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Renforcer la démocratie canadienne

Le point sur la réforme électorale dans les provinces canadiennes

Où se situe le Québec ?

Henry Milner 9 septembre 2004

Cinq provinces canadiennes ont entrepris de modifier le processus d’élection de leur assemblée législative. Et, vu la détermination avec laquelle le NPD entend soumettre la question au Parlement fédéral, l’actuel gouvernement libéral minori- taire ne parviendra sans doute pas à l’éluder. Henry Milner analyse ici les progrès réalisés sur la voie de cette réforme, dont le Québec et la Colombie-Britannique ont pris les devants, ainsi que les perspectives qui se dessinent actuellement. On prévoit en effet que l’Assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique, forte de ses 160 membres, proposera en décembre 2004 un nouveau mode de scrutin qui ferait l’objet d’un référendum provincial dès le 17 mai 2005. Et le gouverne- ment québécois, qui doit déposer dans les prochaines semaines un projet de loi sur la question, pourrait s’inspirer de cette proposition.

Déjà, Québec a défini les principes du mode de scrutin qu’il entend pro- poser. Celui-ci repose sur un modèle de représentation proportionnelle (RP) mis au point en Allemagne, qui combine listes de parti et circonscriptions uninomi- nales. Ce système électoral mixte compensatoire a ces dernières années été adop- té par la Nouvelle-Zélande, l’Écosse et le pays de Galles ; contrairement aux autres modes de RP, il présente l’avantage de permettre aux citoyens de conser- ver leur propre représentant de circonscription. Ce que souhaiteront aussi les Canadiens, croit l’auteur.

En vertu de ce système, les électeurs votent deux fois : la première pour une liste de parti, la seconde pour un représentant de circonscription. Les can- didats de circonscription sont élus à la majorité, exactement comme dans l’actuel système majoritaire uninominal ; les suffrages accordés aux partis déterminent alors le total des sièges auquel chacun aura droit. On soustrait ensuite de ce total le nombre de sièges de circonscription obtenus par un parti afin d’établir le nom- bre de députés de liste qu’il aura à l’assemblée. Ce système donne une représen- tation qui se rapproche beaucoup plus d’une véritable proportionnalité que le système électoral majoritaire uninominal, estime l’auteur, qui précise que l’écart entre le résultat final et une proportionnalité parfaite dépend de trois variables : le pourcentage du nombre de sièges de liste attribuables, l’étendue du territoire associé aux listes et les éventuels seuils minimaux imposés pour éviter la pro- lifération des petits partis.

Examinant l’expérience de l’Écosse et de la Nouvelle-Zélande, deux pays comparables aux provinces canadiennes par leurs dimensions et leur tradition britannique, Henry Milner soutient que l’adoption d’un système électoral mixte compensatoire y était justifiée, à deux réserves près. Il faudrait ainsi l’améliorer pour éviter que les députés de liste soient tentés de « changer de camp », sans toutefois imposer, comme en Nouvelle-Zélande, des règles inutilement rigoureuses. Il faudrait ensuite que les provinces qui envisagent un tel système prennent les mesures adoptées en Écosse pour amoindrir d’éventuelles frictions entre députés de liste et de circonscription.

À la lumière de ces expériences, l’auteur résume les circonstances entourant les réformes électorales envisagées en Colombie-Britannique, à l’Île- du-Prince-Édouard, en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Il jette enfin un œil critique sur la variante québécoise du « modèle écossais », et démontre qu’elle rendrait difficile une représentation équitable des petits partis et des femmes. Pour rectifier le tir, il propose des changements qui rapprocheraient le système québécois du modèle écossais.

Introduction

Parmi les démocraties avancées, les États-Unis et le Canada sont les seuls pays qui utilisent un système électoral majoritaire uninominal (SMU, ou scrutin majoritaire uninominal à un tour) tant au palier national qu’au niveau des États et des provinces. Le SMU est né en partie de ce qu’il est convenu d’appeler le modèle de Westminster, c’est-à-dire le système d’institutions politiques dont se sont dotés les Britanniques et qu’ils ont implanté dans leurs colonies, et auquel seul le Canada est resté rigoureusement fidèle. Mais plus pour très longtemps, semble-t-il.

Le débat sur le mode de scrutin canadien, qui n’a véritablement commencé qu’après les élections fédérales de 1997, s’est d’abord fait dans les universités et les centres de recherche avant de mobiliser les assemblées législatives provinciales. Dans Steps to Making Every Vote Count : Canada and Its Provinces in Comparative Context (Milner 2004), qui paraîtra bientôt et dont j’ai dirigé la publication, des observateurs font le point sur ce qui a déjà été réalisé en ColombieBritannique, au Québec, à l’Île-du-Prince-Édouard et en Ontario. Ils y montrent que ces quatre provinces avancent, chacune à son rythme, vers un même objectif, qui se résume à celui qu’on retrouve dans le mandat de la commission qui a été créée à la fin de 2003 au Nouveau-Brunswick sur ce sujet : proposer « un modèle de représentation proportionnelle » qui, entre autres, assurera « […] un rôle soutenu pour les députés provinciaux directement élus qui représentent des régions géographiques déterminées ».

Un seul système électoral à représentation proportionnelle (RP) garantit un tel rôle : le système électoral mixte compensatoire (SMC), un système reposant sur des principes élaborés par l’Allemagne de l’après-guerre. C’est parce que ce modèle permettait précisément de garantir le rôle soutenu des députés qu’il a été choisi, parmi d’autres formules de RP, à l’issue d’un référendum tenu en 1992 en Nouvelle-Zélande ; ce pays a été imité quelques années plus tard par l’Écosse et le pays de Galles au moment où ces deux États se sont dotés de leurs nouvelles assemblées législatives. Étant donné la taille et la composition démographique de ces trois entités politiques et, surtout, de leurs institutions et de leurs traditions inspirées du modèle de Westminster, ces modèles sont ceux qui pourraient le mieux inspirer les provinces canadiennes.

Le fédéralisme canadien a, depuis toujours, favorisé au niveau provincial l’innovation en matière de politiques et d’institutions. Il est probable qu’il en sera de même pour la réforme du mode de scrutin comme cela s’est fait au RoyaumeUni, où les changements en matière de système électoral se sont faits parallèlement à la décentralisation des pouvoirs. De plus, l’évolution récente de la conjoncture politique fédérale porte à penser que le Canada pourrait bien suivre la voie de la Nouvelle-Zélande, où les changements institutionnels à l’échelle nationale ont été déclenchés par une combinaison imprévue d’événements politiques et de résultats électoraux. Au Canada, jusqu’au tout début de cette année, il était communément admis que les libéraux de Paul Martin allaient facilement sortir majoritaires des élections qui s’annonçaient ; or, affaiblis par les révélations de la vérificatrice générale, ils n’ont pu faire mieux que former un gouvernement minoritaire qui aura besoin de l’appui du NPD, un appui que le chef de ce parti, Jack Layton, a déclaré conditionnel à la création d’une commission et à la tenue d’un référendum afin de modifier le système électoral canadien. Dans cette nouvelle conjoncture, le rapport de la Commission du droit du Canada qui, en mars dernier, a recommandé à la Chambre des communes d’adopter un mode de scrutin calqué sur le modèle du système électoral mixte compensatoire utilisé pour élire l’assemblée législative galloise, a pris une toute autre importance.

Dans cet article, je commence d’abord par exposer les principaux arguments en faveur d’une réforme du mode de scrutin en les appuyant sur les résultats des dernières élections et en mettant l’accent sur les processus engagés dans les provinces qui envisagent déjà une telle réforme. J’accorderai une attention particulière à l’adéquation entre les systèmes électoraux et le taux de participation aux scrutins, un élément particulièrement important au Canada compte tenu des taux très faibles enregistrés depuis quelques années aux élections canadiennes. Je discuterai également des nouveaux parlements de l’Écosse et du pays de Galles, où les électeurs, habitués au SMU, ont pourtant opté pour un système électoral mixte compensatoire : les résultats ont-ils été à la hauteur des attentes des défenseurs de cette formule, ou ont-ils au contraire confirmé les appréhensions de ses détracteurs ? Quelles leçons les provinces canadiennes qui envisagent de réformer leur système électoral peuvent-elles tirer de ces expériences ?

Après avoir répondu à ces questions, j’examinerai la situation actuelle en Colombie-Britannique, en Ontario, à l’île-du-Prince-Édouard, au NouveauBrunswick ainsi qu’au Québec, où une première proposition concrète de réforme de l’actuel système majoritaire à un tour sera soumise à l’Assemblée nationale par le gouvernement Charest à l’automne de 2004. Après avoir exposé cette proposition, qu’on peut décrire comme une variante du modèle écossais, j’en examinerai les avantages et les inconvénients, puis je conclurai qu’elle représente un progrès par rapport au SMU, tout en comportant certains éléments contraires à la logique d’ensemble du SMC. C’est pourquoi je proposerai ensuite certains changements qui la rendraient plus conforme à cette logique. Un tel système, selon moi, une fois adapté à chacun des cas, serait celui qui conviendrait le mieux aux assemblées législatives des provinces comme au Parlement fédéral.

Compétition entre les partis, taux de participation et réforme électorale

L’élection fédérale de 2004, dont l’issue est restée incertaine jusqu’au jour du scrutin, a été très différente des trois précédentes, où l’on savait presque à coup sûr quel parti allait former le gouvernement et, dans la majorité des circonscriptions, quels candidats seraient élus. Pourtant, le taux de participation a été plus faible encore en 2004 qu’au cours des trois scrutins précédents. Par exemple, selon une analyse (Leuprecht et McCreery 2000, p. 286), seules 48 circonscriptions sur 301 ont été sérieusement disputées en 2000 ; ce constat est clairement relié au fait que, selon les estimations, près de 70 p. 100 des électeurs de moins de 30 ans ont préféré ne pas aller voter cette année-là (Pammett et Leduc 2003, tableau 14). Si, en 2004, les élections fédérales, pourtant plus âprement disputées, n’ont pas réussi à endiguer le déclin du taux de participation, c’est en partie parce que certains jeunes électeurs, se désintéressant de la politique, ont pris l’habitude de s’abstenir, une attitude qu’ils conserveront probablement toute leur vie1.

Dans les circonscriptions électorales où l’issue du vote est pratiquement connue d’avance, les citoyens canadiens se trouvent dans une situation semblable à celle que vivent les Américains quand ils doivent se choisir un représentant au Congrès. Aux États-Unis, en effet, la plupart des circonscriptions électorales, dont les limites ont été fixées de façon arbitraire, sont représentées, élection après élection, par le même parti. Avec le temps, cela a eu pour effet d’y réduire la compétition entre les partis à un minimum historique : au cours des trois élections législatives tenues aux États-Unis depuis 1996, plus de 98 p. 100 des représentants sortants ont été réélus à la Chambre des représentants ; dans quelque 20 p. 100 des circonscriptions, l’autre parti n’a même pas pris la peine de proposer ne serait-ce qu’un candidat symbolique2.

Même si les institutions canadiennes et américaines sont très différentes3, nous élisons de la même façon les membres de notre chambre basse. Au Canada comme aux États-Unis, les suffrages attribués à un candidat ou à une candidate ne comptent que dans la mesure où ils permettent d’élire un vainqueur parmi les candidats. Aux élections fédérales canadiennes de 1993, de 1997 et de 2000, par exemple, respectivement 59,2, 61,6 et 59 p. 100 des électeurs ont voté pour un parti autre que le Parti libéral, mais, chaque fois, étant donné l’avance de ce dernier sur ses concurrents, il était acquis bien avant le jour du scrutin qu’il allait former le gouvernement.

