parti d’une stratégie industrielle axée sur les secteurs orientés vers l’exportation, à forte intensité technologique et hautement productifs. C’est particulièrement le cas si ces secteurs ancrent des chaînes d’approvisionnement complexes et génèrent des revenus supérieurs pour les travailleurs et des retombées fiscales pour les gouvernements (Stanford, 2023).

Gestion des risques commerciaux et géopolitiques

Le double choc de la pandémie de COVID-19 et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie nous a rappelé que nous ne pouvons pas tenir pour acquis le bon fonctionnement du commerce mondial. Si les rumeurs sonnant le glas de la mondialisation sont peut-être prématurées, il est clair que le commerce ne reviendra pas au statu quo prépandémique. Les entreprises et les gouvernements semblent prendre au sérieux les idées de diversification de la chaîne d’approvisionnement et de redondance stratégique, et tant les entreprises que les gouvernements canadiens devront s’adapter. En outre, les tensions géopolitiques et les flux commerciaux déséquilibrés conduisent les principaux partenaires commerciaux à adopter des politiques plus protectionnistes, ce qui présente à la fois des défis et des opportunités.

Parallèlement, la dépendance du Canada à l’égard des intrants étrangers s’est accrue au fil du temps et s’est déplacée des États-Unis vers l’Asie de l’Est. Les exportateurs sont également de plus en plus tributaires de chaînes d’approvisionnement fluides pour acheminer leurs produits vers les marchés. Comme le montre la figure 3, parmi les entreprises qui ont importé des biens entre les premiers trimestres de 2022 et de 2023, près d’un tiers ont déclaré avoir eu des difficultés à acquérir des intrants, des produits ou des fournitures à l’étranger.

Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, telles que celles observées pour les équipements de protection individuelle, les engrais et les semi-conducteurs, peuvent avoir un impact sur la santé, les prix, les revenus et l’activité économique. Environ 40 % des industries canadiennes, qui représentent ensemble 25 % de la production nationale, sont très vulnérables aux chocs de l’offre et de la demande externes. Les secteurs de l’automobile et des minéraux sont les plus vulnérables, suivis par des secteurs tels que l’agriculture et l’agroalimentaire, la sylviculture, les transports, les produits chimiques et les plastiques, ainsi que la fabrication mécanique et électrique (Boileau et Sydor, 2020).

Les gouvernements ont pris certaines mesures pour diversifier les chaînes d’approvisionnement et encourager la relocalisation et la « délocalisation amicale » de la fabrication de biens essentiels. Les entreprises ont également pris des mesures, notamment en ­transférant une partie de la production de la Chine vers des partenaires commerciaux moins risqués comme le Vietnam et l’Inde (Blais-Morisset et Rao, 2024).

Il peut être justifié pour les gouvernements du Canada de réduire les risques liés à la chaîne d’approvisionnement dans les domaines critiques en soutenant les entreprises capables et désireuses de produire des intrants au Canada. L’argument est encore plus fort lorsque la production est fortement concentrée dans un pays, de sorte que le risque d’interruption de la chaîne d’approvisionnement et le coût sociétal qui en résulte sont élevés. Par exemple, la Chine raffine plus de la moitié du lithium, du cobalt et du graphite produits dans le monde, et produit plus de 75 % des cellules de batteries, 70 % des cathodes et 85 % des anodes (Defard, 2023). Toute restriction des exportations chinoises pourrait perturber les initiatives mondiales visant à électrifier les véhicules et à transformer les secteurs de la construction automobile. Cette préoccupation a conduit le gouvernement fédéral à élaborer une stratégie sur les minéraux essentiels qui, selon le ministre des Ressources naturelles, « montre la voie à suivre pour saisir l’occasion d’une génération » dans l’exploration, l’extraction, la transformation, la fabrication et le recyclage des minéraux prioritaires (Gouvernement du Canada, 2022, p. 2).

La nature toujours changeante des tendances protectionnistes des États-Unis, le plus grand partenaire commercial du Canada, est également une préoccupation constante. Les entreprises canadiennes risquent d’être perturbées si les politiques américaines ciblent leurs importations. La récente mise en œuvre de politiques industrielles puissantes en faveur des énergies propres et des secteurs connexes aux États-Unis – en grande partie en réponse aux inquiétudes suscitées par la part de marché croissante de la Chine dans les technologies et la fabrication propres – est également une force perturbatrice qui crée des risques et des opportunités pour le Canada. Selon Dana M. Peterson, économiste en chef et responsable du Economy, Strategy & Finance Center du Conference Board, les États-Unis ont bénéficié d’investissements antérieurs dans la recherche et le développement, l’automatisation, l’infrastructure, la transformation numérique et le capital humain. La Inflation Reduction Act et la CHIPS and Science Act sont également à l’origine de fortes augmentations des investissements dans le secteur manufacturier (Peterson, 2024). L’effet net à long terme reste toutefois à voir, car ces investissements fragilisent également la situation budgétaire des États-Unis. À court terme, ces diverses mesures de politique industrielle ont contribué à l’essor de la construction non résidentielle après la pandémie (figure 4).

Glen Hodgson, membre du groupe de pilotage, a fait valoir que le Canada doit réagir de manière stratégique au soutien du gouvernement américain aux industries clés s’il veut être compétitif pour attirer de nouveaux investissements verts, maintenir son accès au marché et assurer sa place dans les chaînes d’approvisionnement régionales et mondiales (Hodgson, 2023). Le gouvernement fédéral a déjà pris plusieurs mesures en ce sens, notamment une série de crédits d’impôt inclus dans le budget fédéral de 2023 et des incitations financières pour les grands investissements dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques.

