Faced with increasingly diverse populations, Western societies have adopted different -approaches to foster the integration of immigrants and their descendants. Sometimes the approaches even vary within a country. This is true in Canada, where since 1971 the federal government has applied a multicultural policy, but Quebec has partially embraced interculturalism. Although interculturalism is not an official policy, it is reflected in certain programs and is prominent in the debate over ethnocultural diversity.
As François Rocher and Bob White show in this study, from a public policy perspective there are a number of similarities between multiculturalism and interculturalism. For instance, both approaches promote cohesion, equitable participation, and the fight against racism and discrimination. By the same token, although the two models’ histories are interconnected, they are distinct. Multiculturalism has developed in a bilingual Canada, is entrenched in the Canadian Charter of Rights and Freedoms, and is laid out in a law. In Quebec, interculturalism falls within the province’s immigration policy and has no legal status. Moreover, as the authors point out, interculturalism and the policies it inspires are frequently misunderstood and the source of controversy.
The authors look at the experience in Europe, where initiatives focused on intercultural cities have led to the observation that cities are particularly fertile ground for the intercultural approach. They conclude from this that Quebec municipalities, especially those in the Montreal region, should implement intercultural policies and programs with a view to, among other things, encouraging dialogue and fostering greater social cohesion.
They also recommend that the Quebec government explain interculturalism in a White Paper. It should then formulate a policy statement, or even a law, to clarify its objectives with respect to diversity and interculturalism and present ways they can be applied. This general framework should broaden the current scope of interculturalism so it encompasses more than immigration and religious pluralism issues. In addition, Quebec’s policy should recognize the importance of the role played by municipalities in building intercultural connections by, for instance, supporting the creation of a network of intercultural cities and encouraging greater coordination among governments.
Au Québec, comme ailleurs, la diversité croissante de la population soulève de nouveaux défis. Le Canada et, de plus en plus, le Québec sont souvent considérés comme des pionniers dans la reconnaissance du pluralisme. Toutefois, nous assistons à deux phénomènes parallèles : une remise en question du multiculturalisme comme cadre de référence à l’échelle internationale et un intérêt grandissant de mieux cerner la notion d’interculturalisme dans le contexte de la diversité ethnoculturelle au Québec.
En 2007, le rapport de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (la Commission Bouchard-Taylor) avait créé bien des remous au Québec. Quelques années plus tard, en 2013, le projet de loi n° 60 sur la neutralité religieuse de l’État (plus connu sous le nom de « Charte des valeurs »), présenté par le Parti québécois, a de nouveau plongé le Québec dans un grand débat de société. Même si la documentation liée à ce projet ne mentionnait pas la politique canadienne du multiculturalisme, cette dernière est devenue un élément de la controverse quand Jean-François Lisée, alors ministre des Relations internationales et responsable de la région de Montréal, en a parlé dans une lettre publiée sur le site Internet du New York Times en janvier 2014. M. Lisée y affirmait en effet que la Charte des valeurs constituait une réponse québécoise au multiculturalisme canadien dans la mesure où elle « sets out a vision of government that breaks sharply with Canada’s broader multicultural ethos » (Lisée, 2014). La Charte n’a pas été adoptée, et le gouvernement péquiste a été défait aux élections en avril 2014, mais ce débat révélait les tensions historiques entre le Canada et le Québec au sujet de leurs façons différentes de concevoir la diversité ethnoculturelle et religieuse.
Si le multiculturalisme canadien est célébré pour son originalité et son audace par le gouvernement du Canada et plusieurs universitaires1, il est critiqué par les défenseurs du modèle proposé par le Québec, que plusieurs qualifient d’interculturel. Force est donc de constater que la notion d’interculturalisme revient à l’avant-plan, malgré toute la confusion qui plane autour de ce terme. Si les fondements et les modalités de l’interculturalisme québécois attirent de plus en plus l’attention d’observateurs étrangers, notamment en Europe, la notion elle-même demeure largement incomprise au Canada (et au Québec). Une série de questions se posent de façon concrète et immédiate : d’abord, qu’est-ce que l’interculturalisme québécois et en quoi se distingue-t-il du multiculturalisme canadien ? Quels sont les éléments communs aux deux approches et quels rapports historiques y a-t-il entre elles ? Quelles critiques formule-t-on à l’endroit de l’interculturalisme au Québec, et en quoi, selon certains, cette façon de concevoir la diversité serait-elle mieux adaptée au contexte historique et social du Québec ?
Dans ce texte, nous présentons des aspects historiques, politiques et sociologiques de l’interculturalisme au Québec afin de montrer comment cette approche s’inscrit dans le contexte canadien. Dans la première partie, nous rappelons brièvement les trois registres dans lesquels le terme « interculturel » peut être utilisé. Dans la deuxième partie, nous mettons en relief les similitudes et les différences qui existent entre le multiculturalisme canadien et -l’interculturalisme québécois. Dans la troisième partie, nous exposons les critiques formulées à l’endroit de l’interculturalisme en fonction des orientations qui animent les différents courants au Québec. Enfin, dans la quatrième partie, nous montrons que les politiques publiques mises en place en matière d’interculturalisme ne se déploient pas seulement sur la scène provinciale, mais concernent autant les municipalités. En effet, compte tenu des services de proximité qu’elles offrent et de la variété des enjeux qui les concernent, les municipalités sont de plus en plus appelées à intervenir et à concevoir des politiques et des programmes qui favorisent le rapprochement interculturel et l’inclusion sociale. Ce tour d’horizon nous permettra, en conclusion, de présenter un certain nombre de recommandations qui interpellent aussi bien le gouvernement du Québec que les autorités municipales.
D’entrée de jeu, soulignons que le terme « interculturel » est utilisé d’au moins trois façons au Québec2. Cet exercice d’analyse sémantique informelle s’avère important, puisque les frontières entre les différents registres du terme sont suffisamment poreuses pour semer la confusion non seulement dans les débats qui se font sur la place publique, mais aussi parmi les chercheurs.
Voyons d’abord en quoi consiste le premier de ces registres. Le terme « interculturel » fait référence à une réalité sociologique qui émerge à l’occasion d’une rencontre entre personnes venant d’horizons culturels différents. Ce phénomène sociologique a toujours existé dans les sociétés complexes et est parfois perçu comme une menace (réelle ou imaginée) à la cohésion sociale. Cette variante du terme « interculturalité » décrit un fait social plutôt qu’une orientation politique ou une façon de faire. L’interculturalité peut s’observer dans maintes situations de contacts quotidiens, surtout dans l’espace urbain, où la présence de minorités ethniques et visibles est de plus en plus importante. Cependant, la diversité ethnoculturelle n’est pas, en soi, une preuve de l’interculturalité ; il ne faut donc pas confondre « pluralité » et « interculturalité ». « Interculturalité » renvoie plutôt aux situations où la communication (verbale ou non verbale) fait ressortir les différences (perçues ou réelles) entre les êtres humains, différences qui peuvent être expliquées par plusieurs facteurs (pays d’origine, langue maternelle, croyances et valeurs religieuses, statut socioéconomique, appartenance ethnique, genre, race, etc.).
L’interculturalité se manifeste non seulement dans des situations de contacts au premier degré (par exemple dans la rue, dans un parc, dans un supermarché), mais aussi dans des contextes de cohabitation qui exigent le partage de certaines ressources (par exemple dans un immeuble à appartements ou dans une piscine publique). L’interculturalité se vit de façon variable selon le contexte d’interaction et selon les multiples marqueurs identitaires des personnes impliquées. Il y a beaucoup de situations interculturelles où les personnes issues de l’immigration entrent en contact avec la culture institutionnelle de la société d’accueil (par exemple dans une clinique médicale ou à l’école), mais il y a également des situations interculturelles qui se produisent entre des groupes de personnes dont aucun ne fait partie de la majorité (par exemple dans les lieux de culte). Dans ce sens, l’interculturalité fait référence à un fait de société qui existe en dehors des politiques et du pouvoir, puisque, dans le contexte de la diversité urbaine grandissante, il y a de plus en plus d’interactions entre personnes d’origines diverses.
Indépendamment de ces situations de contacts quotidiens, il existe des traditions de pensée que l’on pourrait qualifier d’interculturelles. Il s’agit ici du deuxième registre, qui correspond à une façon de voir le monde ou à une orientation par rapport à la diversité de la population. Cette orientation se caractérise par la curiosité face à l’Autre et par un désir de rapprochement entre les personnes de différentes origines. Quoique sa formulation peut varier d’un contexte à l’autre, plusieurs observateurs ont remarqué l’existence d’un « courant interculturel » (Giménez Romero, 2003 ; Wood et Landry, 2008 ; White et Emongo, 2010). Ce courant peut être difficile à cerner, puisqu’il s’agit d’une orientation épistémologique souvent implicite, sur laquelle s’appuient des analyses et des actions. Néanmoins, il y a certains aspects qui traversent cette tradition de pensée, par exemple la reconnaissance du fait que nous sommes tous porteurs de culture, un intérêt pour l’analyse des interactions et l’utilisation constructive des préjugés pour réduire les barrières dans la communication.
Dans presque toutes les disciplines des sciences sociales et humaines (philosophie, anthropo-logie, psychologie, théologie, sociologie, communications, éducation, pour ne citer que celles-là), on trouve un certain nombre de penseurs et d’intervenants qui travaillent à partir d’une orientation interculturelle. Ceux-ci sont souvent interpellés par les situations interculturelles, mais ils procèdent de surcroît à travers un filtre interculturel (Wood et Landry, 2008). Étant donné que le courant interculturel n’a pas d’ancrage disciplinaire ou institutionnel, les penseurs dans cette tradition œuvrent souvent en dehors des paradigmes reconnus et des sentiers battus. Un exemple particulièrement intéressant de ce courant de pensée est Raimon Panikkar, un philosophe et théologien d’origine catalane qui a été une source d’inspiration importante pour les chercheurs et intervenants impliqués dans le mouvement interculturel à Montréal (Gratton, 2014 ; Emongo, 2014a).
Le troisième registre — l’interculturalisme comme politique de gestion de la diversité — s’est développé au Québec depuis une trentaine d’années dans un contexte où la province a cherché à s’opposer au multiculturalisme du gouvernement canadien (ou, à tout le moins, à s’en éloigner) en tant que stratégie pour assurer l’intégration des personnes et des groupes issus de l’immigration. Dans ce sens, l’interculturalisme relève d’une série de propositions normatives qui posent non seulement la primauté de la langue française comme langue publique commune, mais qui prônent aussi l’allégeance symbolique aux valeurs de la majorité d’expression française, et ce, tout en préconisant l’échange et la réciprocité comme antidote aux approches assimilationnistes.
Il s’agit, pour aller à l’essentiel, d’un modèle de gestion de la diversité que certains entendent opposer aux autres modèles dominants, tels que le multiculturalisme canadien, le melting pot américain ou le républicanisme à la française (Rocher et al., 2007 ; Bouchard, 2011 et 2012). S’il est vrai que l’interculturalisme à la québécoise partage certains éléments avec le multiculturalisme canadien, il est également vrai qu’il existe des différences notables entre les deux, que nous aborderons d’ailleurs plus loin dans ce texte. Il est important de remarquer que l’interculturalisme comme orientation politique correspond à des besoins qui sont spécifiques au Québec, bien que l’interculturalisme n’ait jamais fait l’objet d’un consensus politique, contrairement à ce que certains observateurs soutiennent (Bouchard, 2012).
Évidemment, ces trois registres — fait sociologique, tradition de pensée, politique publique — correspondent à des champs d’action différents3. De plus, ces usages multiples complexifient notre compréhension de la réalité plurielle du Québec : par exemple, quand nous utilisons le terme « interculturel », parlons-nous de la réalité plurielle qui caractérise les contextes urbains ou des politiques publiques qui visent à encadrer cette réalité ? Quand nous utilisons le terme « interculturalisme », faisons-nous référence à une orientation politique ou à une façon de voir le monde ?
Il est également important de souligner que l’utilisation de ces trois registres n’est pas déterminée a priori par des contextes institutionnels ou professionnels. Par exemple, un intervenant social peut s’appuyer sur une orientation interculturelle afin d’influencer la conception des politiques publiques en matière d’interculturalisme. Ou bien un employé d’un service municipal peut commander une recherche sur les dynamiques interculturelles dans un arrondissement de la ville où il travaille afin de mieux encadrer les politiques interculturelles de son service. Par ailleurs, les différentes façons de comprendre ou d’utiliser les termes dépendent autant des sensibilités individuelles que des contraintes disciplinaires ou institutionnelles. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un individu travaille sur l’interculturalité que cela signifie qu’il le fait à partir d’une orientation interculturelle. De la même manière, ce n’est pas parce qu’un gouvernement adopte une politique fondée sur l’interculturalisme que les conditions seront nécessairement réunies pour que les citoyens puissent tirer profit de l’interculturalité.
Expliquer ces différents registres nous permet de mieux saisir la complexité de la réalité plurielle des interventions du gouvernement du Québec ou des municipalités. De plus, cette mise au point contribue à réduire la confusion qui existe souvent dans la manière de présenter et de comprendre l’enjeu que constitue la diversité ethnoculturelle et, par conséquent, de mieux circonscrire les modalités d’intervention des organismes publics. Si notre analyse s’intéresse principalement au dernier de ces trois registres — l’interculturalisme —, c’est parce que les autorités publiques québécoises ont mis en place une série de mesures et de programmes dans un contexte marqué par la diversification des populations, que celles-ci soient installées ici de longue date ou issues de l’immigration récente. À cet égard, les défis qui se posent interpellent directement le gouvernement du Québec, mais aussi les municipalités qui se sont vu confier au fil du temps des responsabilités accrues en matière d’accueil et d’intégration des immigrants. De plus, la majorité d’expression française au Québec se définit comme une minorité nationale au sein du Canada, ce qui est une source de tensions au sujet des conditions sociales et des politiques qui seraient nécessaires pour assurer sa pérennité dans un environnement où elle est entourée de traditions anglo-saxonnes.