Par ailleurs, l’histoire politique canadienne porte à conclure que, même si, un jour, la compétition entre les différents partis était suffisante pour mener à l’élection d’un gouvernement fédéral autre que libéral, ce gouvernement serait probablement éphémère (à moins d’un changement du système électoral), et nous reviendrions rapidement au régime unipartite des années 1990. Même l’union de l’Alliance canadienne et du Parti progressiste-conservateur, qui s’est faite, fortuitement d’ailleurs, au moment même où éclatait le scandale des commandites, n’a pas changé les choses ; pourtant ce scandale avait entraîné dans la population le sentiment de plus en plus marqué qu’il fallait « chasser cette racaille », ce que le déclenchement des élections permettait aux électeurs de faire, au moins dans une certaine mesure.

Le Canada, à cause de la consolidation de l’État-providence au XXe siècle, ne s’est pas doté, comme les autres pays de type britannique, d’un système bipartite opposant les libéraux-conservateurs d’un côté et les sociaux-démocrates de l’autre. Contrairement à ce qui s’est passé en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande, au Canada, ce sont les partis politiques qui ont le mieux joué la carte de la politique régionale (le plus souvent les libéraux, mais aussi, à l’occasion, les conservateurs) qui ont eu le plus de succès. De plus, dès lors que le niveau de redistribution de la richesse est devenu plus ou moins constant, au cours des années 1970 et 1980, l’émergence d’un régime bipartite reposant sur les classes sociales devenait encore plus difficile. Par conséquent, dans des circonstances normales, la logique du système favorise l’hégémonie du parti qui exprime le mieux un consensus national. Au Canada, avec sa composition, ses ressources et son expérience, ce parti est indéniablement le Parti libéral. Les autres partis, associés à des aspirations régionales, ne pourront pas ravir une fois pour toutes aux libéraux leur titre de « parti pancanadien » tant que les élections se feront grâce au SMU, qui exagère leurs forces et leurs faiblesses régionales. Même si tous les efforts déployés par Paul Martin durant la dernière campagne électorale pour convaincre les électeurs que le Parti libéral pouvait à la fois « chasser la racaille » et conserver le pouvoir avaient échoué, le gouvernement conservateur qui aurait été élu n’aurait vraisemblablement eu droit qu’à un court interrègne, que les contradictions régionales auraient fait voler en éclats, comme cela a été le cas du « mariage arrangé » entre l’Ouest et le Québec réussi par Brian Mulroney entre 1984 et 1993.

Comme la vive compétition entre les partis aux dernières élections n’est pas parvenue à faire décoller le taux de participation au scrutin, il devient évident qu’on ne peut espérer que les choses changent sans une réforme du mode de scrutin. Dans ce contexte, le rôle du Nouveau Parti démocratique (NPD) va donc se révéler crucial. Pendant la plus grande partie de son histoire, ce parti a tenu pour acquis que, à l’instar du Parti travailliste en Grande-Bretagne, il était destiné à remplacer l’un des deux partis « traditionnels » et à prendre en main les « leviers du pouvoir » à Ottawa. Même Ed Broadbent, qui a le mieux réussi à la tête du parti ces dernières années, n’est pas parvenu à convaincre ses collègues de se tourner vers le modèle européen, dont la composante proportionnelle avait assuré aux partis social-démocrates un fondement de représentation stable à partir duquel ils pouvaient consolider leurs appuis.

Fort heureusement, le NPD semble enfin avoir appris sa leçon, si l’on en juge par le fait qu’il s’est apparemment rallié en force à la position (évoquée cidessus) de son leader actuel, Jack Layton, c’est-à-dire qu’il entend subordonner son appui à un gouvernement minoritaire à une initiative en faveur d’une réforme du système électoral. Même si le NPD est plus proche du Parti libéral que du Parti conservateur pour ce qui est de la plupart des questions de politique intérieure et étrangère, un gouvernement libéral est probablement, vu ses perspectives électorales à plus long terme, moins enclin à accepter ce genre de marché que ne l’aurait été un gouvernement minoritaire conservateur dirigé par Stephen Harper. La question devient dès lors de savoir si le NPD pourra rester fidèle à sa position en continuant à réclamer une réforme électorale face à un gouvernement libéral minoritaire qui semble hésitant à mettre le processus en branle. L’évolution de l’opinion publique sera donc un facteur déterminant. Une élection fédérale serrée ayant conduit à un gouvernement minoritaire sera-t-elle interprétée comme la preuve qu’une telle réforme n’est pas nécessaire ? Ou alors l’expérience d’un gouvernement minoritaire4 permettra-t-elle de dissiper la crainte de l’instabilité dont se réclament les adversaires d’une réforme électorale ?

Rétrospectivement, si l’on examine l’expérience des générations récentes, au Canada comme ailleurs dans le monde, les gouvernements formés par des partis élus sans avoir obtenu de majorité ont raisonnablement bien fonctionné (voir Lijphart 1999). Comme, quand ils forment un gouvernement minoritaire ou de coalition, les grands partis doivent dépenser davantage d’énergie pour faire accepter leurs politiques, ils sont donc peu enclins à se rallier à la représentation proportionnelle. Les tenants d’une réforme, au sein du NPD comme ailleurs, seront néanmoins prompts à faire valoir les expériences passées qui tendent à montrer qu’il pourrait y avoir pire pour le Canada que d’être gouverné par un gouvernement minoritaire (et généralement libéral)5.

Et les défenseurs d’une réforme du mode de scrutin ne manqueront pas d’arguments. Entre autres, en proposant de façon très réaliste et détaillée un nouveau système électoral, le rapport de la Commission du droit du Canada, accueilli plutôt froidement par le ministre fédéral de la Justice Irwin Cotler (qui s’est contenté de le renvoyer devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre), pourrait encore servir à stimuler, au Parlement, un premier véritable débat sur la réforme du système électoral (Commission du droit du Canada 2004)6.

La représentation des femmes

Les tenants d’une réforme du mode de scrutin possèdent une arme de poids dans leur arsenal : le rapport entre la représentation proportionnelle et la représentation des femmes (tableau 1). À 21 p. 100, la proportion de députées au Parlement canadien7 est inférieure à ce qu’on observe dans la plupart des pays comparables au nôtre et qui ont adopté la RP (tout en demeurant, toutefois, plus élevée que dans la plupart des parlements élus grâce au SMU). La raison de ce phénomène est bien connue : beaucoup mieux que le SMU, la RP permet aux partis d’améliorer la représentation des femmes. En effet, tous les systèmes de RP, sauf le système du vote unique transférable (VUT) en usage en Irlande et à Malte, utilisent des listes de parti8 ; avec un système de listes, les partis peuvent faire en sorte que leurs candidates soient bien positionnées pour l’emporter. S’ils ne le faisaient pas, ils risqueraient de se rendre vulnérables face à l’opinion publique, contrairement à ce qui se passe avec le SMU, où ce sont normalement les membres locaux des partis qui choisissent leur candidat ou candidate. Comme le montre le tableau 1, les femmes réussissent mieux dans la plupart des pays européens qui pratiquent la RP. En Nouvelle-Zélande, les trois élections tenues selon le nouveau mode de scrutin ont donné une députation féminine à 29,4 p. 100 en moyenne, contre 17,4 aux trois scrutins antérieurs tenus grâce à un scrutin majoritaire à un tour (Nagle 2004, tableau 5.2). Comme le montre le tableau 2, ce changement est dû à la formule des listes associée au système électoral mixte compensatoire. Une petite explication du fonctionnement de ce système s’impose ici.

Dans un système électoral mixte compensatoire, les électeurs votent deux fois : d’abord pour la liste d’un parti et ensuite pour un candidat ou une candidate qui représentera leur circonscription. Une fois que les députés « de circonscription » ont été déclarés élus à la pluralité des suffrages (comme dans le cas du SMU), le nombre de voix accordées aux partis détermine le nombre total de sièges auquel chacun d’eux aura droit. On déduit alors de ce chiffre le nombre de sièges de circonscription que chaque parti a remportés, ce qui donne le nombre de députés « de liste » auquel chacun a droit. Les partis sont donc représentés au Parlement par deux types de députés, les députés élus dans des circonscriptions et les députés issus du scrutin de liste, le pourcentage que représente la somme des sièges des deux types correspondant à celui des suffrages qu’il a obtenus.

Bien que le SMC offre l’avantage, par rapport au SMU, de faire correspondre le nombre d’élus et celui des votes obtenus, trois facteurs le distinguent de la RP parfaite : le pourcentage de sièges de liste accordés, l’étendue du territoire associé aux listes et les conditions éventuelles qui sont imposées pour éviter la prolifération des petits partis. Le tableau 2, qui donne le nombre de sièges de circonscription et de liste par sexe, montre l’effet produit par les listes sur la représentation des femmes au Parlement néo-zélandais. Il convient d’ajouter ici que la même logique vaut pour les minorités visibles9.

En Nouvelle-Zélande (comme c’est aussi le cas en Allemagne), le Parti vert utilise pour établir ses listes le système de l’alternance entre les sexes, une pratique courante en Scandinavie, où tous les députés sont élus à partir de listes. Ce sont les partis eux-mêmes qui choisissent la façon d’établir leurs listes : par exemple, en Nouvelle-Zélande, lorsque le Parlement a remanié le SMC en 2001, tous les partis ont rejeté une proposition des féministes qui leur aurait imposé l’obligation légale d’adopter des quotas afin d’arriver à la parité entre les deux sexes. La France, par contre, a opté pour cette formule. Ce type d’obligations légales ne produisent un résultat que s’il y a des listes, comme Karen Bird l’a montré dans l’étude qu’elle a faite sur le cas de la France, où la parité n’a pu être atteinte que dans le cas des élections municipales. (Bird 2004).

Le SMU au Canada et ses incidences sur la scène politique

Si les effets possibles d’une réforme électorale sur le taux de participation et sur la représentation des femmes ont été abordés au cours des débats sur la réforme dans cinq provinces (au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique, en Ontario, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Québec), ce ne sont pas ces problématiques qui en ont été à l’origine. Ce sont plutôt les distorsions dans la représentation des partis qu’on a pu observer à la suite des élections récentes et qui attestent des problèmes auxquels le SMU peut donner lieu qui ont été à la source des projets de réforme. Ces dernières années, au niveau fédéral, trois de ces problèmes sont devenus évidents : la domination d’un seul parti (les libéraux), la quasi-disparition d’un autre (les progressistes-conservateurs) et l’hyperrégionalisation de la politique10(les expressions « député ontarien » et « député libéral » sont aujourd’hui pratiquement devenus presque synonymes !). À cela, nous devons ajouter trois autres phénomènes : une opposition affaiblie, le « syndrome du perdant-vainqueur» et l’hyperpolarisation. Ces trois phénomènes sont d’ailleurs particulièrement caractéristiques des provinces qui ont entamé un processus visant à modifier leur mode de scrutin.