Toutefois, dans le cadre de sa politique industrielle, le gouvernement canadien doit être conscient du risque de représailles de la part de ses partenaires commerciaux ou de l’impact potentiel sur les accords commerciaux existants. Par exemple, les subventions ou les barrières non tarifaires pourraient contrevenir à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. La politique commerciale ouvre des possibilités et limite potentiellement la portée des efforts de politique industrielle.

Construire une économie carboneutre

L’une des raisons les plus actuelles du regain d’intérêt pour la politique industrielle est la nécessité de la décarbonation. Celle-ci est essentielle si le Canada veut atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES et s’imposer sur les marchés mondiaux en pleine croissance des technologies et des biens propres. Jusqu’à présent, l’approche canadienne a consisté en un mélange de tarification du carbone, de réglementations et de subventions.

Chris Ragan, membre du groupe de pilotage, soutient que la tarification du carbone devrait constituer l’épine dorsale des plans de décarbonation du Canada, car c’est le moyen le moins coûteux de réduire les émissions et elle fournit un signal de marché clair aux investisseurs (Ragan, 2023). Cependant, il existe trois domaines dans lesquels la tarification du carbone peut s’avérer insuffisante à elle seule : l’incertitude concernant la politique nationale ou mondiale future, les risques d’investissement associés aux technologies en phase de démarrage et les défaillances de coordination avec des produits interdépendants.

Si la plupart des investissements comportent des risques, les investissements de décarbonation sont particulièrement vulnérables aux changements de politique climatique des gouvernements, tels que les changements dans la tarification du carbone qui rendraient certains investissements de réduction des émissions moins viables sur le plan commercial. Le risque est encore plus grand pour les projets à forte intensité de capital qui, dans certaines trajectoires politiques, ne produiront des bénéfices qu’après des décennies (Clean Prosperity, 2024). Les élections ayant généralement lieu tous les quatre ans, les investisseurs hésitent souvent à se lancer s’il leur faut croire que les politiques publiques resteront les mêmes.

Le risque est aggravé dans les secteurs qui dépendent du commerce international, car les investissements importants dans la décarbonisation peuvent augmenter les coûts à court terme. Cela affecte la compétitivité si d’autres entreprises sont confrontées à des politiques climatiques moins strictes dans leur pays d’origine. Les rendements à long terme seront également influencés par les politiques d’autres pays. Par exemple, la demande mondiale de pétrole pourrait être beaucoup plus faible dans les années 2030 si les pays respectent leurs engagements en matière de réduction des émissions (International Energy Agency, 2023).

Les entreprises qui sont les premières à adopter ou développer de nouvelles technologies sont également confrontées à des risques plus élevés, ce qui peut dissuader les investisseurs. Les pouvoirs publics peuvent avoir raison d’intervenir à un certain niveau lorsque ces technologies présentent des avantages pour la société, comme la réduction des émissions de GES et de la pollution atmosphérique, et la création de connaissances qui réduisent les coûts et les risques pour les futurs utilisateurs (Criscuolo et al., 2023). Les pays peuvent également tirer profit de la capacité de leurs entreprises à s’implanter rapidement sur de nouveaux marchés.

Les défauts de coordination entre les différentes entreprises et les investisseurs peuvent également limiter l’investissement dans des technologies bénéfiques (Criscuolo et al., 2023). Dans certains secteurs, l’attraction des investissements dépend de la stabilité de la demande de produits ou d’un intrant particulier nécessaire à la production. Par exemple, l’investissement dans la production d’hydrogène propre peut dépendre de l’obtention de contrats à terme avec de gros acheteurs tels que les fabricants d’acier ou de ciment, ainsi que de l’accès à un approvisionnement substantiel en électricité propre pour la production d’hydrogène. Les investissements dans la production de biocarburants peuvent être subordonnés à la garantie d’un approvisionnement en matières premières provenant des secteurs de l’agriculture et de la sylviculture. Les gouvernements peuvent contribuer à mettre en relation les acheteurs et les vendeurs, mais ils peuvent également être amenés à jouer un rôle en tant que premiers ou derniers acheteurs pour faire face aux risques de coordination qui entravent l’investissement.

Conscient de ces défis, le gouvernement fédéral a créé en 2022 le Fonds de croissance du Canada, doté de 15 milliards de dollars (aujourd’hui géré par l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public) qui utilise des outils financiers tels que des capitaux propres ou des dettes concessionnelles, des capitaux propres d’ancrage, des contrats d’écoulement et des contrats sur différence (Fonds de croissance du Canada, 2024).

Faire progresser la réconciliation économique autochtone

De nombreux peuples et communautés autochtones ont souvent été exclus de la pleine participation à l’économie canadienne pour diverses raisons historiques, coloniales, logistiques et financières, et continuent de l’être. Les initiatives de politique industrielle pourraient vraisemblablement promouvoir l’autodétermination des Autochtones.

Les décisions de financement du gouvernement dans des domaines allant de l’infrastructure à l’éducation peuvent contribuer à atténuer les inégalités, et le fait de lier l’investissement à la stratégie industrielle peut faciliter le développement économique autochtone en aidant à surmonter les obstacles, y compris ceux qui ont été créés et sont perpétués par le gouvernement du Canada. Bien entendu, de nombreux obstacles auxquels sont confrontés les peuples autochtones ne seront pas surmontés par les seules dépenses ou par quelques initiatives restreintes.