Dans le cadre de cette analyse, il importe de retenir que l’interculturalisme québécois est lui-même le résultat d’une longue série de rencontres interculturelles, d’abord entre autochtones, ensuite entre francophones et autochtones4, plus tard entre anglophones et francophones, et, finalement, entre tous ces groupes et les groupes de diverses origines issus de l’immigration récente. Il est essentiel de prendre en compte ces différentes couches historiques dans toute réflexion sur les politiques publiques visant la gestion de la diversité, que ce soit à l’échelle fédérale, provinciale ou municipale. Dans cette optique, nous proposons d’abord une mise en perspective des principales similitudes et différences qui caractérisent l’origine des deux approches que sont le multiculturalisme et l’interculturalisme.
Pour bien saisir la signification et la portée des différentes politiques en matière de gestion de la diversité ethnoculturelle au Canada, il faut prendre en considération le contexte historique qui est à leur origine. Les politiques canadiennes et québécoises ont été mises en place de manière concomitante, les unes exerçant une influence sur les autres en ce qui concerne à la fois les principes, les justifications et les moyens avancés par leurs défenseurs. Nous essaierons donc ici de rendre compte de cette évolution.
De manière plus importante, nous chercherons à éclairer non seulement les éléments communs, mais aussi les points de friction entre les deux approches, qui s’inscrivent dans un paysage politique où l’on vise à définir et à légitimer deux communautés politiques distinctes, sous deux « étiquettes » : celle du multiculturalisme, dans le cas du gouvernement fédéral et des autres ordres de gouvernement au Canada (provinces et territoires, municipalités, agences publiques, etc.), et celle de l’interculturalisme, dans le cas du gouvernement du Québec (de façon moins formelle au niveau politique). Aujourd’hui, presque toutes les actions publiques (et parfois privées, plusieurs entreprises ayant implanté des programmes de gestion de la diversité et de médiation) qui visent les individus et les groupes d’origine immigrante s’accompagnent de l’étiquette « multiculturelle » ou « interculturelle ». L’analyse que nous faisons ici ne tiendra toutefois compte que des politiques et des programmes publics les plus récents conçus par les gouvernements du Canada et du Québec.
Précisons que nous nous attarderons surtout à la manière dont les gouvernements canadien et québécois ont défini et présenté leurs approches en matière de diversité. Il existe néanmoins une abondante littérature qui a analysé le multiculturalisme ou l’interculturalisme sous l’angle des tensions entre les deux approches, de leurs fondements normatifs ou des politiques et programmes de gestion de la pluralité culturelle (Kymlicka, 2001 ; Gagnon et Iacovino, 2007 ; Mc Andrew, 2007 ; Helly, 2009 ; Bouchard, 2012 ; Taylor, 2012). Nous ne traiterons pas systématiquement des nombreuses contributions scientifiques qui ont alimenté la réflexion dans ce domaine, puisque notre étude s’intéresse principalement aux débats publics entourant les énoncés politiques.
C’est en octobre 1971 que le premier ministre Pierre Elliott Trudeau a annoncé, à la Chambre des communes, son intention de faire adopter une politique du multiculturalisme. Ce geste était lié entre autres aux débats qu’avait permis la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (ou Commission Laurendeau-Dunton, du nom de ses deux coprésidents), qui avait soumis son rapport final et ses recommandations en 1969. L’idée de définir le Canada comme une société multiculturelle émergeait en effet des discussions ayant eu lieu entre les commissaires et reflétait l’absence de consensus sur la notion de biculturalisme, qui était pourtant au cœur du mandat de la Commission. Elle rendait compte aussi de l’opposition qu’avait soulevée la notion de bilinguisme et de dualité chez certains groupes d’origine ou d’ascendance immigrante (en particulier les communautés ukrainiennes et juives) en dehors de l’Ontario et du Québec. Ceux-ci jugeaient que la notion de biculturalisme ne rendait pas justice à l’apport des immigrants à l’édification du Canada. Ils souhaitaient non seulement une meilleure description de la réalité canadienne contemporaine, mais aussi l’adoption de mesures afin de préserver et de soutenir les cultures d’origine, à l’instar de ce que les Canadiens d’expression française cherchaient à obtenir.
Le premier ministre Trudeau a ainsi fait écho à ces préoccupations qui visaient à faire du pluralisme culturel l’essence de l’identité canadienne. Ce nouveau marqueur identitaire constituait une alternative à la vision binationale prônée par les acteurs politiques du Québec et du Canada français, en l’inscrivant toutefois dans le cadre du bilinguisme institutionnel à l’échelle fédérale. Ce projet de multiculturalisme allait de pair avec le processus de reconfiguration des représentations symboliques, institutionnelles et politiques du Canada dans une vision libérale classique mettant l’accent sur les droits individuels, et il s’inscrivait dans une stratégie d’unité nationale. Il s’agissait, selon les mots du premier ministre, dans un discours à la Chambre des communes, d’une
… politique de multiculturalisme à l’intérieur d’un cadre bilingue [qui] est essentiellement un appui délibéré à la liberté de choix individuelle. Nous sommes libres d’être nous-mêmes. Mais il ne faut pas s’en remettre au hasard. Il faut protéger et rechercher cette liberté (Chambre des communes, 1971, p. 8543).
Au moment de l’adoption de cette politique, le premier ministre s’est donc inscrit en faux contre la vision d’un Canada binational prônée par la Commission Laurendeau-Dunton en affirmant
… qu’il ne peut y avoir une politique culturelle pour les Canadiens d’origine française et britannique, une autre pour les Autochtones et encore une autre pour tous les autres. Car bien qu’il y ait deux langues officielles, il n’y a pas de culture officielle, et aucun groupe ethnique n’a préséance. Il n’y a pas un citoyen, pas un groupe de citoyens qui soit autre que canadien, et tous doivent être traités équitablement (Chambre des communes, 1971, p. 8545).
Cette dimension mérite d’être soulignée, puisque le multiculturalisme est né à un moment historique marqué par de vives tensions entre les « deux peuples fondateurs », pour reprendre les termes utilisés à l’époque. Les intentions exprimées lors de la présentation et de l’adoption de cette politique marqueront ainsi de manière indélébile la compréhension qu’en auront les Canadiens, mais aussi celle des acteurs politiques et sociaux de l’époque et, comme nous allons le voir, ceux qui viendront plus tard.
La politique mise en place en 1971 visait quatre objectifs : 1. aider les groupes culturels à conserver et à affirmer leur identité ; 2. favoriser leur participation à la société canadienne (particulièrement au sein des institutions) ; 3. promouvoir les échanges entre tous les groupes culturels dans l’intérêt de l’unité nationale (les majorités d’ascendances britannique et française étant considérées comme des groupes ayant le même statut que les autres) ; et 4. aider les immigrants dans leur apprentissage d’au moins l’une des deux langues officielles du Canada (Chambre des communes, 1971, p. 8545). Force est de constater que ces propos transmettaient une vision particulière de la communauté politique et nationale canadienne.
La diversification des populations issues de l’immigration, qui provenaient de moins en moins d’Europe et des États-Unis, a, avec le temps, soulevé de nouveaux enjeux. Différentes formes de discrimination (économique, sociale, raciale et autres) posaient des problèmes aux -minorités visibles, entre autres en matière d’accès à l’emploi, au logement et à l’éducation. Ces obstacles n’étant plus uniquement de nature culturelle, divers programmes visant à lutter contre la discrimination raciale ont été alors mis en place. Le principe du multiculturalisme a ensuite été enchâssé dans la Charte canadienne des droits et libertés, qui est une partie intégrante de la –Loi constitutionnelle de 1982 ; l’article 27 de la Charte stipule en effet que son interprétation « doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens ».
Par contre, ce n’est qu’en 1988 que le gouvernement a adopté la Loi sur le multiculturalisme canadien (LMC), dont le préambule affirme que la diversité constitue l’une des caractéristiques fondamentales de la société canadienne et que cette politique du multiculturalisme vise à préserver et à valoriser le patrimoine multiculturel des Canadiens dans une perspective d’égalité des chances. La Loi s’articule notamment autour des principes de « participation entière et équitable » (art. 3[1]c), de compréhension et d’échanges entre les individus et les collectivités de différentes origines (art. 3[1]g), et du maintien des langues d’origine (art. 3[1]i). Elle interpelle toutes les institutions publiques et privées et fait explicitement référence à la lutte contre la discrimination (art. 5[1]g). Elle précise également que le ministre responsable de l’application de la Loi peut conclure des accords ou prendre des arrangements avec les provinces pour mettre en œuvre la politique (art. 5[2]).
Les programmes qui découlent de la LMC ont par la suite été élargis pour inclure la participation civique, la compréhension interculturelle et l’intégration sociale et économique. En 2005, dans le but de renforcer la cohésion sociale, le gouvernement a aussi adopté un plan d’action pour lutter contre le racisme. Puis, en 2008, le transfert de la responsabilité de la mise en œuvre du multiculturalisme du ministère du Patrimoine canadien à Citoyenneté et Immigration Canada a donné lieu à la définition de quatre objectifs pour protéger les droits des immigrants et des minorités visibles : 1. participation des minorités ethnoculturelles et raciales à la prise de décisions ; 2. participation des collectivités à un dialogue menant à l’adoption de mesures visant à combattre le racisme et les discours/crimes haineux et à favoriser la compréhension interculturelle ; 3. élimination des obstacles systémiques institutionnels à l’intégration ; et 4. prise en compte de la diversité, de manière transversale, dans l’ensemble des politiques, des programmes et des services fédéraux.
Enfin, en 2009, on a ajouté trois nouveaux objectifs : 1. bâtir une société intégrée et cohésive sur le plan social ; 2. accroître la sensibilité des institutions aux besoins de la population diversifiée du Canada ; et 3. participer activement à des discussions sur le multiculturalisme et la diversité à l’échelle nationale et internationale (Citoyenneté et Immigration Canada, 2012, p. iv). En somme, les objectifs initiaux de valorisation du patrimoine multiculturel et de participation ont été bonifiés, puisqu’on leur a ajouté des dimensions liées à l’intégration et à la cohésion sociale ainsi qu’à la lutte contre l’exclusion, de même que la promotion des valeurs associées au multiculturalisme sur la scène mondiale.
Par ailleurs, mentionnons que l’inscription du principe du multiculturalisme dans la Charte canadienne des droits et libertés a conduit les tribunaux (tant canadiens que québécois) à y faire référence à quelques reprises. Or il est raisonnable de penser que la population a davantage retenu la compréhension qu’en a favorisée le système judiciaire plutôt que celle qui est mise de l’avant dans les diverses politiques du gouvernement. En effet, les tribunaux ont eu tendance à faire référence à ce principe dans des litiges qui, en matière d’accommodements raisonnables5, portaient essentiellement sur la protection de la liberté de religion (Bosset, 2007 et 2010 ; Bernatchez, 2007). Par exemple, dès 1985, la Cour suprême du Canada (CSC) a invalidé la Loi sur le dimanche de l’Alberta, qui interdisait le travail ou l’activité commerciale le dimanche — considéré comme un jour de repos —, en faisant valoir, entre autres, que cette législation « ne concorde guère avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens6 ».
D’autres jugements ont été nettement plus controversés et largement médiatisés ; nous en citons deux, plus récents. En 2006, la CSC s’est prononcée sur l’interdiction, pour un élève, de porter un kirpan à l’école, en statuant que la prohibition absolue était une atteinte à la liberté de religion. Elle a réfuté l’argument de ceux qui, dans le but d’interdire le port du kirpan, faisaient valoir qu’il s’agit d’un symbole de violence et encourageait le recours à la force pour régler les conflits : cette « prétention, lit-on dans le jugement, est non seulement contraire à la preuve concernant la nature symbolique du kirpan, mais elle est également irrespectueuse envers les fidèles de la religion sikhe et ne tient pas compte des valeurs canadiennes fondées sur le multiculturalisme7 ».
En 2012, dans une affaire d’agression sexuelle, la CSC a dû déterminer si une femme portant un niqab pour des motifs religieux devait le retirer afin de témoigner à visage découvert devant un tribunal. Dans un arrêt complexe, les juges ont tenté de concilier différents droits (les droits religieux opposés au droit des accusés de présenter une défense pleine et entière, notamment au moment du contre-interrogatoire considéré comme un outil nécessaire à l’exercice de ce droit) ainsi que la considération et le respect que les citoyens doivent accorder à l’administration de la justice. La CSC a ainsi établi certaines conditions dans lesquelles une femme pouvait comparaître tout en conservant son niqab. Bien que la référence au multiculturalisme y ait été plutôt secondaire, la CSC a néanmoins évoqué cette approche en s’interrogeant « sur le sens du multiculturalisme dans notre environnement démocratique8 ».
La plupart sinon tous les jugements dans lesquels les tribunaux ont invoqué à la fois le multiculturalisme et les accommodements raisonnables portaient sur l’interprétation à donner à la liberté de religion. Ces décisions ont pu concourir à ancrer la perception selon laquelle le respect de chaque culture ainsi que la protection des particularismes identitaires (surtout à caractère religieux) l’emportent sur les principes de compréhension, d’échange, de participation et de rapprochement qui sont pourtant au cœur du multiculturalisme canadien. De surcroît, cette perception a contribué à associer multiculturalisme et liberté de religion — ouvrant ainsi la porte au débat portant sur la neutralité de l’État —, alors que les deux concepts relèvent d’enjeux qui nous semblent de nature différente. En somme, comme nous l’avons dit plus haut, l’interprétation que les tribunaux ont donnée du multiculturalisme et la médiatisation de certains cas ont sans doute fait en sorte que l’on a plutôt retenu la définition proposée par les juges que celle avancée par le gouvernement.
Ajoutons que la protection de la liberté de religion, telle qu’inscrite dans les conventions internationales et les chartes canadienne et québécoise, relève de principes qui ne devraient pas être confondus avec ceux sur lesquels s’appuie le multiculturalisme (ou l’interculturalisme). En effet, l’État a l’obligation de respecter l’autonomie des religions et des convictions philosophiques, y compris celles des athées ou des agnostiques, tout en exigeant que ces croyances ne nuisent pas à l’exercice des droits fondamentaux qui sont au cœur des sociétés libérales. La liberté de religion s’inscrit dans une normativité juridique forte, puisqu’elle fait partie des droits de la personne et des principes fondamentaux qui définissent les démocraties libérales et pluralistes. Les restrictions à cette liberté doivent donc être justifiées selon la même logique juridique, et c’est à l’État de faire la démonstration que certaines manifestations de ces libertés contreviennent à la sécurité, à l’ordre public, à la santé ou aux droits et libertés d’autres citoyens.