  • Une opposition affaiblie : Les dernières élections qui ont eu lieu à l’Île-duPrince-Édouard et en Colombie-Britannique ont entraîné la défaite du parti au pouvoir, ce que voulait manifestement l’électorat, mais également sa quasidisparition à l’Assemblée législative, ce que la plupart des gens ne désiraient pas. Mais l’exemple le plus flagrant est celui des élections de 1987 au Nouveau-Brunswick, où les libéraux menés par Frank McKenna ont obtenu 60 p. 100 des voix et la totalité des sièges à l’Assemblée. La décision prise par cette province d’étudier la possibilité d’une réforme électorale n’a pas été étrangère à ce résultat. Plus récemment, à l’Île-du-Prince-Édouard, l’opposition s’est à quelques reprises trouvée réduite à un siège (1989 et 2000), à deux (1993) et à quatre (2003) ; en 2003, les conservateurs ont formé le gouvernement avec un peu plus de 54 p. 100 des suffrages exprimés. À l’autre extrémité du pays, les libéraux de la Colombie-Britannique qui, en 1996, avaient perdu les élections provinciales en obtenant six sièges de moins que le NPD avec pourtant presque 40 000 voix de plus que lui, ont réalisé un véritable balayage cinq ans plus tard : avec 57,62 p. 100 des voix, ils ont remporté 79 des 81 sièges de l’Assemblée législative ; le NPD, avec 21,56 p. 100 des suffrages, n’a fait élire que deux députés, et le Parti Vert, avec un pourcentage record de voix, 12,39 p. 100, n’en a fait élire aucun (Ruff 2004).
  • Le syndrome du perdant-vainqueur : En 1998, la situation observée en Colombie-Britannique en 1996 s’est répétée, mais au Québec cette fois. Avec un soutien populaire concentré dans les circonscriptions non francophones, le Parti libéral du Québec (PLQ) a obtenu plus de voix que le Parti québécois (PQ) (43,6 p. 100 au PLQ contre 42,9 p. 100 au PQ), mais n’a fait élire à l’Assemblée nationale que 48 députés, contre 76 pour le PQ. Sur la scène fédérale, c’est l’élection des conservateurs de Joe Clark en 1979 qui est l’exemple le plus récent du phénomène du perdant-vainqueur.
  • L’hyperpolarisation : Aux élections québécoises de 1998, les Québécois qui préféraient, faute d’obtenir la souveraineté, un compromis (mais pas à n’importe quel prix) et qui donc ne se définissaient pas politiquement selon la ligne de fracture entre les fédéralistes et les souverainistes n’ont pas réussi à être véritablement représentés à l’Assemblée nationale. Et aux trois dernières élections, l’Action démocratique (ADQ), qui adopte une telle position, s’est retrouvée dans les faits marginalisée en ne décrochant en moyenne que deux sièges (sur 125), même avec la faveur d’environ un Québécois sur sept. En Ontario, les élections successives de 1990, de 1995 et de 1999 ont donné lieu au même phénomène, même si c’est la question « sociale » plutôt que « nationale » qui était en jeu : les gouvernements majoritaires élus étaient, d’un point de vue idéologique, plus « extrêmes » que la majorité des électeurs, aucun de ces gouvernements (d’abord avec le NPD à gauche, puis ensuite avec les conservateurs de Mike Harris à droite) n’ayant atteint la barre des 50 p. 100 des suffrages exprimés.

Le système électoral mixte compensatoire en Nouvelle-Zélande et en Écosse

La Nouvelle-Zélande

On peut comparer les politiques du parti de Mike Harris et celles qu’a défendues le Parti national (conservateur) de la Nouvelle-Zélande entre 1990 et 1993, avant la réforme du mode de scrutin. Attardons-nous donc sur ce pays, peut-être le plus britannique des anciennes colonies anglaises, et donc le moins susceptible, pouvait-on croire, d’abandonner le vénérable SMU. Les Néo-Zélandais ont pourtant choisi au cours d’un référendum le SMC, pas nécessairement parce qu’il est intrinsèquement meilleur que d’autres systèmes de représentation proportionnelle – les systèmes exclusivement à scrutin de liste donnent de bons résultats dans de nombreux pays européens –, mais parce qu’ils ont préféré un système qui leur permettait de garder un rapport direct avec un député ou une députée. Comme nous l’avons signalé plus haut, si les électeurs canadiens étaient disposés à envisager l’adoption d’un régime proportionnel, ils opteraient sans doute pour le SMC plutôt que pour un simple scrutin de liste car, à l’instar des électeurs néo-zélandais et britanniques, ils voudraient qu’un député ou une députée continue à les représenter. Ils n’auraient pas tort, si l’on en croit l’analyse de Faure et Venter, qui ont examiné les effets produits par un système électoral uniquement basé sur des listes, celui qui a été inscrit dans la nouvelle constitution de l’Afrique du Sud de 1996. Ces deux éminents politicologues sud-africains montrent que, avec ce système, les députés sont pratiquement coupés des électeurs qu’ils représentent, une situation, soutiennent-ils, à laquelle le SMC pourrait remédier (Faure et Venter 2004).

La majorité des Néo-Zélandais ont donc compris qu’il leur fallait modifier leurs institutions électorales s’ils voulaient éviter de subir les visées idéologiques étroites d’un parti ayant la majorité des sièges mais pas des voix. C’est en effet ce qui s’était produit avec les politiques néo-libérales du Parti travailliste au pouvoir à la fin des années 1990. Une commission royale a alors proposé l’adoption du SMC, que la population a accepté par voie de référendum en 1992 et en 1993. Au cours du premier référendum, on a d’abord demandé aux citoyens s’ils désiraient conserver le système électoral majoritaire à un tour ; si leur réponse était non, ils devaient choisir l’une des quatre autres options qui leur étaient soumises. À la suite de l’échec apparent de 10 années de politiques radicales de restructuration économique, 84,7 p. 100 des électeurs ont rejeté le SMU : les tenants d’une réforme électorale avaient réussi à les convaincre que la « dictature élective » engendrée par ce système électoral était une partie du problème. Pour ce qui est de la deuxième partie de la question, les citoyens ont voté à 70,5 p. 100 pour le SMC (Aimer 1999). Un an plus tard, un référendum exécutoire couplé aux élections de 1993 a ramené le choix à deux options, et le SMC l’a emporté avec 54 p. 100 des voix contre 46 p. 100 pour le statu quo (avec un taux de participation de 83 p. 100). Ces résultats ont été obtenus malgré une campagne en faveur du statu quo menée par les milieux d’affaires et les deux grands partis, qui ont dépensé à cette occasion au moins huit fois plus que leurs adversaires favorables à une réforme, et qui ont mis l’accent sur les conséquences funestes de l’instabilité gouvernementale que produirait un régime à RP (Nagel 2004, p. 127-128).

Comme toute forme de représentation proportionnelle, le SMC a tendance à empêcher l’élection de gouvernements unipartites majoritaires11. Mais a-t-il vraiment produit de bons résultats ? Il est clair que ce système n’a pas répondu (il ne pouvait d’ailleurs pas le faire) aux attentes exagérées de ses défenseurs (Nagel 1999) ; mais les craintes de ses adversaires ne se sont pas non plus réalisées. Ainsi, le taux de participation a bel et bien augmenté, comme cela avait été prévu, aux premières élections tenues selon le nouveau système, en 1996 ; cependant, le déclin amorcé dans les années 1980 a repris en 199912. Il fallait donc en conclure qu’une réforme électorale n’était pas suffisante pour contrer les forces qui entraînent la diminution du taux de participation aux élections qu’on observe dans les pays démocratiques. Les constats tirés en 2001 par le comité parlementaire spécial (mandaté par la loi qui avait mis en place le SMC) pour analyser les résultats du nouveau système attestent bien de l’évolution de l’opinion en Nouvelle-Zélande. Le fait que ce comité n’ait pas réussi à proposer de changements significatifs à la formule, et qu’il n’ait pas non plus recommandé de tenir un nouveau référendum sur le maintien de celle-ci, était dû non seulement à la présence de petits partis qui devaient à ce nouveau système leur présence au parlement, mais aussi au revirement d’attitude des instances dirigeantes du Parti travailliste au pouvoir qui, alors qu’elles s’étaient au départ opposées à ce système, s’étaient rendu compte que leur parti pourrait véritablement prospérer dans un régime à représentation proportionnelle (Nagel 2004, p. 130).

Dans deux articles importants, Nagel montre que si les Néo-Zélandais ont été amèrement déçus par la coalition qui a été formée après les premières élections selon le nouveau système (Nagel 1999), le scrutin qui a suivi n’a pas produit le même effet : c’est ce qu’il explique en concluant ainsi une récente analyse minutieuse des résultats obtenus grâce au nouveau système électoral (Nagel 2004, p. 140-141) : « Dans l’ensemble […] le système électoral mixte compensatoire nous donne l’impression de représenter une amélioration considérable par rapport au système électoral majoritaire à un tour qu’il a remplacé. Comme il fallait s’y attendre dans le cas d’un régime de RP avec listes, ce système a permis de convertir équitablement les voix obtenues par les partis en sièges au parlement, et aussi d’obtenir une représentation bien meilleure pour les femmes et les groupes minoritaires. Il a également eu des vertus souvent associées (à tort) aux gouvernements majoritaires élus grâce au système électoral majoritaire à un tour, en l’occurrence la modération et, même (après un faux départ), l’imputabilité. Sous l’écume des partis mineurs éphémères et des coalitions précaires, le système électoral mixte compensatoire a été porteur de politiques plus stables, de réformes graduelles et de progrès économiques. » [traduction]

L’Écosse

Après la Nouvelle-Zélande, c’est en Grande-Bretagne qu’on a adopté le SMC ; c’est ce régime qu’ont choisi le nouveau parlement écossais, la nouvelle assemblée législative galloise et le Greater London Council13. Contrairement aux deux derniers, dont les pouvoirs sont limités, l’Écosse est un véritable gouvernement régional qui fonctionne dans le cadre des institutions de Westminster, ce qui rend son cas particulièrement intéressant pour les provinces canadiennes qui songent à réformer leur mode de scrutin.

Bien que le processus de décentralisation des pouvoirs au Royaume-Uni n’ait été accompagné d’aucun référendum sur le système électoral, cette question a été au centre des transformations qui ont donné naissance au Parlement écossais ; un congrès d’étude de la Constitution l’a même étudiée à plusieurs reprises. Après avoir examiné plusieurs propositions, ce congrès a opté, en 1992, pour un système électoral mixte compensatoire – au Royaume-Uni, on parle plutôt de système à sièges supplémentaires – à deux bulletins de vote et à listes de candidats régionaux bloquées. Pour régler les questions de détail, et en particulier le désaccord concernant la taille du Parlement et la juste proportion de députés de liste et de députés de circonscription, une commission constitutionnelle, créée en 1993, a adopté un compromis selon lequel le Parlement serait formé de 129 membres, c’est-à-dire 73 députés de circonscription, élus au scrutin majoritaire à un tour (57 p. 100), et 56 députés de liste, élus au scrutin proportionnel (43 p. 100), soit sept pour chacune des huit régions électorales. Contrairement aux premières élections tenues en Nouvelle-Zélande selon le nouveau régime et qui avait donné le pouvoir à un gouvernement de coalition de centre-droite, la première législature écossaise née de ce nouveau système, comme on l’avait escompté, était dirigée par une coalition formée par les travaillistes et les libéraux-démocrates. Aux dernières élections (en 2003), les grands gagnants ont été les petits partis qui, au total, ont obtenu 22,6 p. 100 des suffrages au scrutin de liste et 17 sièges (Jeffery 2004). Les travaillistes, pour leur part, même en perdant sept des circonscriptions qu’ils détenaient, ont tout de même remporté 46 des 73 sièges de circonscription, le scrutin où ils sont les plus forts ; mais, justement à cause de cela, ils n’ont eu droit qu’à une poignée de sièges compensatoires au niveau régional (sièges de liste), ce qui a eu pour effet d’exacerber encore le syndrome des « deux types de députés » inhérent au SMC (nous reviendrons plus loin sur cette question).