Malgré une forte augmentation du revenu de l’emploi autochtone depuis 2005, une étude de la Banque du Canada pour 2023 montre qu’il reste inférieur au revenu de l’emploi non autochtone (figure 5). L’étude souligne également l’importance croissante de l’économie autochtone au Canada, avec un PIB autochtone estimé à 49 milliards de dollars en 2020. Toutefois, les lacunes en matière d’infrastructures et d’accès au financement continuent d’entraver la croissance (Chernoff et Cheung, 2023).

En outre, la politique industrielle n’a pas toujours été positive pour les communautés autochtones. Jesse McCormick, membre du groupe de pilotage et de la First Nations Major Projects Coalition (FNMPC), a fait remarquer que les populations autochtones continuent d’être exclues des décisions et des opportunités. Cette situation évolue lentement grâce au soutien d’organisations telles que la FNMPC, qui offre des services gratuits de renforcement des capacités commerciales aux membres des Premières Nations. Des ­institutions spécialisées comme la First Nations Finance Authority, qui permet aux gouvernements des Premières Nations d’emprunter à des taux comparables à ceux des obligations municipales, contribuent également à lever les obstacles auxquels les communautés sont souvent confrontées lorsqu’elles cherchent à obtenir des capitaux.

Dawn Madahbee Leach, présidente du Conseil national de développement économique des Autochtones et intervenante lors du premier atelier sur la politique industrielle de l’IRPP, affirme qu’il faut davantage d’institutions dirigées par des Autochtones « pour que nous puissions créer nos propres solutions, fournir des services qui ont la confiance de notre peuple et permettre aux entreprises autochtones d’accéder au financement et aux services commerciaux d’entités qui comprennent les besoins de notre peuple » (Madahbee Leach, 2023). Elle a également indiqué qu’ils avaient besoin d’accéder à des prêts plus importants, d’être intégrés dans des réseaux professionnels, d’être formés à la culture financière, etc. Mme Madahbee Leach est l’un des auteurs de la Stratégie économique nationale pour les Autochtones au Canada, élaborée par plus de 20 organisations autochtones en 2022 (National Indigenous Economic Strategy, 2022). La stratégie comprend 4 voies (les infrastructures, les finances, la population et les terres) soutenues par 107 appels à la prospérité économique, soulignant qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir.

Lors du deuxième atelier de l’IRPP, notre panel sur l’inclusion économique autochtone s’est concentré sur l’autonomie en tant qu’outil pour stimuler la prospérité dans les communautés. Il existe de nombreuses preuves que la compétence et l’autonomie jouent un rôle clé dans la réussite économique (Pendakur et Pendakur, 2018). Le gouvernement fédéral s’oriente dans cette direction, avec des plans visant à renforcer le leadership autochtone (Gouvernement du Canada, 2024a). La politique industrielle devra s’inscrire dans cette nouvelle approche, en permettant une plus grande participation des ­entreprises et des ­communautés autochtones et en veillant à ce que les Autochtones aient un siège à la table des décisions pour les grands projets sur leurs terres traditionnelles.

Accélérer l’innovation pour résoudre la crise du logement au Canada

Le Canada est aux prises avec une grave crise du logement. La Société canadienne d’hypothèques et de logement a prévu qu’il faudrait produire 3,5 millions de logements supplémentaires, en plus des 2,3 millions déjà prévus, pour parvenir à l’abordabilité d’ici 2030 (Société canadienne d’hypothèques et de logement, 2024).

Depuis les années 1990, la productivité de la construction de logements résidentiels est inférieure à la productivité économique générale de toutes les industries (figure 6). Pour modifier cette trajectoire, il faudra développer l’utilisation d’approches innovantes en matière de construction.

L’écart entre la construction résidentielle et les autres industries s’est creusé depuis 2020, la productivité de la construction résidentielle revenant à peu près à son niveau de la fin des années 1990. En 2023, elle était inférieure de 31 % à celle du reste de l’économie. Il est concevable qu’il y ait un retour à la moyenne, mais même si le taux de productivité du secteur par rapport à l’ensemble de l’économie revenait aux niveaux d’avant la pandémie, il y aurait encore un écart de productivité de 15 à 20 %. Ce problème n’est pas propre au Canada, mais la croissance démographique rapide du pays rend la résolution de ce problème particulièrement urgente.

La politique industrielle pourrait contribuer à accroître la productivité dans le secteur de la construction de logements. Le gouvernement fédéral investit actuellement dans des technologies allant de la construction modulaire à l’impression 3D et à l’automatisation afin de stimuler la production (Gouvernement du Canada, 2024b). Par exemple, le fait de déplacer une plus grande partie du processus de construction des chantiers vers les usines, notamment par le biais de la préfabrication et des maisons en kit, peut réduire le temps de construction et le risque d’erreurs. Bien qu’il reste à voir si ces technologies sont commercialement viables à grande échelle, elles constituent une voie potentielle pour augmenter le nombre de logements construits par travailleur.

Compte tenu de la nécessité de décarboner l’économie, nous devons également garantir l’évolutivité des types de logements écoénergétiques et résilients face au climat qui limitent l’étalement urbain et la dépendance à l’égard de la voiture. Ces types de logements vont de l’habitat intercalaire à densité modérée – maisons en rangée et quadruplex dans des quartiers urbains matures – à l’habitat à haute densité dans des quartiers orientés vers les transports en commun. Ces modèles permettent de réduire les coûts d’infrastructure et de transport (et l’empreinte carbone associée), mais aussi d’atténuer les pressions qui nous poussent à construire dans des zones de grande valeur écologique ou exposées à des catastrophes naturelles telles que les inondations et les incendies de forêt (Environmental Protection Agency, 2014).