Pour sa part, la prise en compte de la diversité ethnoculturelle s’inscrit dans des registres très différents, comme nous l’avons souligné dans la première partie de cette étude. La diversification des croyances et des pratiques religieuses est en grande partie le résultat d’une immigration moins homogène. La confusion entre diversité ethnoculturelle et diversité religieuse vient probablement du fait que la présence de religions non chrétiennes s’est accrue rapidement en raison de l’immigration9.
Il faut rappeler d’entrée de jeu que le gouvernement du Québec ne s’est jamais doté d’une législation équivalente à la LMC. Ainsi, le terme « interculturalisme », utilisé pour désigner ses politiques, n’a aucun statut officiel, bien qu’il soit employé sporadiquement dans les documents gouvernementaux. Il a d’abord été utilisé dans plusieurs milieux communautaires (et ce, depuis plusieurs générations, voir Emongo et White, 2014), puis dans plusieurs secteurs d’intervention de l’État (surtout dans les domaines de l’éducation, de l’intervention sociale, de la santé et de l’immigration) pour qualifier les programmes qui visaient à promouvoir l’intégration des personnes issues de l’immigration récente. Certains chercheurs universitaires ont ensuite repris le terme pour tenter de souligner les différences qui pourraient caractériser l’approche québécoise des pratiques et des orientations définies par le gouvernement fédéral. Encore ici, les considérations de nature politique occupent une place importante, dans la mesure où elles renvoient à la définition du terme et aux conditions d’adhésion à la société québécoise.
Bien que le Canada français ait connu plusieurs vagues migratoires tout au long de son histoire, la prise de conscience de la nécessité de veiller à l’intégration des personnes issues de l’immigration n’a commencé à se faire qu’au moment de la Révolution tranquille, notamment grâce aux travaux réalisés par la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (1961-1966), mieux connue sous le nom de Commission Parent. Les commissaires ont alors constaté que la très grande majorité des enfants d’immigrants s’inscrivait au système scolaire anglo-protestant et ont suggéré une série de facteurs pouvant expliquer cet état de fait : statut socioéconomique dominant de la langue anglaise ; caractère confessionnel plus marqué dans le réseau des écoles catholiques ; attitude de méfiance à l’endroit des immigrants, etc. Cette réalité a rapidement changé à partir du moment où le gouvernement a décrété le français comme langue officielle du Québec en 1974. Puis, en 1977, avec l’adoption de la Charte de la langue française (ou Loi 101), le gouvernement avait entre autres comme objectif de franciser les enfants issus de l’immigration en les dirigeant vers les écoles primaires et secondaires du système scolaire français10.
Dans le courant des années 1970, il devient donc clair que le libre choix de la langue en matière d’éducation n’est pas la voie privilégiée par le gouvernement du Québec, une orientation qui marque une première différence par rapport au principe du bilinguisme défendu par le gouvernement fédéral. Le français est la langue officielle de l’État, mais le Québec protège tout de même les institutions de la minorité historique de langue anglaise en matière d’éducation, de santé et de services sociaux. Cette dimension linguistique a joué — et continue de le faire encore aujourd’hui — un rôle important dans la manière dont on aborde les enjeux du pluralisme ethnoculturel dans la province.
Au cours de cette période, le gouvernement du Québec a également fait adopter sa Charte des droits et libertés de la personne (1975). Bien qu’il soit difficile d’établir un lien direct entre certains de ses éléments et le multiculturalisme canadien, notons que l’article 43 de la Charte stipule que « [l]es personnes appartenant à des minorités ethniques ont le droit de maintenir et de faire progresser leur propre vie culturelle avec les autres membres de leur groupe ». En fait, cette disposition s’inspire plutôt des termes de l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) adopté par les Nations unies en 1966, donc antérieur à la Loi sur le multiculturalisme canadien11. Toutefois, le maintien et la progression de la vie culturelle des minorités ethniques se réalisent au sein d’une société qui affirme ses particularismes. L’approche privilégiée par l’État québécois présente la culture de tradition française comme un « foyer de convergence pour les diverses communautés qui continueront par ailleurs de manifester ici leur présence et leurs valeurs propres » (Ministère d’État au Développement culturel, 1978, p. 46). Il s’agit d’une affirmation qui prend le contrepied de la présumée égalité de statut des cultures au cœur de la politique canadienne du multiculturalisme, puisque la « tradition française » y a un statut privilégié par rapport aux autres traditions qui composent l’ensemble de la nation québécoise.
À partir du tournant des années 1980, le gouvernement québécois a déposé plusieurs plans d’action et documents de réflexion et d’orientation qui décrivent les principes sur lesquels repose son approche en ce qui a trait à ce que l’on appelle maintenant la gestion de la diversité ethnoculturelle (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 1981, 1986 et 1990 ; Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, 2004). Les préoccupations mises de l’avant par le gouvernement du Québec s’articulent alors autour de principes maintes fois réitérés : rapprochement culturel grâce au dialogue, harmonisation, échanges et réciprocité, capacité des communautés de conserver et de développer leur culture d’origine. Avec ces principes, le Québec se positionne donc en quelque sorte à mi-chemin entre l’approche assimilationniste (souvent associée à tort ou à raison avec la France) et le multiculturalisme.
En 1990, avec Au Québec pour bâtir ensemble, le gouvernement a introduit la notion de contrat moral pour définir les principes qui sont censés interpeller l’ensemble de la société québécoise. Ce contrat comporte trois principaux aspects : le français comme langue commune de la vie publique ; une société démocratique participative ; et une société pluraliste « dans les limites qu’imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la nécessité de l’échange -intercommunautaire » (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 1990, p. 15). En somme, même si les notions de patrimoine collectif et de sentiment d’appartenance sont constamment rappelées, les énoncés mettent l’accent sur l’identité civique comme élément déterminant de la politique d’intégration.
Le dernier geste du gouvernement québécois visant à proposer une définition systématique des éléments constitutifs de l’interculturalisme a été posé par la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles (mieux connue sous le nom de Commission Bouchard-Taylor [CBT]), qui a déposé son rapport en mai 2008. Évidemment, comme toutes les commissions consultatives, celle-ci ne pouvait soumettre que des recommandations au gouvernement, qui a le loisir de les suivre ou non. Le gouvernement les a d’ailleurs ignorées en grande partie (Rocher, 2014). Néanmoins, étant donné la confusion terminologique qui entoure l’interculturalisme, il est important de rappeler les résultats de l’exercice, puisqu’ils serviront maintenant de point de référence dans l’espace public quant à la manière de comprendre cette notion. Ainsi, la CBT définit l’interculturalisme dans les termes suivants :
Pour aller à l’essentiel, on dira que l’interculturalisme québécois : a) institue le français comme langue commune des rapports interculturels ; b) cultive une orientation pluraliste soucieuse de la protection des droits ; c) préserve la nécessaire tension créatrice entre, d’une part, la diversité et, d’autre part, la continuité du noyau francophone et le lien social ; d) met un accent particulier sur l’intégration et la participation ; et e) préconise la pratique des interactions (Bouchard et Taylor, 2008, p. 121).
On retrouve là plusieurs éléments qui ont présidé à l’élaboration de la notion d’interculturalisme depuis le milieu des années 1970. L’un des objectifs, par exemple, est d’alimenter le sentiment d’appartenance à la société québécoise. On peut lire dans le rapport que « [c]onformément à la règle de droit et aux impératifs du pluralisme, cette identité en construction doit pouvoir se développer à titre de culture citoyenne. Tous les Québécois doivent pouvoir s’y investir, s’y reconnaître et s’y épanouir » (Bouchard et Taylor, 2008, p. 22). Pour les signataires du rapport, la distinction entre les approches canadienne et québécoise tiendrait au fait que cette dernière insiste sur deux aspects occultés par le multiculturalisme : d’une part, l’utilisation de la langue française pour assurer l’intégration et, d’autre part, le souhait des Québécois francophones de préserver la culture fondatrice, avec les préoccupations que cela entraîne dans le contexte canadien et nord-américain.
Mais, en bout de piste, les deux approches souscrivent au principe du pluralisme, les différences étant une question de nuance et d’accent. Pour la CBT, « [l]’interculturalisme […] est la version québécoise de la philosophie pluraliste, tout comme le multiculturalisme en est la version canadienne » (Bouchard et Taylor, 2008, p. 257). Cette analyse met les deux politiques d’intégration sur un pied d’égalité, puisqu’elles font toutes deux partie de la grande famille des modèles d’intégration pluralistes (Giménez Romero, 2003). La définition proposée par la CBT omet toutefois un aspect, qui est pourtant au cœur du multiculturalisme canadien, celui qui renvoie à la préservation et à la progression des cultures d’origine des nouveaux arrivants.
Enfin, on retrouve des références à l’interculturalisme dans diverses politiques gouvernementales. Par exemple, la politique élaborée par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC) pour favoriser la participation, La diversité : une valeur ajoutée (2008), -déposée la même année que le rapport de la CBT, utilise le terme « interculturalisme » pour qualifier certaines initiatives. Ainsi, le rapprochement, la formation, l’éducation, l’échange, les contacts, les relations, le dialogue et les compétences peuvent être interculturels. Les mesures qui touchent la lutte contre le racisme et la discrimination sont systématiquement considérées comme interculturelles. Toutefois, il faut attendre le Plan d’action stratégique 2012-2016 (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 2013a et 2013b) pour que l’interculturalisme soit présenté comme une dimension structurante de la politique d’immigration. Cet arrimage n’est pas anodin. Alors que le multiculturalisme canadien est vu comme une caractéristique constituante de l’identité canadienne, l’interculturalisme québécois ne représente que l’un des cinq enjeux associés à l’immigration12. Au plan conceptuel, l’interculturalisme met l’accent sur le rapprochement dans le cadre d’un objectif d’intégration :
D’une part, la société d’accueil favorise la pleine participation des personnes immigrantes en soutenant leur démarche d’intégration, en reconnaissant l’apport de la diversité ethnoculturelle et en combattant les préjugés et la discrimination. D’autre part, les personnes immigrantes s’engagent à faire toutes les démarches nécessaires à leur intégration, en particulier à trouver un emploi, à connaître et à respecter les valeurs communes du Québec et à apprendre le français, si elles ne le maîtrisent pas déjà. Le Ministère met en place les conditions favorisant cet engagement réciproque (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 2013a, p. 17).
Le Plan d’action stratégique 2012-2016 reprend, bien qu’en des termes différents, les éléments du « contrat moral » énoncés en 1990. Toutefois, même si les Québécois de toutes origines sont interpellés, les objectifs spécifiques et les indicateurs de rendement ne visent que les personnes issues de l’immigration (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 2013b, p. 17). En somme, l’interculturalisme n’occupe pas une place déterminante dans l’architecture symbolique de l’identité québécoise, contrairement au rôle que joue le multiculturalisme canadien, qui est considéré comme un référent identitaire13. Cela étant dit, les deux politiques cherchent explicitement à renforcer la cohésion sociale.
Jusqu’à maintenant, nous avons surtout insisté sur l’évolution des politiques canadienne et québécoise en les inscrivant dans les contextes historiques particuliers qui ont présidé à leur élaboration, et en décrivant les principes qu’elles recouvrent et les transformations qu’elles ont subies au fil des ans. Ces politiques ont donné lieu à une panoplie de mesures et de programmes qui concernent un grand nombre de situations et de contextes reliés au pluralisme grandissant qui caractérise le pays. Plus loin dans ce texte, nous explorerons également le rôle émergent des municipalités dans la gestion de la diversité ethnoculturelle ainsi que l’incidence que ce mouvement pourrait avoir sur la gouvernance de façon plus large.
La prise en compte de tous les programmes, et ce à tous les niveaux, est essentielle si l’on veut mettre en lumière ce qui peut différencier (ou non) les approches multiculturelle et interculturelle, parce que, au-delà des discours et des justifications idéologiques, c’est surtout dans la mise en œuvre de ces approches qu’il est possible de saisir la manière dont les gouvernements articulent leurs orientations. Aux fins de cette comparaison, nous ne retiendrons que les mesures et les programmes mis en place récemment, puisque ce sont ceux qui rendent compte de la compréhension actuelle qu’en ont les acteurs gouvernementaux.
Le Programme du multiculturalisme de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) compte quatre volets : 1. financement des organisations ; 2. activités d’éducation du public et de promotion ; 3. aide aux institutions fédérales ; et 4. participation aux activités internationales. Le rapport Évaluation du Programme du multiculturalisme, que le CIC a publié en mars 2012 (Citoyenneté et Immigration Canada, 2012), dresse un tableau exhaustif des programmes financés par le gouvernement. L’objectif général de tous les programmes est d’accroître la mémoire et la fierté civiques, le respect des valeurs démocratiques et la compréhension interculturelle ou interconfessionnelle.
Le premier volet est lié aux subventions et aux contributions du CIC : on estime que, entre 2011 et 2014, le CIC a alloué des sommes totalisant 26,8 millions de dollars, la part des projets québécois correspondant à 22,7 p. 100 de ce budget (Citoyenneté et Immigration Canada, 2012, p. 28)14.
Le deuxième volet touche à l’éducation du public et à la promotion du multiculturalisme. Des initiatives visent à faire connaître l’histoire de certaines communautés (le Mois du patrimoine asiatique et le Mois de l’histoire des Noirs, par exemple), d’autres à contribuer à faire reconnaître l’apport de personnes ou de groupes au multiculturalisme ou à l’intégration des immigrants (le prix Paul Yuzyk pour le multiculturalisme, le Défi Mathieu Da Costa et le Concours national de vidéo, par exemple).
L’intention qui sous-tend le troisième volet est de permettre d’évaluer dans quelle mesure les institutions fédérales font la promotion du multiculturalisme ; chacune possède un « Réseau des champions du multiculturalisme » dont le rôle est de diffuser de l’information et de faire connaître des pratiques exemplaires. Enfin, le quatrième volet a trait à la participation du CIC à des discussions internationales afin de promouvoir son approche multiculturelle et de diffuser ses pratiques exemplaires ; de 2008 et 2011, le Ministère a ainsi participé à 28 activités.
Mentionnons que la part du budget du CIC allouée au Programme du multiculturalisme est ténue, c’est le moins que l’on puisse dire. En 2013-2014, les dépenses budgétaires prévues du CIC s’élevaient à 1 655,4 milliards de dollars ; or le Programme du multiculturalisme a été financé à hauteur de 14,3 millions de dollars, soit 0,9 p. 100 du budget total. À titre de comparaison, 973,4 millions de dollars ont été consacrés aux programmes d’établissement et d’intégration des nouveaux arrivants (Citoyenneté et Immigration Canada, 2013).