Lynch, dans son analyse du nouveau parlement écossais, conclut que les principales craintes qu’on avait formulées à propos de ce régime n’étaient pas fondées. Selon lui, les défauts que les critiques attribuent aux systèmes à représentation proportionnelle, comme l’instabilité des gouvernements ou le pouvoir excessif donné aux petits partis, ne semblent pas inquiéter les électeurs écossais. Même si la majorité de la coalition formée par les travaillistes et les libéraux-démocrates a récemment été réduite à cinq sièges, la fragmentation de l’opposition semble être garante d’un gouvernement stable et durable. Par ailleurs, les électeurs ne semblent pas non plus trouver qu’un vote comportant deux bulletins soit un désavantage (Lynch 2004, p. 156-157).

Des leçons à tirer pour les tenants d’une réforme électorale

Comme nous l’avons signalé, en Écosse, le nouveau système électoral a créé un problème : certaines tensions, voire un conflit, se sont manifestées entre les deux types de députés, en grande partie à cause de la force du Parti travailliste, grâce à laquelle il avait fait élire une majorité de députés au scrutin majoritaire à un tour mais obtenu très peu de sièges de liste. Inversement, il n’était resté que peu de sièges de circonscription pour les autres partis, dont la présence au Parlement dépendait plutôt, de façon générale, des députés élus grâce aux listes (Lynch 2004, 155). Cette situation – un déséquilibre entre les responsabilités des députés de circonscription et celles des députés de liste14 –, même si elle ne se réalise que rarement, est un argument souvent utilisé par les adversaires du système électoral mixte compensatoire. En fait, ce phénomène peut se manifester dans un pays ou une province où un parti domine clairement « sur le terrain », c’est-à-dire dans les circonscriptions ; si l’on adoptait ce système en Alberta, par exemple (ce qui risque peu de se produire), on pourrait s’attendre à obtenir une assemblée législative du même type que les assemblées élues en Écosse ou au pays de Galles (où les travaillistes ont obtenudesmajorités)15 : les conservateurs composeraient l’essentiel de la députation de circonscription, et les députés de l’opposition y seraient presque exclusivement issus des listes. Toutefois, le cas de l’Alberta doit être considéré comme une exception parmi les provinces canadiennes, puisque, étant donné le soutien populaire accordé, dans les autres provinces, aux divers partis, et les habitudes de vote régionales aux élections fédérales, partout ailleurs les différents partis feraient élire un assez bon nombre de députés des deux types. Malgré cela, les provinces qui souhaitent se doter d’un système électoral proportionnel à députation mixte auraient intérêt à examiner les mesures prises en Écosse pour équilibrer les responsabilités respectives des députés de circonscription et des députés de liste (Lynch 2004).

La Nouvelle-Zélande a connu un autre type de problème peu de temps après avoir adopté son nouveau système électoral : celui des députés de liste qui changent de camp. En effet, une fois élus, certains députés qui avaient obtenu leur siège grâce à la liste unique du parti New Zealand First (NZF) s’étaient visiblement cherché une autre étiquette politique. Il fallait donc réagir. Malheureusement, le remède a été pire que le mal : les sanctions prévues dans la loi sur l’intégrité électorale (Electoral Integrity Act), présentée à la législature suivante (dans le but de rallier l’appui de Winston Peters, le volage leader du NZF) afin d’interdire la chose, étaient tellement sévères qu’elles ont produit des effets pervers. En 2001, cette loi a empêché la scission de l’Alliance Party, une formation de gauche : les Néo-Zélandais ont ainsi assisté au triste spectacle de deux factions résolument opposées mais obligées de continuer à cohabiter au sein de leur ancien parti pour éviter les sanctions. Les législateurs s’emploient actuellement à faire adopter une formule plus souple qui sera mise en place dès que la loi en vigueur deviendra caduque en 2005, afin d’empêcher les revirements des députés opportunistes tout en permettant de régler de façon réaliste des conflits basés sur des questions de principe au sein des partis. C’est là une formule dont les provinces canadiennes qui entendent se doter d’un système électoral mixte compensatoire pourraient bien se favoriser.

Dans l’ensemble, le bilan du SMC est donc positif dans les deux cas que nous avons examinés, et qui sont ceux d’entités politiques comparables au Canada et aux provinces canadiennes. Étant donné la vigueur des identités régionales au Canada, le système de listes régionales écossais et gallois devrait rendre cette version du système électoral mixte compensatoire particulièrement séduisante. De son côté, le cas de la Nouvelle-Zélande constitue une référence incontournable en ce qui concerne la façon de choisir une méthode pour décider s’il faut ou non une réforme et la façon de la mettre en place. Mais c’est la tournure prise par le débat référendaire en Nouvelle-Zélande plutôt que le recours proprement dit à des référendums qui est particulièrement instructive pour les provinces qui se sont engagées sur la voie d’une réforme.

Les observateurs ont été vivement impressionnés par l’efficacité des campagnes d’information publique qui ont accompagné le processus néo-zélandais. Par exemple, si l’argent n’a pas été un élément déterminant dans le résultat des référendums (ce qui est par contre souvent le cas au cours des référendums en Californie, entre autres), c’est qu’une présentation objective des faits et des arguments a égalisé les chances des deux camps. La campagne a été pilotée par un groupe de travail indépendant, placé sous la direction du protecteur du citoyen. Le groupe a eu recours à des responsables des communications qui ont fait preuve de talents comparables à ceux des membres d’une agence de publicité et d’une compétence digne de celle des spécialistes universitaires ; ils ont réalisé « des messages publicitaires destinés à la télévision et à la radio, des vidéos et des brochures en ayant le souci d’informer clairement, et même de façon amusante, les électeurs. Tout en restant neutre, au point même d’éviter de mentionner que la Commission royale avait souscrit au système électoral proportionnel à députation mixte, le groupe de travail a, par son zèle, été à l’origine d’une prise de conscience et d’une compréhension étonnante de la part de la population. » (Nagel 2004, p. 129-130) [traduction]

En analysant le fonctionnement du système électoral mixte en usage au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Allemagne, on peut donc commencer à formuler des lignes directrices pour l’application de ce système au Canada. Quelle serait, par exemple, la meilleure façon pour le Canada de tirer parti de la caractéristique unique de ce système électoral qui lui permet de conserver des représentants de circonscription dans un système de RP à scrutin de liste ? Il est clair que, dans l’éventualité où une province retiendrait cette formule de répartition des sièges, il faudra en examiner plusieurs aspects en tenant compte des circonstances et des attentes particulières à cette province. Le premier de ces éléments est le pourcentage des sièges qui devra servir à la compensation. La Commission du droit du Canada a souscrit au modèle retenu par l’Assemblée galloise, c’est-à-dire un tiers de sièges de liste et deux tiers de sièges de circonscription. En Allemagne, la répartition a été faite à parts égales ; en Nouvelle-Zélande et en Écosse, les sièges de liste totalisent entre 42 et 43 p. 100. Toutes choses étant égales par ailleurs, il est clair que plus la proportion de sièges de liste sera élevée, plus on s’approche d’une proportionnalité parfaite.

Un deuxième élément, le territoire associé aux listes, n’est pas sans lien avec le premier, du point de vue de ses effets. Avec la même proportion de sièges de liste, la Nouvelle-Zélande arrive à une meilleure proportionnalité que l’Écosse parce que le territoire auquel sont associées les listes des partis (l’ensemble du pays) est plus étendu qu’il ne l’est en Écosse, où chaque liste est associée à une région regroupant environ un huitième de la population. Ainsi, en Écosse, l’importance du scrutin de liste réduit quelque peu le degré de proportionnalité des résultats d’ensemble. En revanche, puisqu’on y utilise des listes régionales, il n’est pas nécessaire, contrairement à ce que doit faire la Nouvelle-Zélande (ou l’Allemagne, où les listes correspondent aux États), d’imposer un pourcentage minimal de votes pour décourager la prolifération des petits partis. En Nouvelle-Zélande, un parti doit obtenir au moins 5 p. 100 des suffrages de liste pour avoir droit à des sièges de liste, sauf s’il remporte un siège de circonscription (ce nombre est fixé à trois en Allemagne). Les Canadiens insisteront, et à juste titre, pour qu’il y ait un seuil opérant afin de limiter le nombre de partis susceptibles de faire élire des députés. De la même façon, la loi électorale pourrait et devrait prescrire, comme c’est le cas en Allemagne, qu’il revient aux membres des partis (ou à leurs délégués élus), plutôt qu’à leurs dirigeants, d’établir l’ordre des candidats sur la liste.

En Nouvelle-Zélande, comme la liste de chaque parti est établie au niveau national, il n’a pas été nécessaire d’ajouter des sièges de liste supplémentaires temporaires, chose que l’Allemagne a dû faire pour rétablir la proportionnalité dans les cas de déséquilibres qui se produisent dans quelques petites régions, où un parti peut remporter plus de deux fois plus de sièges de circonscription que ce à quoi son pourcentage de voix obtenu au scrutin de liste lui donne droit, ce qui exige un (et généralement un seul) siège de liste supplémentaire pour la région en question afin que le total soit parfaitement proportionnel. Il est difficile de concevoir que les Canadiens – pas plus que les Écossais – puissent accepter une méthode qui engendrerait une représentation régionale disproportionnée afin que les partis, eux, puissent bénéficier d’une représentation parfaitement proportionnelle. À défaut d’une telle disposition, en associant par exemple 40 p. 100 du nombre total de sièges aux listes régionales, comme le Québec est en passe de le faire, on sacrifierait une parcelle de proportionnalité. Nous croyons que cela serait légitime dans le contexte canadien tout comme ça l’est dans le contexte écossais. Contrairement à la Nouvelle-Zélande où, malgré que le pays soit formé de deux îles distinctes, les identités régionales sont faibles, au Canada, les identités régionales qu’on observe dans les grandes provinces sont fortes ; cela valide donc le choix d’un système de type écossais ou gallois basé sur des régions qu’a fait la Commission du droit. Cette constatation s’applique aussi au niveau des élections fédérales.

Une autre question soulevée par la Commission du droit est celle du scrutin de liste non bloquée, une variante qui n’existe pas actuellement dans les pays utilisant le SMC. En Belgique, par exemple, on utilise cette formule pour donner aux électeurs davantage voix au chapitre dans le choix des candidats. Dans la plupart des pays utilisant le SMC, on s’accorde pour dire que le premier bulletin de vote donne à l’électeur un choix suffisant et qu’il n’est pas nécessaire d’imposer la complexité supplémentaire que représentent des listes non bloquées. Il serait malgré tout intéressant de réfléchir, comme le suggère la Commission du droit, au système suédois, dans lequel un candidat local populaire, mais dont le nom est placé très bas sur la liste régionale de son parti, peut passer en tête s’il reçoit le « vote personnel » d’au moins 8 p. 100 des électeurs qui ont voté pour son parti. Tous ces éléments, et d’autres encore, plus techniques, comme la méthode de calcul utilisée pour répartir les sièges (l’Écosse utilise le système des diviseurs de D’Hondt)16, peuvent être adaptés aux situations locales.