Promouvoir la croissance inclusive et l’équité régionale

Sans intervention des pouvoirs publics, certaines régions ou populations peuvent bénéficier davantage de la croissance économique que d’autres. Les efforts visant à soutenir la participation économique des Autochtones, l’esprit d’entreprise des Noirs, le développement économique des régions nordiques et d’autres objectifs de croissance inclusive peuvent nécessiter l’intervention des pouvoirs publics pour surmonter les obstacles à l’investissement.

Des efforts sont déjà en cours pour renforcer les entreprises et les entrepreneurs noirs au Canada. Lise Birikundavyi, membre du groupe de pilotage, cofondatrice et associée directrice de BKR Capital, un fonds de capital-risque de 22 millions de dollars qui investit dans de jeunes pousses technologiques fondées par des entrepreneurs noirs, note qu’elle a dû faire face à beaucoup de scepticisme au départ : « Lorsque nous avons lancé notre fonds de capital-risque pour les entrepreneurs noirs, on nous a dit qu’il n’y avait pas d’opportunité. Mais en moins de trois ans, nous avons reçu plus de 1 500 dossiers de présentation » (Birikundavyi, 2023). Son fonds a bénéficié d’un investissement d’ancrage de la part de la Banque de développement du Canada, mais a également été soutenu par une douzaine d’autres investisseurs institutionnels, dont des institutions financières, des fonds de pension et des entreprises. Une série d’autres programmes soutenus par le gouvernement sont en cours de développement et offrent un financement ciblé aux entreprises dirigées par des populations qui n’ont pas bénéficié de la même manière de la croissance économique par le passé, notamment les populations racisées et les personnes handicapées.

L’inégalité régionale est également un défi permanent au Canada. Un indice de disparité économique élaboré par des chercheurs en 2023 a révélé de grandes variations entre les subdivisions de recensement, les niveaux de disparité les plus élevés étant plus fréquents dans les communautés rurales, éloignées et nordiques (Weaver et al., 2023).

Il est essentiel de s’attaquer aux inégalités régionales pour éviter le désengagement et le mécontentement qui peuvent conduire au soutien du populisme, aux divisions rurales et urbaines et à une démocratie plus faible (Krawchenko et al., 2023). Certaines recherches ont suggéré que l’investissement dans les zones en difficulté des États-Unis avait un impact beaucoup plus important sur l’économie régionale que l’investissement dans des endroits plus sûrs sur le plan économique (Congressional Research Services, 2023).

Les agences fédérales et provinciales de développement économique pourraient jouer un rôle important à cet égard en mettant en œuvre des politiques industrielles plus localisées et axées sur le lieu, bien qu’il faille évidemment assurer la cohérence entre les efforts des différents niveaux de gouvernement.

Reconstruire la base industrielle de défense du Canada

Le Canada et une grande partie du monde occidental ne sont pas préparés militairement à la perspective d’une guerre de grande envergure impliquant nos alliés. En tant que puissance moyenne, la sécurité du Canada repose sur la force de ses alliances. Or, l’invasion russe de l’Ukraine a mis ces alliances à rude épreuve, en diminuant grandement les stocks de munitions de l’OTAN (Financial Times, 2023).

Depuis longtemps, le Canada n’a pas atteint l’objectif de 2 % du PIB qu’il s’était fixé en matière de dépenses de défense dans le cadre de l’OTAN. Pour préserver nos alliances, nous devons respecter nos obligations conventionnelles, ce que nous pourrions faire en partie en reconstruisant notre base industrielle de défense. Cela pourrait impliquer des entreprises produisant aussi bien des munitions que des avions, des navires, des véhicules, des drones, des capteurs et des systèmes d’alerte. L’OTAN autorise l’inclusion d’activités mixtes civiles et militaires et de recherche et développement dans les dépenses du pays lorsque la composante militaire peut être comptabilisée ou estimée (Organisation du traité de l’Atlantique Nord, 2024).

La reconstruction de la base industrielle de défense du Canada, associée à des augmentations stratégiques des dépenses de défense, peut contribuer à la sécurité mondiale, ce qui est dans l’intérêt du Canada. Elle pourrait également permettre de saisir de nouvelles opportunités de croissance des exportations.

Favoriser une économie résiliente face aux changements climatiques

Le climat et la topographie variés du Canada signifient que chaque partie du pays est exposée à un certain type de catastrophe naturelle. De nombreuses régions du pays sont sujettes aux incendies de forêt, d’autres sont exposées aux ouragans et aux inondations. L’impact et la fréquence des catastrophes augmenteront à mesure que le climat se réchauffera.

La politique industrielle peut contribuer à favoriser la résilience de plusieurs manières. Les gouvernements pourraient collaborer plus étroitement avec les universités et l’industrie pour investir dans la recherche et le développement de technologies d’atténuation des inondations et des incendies et contribuer à leur commercialisation. Les bombardiers d’eau en sont un exemple. Des pays du monde entier sont en train de remplacer ou de compléter leur flotte de bombardiers d’eau pour lutter contre les incendies de forêt. En effet, les pays européens attendent des bombardiers d’eau construits au Canada (Last, 2022). Un autre exemple est la commercialisation de technologies qui contribuent à l’adaptation aux changements climatiques. Il peut s’agir d’infrastructures résistantes aux inondations ou aux incendies, de technologies permettant de prévoir les catastrophes ou d’améliorer la résistance des cultures (Shum et al., 2022).