Les politiques québécoises que nous pouvons associer à l’interculturalisme s’inscrivent, comme nous l’avons déjà mentionné, dans la politique globale d’immigration et d’intégration des immigrants. Parmi les cinq enjeux que définit le Plan stratégique 2012-2016 du MICC (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 2013a et 2013b), l’un porte le titre « Une approche interculturelle partagée favorisant la pleine participation des personnes de toutes origines au développement du Québec ». Il complète, entre autres, celui qui touche la contribution des immigrants à la vitalité du français et un autre qui insiste sur la cohésion sociale de la collectivité québécoise. Le document définit deux orientations liées à l’approche interculturelle. La première vise à favoriser l’établissement des personnes immigrantes en région ; la deuxième, à accélérer la réalisation de la politique gouvernementale 2008-2013, intitulée La diversité : une valeur ajoutée, dont l’axe principal est la lutte contre le racisme et la discrimination. Cette dernière porte sur l’intégration des personnes immigrantes, et plus particulièrement sur leur participation à la vie économique (mesurée notamment par le taux d’emploi).
Ces deux orientations semblent, de prime abord, souscrire à une vision principalement instrumentale du rapprochement interculturel, l’une par la régionalisation de l’immigration en vue de répondre aux besoins de main-d’œuvre, l’autre par l’accent mis uniquement sur l’intégration au moyen d’un volet économique. Elles traduisent une mise en forme assez limitée des principes interculturels. Par ailleurs, nous avons déjà souligné que le Plan d’action de 2008 (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 2008) s’articulait moins autour du principe de l’interculturalisme que de celui de la dyade antiracisme/antidiscrimination ; on y utilisait même le terme « interculturalisme » pour qualifier d’autres réalités. Contrairement à ce que fait le gouvernement fédéral, le gouvernement québécois, dans ces divers documents, se contente d’énoncer de grandes orientations sans définir les politiques et les programmes qui s’en inspirent.
Pour prendre la mesure des politiques que l’État québécois a mises en place au chapitre de l’interculturalisme, nous utiliserons donc plutôt le bilan des réalisations effectué par le MICC pour répondre aux recommandations de la CBT15. Il faut comprendre que le bilan présente ces réalisations de manière éparse, puisqu’aucun cadre n’existe qui pourrait en organiser l’ensemble. Le MICC considère que les campagnes de promotion menées sous les thèmes « L’immigration, c’est Bienvenue ! » (2009) et « Toutes nos origines enrichissent le Québec » (2011 et 2012) ont contribué à encourager l’interculturalisme. Au chapitre des contacts interculturels comme moyens de lutter contre les stéréotypes et de favoriser la participation et l’intégration de tous à la société québécoise, le bilan ministériel donne comme exemple de réalisations les programmes d’immersion en emploi et le maillage professionnel en entreprise offert à Montréal et à Québec (et maintenant uniquement à Montréal).
De plus, en matière de rapprochements interculturels, les exemples donnés sont les suivants : le financement, par le MICC, de diverses activités (Semaine québécoise des rencontres interculturelles, Semaine d’actions contre le racisme, Mois de l’histoire des Noirs, etc.) ; le financement de 32 organismes et d’un regroupement d’organismes communautaires au service des personnes immigrantes et réfugiées ; la poursuite du Programme d’échanges pour les jeunes en milieu scolaire du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur ; le financement de projets s’adressant aux locataires d’habitation à loyer modique afin d’accroître la participation des résidents issus des communautés culturelles au développement de la vie associative et communautaire ainsi qu’à l’amélioration de leur milieu de vie.
Par ailleurs, si le MICC peine à établir de manière cohérente quelles initiatives s’inscrivent dans l’approche interculturelle, d’autres ministères et organismes ont, depuis fort longtemps, développé des programmes et des politiques qui s’en réclament. À cet égard, le ministère de l’Éducation publiait, dès 1998, sa Politique d’intégration scolaire et d’éducation -interculturelle (Ministère de l’Éducation, 1998). Depuis lors, l’accent est mis sur l’intégration scolaire des élèves issus de l’immigration, leur francisation et l’éducation interculturelle qui cherche à faire prendre conscience de la diversité, à développer des compétences communicationnelles et à favoriser des attitudes d’ouverture, de tolérance et de solidarité (Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 2011b ; Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2014).
Puisque l’interculturalisme n’a pas un caractère structurant en ce qui a trait aux activités du gouvernement québécois, contrairement à ce qui se fait au niveau du gouvernement fédéral grâce au Programme du multiculturalisme canadien, il n’est pas possible de savoir quelles sommes sont allouées à la panoplie de politiques et de programmes que l’on pourrait associer à l’approche québécoise.
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En somme, il existe beaucoup de similitudes et de différences entre les approches multiculturelle et interculturelle vues sous l’angle des politiques publiques. Pour ce qui est des similitudes, notons que c’est afin de prendre en compte un phénomène que certains chercheurs commencent à qualifier de « superdiversité » (Vertovec, 2007) que les deux gouvernements ont adopté des politiques et des programmes en la matière, chacun y allant de son propre approche. De plus, les deux approches rejettent l’assimilationnisme, et à plus forte raison le racisme, qui avait caractérisé les politiques d’immigration jusqu’aux années 1960.
Dans le cas du gouvernement fédéral, les pressions exercées par certaines communautés culturelles, combinées avec un contexte marqué par l’affirmation nationale du Québec, l’ont amené à substituer le multiculturalisme au biculturalisme. C’est durant la même période que l’État canadien a adopté sa politique des langues officielles, qui a accordé un même statut à l’anglais et au français. La définition de la communauté politique et nationale canadienne proposée par les gouvernements de l’époque a soulevé l’opposition du gouvernement du Québec qui, jusqu’à ce jour, refuse le multiculturalisme, puisqu’il s’agit une approche qui mettrait le Québec et les communautés issues de l’immigration récente sur un pied d’égalité.
La principale différence entre les deux approches tient en effet à la représentation de la communauté politique et nationale au sein de laquelle la diversité doit être reconnue et se déployer : d’un côté, un Canada bilingue et multiculturel, et, de l’autre, un Québec qui, d’une part, désigne le français comme seule langue officielle et comme langue publique commune, et, d’autre part, cherche à assurer son avenir dans un contexte où la majorité francophone constitue une minorité nationale.
Cette distinction n’est pas que symbolique. Le multiculturalisme s’inscrit dans des textes législatifs fondamentaux ou importants, dont la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur le multiculturalisme canadien. Pour sa part, l’interculturalisme québécois ne jouit d’aucun statut particulier et constitue, la plupart du temps, une référence générale à la manière dont l’État québécois appréhende la diversité. Cette différence n’est pas sans avoir des conséquences importantes pour ce qui est de la valeur -référentielle des deux principes dans l’espace public. De plus, ces deux approches indiquent d’une façon différente la présence et la spécificité du groupe majoritaire (voir Bouchard, 2012). Ce sont ces dimensions qui distinguent le plus adéquatement, croyons-nous, les deux politiques et les deux orientations qui les façonnent.
Au chapitre des principes normatifs, de l’ancrage institutionnel ou même des politiques et des programmes, le multiculturalisme et l’interculturalisme sont semblables à certains égards et divergents à d’autres (voir le tableau ci-dessous pour une synthèse des différences et des similitudes). Pour l’essentiel, les deux approches reconnaissent la diversité et favorisent la cohésion, la participation, la lutte contre le racisme et la discrimination, la mise en place d’institutions publiques plus inclusives et équitables, la création de mécanismes de consultation et la sensibilisation des institutions et des organismes publics au pluralisme.
Dans les deux cas, les approches doivent se déployer dans le cadre d’une société pluraliste et démocratique. La différence irréductible tient au fait que ces politiques ne relèvent pas du même contexte social ou culturel. L’État fédéral présente le multiculturalisme comme une caractéristique fondamentale de la société canadienne dans le cadre d’institutions fédérales bilingues. Pour l’État québécois, l’interculturalisme doit contribuer au patrimoine historique porté par le groupe majoritaire dans un État qui désigne le français comme seule langue officielle.
Depuis 1971, tous les gouvernements du Québec ont critiqué le multiculturalisme canadien et s’en sont dissociés. De la même manière, bien peu de spécialistes en sciences sociales au Québec se portent à la défense de cette politique fédérale : pour l’essentiel, on lui reproche de reconfigurer l’espace national canadien en banalisant les fondements historiques qui ont présidé à la création du Canada, à savoir la présence des « deux peuples fondateurs » (les peuples autochtones n’étant que rarement pris en considération). Ainsi définie, la nation ne renvoie à aucune culture particulière, ce qui laisse croire que la société n’est composée que de la somme des individus qui la constituent.
De plus, toujours selon ceux qui s’y opposent, le multiculturalisme a pour effet de dissocier langue et culture, et de ne retenir ainsi que la dimension communicationnelle des langues au détriment des substrats culturels, identitaires et sociaux qu’elles véhiculent. Le multiculturalisme peut ainsi se draper de telles ou telles vertus en les considérant comme universelles simplement parce qu’elles sont d’origine anglo-saxonne, mais, en fait, les traditions anglo-saxonnes n’expriment pas nécessairement des valeurs universelles. En d’autres termes, la politique canadienne du multiculturalisme peut donner l’impression de nier la communauté nationale québécoise : elle l’incorpore dans la structure socioculturelle pancanadienne et ne la reconnaît pas comme une société nourrissant ses propres aspirations et ayant sa propre conscience historique, conscience qui est intimement liée à sa langue d’expression16.
Enfin, on reproche aux tenants du multiculturalisme de prendre une position excessivement relativiste, d’encourager le repli des communautés sur elles-mêmes, d’appuyer le contrôle qu’elles exercent sur les croyances et les comportements de ses membres, de renforcer les stéréotypes, d’être un terreau pour les radicalismes politiques, de nuire à la cohésion sociale, de favoriser la judiciarisation des rapports sociaux et d’entraver le développement d’un sens d’appartenance (Gignac, 1997 ; Seymour, 1999 ; Bourque et Duchastel, 2000 ; Vibert, 2003-2004 ; Parenteau, 2010 ; Facal, 2010). On retrouve d’ailleurs des critiques semblables au Canada anglais (Bissoondath, 2002 ; Stoffman, 2002 ; Wong, 2008 ; Ryan, 2010).
Pour sa part, la Commission Bouchard-Taylor a rejeté le multiculturalisme en invoquant le fait qu’il ne serait pas bien adapté à la réalité québécoise parce qu’il reste « muet » sur la langue de l’intégration, et surtout parce que ses tenants seraient insensibles à l’avenir de la culture portée par les francophones (Bouchard et Taylor, 2008, p. 122). Toutes ces raisons militent en faveur de l’interculturalisme, qui se situerait, prétendent ses tenants, à mi-chemin entre deux approches : d’une part celle qui vise tout simplement l’assimilation, et d’autre part celle du multiculturalisme qui met trop l’accent sur la préservation des cultures d’origine ainsi que sur la perte des repères à la suite de l’atomisation de l’identité citoyenne. En somme, depuis quelques années, le multiculturalisme a bien mauvaise presse.
Si l’interculturalisme se présente comme une alternative à l’approche multiculturaliste canadienne, il serait inexact de prétendre qu’il fait consensus, tant s’en faut. En effet, cette approche a fait l’objet d’un feu croisé de critiques, qui s’inscrivent toutefois dans différents positionnements quant aux finalités sociétales visées et à la nature des rapports entre les citoyens et l’État. Aux fins de notre analyse, nous avons défini quatre courants de ces critiques de l’interculturalisme que nous avons qualifiés respectivement de moniste, de pluraliste, de différentialiste et d’interactionniste. En simplifiant un peu, notons que, par rapport aux registres que nous avons définis plus haut, les deux premiers courants s’inscrivent principalement dans le troisième registre (l’interculturalisme analysé sous l’angle des politiques publiques en matière de prise en compte de la diversité), alors que les deux derniers reflètent de manière prépondérante les préoccupations associées au deuxième registre, à savoir celles qui touchent aux manières de concevoir les rapports intergroupes. Chaque courant s’inscrit également dans une tradition intellectuelle qui lui est propre. La littérature sur le sujet est abondante, dans les écrits à la fois universitaires et polémiques ; pour notre part, nous illustrerons, en nous référant à des auteurs fréquemment cités, les différentes perspectives qu’adoptent ceux qui critiquent l’interculturalisme.
Les auteurs qui s’inscrivent dans ce courant, prenant acte de la diversification des sociétés due à la mondialisation, aux flux migratoires et, surtout, au fait que les nouveaux arrivants au Québec proviennent en plus grand nombre de pays moins occidentalisés, sont surtout préoccupés par la consolidation de l’unité culturelle de l’identité nationale17. C’est à l’aune de ces préoccupations que sont jugées les intentions des promoteurs de l’interculturalisme et, plus globalement, que sont posés les enjeux liés à la présence des minorités visibles et ethnoculturelles. Or, dès le départ, la notion de diversité pose problème : il est donc difficile de la considérer comme un élément sociétal positif. Par exemple, le sociologue Jacques Beauchemin soutient :
Contrairement à l’ordre qui prévaut dans la nature où la diversité s’impose comme condition essentielle à la reproduction de la vie elle-même, l’existence sociale fonctionne à l’envers : il faut réduire la diversité afin de ramener la société à un certain centre d’elle-même, là où l’aménagement des rapports conflictuels est possible sous l’égide d’un projet éthico-politique (Beauchemin, 2010, p. 38).
Le fait de valoriser la diversité plutôt que le principe d’unité serait un effet négatif de la modernité avancée, renforcée par le droit, et qui se caractérise notamment par la fragmentation sociale et l’affirmation des identités individuelles (Bourque, Duchastel et Armony, 1996 ; Thériault, 2003). Évidemment, la situation dans la région métropolitaine de Montréal, où l’on observe en grande partie la diversité ethnoculturelle, est différente de celle qui prévaut dans le reste du Québec, et elle mérite que l’on s’y attarde un peu.