Les initiatives des provinces canadiennes

Examinons, pour commencer, le cas du Nouveau-Brunswick, la dernière des provinces qui se soit interrogée sur la question de la réforme électorale. En décembre 2003, après que le Parti conservateur eut promis, durant la campagne électorale, d’examiner la question de la représentation proportionnelle, le Premier ministre du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord, a créé la Commission sur la démocratie législative, composée de neuf membres et présidée par William Cross, professeur de sciences politiques à l’Université Mount Allison ; le mandat de la commission est de formuler des recommandations au sujet de la représentation proportionnelle et d’autres réformes démocratiques, afin de renforcer et de moderniser le système électoral ainsi que les institutions et les processus démocratiques, dans le but de garantir plus d’équité, d’ouverture et d’imputabilité, et pour qu’ils soient plus accessibles aux citoyens. En ce qui concerne la réforme du système électoral, la commission a pour mandat de proposer un modèle particulier de RP, incluant le nombre de circonscriptions qui seraient représentées à l’Assemblée législative, qui permettrait d’assurer une représentation plus équitable, un poids à peu près similaire aux voix de chaque électeur et électrice, une députation et un gouvernement plus efficaces et un rôle soutenu pour les députés directement élus qui représentent des régions géographiques déterminées. Pour remplir ce mandat, la commission sollicite d’abord l’opinion des citoyens du Nouveau-Brunswick en tenant des audiences publiques et en recevant des mémoires, puis procède à des travaux de recherche. Son rapport doit être remis le 31 décembre 2004. Comme nous le signalions au début de cet article, ce mandat invite en fait la commission à souscrire à l’option d’un système électoral mixte compensatoire.

L’Ontario a précédé, mais de peu, le Nouveau-Brunswick sur la voie de la réforme électorale. Et la victoire du Parti libéral de Dalton McGuinty aux élections provinciales d’octobre 2003 permet maintenant de croire que cela se fera bientôt. Dans un document de politique, le Parti libéral avait promis un « débat public exhaustif et ouvert sur la réforme électorale », laissant entrevoir la possibilité d’un référendum qui opposerait le statu quo à un « mode de représentation proportionnelle, au scrutin préférentiel ou à un système mixte » (Pilon 2004). Le NPD provincial souscrit encore plus vigoureusement à une réforme électorale, ce qui n’était pas le cas lorsqu’il était au pouvoir au début des années 1990, et le Parti vert y est également acquis. Le processus a été engagé lorsque le nouveau Premier ministre a annoncé la création du Secrétariat du renouveau démocratique, sous l’autorité directe du procureur général Michael Bryant et dirigé par Matthew Mendelsohn, professeur de sciences politiques à l’Université Queens ; son mandat est d’examiner l’opportunité d’élections à dates fixes, d’une réforme du financement des campagnes électorales et d’un renforcement du rôle des députés, ainsi que la possibilité de voter par Internet. Mais la tâche première du Secrétariat consiste à « animer une consultation publique et piloter un référendum sur le système électoral ontarien » (Pilon 2004, p. 249).

Un peu comme en Colombie-Britannique (ce que nous verrons plus loin), les libéraux ontariens ont proposé des « jurys de citoyens » choisis au hasard qui feraient des recherches, délibéreraient et présenteraient leurs conclusions sur ce sujet. S’ils le jugent nécessaire, ils pourraient proposer d’offrir à la population un choix clair entre deux options dans le cadre d’un référendum. En ce qui concerne le système électoral, si un jury de citoyens recommande une modification, il faudra qu’il soumette une seule option en remplacement du système électoral majoritaire à un tour, comme c’est le cas en Colombie-Britannique. Toutefois, en Ontario, le Conseil des ministres pourra revoir les décisions des jurys avant de les soumettre à un référendum. Il reste maintenant à voir si le Secrétariat du renouveau démocratique sera capable de faire avancer le processus assez vite pour que les libéraux ontariens puissent tenir leur promesse et mettre en œuvre des changements avant les prochaines élections provinciales.

Dans une troisième province, l’Île-du-Prince-Édouard, le processus a démarré relativement tôt, mais il a ralenti depuis. Les distorsions observées dans les résultats des élections de 1989, 1993, 2000 et 2003 ont eu pour effet de multiplier les enquêtes et les discussions publiques jusqu’en décembre 2003, alors qu’on a créé la Commission sur la réforme électorale de l’Île-du-Prince-Édouard.

Cette commission ne compte en fait qu’un membre, Norman Carruthers, ancien juge en chef de la province. Elle a proposé de remplacer le système électoral majoritaire à un tour par un système assorti d’un élément de représentation proportionnelle, de préférence une formule qui ressemblerait au SMC. Au lieu de recommander au gouvernement de mettre sa proposition en œuvre, le commissaire a déclaré que toute réforme devrait être précédée d’une campagne d’information, de la tenue d’une « assemblée de citoyens » et d’un référendum. Il a toutefois précisé clairement le résultat qu’il escomptait puisque, selon lui, de toute évidence, une réforme du système électoral serait utile à la province (Cousins 2004).

En concluant que le processus de réforme devait être poussé plus avant, le commissaire a ouvert la porte à la possibilité d’un remaniement sans précédent du système électoral de l’Île-du-Prince-Édouard. En effet, comme l’affirme son rapport, une assemblée législative élue grâce à un système mixte viendrait radicalement bouleverser la vie politique de la province. À tout le moins, cela garantirait la présence d’un nombre suffisant de députés pour former une opposition significative. Un tel système pourrait également accroître le nombre de femmes élues à l’assemblée et renforcer la position des tiers partis. D’ailleurs, au début de son rapport, le commissaire compare le débat qui entoure la réforme électorale à la campagne menée au XIXe siècle pour le scrutin secret, ce que plusieurs considéraient alors comme une cause désespérée ou une demande insignifiante, et que les électeurs d’aujourd’hui tiennent pourtant pour acquis.

Le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard a réagi avec prudence au rapport Carruthers en insistant sur la nécessité d’un débat public avant tout examen des recommandations portant sur un nouveau système électoral. Même si le Premier ministre Binns a affirmé qu’il n’existait « actuellement, pour le citoyen moyen, aucune nécessité impérieuse de modifier le système électoral », il a néanmoins admis que, comme l’affirme le rapport, il y aurait lieu d’améliorer le système pour que l’assemblée reflète mieux la volonté de l’électorat, ce qui n’est pas le cas avec le système électoral majoritaire à un tour. Le 21 mai 2004, Radio-Canada révélait que le Premier ministre Binns formerait une commission qui aurait pour mandat de réfléchir à un nouveau mode de scrutin pour la province, d’en informer la population et de choisir une question pour un référendum sur la possibilité d’adopter un système électoral de représentation proportionnelle. La commission devra également proposer une date pour un référendum (probablement à l’automne 2005).

C’est toutefois la Colombie-Britannique qui est en train de tracer la voie dans ce domaine, et elle sera alors vraisemblablement imitée en partie par l’Ontario, voire par l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick. Les innovations proposées, qui suscitent cependant certaines appréhensions, sont parmi les plus originales et les plus ambitieuses jamais envisagées au Canada ou ailleurs en matière de démocratie délibérative17 en confiant le processus à une « assemblée citoyenne » composée de citoyens « ordinaires » qui décideront de l’objet éventuel d’un référendum ayant force exécutoire.

L’Assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique a pour mandat « d’évaluer des modèles pour élire les membres de l’Assemblée législative et de produire un rapport qui recommandera s’il convient de conserver le mode de scrutin actuel ou d’en adopter un autre »18 [traduction]. Cette évaluation doit « prendre en compte l’effet potentiel du modèle recommandé sur le système de gouvernement de la Colombie-Britannique », et le nouveau modèle doit être « conforme à la Constitution du Canada et au système parlementaire britannique ». Si cette assemblée recommande de ne pas conserver le système électoral majoritaire à un tour, elle doit proposer une solution de remplacement qui sera alors soumise à la population dans le cadre d’un référendum (Ruff 2004).

Après sa défaite, en 1996, et cela même s’il avait obtenu davantage de voix que ses adversaires, le leader libéral Gordon Campbell avait promis, s’il était élu, de confier l’examen du dossier de la réforme électorale à la population de la ColombieBritannique. Après être revenu en force au pouvoir en 2001, son gouvernement a chargé Gordon Gibson, un ex-chef du Parti libéral, d’étudier ce dossier. Les propositions de M. Gibson concernant la création d’une assemblée de citoyens ont été modifiées, puis adoptées par l’Assemblée législative. Par la suite, Jack Blaney, exrecteur de l’Université Simon Fraser, a été nommé à la présidence de l’assemblée. La composition de cette dernière concrétisait bien la promesse qui avait été faite de garder le processus de réforme du système électoral hors d’atteinte de la classe politique et de ses intérêts : quiconque est associé de près ou de loin à un parti politique en a ainsi été exclu. On a donc invité, dans chaque circonscription électorale, 200 personnes habilitées à voter (un échantillon aléatoire tenant compte de l’âge et du sexe, et préparé par Elections BC) à « faire quelque chose de très spécial pour la Colombie-Britannique ». Parmi ceux qui ont accepté l’invitation, 10 hommes et 10 femmes, choisis au hasard, ont été conviés, dans chaque circonscription électorale, à des réunions d’information régionales, à la suite de quoi un homme et une femme ont été retenus par circonscription. La dernière sélection (la 158e) a été faite le 8 décembre 2003 ; deux membres des Premières nations ont été ensuite ajoutés aux noms qui avaient été choisis par un dernier tirage au sort, étant donné qu’aucun représentant autochtone n’avait été tiré.

Une fois formée, l’Assemblée des citoyens a commencé en janvier 2004 à Vancouver une phase d’apprentissage de six fins de semaine à raison d’une fin de semaine sur deux, suivie, en mai et en juin, de 49 audiences tenues dans des centres régionaux de partout dans la province. En guise de préparation à ces audiences, l’assemblée avait publié un texte de huit pages intitulé « Communiqué préliminaire aux résidants de la Colombie-Britannique » qui exposait les arguments pour et contre une réforme et demandait l’opinion des citoyens. Après une interruption pour l’été, les délibérations vont s’intensifier à l’automne, et plusieurs semaines ont été réservées à la préparation des recommandations qui devront être soumises au procureur général au plus tard le 15 décembre 2004. À supposer que le rapport préconise un changement de système, l’Assemblée législative et le Conseil des ministres sont tenus de déclencher une série de débats publics sur la question avant de tenir un référendum, lequel devra avoir lieu le 17 mai 2005, date des prochaines élections.

Le rapport final de l’assemblée proposera vraisemblablement un véritable changement, à en juger par l’enthousiasme avec lequel les participants se sont mis au travail, comme le signalent les observateurs. Effectivement, il est difficile de concevoir que tant d’efforts puissent déboucher sur un aval du statu quo. Les comptes rendus des discussions portent par ailleurs à penser que les membres de l’assemblée veulent que, peu importe ce que pourra produire ce long effort collectif, le résultat soit mis en œuvre ; cela sous-tend qu’ils présentent une proposition qui soit acceptable pour 60 p. 100 des électeurs représentant une majorité de 60 p. 100 des circonscriptions, comme l’exige la loi référendaire provinciale (le Referendum Act). Ces conditions ferment la voie à tout élément susceptible de susciter une opposition, par exemple une augmentation du nombre de députés provinciaux ou encore des quotas pour les femmes candidates.