L’adaptation aux changements climatiques aura un coût, mais elle offre également aux entreprises canadiennes la possibilité de développer de nouveaux produits et services. La politique industrielle peut conduire à la commercialisation de produits ou à l’expansion d’entreprises qui aident le Canada et le monde à s’adapter aux changements climatiques.

Sélection des outils de politique industrielle

Une fois que les gouvernements ont établi qu’il existe des raisons impérieuses d’intervenir, ils doivent évaluer à la fois l’efficacité et l’efficience des outils potentiels de la politique industrielle. Quelle est la manière la plus efficace d’atteindre les objectifs de la politique ? Y aura-t-il des conséquences imprévues allant à l’encontre d’autres objectifs politiques ou des interactions avec d’autres outils politiques ?

La politique industrielle est souvent considérée comme une simple question de tarifs douaniers et de subventions utilisés pour bloquer la concurrence étrangère et promouvoir les producteurs nationaux (Juhász et al., 2023). En réalité, il existe un large éventail d’options dans la boîte à outils de la politique industrielle, adaptées à différents contextes. Il est possible de regrouper les politiques en fonction du type d’intervention (par exemple, subventions, dépenses fiscales ou tarifs douaniers) et de l’étendue des bénéficiaires du secteur privé (par exemple, à l’échelle de l’économie, d’un secteur ou d’une entreprise). Au sein des catégories de bénéficiaires, il est possible d’opérer des distinctions supplémentaires. Par exemple, une intervention peut cibler une technologie particulière au sein d’un secteur, ou distinguer les entreprises en fonction de certaines caractéristiques, telles que leur taille (par exemple, les petites entreprises) ou leur stade de développement (par exemple, les jeunes pousses). Certaines politiques sont assez générales et visent la production à l’échelle de l’ensemble de l’économie. Par exemple, le financement des exportations vise les exportations en général, tandis que les subventions aux usines de batteries sont allouées à des entreprises individuelles pour garantir des investissements importants.

Alors que la politique industrielle est souvent considérée comme une rupture majeure avec le statu quo, le Canada est pourtant déjà engagé dans une politique industrielle. En fait, tous les gouvernements s’y engagent dans une certaine mesure, étant donné que de nombreuses politiques publiques ont un impact sur la production industrielle, consciemment ou non. Comme le montre la figure 7, la base de données Quantification des stratégies industrielles (QuSI) de l’OCDE estime que le Canada a consacré 0,8 % de son PIB à la politique industrielle en 2021. L’OCDE définit la politique industrielle comme un soutien direct accordé par le secteur public aux entreprises – y compris les dépenses fiscales, les subventions, le capital-risque public, les prêts et les garanties – visant à promouvoir l’investissement, à améliorer la compétitivité ou à soutenir le développement économique (Criscuolo et al., 2023). Les données de 2021 ne tiennent toutefois pas compte des investissements publics très médiatisés dans les véhicules électriques et la fabrication de batteries ni des crédits d’impôt fédéraux pour les technologies propres introduits entre 2021 et 2024.

Ce qui est essentiel, c’est de s’appuyer sur des données probantes pour déterminer quelles interventions sont les plus susceptibles d’atteindre l’objectif d’un gouvernement. Dans un document publié en 2022, l’OCDE a passé en revue la littérature sur l’efficacité des différents instruments de politique industrielle et a trouvé des preuves solides que des crédits d’impôt et des subventions à la recherche et au développement bien conçus peuvent stimuler l’innovation. Les données relatives à d’autres formes de politiques sont toutefois limitées et mitigées. Les auteurs ont constaté que les subventions sont mieux adaptées aux petites entreprises et que les instruments financiers, tels que les prêts publics, les garanties ou le capital-risque public, peuvent être des formes d’intervention préférables pour les grandes entreprises (Criscuolo et al., 2022).

Les recherches de l’OCDE ont montré que les politiques industrielles ne doivent pas être considérées isolément, mais plutôt comme des outils permettant de combler les lacunes après que d’autres politiques ciblant les conditions-cadres (par exemple, les échanges et la concurrence), l’accès aux intrants (par exemple, les compétences et le transfert de connaissances) et la demande (par exemple, la tarification et la réglementation du carbone) ont été explorées (Criscuolo et al., 2023). Les recherches recommandent également aux gouvernements d’expliciter la raison d’être de leurs politiques, « d’accorder une attention particulière à la gouvernance de la stratégie pour limiter le risque de capture et atténuer les asymétries d’information » (Criscuolo et Lalanne, 2024). L’identification des bonnes pratiques de gestion et de contrôle, ainsi que la réalisation d’évaluations régulières, sont des éléments clés d’une politique industrielle efficace.

Les compromis de la politique industrielle

Toutes les mesures politiques s’accompagnent de compromis. La politique industrielle ne fait pas exception. Nous examinons ci-dessous trois préoccupations souvent évoquées en matière de politique industrielle : les pressions fiscales et les coûts d’opportunité, les distorsions du marché, et la gestion du champ d’application et de l’équité régionale. Il s’agit là de considérations cruciales lorsqu’on s’engage dans une politique industrielle.

Pressions fiscales et coûts d’opportunité

Les gouvernements du Canada et du monde entier restent sous pression fiscale après la pandémie de COVID-19. Au Canada, le ratio de la dette publique brute (dette des gouvernements fédéral et provinciaux combinés) par rapport au PIB dépasse 100 % (Statistique Canada, 2022) et les gouvernements continuent d’accumuler des dettes. Le gouvernement fédéral et 8 des 10 provinces devraient enregistrer des déficits au cours de l’exercice 2024-2025, allant de 0,2 % du PIB en Saskatchewan à 1,9 % du PIB en Colombie-­Britannique (RBC Economics, 2024).