Les éléments qui justifient le besoin de cohésion et d’unité sont la présence d’un lien civique qui va au-delà des identités individuelles, la préséance d’un groupe sur les autres, les jeux d’intérêts et l’affirmation d’une identité collective forte. La prise en compte de la diversité doit donc tenir compte des dimensions politiques qui la conditionnent, et les différences identitaires doivent s’inscrire dans cette dynamique. Ces différences ne sauraient remettre en question la nécessité, pour toute société, d’une certaine cohérence quant aux références historiques (une mémoire commune), normatives (des valeurs communes) et institutionnelles (des institutions et des règles juridiques communes). Dans cette perspective, on reproche à l’interculturalisme de reprendre à son compte la vision pluraliste d’inspiration anglo-saxonne — et qui est au cœur du multiculturalisme — selon laquelle toutes les cultures sont égales : ce faisant, l’interculturalisme embrasserait le relativisme culturel. C’est pour cette raison que certains s’opposent au modèle interculturel québécois, qui ne serait qu’une version provinciale du multiculturalisme canadien.
Les tenants du courant moniste privilégient donc une autre approche, qui passe par l’adhésion à un « nationalisme d’intégration » d’inspiration républicaine. La nation est alors définie en fonction de son unité culturelle, résultat d’une trajectoire historique portée par le groupe majoritaire. Pour l’historien Charles-Philippe Courtois, par exemple, ce modèle « implique que des immigrés de toutes les origines ethniques peuvent devenir des membres de la nation, à condition d’adhérer aux valeurs de la démocratie républicaine et d’intégrer la culture nationale » (2008).
D’autres favorisent sans détour l’assimilation, considérée comme une exigence forte des nations. Ainsi, la sociologue Nicole Gagnon critique le rapport de la Commission Bouchard-Taylor, qui ne souscrit pas à cet impératif assimilationniste en ce qu’il « prône l’égalité des cultures, qu’il assimile à l’égalité des citoyens » (2008, p. 531). L’intégration que souhaitent ceux qui adoptent cette position dépasse largement le cadre de l’apprentissage du français ou de la participation civique, qu’ils considèrent comme trop étroit18. En somme, les différences (plus ou moins visibles) doivent s’estomper dans un espace public et civique dont les règles sont prescrites par le groupe majoritaire, puisque c’est celui qui est le plus ancien. L’assimilation s’inscrit en fait dans le cours normal des choses, et l’objectif est légitime lorsqu’il n’est pas imposé par la force. Les particularismes culturels (langues d’origine, traditions culinaires, fêtes, loisirs et même croyances religieuses) doivent ainsi être exclus de l’espace public et s’exprimer uniquement dans la sphère privée.
Les critiques de l’interculturalisme qui relèvent de cette vision moniste ne s’appuient pas sur une définition strictement civique de la nation, c’est-à-dire en fonction des droits individuels inscrits dans les chartes et de la participation politique. On y insiste plutôt sur le fait que la communauté nationale doit s’articuler et se construire autour de la culture, des institutions et des valeurs des « héritiers de l’histoire », pour reprendre la formule d’Éric Bédard (2008). De ce point de vue, l’interculturalisme néglige les besoins de la société d’accueil et met trop l’accent sur les droits individuels ; c’est pourquoi les tenants de l’interculturalisme ont (trop) facilement recours à la médiation juridique (protection des droits des minorités en fonction de la race, de l’origine nationale ou ethnique, de la couleur, de la religion) pour régler les conflits. Or le droit vide la réalité sociale de sa substance, dans la mesure où il crée un espace abstrait qui renvoie à des principes juridiques plutôt qu’à une communauté de sens, ce qui risque d’oblitérer la présence historique de la majorité (Bock-Côté, 2010). Dans ce contexte, l’égalité de statut des citoyens, particulièrement lorsqu’elle est interprétée par les tribunaux, réputés peu sensibles aux droits collectifs, est donc une source de problèmes19.
Ces détracteurs de l’interculturalisme ne s’opposent pas à l’immigration ni aux politiques d’intégration ; ils souhaitent plutôt réconcilier le pluralisme et l’interculturalité, vus comme des phénomènes sociologiques, avec l’impératif politique d’incorporation des immigrants à la nation québécoise, qui est portée par le groupe majoritaire francophone.
Prenant leurs distances par rapport à la thèse fondée sur des considérations identitaires, divers intervenants ont critiqué les politiques fondées sur l’interculturalisme en mettant l’accent sur le fait que ces dernières camouflent ou ignorent les projets politiques sous-jacents au processus de construction nationale (nation-building) à l’œuvre aussi bien au Canada qu’au Québec. Bien qu’ils souscrivent aux visées des politiques portant sur la gestion de la diversité, ceux qui expriment ces critiques se positionnent en fonction de leurs propres préférences politiques pour remettre en question ou même dénoncer l’interculturalisme québécois, et ce, de deux façons : certains reprochent à l’interculturalisme d’instrumentaliser la majorité et les minorités, d’autres, de ne pas suffisamment prendre en compte les contraintes imposées par l’État canadien et ses visées de construction nationale.
Dans le premier cas, on s’en prend aux intentions que cacherait l’interculturalisme. Depuis que le gouvernement du Québec a entrepris de distinguer son approche de celle du gouvernement fédéral, on lui reproche de créer des catégories sociales qui opposent, de manière indéfinie, majorité et minorités. À titre d’exemple, dans une analyse du discours institutionnel qu’elle a réalisée, la sociologue Linda Pietrantonio conclut :
Diversity is referred to in the policy statements studied as concerning only minorities and the expressions of their culture, never the “Quebecois” category. At this institutional level, the majority category never appears as plural but, rather, as homogeneously Franco-Quebecois (2002, p. 153).
Par ailleurs, la sociologue Danielle Juteau se montre particulièrement sévère à l’endroit des politiques qui lient l’interculturalisme aux conditions imposées à l’appartenance citoyenne. Selon elle, la reconnaissance du caractère pluraliste du Québec, dans le cadre d’une société démocratique où le français se pose comme langue publique commune, vise essentiellement à renforcer le sentiment d’appartenance à la société québécoise. Du coup, cette volonté d’institutionnaliser une identité nationale forte contribue à y subordonner les autres, à créer des distinctions et à établir une hiérarchie entre le « nous » des Québécois « de souche » et « les autres », à favoriser une identité censément universelle au détriment d’identités spécifiques. Selon la chercheuse, qui soutient ainsi une stratégie d’inspiration moniste, « l’identité se construirait par l’homogénéisation et la consolidation du sujet national » (Juteau, 2002 ; voir aussi Létourneau et Ruel, 1994).
L’interculturalisme favoriserait donc l’adhésion à la société québécoise définie en fonction des intérêts du groupe majoritaire et négligerait l’existence de la pluralité des repères politiques, notamment le fait que le Québec s’inscrit dans le régime politique canadien. L’interculturalisme serait en porte-à-faux avec les identités multiples et (re)négociées, les phénomènes d’hybridité, de transculturalité et de perméabilité des appartenances à une époque marquée par la mondialisation. De ce point de vue, le couple interculturalisme/citoyenneté est critiqué non pas parce qu’il s’appuie sur la reconnaissance des principes du pluralisme, mais plutôt parce que la prise en compte de la diversité qui est alors proposée se réaliserait dans un cadre fixé par le groupe culturel dominant. Le caractère nationaliste inhérent à l’approche québécoise a ainsi fait l’objet de nombreuses dénonciations où on l’associe à une forme d’ethnicisme, voire de tribalisme (Derriennic, 1995 ; Khouri, 1996).
Une autre version de la critique pluraliste propose, par effet miroir, une lecture différente. Des chercheurs reprochent plutôt à l’interculturalisme de laisser dans l’ombre le fait que ce dernier ne peut se déployer que dans un cadre institutionnel et juridique où la notion de multiculturalisme occupe une position hégémonique (Labelle et Rocher, 2009 ; Seymour, 2010 ; Labelle et Rocher, 2011). L’enjeu n’est alors pas seulement culturel (favoriser la reconnaissance et le rapprochement), mais aussi éminemment politique. La politique québécoise ferait donc l’impasse sur les conditions permettant sa pleine réalisation, notamment au chapitre de la langue et de la participation civique, en ignorant les conflits référentiels en présence. Même si l’interculturalisme québécois a les mêmes finalités normatives que le multiculturalisme canadien, le conflit « porte sur l’allégeance attendue des citoyens, sur l’identification de la polis au sein de laquelle se réalise le rapprochement et où le dialogue interculturel prend place » (Labelle et Rocher, 2011, p. 11). On présume donc que ce conflit référentiel peut nuire à l’intégration, dans la mesure où, au français, langue publique commune, on peut notamment opposer la valorisation du bilinguisme. Dans le contexte politico-institutionnel actuel, l’interculturalisme québécois comme politique officielle ne pourrait donc être autre chose qu’un codicille de la politique canadienne.
En somme, ce courant critique, dans l’une ou l’autre de ses deux versions, rappelle l’existence de rapports de pouvoir qui renvoient entre autres, mais non exclusivement, aux projets politiques qui sont inévitablement imbriqués dans toute politique, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal. Dans le cas de la première version, on dénonce la présence d’une affirmation explicite du cadre dans lequel les relations interculturelles (c’est-à-dire l’interculturalité) doivent prendre place, parce qu’on y voit le dessein de hiérarchiser les identités et de forcer l’allégeance à une culture particulière. Dans le cas de la seconde version, on souligne, par effet miroir, les limites d’une politique québécoise qui ne peut se dissocier des principes et des pratiques adoptés par l’État canadien.
On le voit, les tenants de la critique pluraliste dépassent les enjeux liés à la diversité dans la mesure où ils soulèvent directement la question du statut politique du Québec au sein de la fédération canadienne. Cela reflète la difficulté de mettre en place des politiques qui donneraient un sens véritable à la notion de société distincte, un statut que revendique le Québec, puisqu’il faudrait alors permettre à l’État québécois non seulement de se dissocier du multiculturalisme, mais aussi de mettre fin au conflit symbolique et juridique qui oppose le bilinguisme canadien à l’affirmation du fait français au Québec.
La critique que nous qualifions de différentialiste s’inscrit dans la tradition philosophique des études postcoloniales et dans celle des théoriciens du pluralisme radical (Goldberg, 2002 ; Connolly, 1991, 1995 et 2005 ; Mouffe, 1993, 2000 et 2005). Les tenants de cette position cherchent à débusquer les rapports de pouvoir qui participent aux processus d’exclusion sociale, de racialisation et de -reproduction du statut des groupes dominants. Ainsi, prenant acte de la persistance des écarts socioéconomiques entre les populations racialisées et celles de descendance européenne, le politologue Daniel Salée soutient que les appels répétés à la convergence culturelle et au dialogue interculturel sont habituellement lancés comme des antidotes à la faible allégeance à la société d’accueil qu’affichent les citoyens appartenant à des groupes minoritaires. Or l’interculturalisme et le multiculturalisme mettent surtout l’accent sur les dimensions culturelles de la gestion de la diversité, alors que les inégalités seraient plutôt le résultat d’un pernicieux phénomène de
… neoracism, which is nothing like the overt hatred, exclusion and annihilation of the Other that traditional racism entails, but a subtle dismissal of cultural norms, values or identities that purportedly fail to satisfy the fundamental liberal-democratic imperatives of equality and social justice. […] despite the pluralist credo and injunctions of the state, individuals and even the state apparatus resisted the expression of minority cultural norms in Quebec public sphere in the name of equality and democracy (Salée, 2007, p. 125).
Une version moins radicale de cette critique soutient que les politiques de prise en compte de la diversité, grâce à la modulation des règles et des normes institutionnelles, s’articulent autour d’un postulat culturaliste, de telle sorte que
… cette approche comporte toujours le risque d’essentialiser et de figer les différences culturelles, réelles ou présumées, des minorités racialisées en particulier. Or, dans le contexte actuel, les problèmes d’intégration auxquels sont confrontés ces groupes, par exemple dans la recherche d’un emploi, sont précisément alimentés par des stéréotypes leur assignant une différence culturelle, tantôt hypertrophiée, tantôt fantasmée, mais qui dans tous les cas demeure conçue comme irréductible à la culture majoritaire (Eid et Labelle, 2013, p. 20).
En fin de compte, l’interculturalisme (tout comme le multiculturalisme) négligerait de s’en prendre aux facteurs structurels d’exclusion qui relèvent de la segmentation du marché du travail et de la reproduction des inégalités pour ne s’intéresser qu’aux dimensions culturelles et identitaires de l’intégration.
À ce chapitre, selon les tenants de ce courant critique, le Québec ne fait pas exception, toutes les sociétés occidentales partageant ce travers. L’explication tient au fait que tous les États ont développé des mécanismes de justification et de normalisation des rapports de domination et de violence qui profitent au groupe hégémonique. En d’autres termes, l’exclusion sociale fonde la logique étatique, et les distinctions raciales participent à cette dynamique. C’est pourquoi les tenants du courant différentialiste se montrent particulièrement critiques à l’endroit de l’approche axée sur la reconnaissance de la diversité ; celle-ci ne peut selon eux être totalement ouverte et permissive, puisqu’elle impose le cadre institutionnel et juridique propre aux sociétés démocratiques libérales. Ainsi, la pensée eurocentrique (qui s’appuie sur les valeurs et principes, dits universels, qui s’inscrivent dans la tradition démocratique libérale) justifie la présence de hiérarchies sociales et culturelles en posant comme supérieures certaines normes par rapport à d’autres, considérées comme moins évoluées. Les progrès historiques des sociétés héritières de l’âge des Lumières, et les traditions et les institutions démocratiques qui se sont développées dans son sillage revêtiraient ainsi une supériorité morale face aux traditions non occidentales.
Dans cette perspective, selon les tenants de la critique différentialiste, les discours et les politiques multi-culturels et interculturels sont conçus et mis en place pour légitimer l’hégémonie des populations eurodescendantes. Ces dernières, en contrepartie, se montrent prêtes à -accepter les minorités racialisées, –à -condition qu’elles ne remettent pas en question les pouvoirs du groupe dominant ainsi que sa capacité de déterminer les conditions de l’inclusion au sein de la communauté politique et de définir les paramètres de l’appartenance nationale et des droits associés à la citoyenneté. Qui plus est, en contexte québécois, l’interculturalisme ne pourrait donc viser autre chose que l’assimilation des immigrants et des groupes minoritaires, dans le but de préserver et de maintenir l’identité et la culture majoritaires, et ce, en se drapant des vertus de l’ouverture et de la tolérance (Mahrouse, 2008).