Dans l’hypothèse où l’assemblée proposerait la représentation proportionnelle, il ne semble y avoir pour l’instant aucune certitude quant à la forme que celle-ci prendrait. En principe, tout semble militer en faveur d’un régime proche du système électoral mixte compensatoire, puisque c’est la seule formule qui permettrait de conserver des circonscriptions uninominales. Par contre, on ne saurait ignorer le puissant argument en faveur du VUT de type irlandais avancé par le plus éminent défenseur d’une réforme électorale, Nick Loenen. Dans le mémoire qu’il a soumis en 2003 à l’Assemblée des citoyens, celui-ci a proposé un modèle hybride (un « système préférentiel plus ») qui se traduirait par un scrutin préférentiel uninominal pour neuf circonscriptions rurales, ce qui permettrait à celles-ci de conserver leurs liens avec un représentant unique, plus 14 circonscriptions plurinominales dotées chacune de trois à sept sièges. Par ailleurs, il est important de noter que les citoyens de la province associent facilement le SMC au Parti vert qui, très vite, y a souscrit avec une telle ferveur que certains membres de l’assemblée risquent de le rejeter parce qu’il semble teinté d’une préférence politique. À mon avis, cela serait regrettable dès lors que le VUT pourrait bien faire les beaux jours de la méfiance des citoyens à l’endroit de la politique partisane, une méfiance évidente en Colombie-Britannique, la seule province à permettre la révocation de ses députés. Dans ces conditions, le VUT pourrait encourager les candidats à se présenter contre leur propre parti. De plus, un système qui met l’importance sur les candidatures individuelles se prête moins à une amélioration de la représentation féminine (comme l’illustrent les chiffres du tableau 1 dans le cas de l’Irlande et de Malte). Au vu de ces considérations, Ruff aura peut-être eu raison de prédire qu’une adaptation « particulière à la Colombie-Britannique » de certaines des caractéristiques régionales des modèles allemand et écossais « assortie éventuellement d’un scrutin préférentiel sur des listes de parti non bloquées […] pourrait peut-être recevoir la faveur de l’Assemblée des citoyens et des électeurs » (Ruff 2004, p. 241)19. [traduction].

Le Québec ouvre le bal

La première province à enclencher le processus d’une réforme électorale a été le Québec. Bien que les provinces de l’Ouest, dont la Colombie-Britannique, aient déjà fait l’expérience d’autres systèmes électoraux au milieu du XXe siècle, c’est le Québec qui s’est le plus intéressé à ce type de réforme et qui a été le plus actif sur ce plan ces dernières années. René Lévesque lui-même, figure emblématique s’il en est, voulait résolument implanter la RP, même si les efforts qu’il a consacrés à cette question durant son second mandat (de 1981 à 1985) n’ont pas abouti. M. Lévesque avait demandé à la Commission de la représentation électorale, présidée par le directeur général des élections du Québec de l’époque, Pierre-F. Côté, de procéder à des audiences publiques et de faire rapport à l’Assemblée nationale. En mars 1984, M. Côté a recommandé que la province adopte un système « proportionnel territorial » qui ressemblait à celui que le gouvernement avait proposé l’année précédente. Mais, même s’il dirigeait un gouvernement majoritaire, René Lévesque n’a pas réussi à mobiliser suffisamment d’appuis au sein de son propre groupe parlementaire pour appliquer la réforme ; il a donc été contraint de retirer sa proposition, et il faudra ensuite attendre 14 ans pour qu’une refonte du système électoral soit remise à l’ordre du jour.

Aux élections de novembre 1998, le PQ a obtenu 76 sièges à l’Assemblée nationale (donc la majorité), mais avec seulement 42,9 p. 100 des suffrages ; le PLQ pour sa part, qui avait pourtant recueilli 43,5 p. 100 des voix, n’a obtenu que 48 sièges, et l’ADQ, avec 11,8 p. 100 des voix, n’a fait élire qu’un seul député. Les deux partis d’opposition ont alors réclamé une réforme du système électoral, mais le PQ s’est montré moins qu’enthousiaste que ses adversaires.

En octobre 2001, un nouveau groupe, le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN), a présenté une pétition signée par 125 éminents citoyens, comme l’ancien ministre péquiste Claude Charron, l’ex-leader libéral Claude Ryan et Jean Allaire, l’un des fondateurs de l’ADQ, dans laquelle il appelait le gouvernement à tenir sans plus attendre des audiences publiques sur la réforme électorale. En janvier 2002, après le départ soudain de la vie publique de deux de ses ministres, le Premier ministre Bernard Landry a confié la responsabilité de la réforme des institutions démocratiques à Jean-Pierre Charbonneau ; celui-ci a alors choisi comme sous-ministre André Larocque, qui avait été l’un des grands architectes de la proposition de René Lévesque. En juin, en réponse à la pétition du MDN, les présidents de la Commission parlementaire des institutions ont annoncé que la commission allait tenir, à partir d’octobre 2002, des audiences publiques sur la réforme du système électoral dans 10 villes20. Presque au même moment, Jean-Pierre Charbonneau a pour sa part annoncé qu’il organiserait au début de 2003 des « États généraux » sur la réforme démocratique, plus vaste qu’une simple réforme électorale, puisque celle-ci, dans un document de discussion préparé pour les États généraux et intitulé « Le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes : document de réflexion populaire »21, n’était présentée que comme une réforme parmi d’autres à prendre en considération. Au cours des États généraux qui se sont déroulés à Québec en février 2003, plus de 900 délégués réunis en ateliers ont étudié chacun des sujets du document. Le dernier jour, les propositions qu’ils avaient retenues ont été soumises à un vote. Plus de 90 p. 100 d’entre eux se sont ainsi exprimés en faveur d’une réforme du système électoral, 66 p. 100 demandant d’ajouter au système existant des éléments de proportionnalité, et 24 p. 100 se disant favorables à un système exclusivement proportionnel.

Le 10 mars 2003, deux jours avant le déclenchement des élections générales par le Premier ministre Landry, la commission a publié son rapport. Sur la question principale de la réforme du système électoral, et malgré l’appui limité que les États généraux avaient accordé à ce modèle, le rapport recommandait un système de listes territoriales, tel que l’avait recommandé la Commission de la représentation électorale en 1984. Pendant la campagne électorale, en réponse aux demandes du MDN, la grande majorité des candidats libéraux et le chef du PLQ Jean Charest ont déclaré qu’ils étaient prêts à agir dans le dossier de la réforme électorale. Fidèle à sa parole, M. Charest, une fois élu premier ministre, a confié à Jacques Dupuis le portefeuille de la réforme des institutions démocratiques avec pour mandat de modifier le système électoral québécois.

En septembre 2003, au cours d’une conférence sur la réforme démocratique organisée par l’Institut de recherche en politiques publiques, M. Dupuis a réitéré la promesse faite par son parti de présenter au printemps de 2004 un projet de loi visant à créer un système mixte avec compensation pour l’élection des 125 députés provinciaux. Selon certaines informations, 75 de ces sièges seraient réservés à des députés de circonscription, et le reste à des députés représentant de plus vastes régions (députés de liste). Ces chiffres correspondent aux 75 circonscriptions électorales fédérales du Québec et à un ratio de députés de liste semblable à celui qui est en usage en Nouvelle-Zélande et en Écosse22 (40 p. 100). Toutefois, le ministre a également pris bien des observateurs au dépourvu quand il a affirmé que, étant donné les prescriptions de la Loi électorale, il était peu vraisemblable qu’un nouveau système puisse être mis en œuvre avant les prochaines élections.

Le ministre a de nouveau surpris lorsqu’il a déclaré un peu plus tard qu’une version du modèle du système mixte compensatoire ne comportant qu’un vote était l’une des options retenues. Par la suite, il a également mentionné qu’il préférerait un système, comme celui du SMU où les électeurs ne voteraient qu’une seule fois (pour le candidat ou la candidate de leur choix dans leur circonscription), et le nombre total de suffrages obtenus par les candidats d’un parti dans une région électorale (un territoire couvrant plusieurs circonscriptions) servirait au calcul du nombre total de sièges auquel ce parti aurait droit pour la région, c’est-à-dire à la fois le nombre de sièges de circonscription et de sièges compensatoire. Cette formule diffère de celle qui est utilisée au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Allemagne, où l’appui accordé à un parti est mesuré par un scrutin distinct (quoique, en Allemagne, deux des 16 Là¤nder, en l’occurrence la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et le Baden-Wà¼rttemberg, utilisent la méthode du vote unique. Ce système du vote unique réduit les options offertes aux électeurs : si la personne qu’ils jugent la plus apte à les représenter évolue pas dans le parti auquel ils voudraient accorder leur appui, ils doivent soit voter pour le « meilleur » candidat soit voter pour le « meilleur » parti, mais ne peuvent pas faire les deux.

Ce système du vote unique réduit la palette des options offertes aux électeurs, puisqu’ils ne peuvent pas voter pour le « meilleur » candidat s’ils accordent leur préférence à un parti autre que celui de la personne pour laquelle ils ont voté.

Compte tenu de ces deux éléments, la proposition envisagée par le ministre, qui ne prévoit pas de listes de parti, commence à s’écarter sensiblement des principes généraux qui font du SMC un système véritablement proportionnel. Selon ce projet, des sièges compensatoires seraient attribués aux « meilleurs perdants », c’est-à-dire aux candidats défaits des partis ayant droit à de tels sièges et qui ont obtenu le plus de voix au scrutin de circonscription dans une région électorale. Ainsi, dans une région électorale qui recouvre six circonscriptions (chacune étant représentée par un député) et qui donne droit à quatre sièges de liste (ce qui fait un total de 10 sièges), le pourcentage des voix obtenu par chaque parti correspondrait à la somme des voix obtenues par les six candidats de ce parti dans les circonscriptions. Par exemple, imaginons qu’un parti obtienne 30 p. 100 des voix dans la région mais ne recueille qu’un siège dans la circonsription, il aurait alors droit à deux sièges compensatoires. En l’absence de listes, ces sièges seraient attribués aux deux candidats qui auraient obtenu le plus fort pourcentage de suffrages dans les cinq circonscriptions où le parti n’a pas obtenu la victoire.

Le MDN s’est employé à mobiliser ses membres dans l’intention de pousser le gouvernement à modifier sa position sur ces deux éléments de la proposition, ainsi que sur le remplacement du système de régions électorales par un système de listes de parti nationales uniques semblable à celui de la NouvelleZélande. Cette dernière idée, qui ne tient pas compte de l’importance des identités régionales (un élément qui était apparu essentiel aux États généraux), reflète la position du puissant lobby féministe qui milite au sein de l’organisation. À mon avis, il s’agit là d’une erreur de stratégie. S’aliéner les régions ne ferait qu’affaiblir les chances qu’aurait le MDN de mobiliser suffisamment d’appuis pour pouvoir faire modifier les autres aspects de la réforme, en particulier l’absence de listes, qui sont en réalité les principaux obstacles à l’amélioration de la représentation des femmes et des minorités.

Examinons d’ailleurs de plus près ces deux aspects. L’argument en faveur du double vote, et surtout des listes, est relié à l’objectif général qui est de faire adopter un mode de scrutin proportionnel. La proportionnalité n’est pas seulement un concept mathématique, c’est aussi l’application du principe de l’équité. Et un résultat électoral équitable doit refléter à la fois le choix véritable et le choix stratégique des électeurs, qui ne sont pas nécessairement identiques. Sur ce plan, le système majoritaire à un tour possède deux caractéristiques qui ont pour conséquence de déformer la réalité. La première est strictement mathématique : dans une assemblée, le pourcentage de députés de chaque parti ne correspond pas à celui des suffrages exprimés. La deuxième, qui touche à l’aspect stratégique, est aussi très importante ; Paul Martin a d’ailleurs tenté de convaincre les partisans du NPD d’en tenir compte durant la dernière campagne électorale. Selon la logique qui sous-tend cet aspect du scrutin, les électeurs ont intérêt à ne pas « gaspiller » leur vote en accordant leur appui à un candidat qui n’a aucune chance de l’emporter, et à voter plutôt pour le candidat d’un parti qui a des chances de gagner dans leur circonscription, même si ce candidat ne représente pas le parti qu’ils préfèrent, l’objectif étant d’empêcher l’élection du candidat d’un parti moins « acceptable ».