Bien que l’accumulation récente de la dette publique ait été due en grande partie à des dépenses d’urgence et à des pressions temporaires sur les recettes, les finances publiques du Canada continueront à être confrontées à des défis. Les pressions sur les soins de santé et la sécurité de la vieillesse se poursuivront à mesure que la population vieillira ; les dépenses de défense devront probablement augmenter pour respecter nos obligations dans le cadre de l’OTAN (Gouvernement du Canada, 2024c) ; les gouvernements doivent encourager la construction de millions de logements supplémentaires pour faire face à une crise du logement de plus en plus nationale (Perrault, 2021) ; et l’économie devra rapidement se décarboner (Thomas et Smith, 2024). Dans ce contexte, les politiques considérées comme discrétionnaires feront l’objet d’un examen plus approfondi, ce qui représente un obstacle de taille pour les efforts en matière de politique industrielle. Un dollar dépensé pour la politique industrielle est un dollar qui n’est pas dépensé pour d’autres priorités politiques.

De plus, à une époque où la dette publique augmente et où les conditions financières sont tendues, l’identification d’une source de financement pour de nouvelles dépenses pourrait devenir plus difficile. Nous ne pouvons tenir pour acquis le retour à de bas taux d’intérêt, car des taux d’intérêt plus élevés augmentent le coût du financement de la dette. Les acteurs du secteur privé sont également soumis à des pressions financières dans cet environnement, ce qui peut compromettre le financement privé d’objectifs ­sociaux essentiels. La difficulté de financer de nouveaux projets de logement en est un exemple (Société canadienne d’hypothèques et de logement, 2024).

Par ailleurs, l’augmentation des recettes publiques par le biais d’une hausse des impôts peut potentiellement évincer les investissements privés ou entraîner des coûts économiques qui dépassent les avantages de l’intervention (Dahlby et Ferede, 2018). C’est particulièrement le cas lorsque les impôts sont augmentés de manière inefficace.

En bref, les gouvernements sont confrontés à des décisions difficiles lorsqu’il s’agit de dépenses publiques, même dans les périodes les plus favorables, sans parler des périodes où les conditions financières sont tendues et où la dette est lourde.

Pour la politique industrielle, cela crée un dilemme. Les politiques qui s’appliquent à l’ensemble de l’économie peuvent être préférables, mais inefficaces si les fonds disponibles signifient que le niveau d’intervention est trop faible pour surmonter les obstacles à l’investissement privé. D’autre part, les politiques ciblées sur une entreprise ou un projet particulier peuvent être plus efficaces pour stimuler l’investissement privé, mais augmentent également les risques liés à l’échec du projet, à la recherche de rentes et aux asymétries d’information.

Distorsions du marché

Une autre considération est l’impact des décisions gouvernementales sur le fonctionnement des marchés. Le système des prix transmet des informations importantes aux entreprises et aux individus qui prennent des décisions en matière d’investissement, de dépenses et d’épargne (Hayek, 1945). Les politiques qui favorisent l’investissement privé, tels que les crédits d’impôt généralisés, risquent moins de créer des distorsions involontaires. Des interventions gouvernementales plus ciblées augmentent le risque d’éviction de l’investissement privé ou de privilégier indûment une entreprise ou un secteur par rapport à un autre, d’une manière qui fausse la concurrence sur le marché.

Comme nous l’avons souligné plus haut, il peut en effet y avoir des défaillances du marché qui justifient l’intervention des pouvoirs publics. En outre, il peut y avoir des objectifs sociétaux plus larges qui ne sont pas pris en compte par la structure industrielle existante. Les gouvernements doivent mettre ces considérations dans la balance face aux risques de distorsion du marché.

Comme l’a dit Chris Ragan, membre du groupe de pilotage : « Si les gouvernements doivent intervenir dans l’économie, ils doivent soigneusement articuler les avantages et les coûts et déterminer l’efficacité de l’outil proposé par rapport à d’autres options » (Ragan, 2023).

Gestion du champ d’application et de l’équité régionale

La prévention de l’élargissement du champ d’application, en particulier dans le contexte des préoccupations d’équité régionale, est un défi majeur pour les gouvernements qui envisagent de nouvelles initiatives en matière de politique industrielle. De nombreuses industries peuvent se présenter comme « stratégiques » et les gouvernements doivent être vigilants face à ce type de comportement de recherche de rente.

Comme on l’a vu avec les récentes subventions accordées à la production de batteries pour les véhicules électriques dans le sud de l’Ontario et au Québec, le regroupement d’installations de production dans certaines régions peut susciter du ressentiment dans d’autres parties du pays. Le gouvernement de l’Ontario, désireux de préserver et de développer l’emploi dans son importante industrie automobile, pourrait également se retrouver piégé dans des compétitions de subventions avec des pays comme les États-Unis qui disposent d’une plus grande capacité fiscale. Ces risques font qu’il est d’autant plus important pour les gouvernements de construire un dossier analytique efficace pour des interventions ciblées.

Certaines régions ou communautés peuvent également estimer qu’elles doivent bénéficier d’un soutien similaire. Les gouvernements qui ont des intérêts financiers directs ou indirects dans les projets, en particulier s’ils perçoivent des redevances, ont également une raison fiscale de veiller à ce qu’ils se concrétisent. Cela pourrait conduire à un scénario dans lequel des fonds publics marginaux seraient consacrés à des opportunités d’investissement de moins en moins attrayantes, jusqu’à ce que les retours sur ­|investissement soient négatifs.