Du point de vue différentialiste, la mise au rancart de l’eurocentrisme ne peut se réaliser que grâce à une véritable révolution dont on ne peut que souligner le caractère utopique : dans ce contexte, l’interculturalisme doit être conçu comme « un double processus impliquant d’abord la déconstruction des hiérarchies socioéconomiques et culturelles (par lesquelles la majorité confine à la marge les minorités ethnoculturelles), puis la reconfiguration de la matrice des rapports de pouvoir et de domination » (Salée, 2010, p. 167).
Ainsi, les critères de citoyenneté, les conditions d’existence des minorités racialisées et les modalités de leur participation à l’élaboration de la définition de la communauté politique doivent être revus sur des bases nouvelles reposant sur l’égalité radicale des acteurs. Cette stricte égalité, cette absence de hiérarchie entre les groupes et le rapport de non-domination qu’elle exige nécessitent à la fois l’acceptation inconditionnelle de valeurs socioculturelles qui peuvent sembler s’opposer à celles de la culture dominante, et la possibilité que ces groupes puissent constituer des espaces distincts pour assurer leur accomplissement et leur développement. Cela signifie l’acceptation et le respect de valeurs et de pratiques de groupes qui pourraient être considérés comme étant aux antipodes des normes socioculturelles et institutionnelles dominantes. Procéder autrement conduirait évidemment à reproduire la violence intrinsèque des rapports qui reposent sur la distinction -majorité-minorité, une distinction qui ne permet l’expression de l’altérité que dans un cadre établi en fonction des préférences hégémoniques portées par le groupe dominant. En d’autres termes, l’interculturalisme ne prendrait tout son sens qu’en l’absence complète de rapports de pouvoir.
Les tenants d’une critique que l’on pourrait qualifier d’interactionniste reconnaissent la spécificité du modèle proposé par le Québec, mais ils le critiquent en affirmant qu’il a dilué, voire instrumentalisé, l’orientation interculturelle en tant que tradition de pensée. D’abord, les interactionnistes, au lieu de se concentrer sur la problématique de l’immigration, posent plutôt un regard sur les dynamiques de groupe et les rapports de pouvoir en contexte pluraliste, surtout dans un contexte urbain. De ce point de vue, l’immigration n’est pas selon eux un problème en soi, mais plutôt une réalité qui traverse toutes les sociétés modernes qui se sont construites à partir de vagues migratoires. Ils prêtent alors attention aux interactions entre la société d’accueil (déjà composée d’une grande diversité socioculturelle) et les personnes issues de l’immigration ancienne ou récente. Ce sont donc les rapports sociaux dans un cadre de diversité ethnoculturelle qui font l’objet principal de leur réflexion et non le processus migratoire uniquement, bien que les premiers découlent évidemment du second. C’est pour cette raison que les interactionnistes dissocient interculturalisme et immigration, dans la mesure où les enjeux interculturels perdurent bien après l’arrivée d’immigrants.
Ensuite, les interactionnistes ne cherchent pas à privilégier le discours d’un groupe par rapport à celui d’un autre. Ils souhaitent plutôt créer les conditions nécessaires au dialogue : « En s’épuisant dans une préoccupation d’ordre politique visant expressément l’intégration d’une partie de la population dans une autre partie donnée majoritaire, l’interculturalisme qui devait constituer un outil d’“arbitrage difficile” s’installe de fait dans un déséquilibre structurel » (Emongo, 2014b, p. 226). Dès qu’un statut de préséance est attribué à un groupe, surtout un groupe majoritaire, la logique interculturelle serait mise à mal : « même si la “culture commune” permet des rapprochements et des contacts, elle semble être principalement au service de la “majorité culturelle”, car c’est elle qui peut se perpétuer en se renouvelant et en prenant de l’expansion » (Frozzini, 2014, p. 109). Dans le contexte de cette asymétrie, au Québec, les immigrants sont perçus comme une ressource (humaine, économique et politique) pour la société d’accueil qui cherche à combattre le vieillissement, le chômage et le déclin du français (Côté, Frozzini et Gratton, 2013).
Les interactionnistes critiquent non seulement l’instrumentalisation des immigrants, mais aussi celle de la pensée interculturelle. Ils constatent la présence de termes souvent associés à la tradition de pensée interculturelle (« dialogue », « compréhension », « rapprochement », « contact ») dans les discours sur l’interculturalisme en tant que politique publique, mais ils critiquent l’absence d’analyse des situations d’interaction (dans le sens du premier registre, « l’interculturalité »). White et Emongo notent « le risque de fournir sans débat véritable une caution scientifique à une probable instrumentalisation politique du terme, à partir d’une analyse biaisée de la réalité historique et socioculturelle du Québec » (2014, p. 12).
Par ailleurs, en réponse à une tendance qui cherche à situer les origines de l’interculturalisme dans les institutions gouvernementales au cours des années 1980 (Rocher et al., 2007), les interactionnistes insistent sur le fait que cette orientation politique est elle-même le résultat d’une série de rencontres historiques entre immigrants et Québécois « de souche » (Anctil, 1988 ; Gratton, 2014), rencontres qui font partie d’une histoire peu connue, pour ne pas dire cachée. De cette façon, chaque tentative de définir le « nous » engendre des actes d’exclusion et d’effacement de certains groupes (Toledo Freiwald, 2011 ; Pruneau, 2013 ; Frozzini, 2014 ; El-Ghadban, 2013), l’exemple le plus ancien étant celui des peuples autochtones (voir, par exemple, Bouchard, 2012).
C’est donc dire que les tenants de l’approche interactionniste critiquent le modèle interculturel québécois en tant que politique publique parce que ce dernier ne correspondrait pas à une démarche interculturelle dans le sens fort du terme : nul ne saurait entrer en dialogue avec l’Autre sans au préalable se voir comme porteur de culture. C’est cet aspect, selon les interactionnistes, qui différencie l’interculturalisme du multiculturalisme (Rocher et al., 2007, p. 40-44). L’interculturalisme québécois serait donc pris au piège de son passé, un passé qui témoigne des liens qui existent entre le sentiment national et une certaine notion du sacré (Blattberg, 2004).
Une véritable démarche interculturelle exigerait ainsi une analyse nuancée des codes qui peuvent être source de conflit ou d’incompréhension entre personnes de différentes origines (Gratton, 2009). Pour les interactionnistes, la logique des accommodements — aussi raisonnables soient-ils — n’est pas une solution, puisqu’il s’agit surtout d’un mécanisme juridique et qu’elle ne s’inscrit pas dans une vision politique alimentée par une éthique relationnelle (voir par exemple Blattberg, 2014), vision qui oblige de documenter la cohabitation dans les espaces publics (Bourdin, Germain et Lefeuvre, 2005 ; Germain, 2013 ; Radice, 2008), mais aussi les formes plus intimes d’interaction (Germain et Dejean, 2013 ; Gélinas et Meintel, 2012 ; LeGall et Meintel, 2013). D’un point de vue interactionniste, l’intérêt porté à l’interculturalisme découle du fait que cette approche permet un rapprochement entre différentes visions du monde ; le résultat de cette interrelation ne serait pas la communion ou la fusion, mais une transformation mutuelle qui passerait par la mécompréhension et, dans certaines circonstances, le conflit (Anctil, 2014 ; Guilbert, 2004 ; Blattberg, 2004).
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Le tour d’horizon des critiques de l’interculturalisme québécois que nous venons de faire montre que cette approche est loin de faire consensus. Le contraire aurait été étonnant d’ailleurs. Si le premier registre du terme « interculturel » (réalité sociologique) ne cause pas de problème, nous ne pouvons en dire autant des deux autres. En fait, les finalités associées à l’interculturalisme diffèrent selon ces courants critiques. Pour les monistes, il faut essentiellement préserver, sinon renforcer l’unité et la cohésion sociale. Dans cet esprit, la diversité doit graduellement s’atténuer pour favoriser la mise en place d’espaces sociaux et politiques au sein desquels se déploient les rencontres. La convivialité, dont les contours sont fixés par le groupe majoritaire, nécessite l’adhésion à des valeurs communes, et l’expression des identités singulières doit se réaliser dans les espaces privés. Les pluralistes, pour leur part, cherchent à définir les conditions nécessaires pour permettre aux individus et aux communautés d’établir des relations sociales harmonieuses en dépit de systèmes de valeurs, de croyances et de comportements différents, dans le cadre d’une société libérale démocratique qui impose néanmoins certaines limites. Le principal point d’achoppement que soulignent les pluralistes quand ils critiquent le modèle québécois concerne la société de référence au sein de laquelle ces rapports doivent être mis en œuvre.
De son côté, la critique que nous avons qualifiée de différentialiste traite surtout de la reproduction des rapports de pouvoir et de domination invariablement présents dans les démocraties libérales. Les différentialistes dénoncent l’oppression symbolique et matérielle exercée par le groupe dominant et vont jusqu’à privilégier le maintien des caractéristiques propres aux groupes minoritaires.
Enfin, pour les tenants de la critique interactionniste, les relations entre les citoyens s’inscrivent dans une attitude d’écoute et d’apprentissage mutuel. En ce sens, une politique qui se dit interculturelle ne peut être qu’un oxymoron, puisque les conditions des interactions sont, au préalable, fixées par les autorités publiques. Dans un tel contexte, il ne peut y avoir d’échanges fondés sur l’absence de hiérarchie entre les interlocuteurs, ce qui cause problème pour qui adhère à une approche interculturelle. Bref, nul besoin d’être devin pour prédire que si le gouvernement du Québec décidait d’adopter officiellement une politique dite interculturelle — qui dépasserait donc les énoncés généraux qui servent actuellement de balises —, il ferait l’objet d’une certaine réprobation selon les courants que nous avons identifiés.
La comparaison entre le multiculturalisme canadien et l’interculturalisme québécois est souvent une source de confusion parce qu’elle fait ressortir des différences de perception, mais aussi parce qu’elle implique des différences d’échelle20 : du point de vue de l’analyse systémique (Gratton, 2013), en effet, la difficulté de compréhension vient du fait que les objets que l’on regarde sont situés à des échelles différentes du système (fédéral et provincial). L’interculturalisme comme politique se pratique principalement à l’échelle provinciale, mais la tradition de pensée interculturelle existe à toutes les échelles de gouvernement, du fédéral au municipal. L’analyse des différents ordres de gouvernement et des rapports qu’ils entretiennent (multi-level analysis) permet de constater des divergences à multiples niveaux : entre les politiques des États fédéral et provinciaux, et les gouvernements municipaux (Good, 2009 ; Poppelaars et Scholten, 2008 ; Gilbert 2009), entre les différentes villes d’un même pays (Scholten, 2013) et même à l’intérieur d’une région métropolitaine (Fourot, 2013 ; Jacobs, 2001).
Par ailleurs, en ce qui concerne la gestion de la diversité ethnoculturelle, plusieurs analystes ont remarqué une tendance de décentralisation vers les gouvernements municipaux (Penninx, 2009 ; Gagnon et Jouve, 2009 ; Alexander, 2003). Cette tendance est particulièrement forte au Canada (Joppke et Seidle, 2012), mais on l’observe aussi ailleurs, notamment dans des programmes qui visent à renforcer les capacités des villes (par exemple Villes d’intégration, de la Commission européenne et d’Eurocities, et Cités interculturelles, du Conseil de l’Europe). La redéfinition des rôles et des mandats se traduit souvent par une reconfiguration des échelles (rescaling) (voir Brenner 1999), et cette transformation demande des analyses plus nuancées de la coopération et la contestation entre les différents acteurs et niveaux de gouvernements (Hepburn et Zapata-Barrero, 2014). C’est pourquoi nous nous pencherons maintenant sur le phénomène de l’interculturalisme à l’échelle des municipalités.
Des études récentes sur l’immigration au Canada ont mis en lumière des changements démographiques importants dans les différentes régions métropolitaines du pays. Nous savons, par exemple, que la grande majorité des nouveaux arrivants au Québec s’établissent à Montréal (environ 70 p. 100) et que le nombre des membres des minorités visibles pourrait doubler au cours des 20 prochaines années dans la région métropolitaine21. Selon Statistique Canada (2005), d’ici 2017 environ 75 p. 100 des citoyens membres des minorités visibles vivront dans l’une des trois grandes villes canadiennes (Toronto, Vancouver ou Montréal). Bref, l’intégration des personnes issues de l’immigration se fait d’abord dans les grandes agglomérations urbaines, et les municipalités font face à des défis de plusieurs ordres de grandeur.
Malgré l’importance que le phénomène prend à l’échelle municipale, la recherche sur les politiques publiques en matière d’intégration s’intéresse principalement à l’échelle fédérale ou provinciale :
Despite the urban character of immigration to Canada and other settler states, scholarship on the responses of public authorities to migration has been dominated by state-level typologies of laws governing territorial admission and citizenship (Tossutti, 2012 ).
D’autres auteurs (Penninx, 2009 ; Glick Schiller et Çağlar, 2008) partagent ce point de vue. De plus, selon Gagnon (2009), les débats qui portent sur les deux approches que sont le -multiculturalisme et l’interculturalisme ont renforcé cette tendance au Canada. Plusieurs analystes ont également souligné que les villes jouent un rôle de plus en plus important en ce qui a trait aux politiques et aux programmes qui ciblent l’intégration des nouveaux arrivants (Alexander, 2003) ; Penninx et al., 2004). Il est donc important de regarder de plus près ces tendances.
Premièrement, les communautés ethnoculturelles ont tendance à s’organiser à l’échelle locale (Vertovec, 1999), une réalité politique qui crée des opportunités, mais aussi des défis pour les gouvernements municipaux. Deuxièmement, grâce à leurs rapports de proximité avec les citoyens et à la souplesse relative de leurs institutions, les villes se sont vu octroyer plus de responsabilités dans l’organisation des services publics, y compris dans certains domaines qui ne relèvent pas de leurs compétences traditionnelles (Gagnon, 2009). Troisièmement, l’évolution des politiques municipales peut avoir un effet sur les structures de gouvernance : « Urban governments, with their rich history of collaborating with citizens and the voluntary and private sectors to achieve public goals, are at the forefront of the paradigm shift from government to governance » (Good, 2009, p. 4-5). La situation de Montréal est singulière parce que la métropole doit composer avec une réalité linguistique complexe, mais aussi parce que Montréal se trouve parfois coincée entre deux modèles d’intégration, celui que propose le Canada et celui que propose le Québec (Germain, 2013)22.