Un système électoral à vote unique et sans listes rend la tâche plus difficile aux petits partis qui aspirent à obtenir un nombre de voix équivalant au soutien réel qu’ils ont dans la population ; il y a donc inévitablement sous-représentation. Un système à vote unique assorti de sièges compensatoires attribués à partir de listes de parti amoindrit cet inconvénient ; toutefois, le bon fonctionnement d’un tel système ne dépend pas seulement de la visibilité des listes ; il faut aussi que l’électeur en comprenne bien les rouages, puisqu’il transfère au parti le vote qu’il a accordé à un candidat, l’ensemble des suffrages servant à calculer le nombre de sièges compensatoires. Un système à deux votes rend le processus de redistribution plus transparent.

Si le but recherché est une représentation plus équitable, l’absence de listes est encore plus préoccupante. Le Land allemand du Baden-Wà¼rttemberg est le seul endroit que nous connaissons qui n’utilise pas les listes de parti, ce à quoi la coalition victorieuse aux élections de 2001 avait promis de remédier (voir Massicote 2003). J’ai déjà expliqué que le scrutin de liste est la composante du SMC qui en fait un régime à RP et qui favorise ainsi la représentation équitable des femmes et des minorités visibles. C’est l’utilisation de ces listes qui confère à la proportionnalité un « visage public », puisque les électeurs connaissent le nom des candidats qui sont susceptibles d’être élus. Il suffit en effet de regarder les listes des partis avec les noms (et souvent aussi les photos) pour avoir une idée de l’importance que les partis accordent aux minorités visibles et aux femmes.

Le ministre Dupuis a justifié sa préférence pour une formule à vote unique sans listes en affirmant que c’est celle qui correspond le mieux à ce à quoi les électeurs québécois sont habitués ; par conséquent, selon lui, c’est celle qui aurait le plus de chances d’être acceptée. Un tel système, a-t-il renchéri, serait facile à faire accepter : les électeurs seraient assurés que les résultats des élections seraient plus équitables, mais n’auraient pas pour cela à se familiariser avec un nouveau système. Selon moi, il est évident que le double vote et les listes de parti (ainsi qu’une campagne d’information comme celle qui a été tenue en Nouvelle-Zélande) sont indispensables pour que l’électorat tout entier, et pas seulement une minorité avertie, soit suffisamment bien informé pour tirer pleinement parti des possibilités offertes par la réforme.

Le ministre a également évoqué le danger que l’utilisation des listes avait présenté en Italie : comme les Italiens ont adopté une version tronquée du SMC, a-t-il affirmé, des partis majoritaires dans certaines régions y ont obtenu des sièges compensatoires en présentant des listes fictives23. Est-ce que ce scénario pourrait se répéter au Québec ? Je ne le crois pas, étant donné que rien de semblable ne paraît se dessiner en Allemagne, en Nouvelle-Zélande ou encore en Écosse ou au pays de Galles, même si dans les deux derniers cas le Parti travailliste aurait tout intérêt à tenter de décrocher des sièges de liste en procédant de cette manière.

Au Québec, le MDN insiste pour que les listes soient bloquées, ce qui permettrait aux partis d’y donner une place avantageuse aux femmes et aux minorités, et donc de faire ce qu’on appelle de l’action positive (et les groupes d’intérêt pourraient faire pression sur les partis pour qu’ils s’y engagent). Toutefois, dans le cas de listes à caractère régional, les listes bloquées permettent de compenser le caractère personnalisé du vote des électeurs au scrutin de circonscriptions : cela me semble alors justifié, surtout qu’on pourrait envisager, dans l’éventualité d’une méfiance populaire à l’endroit d’un processus de nomination des candidats réservé aux seules instances régionales des partis, d’accepter la suggestion de la Commission du droit d’ajouter le « vote personnel » utilisé en Suède et décrit plus haut.

Et maintenant ?

Toutes ces questions s’inscriront dans le débat populaire qui sera suivi par les audiences d’une commission de l’Assemblée nationale qui devrait commencer ses travaux au début de l’automne. La rédaction, puis l’adoption de la version finale d’un projet de loi devraient se faire, si tout va bien, avant la fin de la session parlementaire de décembre. Ce qui, soit dit en passant, coïncidera avec le dépôt du rapport de l’Assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique. Parmi les trois grandes formations politiques québécoises, l’ADQ est celle qui donnera le plus certainement son appui au projet de loi, puisque ce parti serait manifestement le bénéficiaire le plus immédiat d’une réforme : si, en 2003, le nombre de voix recueillies par l’ADQ s’était traduit par un nombre de sièges correspondant, ce parti, quasi invisible aujourd’hui, aurait fait élire 20 ou 21 députés (contre quatre actuellement), et il aurait donc le statut de parti officiel à l’Assemblée nationale. L’Union des forces progressistes (UFP) pourrait également profiter d’une nouvelle forme de scrutin, car son soutien populaire serait peut-être suffisant pour lui permettre d’élire un député (dans l’est de Montréal), et cela même avec un système à vote unique et sans scrutin de liste, auquel il s’oppose d’ailleurs de façon véhémente. Il pourrait en être de même pour le Parti vert, voire pour un parti qui défendrait les droits des anglophones.

Pour ce qui est des deux grands partis, une réforme permettrait aux libéraux de réduire les effets de ce que Massicotte (1995) appelle le « gerrymander linguistique », c’est-à-dire le « gaspillage » de milliers de voix accordées au PLQ dans les circonscriptions non francophones majoritaires de Montréal. Avec le système actuel, Massicotte estime que le PLQ doit obtenir au moins 5 p. 100 des suffrages de plus que le PQ pour remporter autant de sièges que son adversaire. Or, l’ampleur du changement que produira une réforme dépendra de l’étendue et de la situation géographique des régions électorales. En général, des régions plus vastes tendraient à atténuer les effets des découpages arbitraires (c’est-à-dire à aider le PLQ) davantage que des régions plus petites. Et c’est précisément sur ce point que la stratégie du PQ – qui, sous le prétexte tendancieux qu’il n’y a pas eu suffisamment de consultations publiques, même après 22 ans de débats ponctués par des États généraux, a choisi de ne pas intervenir à la tribune publique – risque de se retourner contre lui. En insistant sur le fait que la véritable démocratie exige qu’on crée des régions électorales relativement petites qui refléteraient mieux les identités régionales profondes des Québécois, le PQ pourrait conserver une partie de son avantage dans les régions où les nationalistes sont le plus présents24.

La crainte de l’effet qu’une réforme électorale aurait sur l’option souverainiste est un facteur important qui explique la réticence des péquistes à accepter des changements. Il est clair qu’il sera beaucoup plus difficile pour les souverainistes de former des gouvernements majoritaires si le ou les partis qui militent pour la souveraineté n’obtiennent que 40 à 45 p. 100 des suffrages dans le cadre d’un nouveau système électoral. Pourtant, dans l’éventualité où, à un moment donné, les Québécois seraient prêts à se prononcer sur la souveraineté, l’option souverainiste pourrait l’emporter plus facilement si le Québec optait pour un système électoral mixte compensatoire, pourvu bien sûr que les partis réussissent à constituer et à maintenir une coalition favorable à la souveraineté, ce que le nouveau mode de scrutin pourrait favoriser. Même si les nationalistes « purs et durs » du PQ se séparaient un jour du reste du parti, dans un Québec ayant adopté un système électoral proportionnel, cela n’empêcherait pas la formation d’un gouvernement de coalition composé des deux factions souverainistes, peut-être appuyées par l’UFP et les Verts. À ce sujet, il importe de signaler que les résultats des élections de 2003 en Écosse ont effectivement montré que le système électoral mixte compensatoire pouvait favoriser la cause de l’indépendance : les grands gagnants de ce scrutin ont été les petits partis, avec 17 sièges sur 129 ; sur ces 17 sièges, sept sont allés aux Verts et six au Parti socialiste écossais, tous deux en faveur de l’indépendance. Par conséquent, même si le Parti national écossais (SNP) a perdu huit sièges, le total des sièges échus à des partis favorables à l’indépendance a considérablement augmenté, pour atteindre 41 (Jeffery 2004).

Que fera le PQ lorsqu’une commission parlementaire se saisira du projet de loi et qu’il lui sera de plus en plus malaisé d’éviter le sujet ? Les députés péquistes espèrent peut-être que leurs collègues libéraux qui apprécient le système actuel (et grâce auxquels ils ont été élus) bloqueront la proposition. Il est toutefois peu probable que cela se produise, d’autant plus que, selon les sondages, la cote de popularité du PLQ est faible et que le parti a besoin de tout l’appui qu’une réforme du système électoral pourrait lui apporter. Ce facteur pourrait donc influencer le gouvernement et le pousser à hâter la mise en œuvre de la réforme afin que le nouveau système soit adopté à temps pour les prochaines élections (probablement en 2007).

Certains péquistes adversaires d’une réforme songent à un scénario selon lequel ils reprendraient ensuite le pouvoir et feraient abroger la loi. Cela semble peu réaliste. Le contexte est très différent de ce qu’il était il y a 20 ans, lorsque le plan de René Lévesque a fait long feu. Alors que le Québec était à cette époque l’un des seuls à songer à une réforme électorale, il s’inscrit aujourd’hui dans une mouvance qui a connu la réussite en Nouvelle-Zélande et en Grande-Bretagne, en plus de s’enraciner solidement ailleurs au Canada avec une série d’initiatives parallèles à Victoria, à Charlottetown, à Toronto, à Fredericton (et peut-être même à Ottawa). Même s’il nous est impossible de prédire avec quelle vitesse le changement s’effectuera, nous pouvons raisonnablement conclure que, une fois ce changement amorcé, il sera irréversible.