La nécessité d’une stratégie industrielle cohérente

Même ceux qui sont sceptiques à l’égard des outils de politique industrielle préféreraient que les dépenses soient limitées par des considérations stratégiques plutôt que réparties de manière ad hoc.

Les gouvernements canadiens ont besoin d’un ensemble cohérent de principes pour guider leurs choix en matière de politique industrielle. La stratégie doit être axée sur les principales priorités de politiques publiques et sur les lacunes les plus importantes de l’ensemble des politiques actuelles. Elle doit également être cohérente entre les gouvernements et au sein de ceux-ci, en veillant à ce que les outils politiques soient sélectionnés et conçus de manière à compléter les efforts plutôt qu’à les dupliquer, et à ce qu’il n’y ait pas de conséquences imprévues qui nuisent à d’autres objectifs. Les choix relatifs aux instruments politiques, aux structures de gouvernance et aux mandats des programmes doivent être fondés sur une analyse rigoureuse de l’efficacité et de l’efficience. Enfin, un système d’évaluation continue doit être mis en place pour mesurer les résultats du dosage des politiques et recommander des ajustements au fil du temps.

Les questions auxquelles nous souhaitons répondre

Bien que ce document ait tenté de définir la politique industrielle dans ses grandes lignes et d’examiner certaines considérations pour les décideurs politiques, il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas. Voici quelques-unes des questions auxquelles nous espérons répondre dans le cadre de notre initiative de recherche en cours.

Qu’est-ce qu’une politique industrielle réussie ?

Définir la politique industrielle et discuter de ses utilisations potentielles et de ses limites est une chose, mais mesurer son succès est une entreprise bien plus importante. Les gouvernements se fient trop aux chiffres de l’emploi à court terme dans une poignée de secteurs pour mesurer le succès, au lieu de fournir une analyse plus complète de la raison d’être de la politique et des paramètres connexes pour évaluer le succès au fil du temps.

Les investissements orientés vers le long terme comportent une grande part d’incertitude et de nombreux avantages peuvent être difficiles à quantifier. Faut-il s’appuyer sur des estimations étroites des emplois créés ou sur des mesures plus sophistiquées des avantages économiques et sociétaux ? En outre, les objectifs politiques peuvent être multiples. Comment mettre en balance la croissance économique et les questions d’équité, par exemple ? Comment tenir compte de l’incertitude lors de l’évaluation des investissements spéculatifs ? Qu’en est-il des coûts d’opportunité ?

Emna Braham, membre du groupe de pilotage, affirme que les gouvernements ont besoin d’indicateurs clairement liés aux objectifs politiques en question et suffisamment spécifiques pour informer les décisions des gestionnaires de programmes sur le terrain (Braham, E., 2023).

L’évaluation de la politique industrielle est un domaine peu exploré. Compte tenu des pressions budgétaires évoquées plus haut et des objectifs ambitieux que la politique industrielle cherche à atteindre, il est essentiel de veiller à ce que les gouvernements en aient pour leur argent.

Quel bilan pour les politiques industrielles existantes ?

En partie pour les raisons exposées ici, les initiatives de politique industrielle sont souvent sous-évaluées. Une fois que nous disposerons d’un cadre d’analyse des initiatives de politique industrielle, il conviendra de se demander quelles initiatives de politique industrielle ont été couronnées de succès. Cela permettra d’identifier les points forts de la politique industrielle et les meilleures pratiques. Les travaux menés par l’OCDE et Statistique Canada constituent un excellent point de départ, mais il est nécessaire de disposer de davantage de données et d’analyses.

Comment améliorer les efforts actuels en matière de politique industrielle, et devrions-nous en faire plus ?

Après avoir déterminé comment évaluer les initiatives de politique industrielle et identifié celles qui ont réussi ou non, il sera important d’identifier comment nous pouvons parvenir à des moyens potentiels d’améliorer les initiatives existantes. Étant donné que le Canada dispose déjà d’un certain nombre d’initiatives de politique industrielle en cours, il est essentiel d’améliorer les programmes existants. Une gouvernance et une stratégie saines doivent être les pierres angulaires de notre stratégie industrielle pour l’avenir.

Quelle est l’ampleur de la politique industrielle que nous pouvons et devons entreprendre ?

Enfin, la question se pose de savoir combien les gouvernements doivent dépenser et s’engager dans la politique industrielle. On peut concevoir que les gouvernements dépensent déjà suffisamment (ou trop), mais qu’ils n’obtiennent tout simplement pas de résultats. Il est également possible que les gouvernements ne dépensent pas assez ou que les politiques soient mal conçues et mal mises en œuvre.

La réponse aux trois questions précédentes contribuerait grandement à déterminer la portée possible et souhaitable de la politique industrielle au Canada. Nous espérons obtenir quelques réponses grâce à ce processus.

Conclusion

L’évolution des réalités géopolitiques et économiques a conduit les gouvernements du monde entier à se demander s’ils devaient jouer un rôle plus conscient dans l’orientation de l’activité économique. Dans le cas du Canada, il se peut que la politique industrielle puisse contribuer à relever des défis majeurs tels que le retard de productivité, l’adaptation aux risques géopolitiques, l’accélération de la décarbonation et la création d’une croissance plus inclusive.