Depuis une dizaine d’années, plusieurs études ont été publiées sur la gestion de la diversité et l’intégration des immigrants dans les municipalités au Canada (Fourot, 2013 ; Poirier, 2005 et 2004 ; Germain et al., 2003 ; Rocher, 2013 ; Tate et Quesnel, 1995 ; Wallace et Frisken, 2000). Alors que certaines analyses s’intéressent à la réceptivité ou à l’ouverture des administrations municipales (par exemple Good, 2005), d’autres se penchent davantage sur les orientations idéologiques des politiques et la place qu’elles devraient prendre dans l’espace public (Poirier, 2004 ; Tate et Quesnel, 1995). Plusieurs études adoptent par ailleurs un point de vue comparatif (Fourot, 2013 ; Gilbert, 2009 ; Poirier, 2004, 2005 et 2009 ; Tate et Quesnel, 1995 ; Tossutti, 2012).
Ainsi, l’analyse de Rocher (2013) illustre les écarts entre les discours et les pratiques dans cinq municipalités québécoises, ce qui permet de dresser un portrait partiel à l’échelle de la province. L’étude de Germain et al. (2003) documente des politiques et des programmes municipaux à l’échelle des arrondissements dans la région métropolitaine de Montréal, en portant une attention spéciale aux politiques et aux programmes interculturels. Fourot (2013) présente une analyse détaillée des différences des trajectoires de Laval et de Montréal à partir du concept de « mécanisme de médiation ». Selon Germain et Alain (2009), « l’adhocratie » — la politique du cas par cas (ad hoc), étant donné l’absence d’une politique officielle — qui caractérise les actions à Montréal pourrait présenter certains avantages, notamment le recours à une approche pragmatique qui mettrait plus d’accent sur l’appartenance civique. Tossutti a démontré que peu de villes appliquent un modèle que l’on pourrait qualifier de multiculturaliste : « In most study sites, the intercultural or civic universalist approaches prevailed » (2012, p. 24). Cette étude soulève des questions intéressantes non seulement par rapport à la mise en place d’une orientation multiculturaliste à l’échelle locale, mais aussi sur les liens qui peuvent exister entre les approches civiques et les approches interculturelles.
Puisque le gouvernement du Québec n’a jamais adopté d’orientations claires à l’endroit de l’interculturalisme (Rocher et al., 2007 ; Germain et Alain 2009), il n’y a rien d’étonnant à constater la variété des approches municipales qui se réclament des principes interculturels (Rocher, 2013) ; néanmoins, elles s’inscrivent toutes dans une démarche caractérisée par le pragmatisme (Poirier, 2005). Le cas de la Ville de Montréal permet de confirmer cette analyse, puisque la Ville compte près de 25 ans d’expérience dans la lutte contre la discrimination, la promotion de la diversité ethnoculturelle et les relations interculturelles (Ville de Montréal, 2011). Notons toutefois que Montréal ne s’est jamais dotée officiellement d’une politique interculturelle23. Selon Fourot, Montréal aurait suivi une trajectoire assez distincte de celle de Laval :
Alors que la configuration montréalaise a été balisée par l’apogée du discours de lutte contre les discriminations, celle de Laval est influencée par les critiques du multiculturalisme fédéral au bénéfice du « discours citoyen » défendu par la province de Québec dans un contexte où les gouvernements se disputent l’allégeance nationale des immigrants et des minorités ethniques (2013, p. 211).
Pour Germain et Alain (2009), Montréal constitue en quelque sorte une énigme : bien qu’elle ne soit pas dotée d’une politique globale, on n’a pas assisté à l’instrumentalisation politique des minorités ethnoculturelles. Germain (2013) parle d’un cosmopolitisme de quartier, typique des arrondissements les plus diversifiés à Montréal, et considère que l’absence de politique officielle pourrait avoir des effets positifs24.
Le gouvernement du Québec reconnaît les compétences municipales en matière d’intégration et d’accueil des populations issues de l’immigration25. En même temps, les municipalités réclament plus de ressources pour répondre aux besoins des citoyens, dont un nombre croissant sont nés à l’étranger. Depuis le début des années 2000, une collaboration entre le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC) et certaines municipalités a donné lieu à une série d’ententes en vue de faciliter l’intégration et l’insertion professionnelle des nouveaux arrivants (Germain et Trinh, 2010). Selon Fourot (2013), les différentes ententes MICC-villes illustrent clairement la tendance récente au transfert des ressources afin de soutenir les actions d’intégration : le gouvernement fédéral distribue des ressources financières au Québec, qui, à son tour, les achemine vers les municipalités. De manière concomitante, ces ententes se caractérisent par des relations tendues entre les ordres de gouvernement qui doivent composer non seulement avec les différences d’échelle, mais aussi avec des conceptions idéologiques concurrentes26. Il n’en demeure pas moins que l’effort nécessaire pour faciliter l’intégration des nouveaux arrivants demande un investissement important au chapitre de la concertation, non seulement entre les gouvernements municipaux et provinciaux, mais aussi entre les différentes municipalités (Union des municipalités du Québec, 2012).
En 2012, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) a publié un Livre blanc sur l’avenir des municipalités. Le plan d’action préconise un travail sur le rapprochement entre citoyens et instances décisionnelles, et la réconciliation entre les instances des pouvoirs provincial et -municipal. On y retrouve les notions de villes inclusives et villes accueillantes, ce qui indique un timide intérêt à l’endroit de la diversité sociale et culturelle.
L’UMQ est consciente de la fracture qui existe entre la région métropolitaine et le reste de la province, où un petit nombre de villes accueille la grande majorité des personnes issues de l’immigration (Union des municipalités du Québec, 2012 ; Rioux, 2012). Les régions subissent pourtant une pénurie de main-d’œuvre et les conséquences d’une population vieillissante, alors que la région métropolitaine affiche des taux de chômage plus élevés et compte une population de plus en plus jeune (Institut de la statistique du Québec, 2009). De plus, les minorités visibles et ethnoculturelles, surtout présentes dans les grandes villes, sont touchées de façon disproportionnée par les problèmes d’appauvrissement (Allard, 2014 ; Arcand, Lenoir et Helly, 2009 ; Tossutti, 2012). Force est donc de constater que la fracture entre la région métropolitaine et les régions, dont parle le sociologue Guy Rocher, ne constitue pas uniquement un enjeu économique, mais également linguistique, religieux et ethnique (Rocher, 2010, p. 100).
Les villes ont toujours été des lieux de cohabitation entre les populations de diverses origines, des espaces où les résidents peuvent poursuivre des objectifs similaires malgré les différences qui les séparent. De ce point de vue, la notion de ville interculturelle n’a rien de nouveau. Cependant, au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à l’émergence d’un mouvement international qui vise à formaliser le statut de la ville interculturelle (Cantle, 2012 ; Wood, 2009 ; Wood et Landry, 2008). Cette approche, qui met l’accent sur les interactions positives (Ajuntament de Barcelona, 2010) sans négliger les problèmes liés à la discrimination (Wood et Landry, 2008), insiste sur l’importance des appartenances civiques pour aller au-delà de la simple cohabitation et ainsi favoriser des relations caractérisées par la convivencia (Giménez Romero, 2009). Dans le cadre d’un programme de recherche-action communautaire qui vise à documenter les relations interculturelles à l’échelle locale, le chercheur Carlos Giménez Romero fait la distinction entre des relations d’hostilité, de coexistence et de convivialité (Obra Social « La Caixa », 2012)27. La notion de conviviencia a joué un rôle clé dans la planification du Plan interculturel de Barcelone, généralement considéré comme l’une des politiques interculturelles municipales les plus élaborées dans le réseau émergent de villes interculturelles (Ajuntament de Barcelona, 2010)28.
Depuis le milieu des années 2000, le Conseil de l’Europe a joué un rôle important dans ce domaine, non seulement pour rassembler différentes municipalités, mais aussi pour documenter et diffuser l’expertise en matière de politiques interculturelles (Council of Europe, 2008 et 2013)29. Dans le cadre du programme Cités interculturelles, le Conseil a dressé une liste de plus de 50 municipalités européennes qui se distinguent par leurs politiques et leurs programmes interculturels : les responsables du programme ont ainsi créé et publié un index qui permet en principe la comparaison des municipalités participantes malgré des différences importantes de trajectoire et de grandeur30. En mai 2011, Montréal a été reconnue comme la deuxième cité interculturelle en Amérique du Nord (après Mexico), et arrive en cinquième position parmi toutes les villes qui participent au programme pour ce qui est de son approche interculturelle31. Cette reconnaissance a été soulignée au moment du Symposium international sur l’interculturalisme, organisé en collaboration avec le Conseil de l’Europe, qui s’est tenu en mai 2011 à Montréal (Bouchard et al., 2011 ; White, 2014).
La notion de diversity advantage privilégiée par le Conseil de l’Europe prône l’idée que la diversité ethnoculturelle ne devrait pas être perçue comme une menace pour les sociétés d’accueil, mais plutôt comme une valeur ajoutée (Wood, 2009 ; Zapata-Barrero, 2013). On fait valoir que les groupes de travail diversifiés sont plus créatifs et aussi plus efficaces que les groupes homogènes. L’approche du programme Cités interculturelles met l’accent sur le partage de bonnes pratiques et propose une méthodologie qui s’appuie sur la métaphore de « la boîte à outils ». Les architectes du programme sont conscients des limites du modèle proposé, notamment en ce qui concerne, dans un premier temps, la capacité des indicateurs de prendre en considération les facteurs contextuels et historiques, et, dans un deuxième temps, la disponibilité des outils permettant d’évaluer le contenu et l’incidence des politiques interculturelles. Par ailleurs, les critiques que certains ont formulées à l’endroit du programme du Conseil de l’Europe portent sur la pertinence de considérer la diversité comme une valeur ajoutée. En effet, une analyse systémique de la migration démontre plutôt que les mouvements migratoires ne peuvent être dissociés des besoins d’une main-d’œuvre peu coûteuse et mobile (Côté, Frozzini et Gratton, 2013).
Lors d’un forum tenu à Montréal en mai 2014 sur les cadres de référence interculturels qui s’offrent aux villes, les conférenciers et les participants ont eu l’occasion d’échanger entre autres sur ces sujets32. Le forum a permis de dégager un certain nombre de conclusions et plusieurs points de convergence entre les villes interculturelles. Parmi les recommendations, notons : 1. que les municipalités assument un rôle plus important dans la conception et la mise en place de politiques en matière de diversité ; 2. que ces dernières prennent en considération les différents courants de pensée sur la gestion de la diversité ethnoculturelle, sans négliger la complémentarité de ces courants ; 3. que l’on mette davantage l’accent sur les processus politiques et les cadres d’analyses comparatives. S’inscrivant dans une « philosophie d’action » (Ville de Montréal, 2011), des villes comme Montréal sont particulièrement bien placées pour concevoir des politiques qui tiennent compte à la fois des besoins d’une population diversifiée et du contexte mondial actuel qui se traduit par l’intensification des contacts entre personnes de différentes origines. Cette réflexion s’avère d’autant plus importante dans un contexte où Montréal cherche, en demandant d’obtenir le statut de métropole, à se repositionner du point de vue de la gouvernance (Coderre, 2014).
Comme nous l’avons vu, il existe au Québec une certaine confusion autour du terme « interculturel », qui s’explique non seulement par la présence de plusieurs registres de signification (réalité sociologique, tradition de pensée, politiques publiques), mais aussi par l’inscription relativement tardive et imprécise du terme dans le vocabulaire utilisé pour désigner l’approche québécoise en matière de gestion de la diversité ethnoculturelle. De plus, nous ne saurions passer sous silence le caractère éminemment politique de l’exercice visant à qualifier les politiques québécoises qui, depuis 1971, cherchent à s’inscrire en porte-à-faux avec le multiculturalisme canadien. Pourtant, le portrait détaillé des similitudes et des différences entre l’approche de gestion de la diversité du Canada et celle du Québec montre que les deux s’appuient sur certains principes normatifs communs (reconnaissance de la diversité, lutte contre la discrimination, création de mécanismes de consultation, etc.), mais qu’il y a également des divergences importantes entre les deux, principalement en raison des circonstances dans lesquelles elles se sont développées.
Qui plus est, la prise en compte des responsabilités qu’assument les villes démontre que l’analyse des similitudes et des différences entre le Québec et le Canada n’est pas une question purement théorique. Ces éléments de convergence et de divergence interpellent aussi les municipalités, puisqu’ils constituent les points d’ancrage et de référence de leurs interventions. Le besoin d’agir en offrant des services de proximité nécessite une bonne connaissance des principes qui sous-tendent les politiques de gestion de la diversité à l’échelle canadienne et québécoise.
Plusieurs constats se dégagent de notre tour d’horizon. Premièrement, comme nous l’avons constaté plus haut, la politique d’intégration à laquelle est associé l’interculturalisme est polysémique ; elle fait l’objet d’interprétations contradictoires et d’importantes critiques qui reposent sur des éléments diamétralement opposés, car ils sont liés à diverses manières de poser le rapport avec l’Autre. Deuxièmement, l’approche québécoise demeure imprécise est n’est inscrite dans aucune politique structurante : il n’existe donc aucun énoncé de politique ou texte législatif en cette matière, alors que c’est le cas pour le multiculturalisme canadien. Pour ces raisons, il nous semble particulièrement pertinent (sinon urgent) de clarifier l’approche québécoise et de préciser le sens que l’État entend donner à la notion d’interculturalisme. Nous faisons donc les recommandations suivantes :
Quelle que soit la compréhension de l’interculturalisme privilégiée par l’État québécois, il est hautement prévisible, comme nous l’avons souligné, que celle-ci fera l’objet de vives critiques. La teneur de ces critiques est elle aussi en grande partie prévisible, et il est raisonnable de penser qu’elles s’articuleront autour des quatre courants que nous avons définis. Cela étant, il importe que le gouvernement, dans ce Livre blanc, tienne compte, en amont, des différentes critiques que nous avons mentionnées, afin de leur apporter une réponse avant que le débat ne se fasse. Il serait naïf de croire que cette façon de faire suffira pour désamorcer toutes les critiques, mais elle aurait l’immense avantage d’amener l’État à mieux justifier ses choix et ses orientations à la lumière des objections qui ne manqueront pas d’être soulevées. C’est ce qui nous conduit à la recommandation qui suit.