Malheureusement, les discussions sur la politique industrielle sont souvent vagues et idéologiques. Nous avons tenté de présenter dans les grandes lignes les défis sociétaux pour lesquels la politique industrielle pourrait faire partie de la réponse des gouvernements, les différents outils de politique industrielle disponibles et certaines questions clés pour les décideurs politiques qui envisagent ou s’engagent déjà dans des initiatives de politique industrielle. Ce document n’est que le début d’un projet plus vaste, intitulé « La prochaine transformation économique du Canada : Quel rôle pour la politique industrielle ? ». Nous espérons qu’à travers les consultations menées par notre groupe de pilotage et avec des experts du monde universitaire, de l’industrie et des politiques publiques, nous serons en mesure de fournir aux gouvernements une série de recommandations pour guider leur prise de décision en matière de politique industrielle dans les années à venir.

[1] Jim Stanford insiste également sur le fait que la politique industrielle n’oppose pas le gouvernement au ­laissez-faire économique. Les gouvernements orientent l’économie de diverses manières, de la conception du code des impôts à la politique monétaire en passant par la protection de la propriété intellectuelle.

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Ce rapport a été rédigé par Steve Lafleur, directeur de recherche à l’IRPP, avec les conseils des membres du groupe de pilotage (voir l’annexe) et le soutien de Zakaria Nadir, associé de recherche, Ricardo Chejfec, analyste principal des données, Rosanna Tamburri, ­rédactrice-réviseure principale, et Rachel Samson, vice-présidente à la recherche, la coordination éditoriale par Étienne Tremblay, la production par Chantal Létourneau et la direction artistique par Anne Tremblay.

Ce texte est une traduction de Should Governments Steer Private Investment Decisions? Framing Canada’s Industrial Policy Choices. Étienne Tremblay en a assuré la traduction française.

Pour citer ce document :

Groupe de pilotage de l’IRPP, 2024. Les gouvernements doivent-ils orienter les décisions d’investissement privé ? Encadrer les choix du Canada de politique industrielle, Institut de recherche en politiques publiques, Montréal.

Remerciements

L’IRPP souhaite remercier toutes les personnes qui ont participé à nos ateliers, ainsi que celles qui ont apporté leur expertise et leur point de vue tout au long du processus.

La politique industrielle : une voie vers la transformation de l’économie canadienne ?

Montréal — Face à des défis majeurs tels que la pandémie de COVID-19, les changements climatiques et les tensions géopolitiques, les décideurs politiques du monde entier s’intéressent de nouveau à la politique industrielle pour relever des défis urgents qui ne sont pas résolus par les seuls marchés.

La politique industrielle, qui consiste à utiliser les ressources du gouvernement pour influencer l’activité du secteur privé, a connu un regain d’intérêt ces dernières années. De nombreux pays, dont les États-Unis avec l’Inflation Reduction Act et la CHIPS and Science Act, ont lancé des initiatives industrielles majeures. Le Canada devrait-il suivre cet exemple ?

L’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) se penche sur cette question cruciale dans le cadre d’un nouveau projet pluriannuel intitulé « La prochaine transformation économique du Canada : Quel rôle pour les politiques industrielles ? » dirigé par Steve Lafleur, directeur de recherche à l’IRPP, et piloté par un groupe d’experts.

« Nous nous engageons avec les parties prenantes – y compris des universitaires, des fonctionnaires, des leaders autochtones et industriels – pour tirer les leçons de l’expérience et à identifier les outils potentiels de la politique industrielle. Nous fournirons des recommandations fondées sur des données probantes aux gouvernements qui étudient la politique industrielle », précise M. Lafleur.

Pour lancer le projet, l’IRPP a publié Les gouvernements doivent-ils orienter les décisions d’investissement privé ? Encadrer les choix de politique industrielle au Canada, un rapport qui décrit les applications potentielles de la politique industrielle :

  • Remédier aux retards de productivité : Des politiques ciblées peuvent aider à développer les petites entreprises productives et encourager les investissements dans les technologies qui améliorent la productivité.
  • Gérer les risques commerciaux et géopolitiques : Le renforcement des capacités nationales dans les secteurs stratégiques peut servir de tampon contre les vulnérabilités dues aux chocs de l’offre extérieure.
  • Construire une économie carboneutre : Les projets d’énergie propre nécessitent souvent des investissements à long terme qui peuvent être trop risqués pour le seul secteur privé. La politique industrielle peut réduire l’incertitude.
  • Faire progresser la réconciliation économique avec les Autochtones : Un meilleur accès au capital pour les entreprises autochtones peut favoriser la croissance et améliorer les possibilités d’approvisionnement.
  • Résoudre la crise du logement : L’innovation et l’augmentation de la productivité sont essentielles pour remédier à la pénurie de logements au Canada, qui nécessitera des millions de nouveaux logements.
  • Promouvoir la croissance inclusive : L’intervention des pouvoirs publics peut s’avérer nécessaire pour soutenir les groupes marginalisés, notamment les entrepreneurs noirs et les communautés du Nord.
  • Reconstruire la base de défense : La revitalisation de la capacité de production de défense du Canada est essentielle pour respecter les obligations de l’OTAN et combler le déficit de nos objectifs en matière de dépenses de défense.
  • Favoriser une économie résiliente face aux changements climatiques : La collaboration avec les universités et les industries peut favoriser les innovations en matière d’adaptation au climat, notamment en ce qui concerne l’atténuation des inondations et des incendies.

« Une politique industrielle couronnée de succès doit s’appuyer sur une stratégie claire, une gouvernance solide et une évaluation rigoureuse. Elle doit profiter à l’ensemble de la société, et non pas seulement stimuler les profits des entreprises », déclare M. Lafleur.

L’IRPP organisera une série d’ateliers et de consultations d’experts tout au long de l’année 2024, qui débouchera sur un rapport et une conférence de grande envergure en 2025. Pour plus d’informations sur le projet « La prochaine transformation économique du Canada », consultez le site irpp.org/fr.