Une fois que ce travail de clarification sera effectué, et après la tenue d’un débat public sur la question, il nous semble particulièrement important que l’État québécois se dote d’un énoncé de politique et même d’un cadre législatif qui pourrait porter le nom de Politique québécoise en matière d’interculturalisme. Bien sûr, dans une démocratie libérale, il est illusoire de penser que le gouvernement puisse obtenir un appui unanime de la part de tous les intervenants et acteurs sociopolitiques. Nous faisons néanmoins la recommandation qui suit.
Depuis environ 30 ans, il y a une explosion de recherches sur l’immigration, l’intégration des immigrants et la gestion de la diversité. Ces recherches ont mis en évidence des problèmes liés au racisme et aux différentes formes de discrimination de même qu’aux rapports entre ces deux phénomènes et les inégalités sociales que vivent les membres des minorités visibles et ethnoculturelles. Dans ce domaine, les chercheurs ont également insisté sur l’importance de la reconnaissance de la diversité pour assurer l’égalité des chances de tous les citoyens. Les études sur l’interculturalisme, par contre, se font plus rares et portent davantage sur le contact entre la société d’accueil et les personnes issues de l’immigration : les différentes façons de « vivre ensemble », les incidences positives de l’immigration sur la société d’accueil, le rapprochement entre les communautés, etc. (voir Rocher, 2013 ; Emongo et White, 2014). Afin d’assurer que la vision interculturelle du Québec reflète cette diversité de pratiques et de pensées, nous faisons les recommandations qui suivent.
À l’heure actuelle, tant au Canada (Citoyenneté et Immigration Canada) qu’au Québec (ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion), les responsabilités liées à l’interculturalisme relèvent principalement du ministre responsable de l’immigration, quel que soit le nom qui désigne le ministère concerné, et l’interculturalisme s’insère d’abord dans une stratégie qui vise essentiellement les populations d’immigration récente. Or le rapprochement et le dialogue interculturels entre les citoyens sont bien sûr liés à la question de l’immigration récente, mais ils dépassent également ce simple phénomène, comme en fait foi le dernier plan stratégique du gouvernement du Québec, déposé en 2013. Le rapprochement et le dialogue interculturels sont une nécessité qui s’impose du fait de la diversification des origines d’une importante partie des citoyens, qu’ils soient d’immigration récente ou ancienne. De la même manière, les problèmes sociaux qui découlent de la discrimination et de certaines manifestations racistes relèvent d’un champ d’intervention qui vise à combattre toutes les formes d’exclusion sociale et économique qui nuisent à la participation citoyenne. C’est pourquoi nous proposons de mieux circonscrire les conditions nécessaires au rapprochement, au dialogue et à l’éducation en faisant la recommandation qui suit.
Dans ce contexte, on doit traiter les défis liés au pluralisme religieux comme constituant une question qui, bien que liée au phénomène de l’immigration, dépasse ce seul enjeu. En effet, la liberté de religion relève des droits de la personne et des principes fondamentaux qui définissent les démocraties libérales et pluralistes, et elle est encadrée par des conventions internationales et des chartes des droits de la personne, ce dont il est crucial de tenir compte et qui nous conduit à la recommandation qui suit.
En ce qui concerne le rôle des municipalités, nous avons constaté que le modèle des villes interculturelles, qu’a adopté Montréal, permet de jeter un éclairage sur les tensions associées à de la diversité dans plusieurs pays industrialisés et sur les différentes façons de concevoir et de baliser la gestion de cette diversité. Ce modèle d’innovation politique et sociale permet également d’imaginer plusieurs types de ponts entre les citoyens et l’État, sans pour autant nier le rôle productif des conflits et de la délibération (Wood et Landry, 2008). Les municipalités jouent un rôle important dans la compréhension que nous devons développer des dynamiques entre les personnes ayant différentes origines. De plus, comme nous l’avons démontré, les villes offrent un contexte particulièrement riche pour faire avancer la réflexion sur la formulation des politiques publiques en matière d’inclusion et de cohésion sociale (Conseil interculturel de Montréal, 2010 et 2014 ; Wood, 2009 ; Cantle, 2012 ; Zapata-Barrero, 2014).
Il est donc important de reconnaître l’importance du rôle des municipalités dans la dynamique du rapprochement et du dialogue interculturels. À cause de l’effet de proximité, mais aussi de la facilité avec laquelle des liens affectifs se développent entre les citoyens et la ville, les politiques interculturelles ne peuvent pas faire l’économie d’un engagement explicite et soutenu des municipalités, et tout particulièrement de celui des grandes agglomérations urbaines. Pour ces raisons, et en vue de mieux définir la spécificité du modèle québécois d’interculturalisme, nous faisons les deux recommandations qui suivent.
Bref, il nous semble particulièrement urgent que l’État québécois se dote enfin d’une politique claire en matière de diversité et qu’il porte une attention spéciale au rôle que les municipalités doivent jouer dans ce domaine. Cette réflexion doit être menée dans un contexte qui n’est pas marqué par un « état de crise », réel ou imaginaire, portant sur l’un ou l’autre des enjeux qui nuisent, parfois de façon déplorable, aux rapports entre les Québécois de toutes les origines. Une telle démarche permettrait d’officialiser l’approche québécoise et de lui donner un caractère structurant, ce qui lui fait cruellement défaut présentement. Voilà pourquoi nous jugeons important que, à la suite d’une consultation publique organisée après la publication d’un Livre blanc sur sa politique en matière de gestion de la diversité et de l’interculturalisme, l’État adopte une loi pour encadrer et pérenniser cette politique, ce qui lui permettra du coup d’établir clairement en quoi celle-ci se distingue de la politique du multiculturalisme canadien.
Les auteurs aimeraient remercier Pierre Anctil, Gilles Rioux, Félix Houde, Leslie Seidle et France St-Hilaire, ainsi que les évaluateurs anonymes, pour leurs commentaires et suggestions.
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Cette étude fait partie du programme de recherche Diversité, immigraton et intégration, dirigé par F. Leslie Seidle. La révision linguistique a été effectuée par Jean Bernard, la correction d’épreuves par Félice Schaefli et la mise en pages par Chantal Létourneau. Le graphisme est de Schumacher Design. La coordination de la publication a été assurée par Félice Schaefli.
François Rocher est professeur titulaire à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses intérêts de recherche portent notamment sur les enjeux liés à la diversité pluriethnique et plurinationale, la citoyenneté, la politique constitutionnelle, le fédéralisme canadien et le nationalisme québécois. Il est membre fondateur du Groupe de recherche sur les sociétés plurinationales (GRSP), chercheur régulier au Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ) de l’Université du Québec à Montréal, et chercheur régulier au Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI) de l’Université de Montréal.
Bob W. White est professeur titulaire au Département d’anthropologie de l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI). Il a publié des textes sur la musique populaire, la mondialisation, les politiques culturelles, les méthodes de recherche collaboratives, et les dynamiques et politiques interculturelles. Il est membre du Centre d’études et de recherches internationales (CERIUM), du Groupe interuniversitaire d’études et de recherches sur les sociétés africaines (GIERSA), et du Centre de recherche sur l’intermédialité (CRI). Son plus récent ouvrage (codirigé avec L. Emongo) s’intitule L’interculturel au Québec : rencontres historiques et enjeux politiques (PUM, 2014).
Pour citer ce document :
Rocher, François, et Bob W. White, 2014. L’interculturalisme québécois dans le contexte du multiculturalisme canadien, Étude IRPP no 49, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques.
Montreal – To encourage dialogue and mutual understanding among citizens from diverse backgrounds, Quebec should adopt an official policy on interculturalism, say François Rocher and Bob White in a new IRPP Study. At present, interculturalism is reflected in certain government programs but has no legal status.
“The government should formulate a policy statement, or even a law, to clarify its objectives with respect to diversity and interculturalism and present ways they can be applied. This general framework should broaden the current scope of interculturalism so it encompasses more than immigration and religious pluralism issues.”
Rocher and White observe that cities are particularly fertile ground for the intercultural approach. They suggest that Quebec look to the experience in Europe, where programs such as the Intercultural Cities Network (sponsored by the Council of Europe) have encouraged dialogue and the sharing of good practices among cities with large migrant-background populations.
They recommend that the Quebec government recognize the important role municipal governments play in the process of immigrant integration, by supporting the creation of a network of intercultural cities and encouraging greater coordination among governments.
As they show, from a public policy perspective there are a number of similarities between Canada’s multiculturalism and Quebec’s interculturalism. On the ground, both seek to reduce racism and discrimination and to promote equitable participation and inclusion.
L’interculturalisme québécois dans le contexte du multiculturalisme canadien, by François Rocher and Bob W. White, can be downloaded from the Institute’s website, at irpp.org.
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The Institute for Research in Public Policy is an independent, national, nonprofit organization based in Montreal. To receive our monthly newsletter by e-mail, please subscribe to IRPP News.
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Afin de favoriser l’inclusion des citoyens de toutes origines, le gouvernement du Québec devrait se doter d’une politique cadre sur l’interculturalisme. Cette politique devrait aller au-delà des enjeux propres à l’immigration et au pluralisme religieux. Comme nous l’avons vu pendant le débat sur la Charte des valeurs, une approche qui cible uniquement les minorités religieuses et les immigrants risque de diviser la société québécoise.
Plusieurs lecteurs seront surpris d’apprendre que le gouvernement du Québec n’a pas encore une politique d’interculturalisme. D’autres s’interrogeront sur la signification de ce terme. Comme nous le démontrons dans l’étude que vient de publier l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP), le concept d’interculturalisme et les politiques qui s’en réclament sont souvent mal compris et controversés. Il y a tout de même des éléments qui ne sont pas vraiment contestés.
D’un côté, le terme « interculturel » fait référence à une dynamique associée aux interactions entre personnes venant d’horizons différents (pays d’origine, langue maternelle, religion, etc.). De l’autre côté, le terme « interculturalisme » désigne une orientation politique en matière de diversité ethnoculturelle qui s’est développée au Québec depuis une trentaine d’années. Ses défenseurs soutiennent que le multiculturalisme canadien est mal adapté au Québec et que l’interculturalisme répond mieux à sa réalité. En fait, il existe plusieurs similitudes entre le multiculturalisme canadien et l’interculturalisme; les deux approches favorisent la cohésion, la participation équitable sur le plan économique et social et la lutte contre le racisme et la discrimination.
Ceci dit, les deux modèles reflètent deux trajectoires distinctes. Le multiculturalisme se déploie dans un Canada bilingue, est enchâssé dans la Charte canadienne des droits et libertés et a fait l’objet d’une législation. Au Québec, l’interculturalisme s’inscrit dans le cadre de la politique d’immigration et ne jouit d’aucun statut juridique, même si ses principes sont reflétés dans certains programmes gouvernementaux (comme dans le domaine de l’éducation).
Contrairement au multiculturalisme, qui s’articule au bilinguisme officiel, l’interculturalisme au Québec désigne le français comme langue publique commune. Mais il y a d’autres différences importantes. Premièrement, les deux modèles n’accordent pas le même statut au groupe majoritaire–le multiculturalisme ne reconnaît pas officiellement la présence du groupe majoritaire anglophone alors que l’interculturalisme s’incarne au sein d’une collectivité nationale qui affirme son identité. Deuxièmement, l’interculturalisme mise sur l’appartenance citoyenne et non sur la juxtaposition des cultures. Vues du Québec, ces différences ne sont pas que symboliques.
Mais pourquoi le Québec a besoin d’une politique officielle sur l’interculturalisme ? D’abord, on ne saurait nier que la diversité est un fait de société, ensuite, parce que les interactions se sont multipliées dans tous les milieux. Dans le cadre de nos recherches, nous avons remarqué que divers acteurs sur le terrain expriment le besoin d’avoir des orientations plus claires à partir de la notion d’interculturalisme. Plusieurs parmi eux sont même de l’avis que l’élaboration d’une politique sur l’interculturalisme contribuerait à protéger la paix sociale parfois fragile construite au nom du « vivre-ensemble ».
Il nous semble important que le gouvernement du Québec explique, dans un Livre blanc, le sens à donner au concept d’interculturalisme. Par la suite, il devrait se doter d’un énoncé de politique, voire d’une loi, qui précise ses objectifs et les moyens mis en place pour les atteindre. Cette politique cadre devrait structurer l’interculturalisme dans une perspective distincte de celles de l’immigration et du pluralisme religieux, mettant l’accent sur l’inclusion dans une perspective citoyenne.
Elle devrait aussi tenir compte du fait que l’intégration des personnes issues de l’immigration se réalise d’abord dans les agglomérations urbaines. Grâce à leurs rapports de proximité avec les citoyens et à la souplesse relative de leurs institutions, les villes se sont vues octroyer plus de responsabilités dans l’organisation des services publics. De plus, les communautés ethnoculturelles ont tendance à s’organiser à l’échelle locale.
Les villes constituent un terrain particulièrement fertile pour la mise en œuvre d’approches interculturelles. En mai 2011, Montréal a été reconnue par le Conseil de l’Europe comme la deuxième « cité interculturelle » en Amérique du Nord et s’est trouvé en cinquième position des villes interculturelles à l’échelle mondiale.. C’est dans cette perspective que nous encourageons les municipalités québécoises à mettre de l’avant des politiques et des programmes interculturels qui s’ancreraient dans la politique québécoise afin, entre autres, de faciliter le rapprochement entre les citoyens de toutes origines. La création d’un réseau de villes interculturelles et une concertation accrue entre les ordres de gouvernement renforceraient ces objectifs.
Le 19 novembre dernier, le premier ministre Philippe Couillard a déclaré à l’Assemblé nationale que l’interculturalisme « est le modèle d’accueil de la société québécoise ». Nous sommes évidemment d’accord et espérons que, pendant les mois à venir, cette déclaration sera enfin reflétée dans une politique qui saura orienter les actions du gouvernement du Québec et de ses partenaires.
Bob W. White est professeur titulaire au Département d’anthropologie de l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI). François Rocher est professeur titulaire à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ils sont les auteurs d’une étude que l’IRPP vient de publier, intitulée L’interculturalisme québécois dans le contexte du multiculturalisme canadien.