  1. De récentes recherches comparatives révèlent que l’attention individuelle accordée au monde de la politique, et par conséquent le fait d’être suffisam- ment informé pour voter aux élections, est en grande partie une question d’habi- tude. Citant des preuves d’une tendance, observée depuis longtemps, au déclin du taux de participation après que l’âge re- quis pour exercer son droit de vote a été abaissé (le plus souvent à 18 ans) dans différents pays, Franklin, suivant en cela Pulitzer (2002), soutient que « voter est onéreux, et il en coûte considérablement plus d’aller voter si, à la première fois que quelqu’un est en droit de le faire, cela survient pendant la période qui suit immédiatement la fin de ses études se- condaires [puisque] les quatre années qui suivent sont mobilisées par les pro- blèmes propres au début de l’âge adulte […] années pendant lesquelles les jeunes adultes commencent seulement à tisser les réseaux sociaux qui finiront par orienter leur choix politique et à motiver leur vote » (Franklin 2003, p. 8 ; Franklin 2004) [traduction].
  2. Dans les États, les élections législatives sont souvent encore moins disputées, puisque, depuis 1996, les deux grands partis ne présentent des candidats que dans moins de 60 p. 100 des circons- criptions (Richie et Hill 2004, p. 216).
  3. Effectivement, le vote des Américains qui vivent dans les circonscriptions non dis- putées lors des élections au Congrès garde toute son importance dans les États où il existe une compétition entre les partis (environ un tiers d’entre eux) pour les élections au Sénat, ou encore au collège électoral dans le cas d’une élec- tion présidentielle. Rien de semblable n’existe au Canada.
  4. Il existe une autre différence importante entre la RP et le SMU en ce qui concerne les gouvernements minoritaires. Dans un système basé sur la RP, les gouvernements minoritaires sont la norme, alors qu’avec un système électoral majoritaire à un tour ils sont l’exception, ce qui fait que les grands partis cherchent un « retour à la normale » en déclenchant rapidement des élections après leur victoire.
  5. Sur les neuf élections fédérales qui ont eu lieu entre 1957 et 1979, six ont porté au pouvoir un gouvernement minoritaire. Le 30 mai 1997, la Presse canadienne citait en ces termes les mémoires de Pierre Trudeau (qui a été ministre au sein d’un gouvernement minoritaire, en a dirigé un et a été chef de l’Opposition officielle pen- dant un autre) : « Ce sont des moments exaltants, un peu comme lorsqu’on saute un rapide tumultueux en canot. Un chef apprend à vivre dangereusement, à savourer le plaisir de prendre des risques et d’affronter les périls […] Si on en est incapable lorsqu’on est dans un gou- vernement minoritaire, on n’a pas sa place en politique. »
  6. Ce comité a la réputation d’être relative- ment apolitique et de travailler avec sérieux en se saisissant souvent de questions insti- tutionnelles épineuses, deux qualités qui pourraient lui être fort utiles s’il devait servir de forum pour cette discussion.
  7. Les assemblées législatives provinciales comptent un pourcentage de députées très légèrement supérieur au Parlement canadien en partie grâce aux 30 p. 100 de femmes qui siègent à l’Assemblée nationale du Québec.
  8. Le VUT utilise des listes de parti sur lesquelles, au moment du scrutin, les électeurs placent les candidats en ordre selon leur préférence. (Dans la plupart des cas, ce classement est optionnel ; les électeurs ne sont pas obligés de classer tous les candidats et peuvent n’indiquer que le candidat ou la candidate qui cons- titue leur premier choix.) Une fois ce nombre de premiers choix compté, on calcule le quota des suffrages requis pour qu’un candidat soit déclaré élu. (Ce quota est établi à l’aide d’une formule très sim- ple : le nombre de votants divisé par le nombre de sièges plus un. Par exemple, si 100 000 personnes votent et qu’il y a quatre sièges en jeu, le quota sera de 20 000.) Tout candidat qui reçoit plus de « votes de premier choix » que le quota est automatiquement élu. Si personne n’atteint le quota, on élimine le candidat ou la candidate ayant obtenu le moins de votes de premier choix, et ses votes de deuxième choix sont redistribués aux candidats qui restent dans la course. Le « surplus » de votes des candidats élus (c’est-à-dire le nombre de votes obtenus qui dépassent le quota) est redistribué aux deuxièmes choix sur les bulletins de vote. (Le total des votes redistribués cor- respond au nombre de votes en surplus de chaque candidat ou candidate.) Ce processus s’applique jusqu’à ce que tous les sièges aient été attribués.
  9. À la première législature élue avec le SMC, les Maoris ont vu leur nombre de sièges passer de 15 à 120, un nombre plus ou moins proportionnel à leur po- pulation, et cette proportion n’a pas changé depuis. Auparavant, avec le sys- tème électoral majoritaire à un tour, la représentation des Maoris se limitait en fait aux sièges qui leur étaient réservés. « Le système […] des sièges réservés peut être visualisé sur une carte par le biais de deux calques superposés, le pre- mier divisant la Nouvelle-Zélande en un grand nombre de circonscriptions « générales » (antérieurement appelées « européennes ») et le second divisant le même territoire en un nombre plus petit de circonscriptions maories plus éten- dues […]. Ainsi, chaque point géo- graphique de la Nouvelle-Zélande est situé simultanément dans une circons- cription générale et dans une circons- cription maorie […]. Tous les cinq ans, avant le redécoupage des circonscrip- tions électorales, les électeurs d’ascendance maorie peuvent s’inscrire soit sur la liste électorale générale, soit sur la liste maorie […]. Le nombre de sièges maoris est calculé selon une formule qui multiplie le nombre de Maoris recensés par le pourcentage d’électeurs maoris qui se sont inscrits sur la liste électorale maorie […]. À la suite des campagnes menées par les organisations maories pour inciter les Maoris à s’inscrire sur leur propre liste, le nombre de sièges maoris n’a cessé d’augmenter depuis l’adoption du système électoral mixte compensatoire, passant de quatre en 1993 à cinq en 1996, à six en 1999, puis à sept en 2002 » (Nagel 2004, p. 123).
  10. Voir Jansen et Siaroff (2004) pour une représentation des distorsions régionales dues au système électoral majoritaire à un tour lors des dernières élections fédérales et une série de simulations montrant comment différentes proposi- tions de réforme électorale parviendraient à les réduire.
  11. D’où le fait que les réformes apportées au système électoral majoritaire à un tour dans le but de préserver les gou- vernements majoritaires ne sauraient se comparer à celles dont il est question ici. Le meilleur exemple en est la proposi- tion de la Commission Jenkins, en Grande-Bretagne, qui a recommandé la création d’un certain pourcentage de sièges de députés complémentaires (entre 15 et 20 p. 100) afin de ne pas imposer au pays « l’habitude des coali- tions ». https://intranet.qe.dorset.sch. uk/electoralrefor/democ/report.html
  12. En Nouvelle-Zélande, le taux de par- ticipation, historiquement élevé, a diminué entre 1984 et 1990 de 87,7 à 78,2 p. 100. En 1993, l’intérêt suscité par le référendum l’a légèrement fait augmenter à 78,9 p. 100. Les premières élections tenues avec le SMC, en 1996, ont entraîné une nouvelle augmentation (80,9 p. 100). Toutefois, à chacune des deux élections suivantes, le taux de par- ticipation a baissé, tombant à 77,2 p. 100 en 1999 et atteignant un plancher historique de 72,5 p. 100 en 2002 (Nagel 2004, tableau 5.2).
  13. Il est même question que les négociations depuis longtemps interrompues entre le gouvernement travailliste de Tony Blair et les libéraux-démocrates au sujet des changements à apporter à la façon dont sont élus les députés à Westminster reprennent en 2004. (Marie Woolf, « Government in Secret Talks with Liberal Democrats over Voting Reform », The Independent, 23 décembre 2003.)
  14. « Un système de style allemand […] prête le flanc à l’accusation fréquente, quoique rarement fondée, qu’il y aura deux “catégories de députés” se faisant la guerre dans la même enceinte parlemen- taire. Il est impossible de prédire avec une absolue certitude comment les deux catégories traiteront l’une avec l’autre, mais il n’est pas sans intérêt de rappeler que, dans les quelque deux douzaines de pays qui se sont dotés d’un système mixte, il est rare que des tensions aient été signalées entre les deux groupes de députés […]. S’agissant de l’Allemagne, où un système mixte est en usage depuis maintenant plus d’un demi-siècle, toutes les sources nient expressément l’exis- tence de ce genre de frictions. » (Massicotte 2004, p. 67).
  15. Cette anomalie a amené, dans ces deux pays, certaines personnes à préconiser d’adopter plutôt un système à VUT de type irlandais, c’est-à-dire un mode de scrutin préférentiel dans des circonscrip- tions plurinominales.
  16. Il existe deux méthodes des diviseurs, celle de D’Hondt qui divise successive- ment les votes accordés à chaque parti par le nombre de sièges qu’il a déjà rem- portés (p. ex. 1, 2, 3…), et celle de Sainte-Laguë (où le diviseur est 1, 3, 5…). Il existe également deux méthodes des quotas : celle de Droop, qui fixe le quota à V (nombre de voix) divisé par S (nombre de sièges) + 1, et celle de Hare (V divisé par S).
  17. Cette formule peut par exemple s’inspirer des « sondages délibératifs » ; 18 ont déjà été conduits dans différents pays. Cela consiste à interroger les membres d’un groupe-échantillon aléatoire qui ont reçu au préalable du matériel d’information rigoureusement objectif ; ces personnes sont ensuite réunies pendant une fin de semaine, et peuvent alors discuter en petits groupes de la question à l’étude et poser des questions à des politicologues, à des décideurs et à des personnalités politiques ; ensuite, on leur fait remplir le même questionnaire qu’au début. (Luskin 2002 ; pour les variantes canadiennes, voir le Réseau de la participation publique des RCRPP à https://www.cprn. org/en/network.cfm?network=3)
  18. Mandat de l’Assemblée des citoyens sur la réforme électorale, Colombie- Britannique, décret du Conseil 495 (16 mai 2003). [traduction]
  19. Ruff fait une mise en garde en précisant que, dans le contexte « d’une interaction permanente entre les 160 membres de l’assemblée pendant une période de 12 mois […], les inégalités sociales et les rapports de force interpersonnels agis- sant sur des délibérations qui étaient censées être ouvertes et conduites entre égaux […] pourraient aussi influer pro- fondément sur l’issue de celles-ci » (Ruff 2004, p. 245). [traduction]
  20. La commission s’est réunie le 14 novem- bre pour entendre quatre témoins experts (Vincent Lemieux, de l’Université Laval, André Blais et Louis Massicotte, de l’Université de Montréal, et l’auteur de ce texte). Elle a ensuite continué à recevoir des mémoires jusqu’à la fin de novembre, mais n’a pas tenu d’audiences publiques dans toute la province. Les membres de la commission ainsi que des observateurs ont noté l’opinion unanime des quatre experts en faveur du système électoral mixte compensatoire, et ont cité ce point de vue comme une étape importante pour mener à un consensus élargi sur la néces- sité d’adopter une forme de système mixte adaptée à la situation québécoise.
  21. La liste ambitieuse des sujets qui devaient être discutés par les États généraux se présentait ainsi : 1. la possibilité d’élire le chef du gouvernement directement au suffrage universel ; 2. la nomination de ministres non élus à l’Assemblée nationale et n’ayant pas à répondre devant elle ; 3. l’établissement d’un maximum de deux mandats pour un chef de gouvernement ; 4. la tenue d’élections à dates fixes ; 5. des élections distinctes pour les mem- bres de la députation et le chef du gou- vernement ; 6. l’élection des députés selon un système de représentation pro- portionnelle ; 7. la tenue de référendums à l’initiative des citoyens ; 8. la mise en place de mesures destinées à renforcer la représentation des régions, des femmes et des Autochtones à l’Assemblée nationale ; 9. l’abaissement à 16 ans de l’âge requis pour voter ; et 10. la création d’une carte d’électeur.
  22. Il serait également souhaitable, dans l’éventualité où il y aurait aussi une ou deux circonscriptions plus faiblement peuplées en dehors des régions élec- torales, une pour le Grand Nord et l’autre pour les ÃŽles-de-la-Madeleine, de prévoir une mesure correspondant à ce qui existe en Écosse pour les ÃŽles Shetland et les ÃŽles Orcades.
  23. En l’occurrence, lorsqu’un parti est cer- tain de remporter tous les sièges d’une circonscription et qu’il sait donc d’avance qu’il n’aura droit à aucun siège compen- satoire, il crée une liste sous un autre nom et appelle ses partisans à voter pour celle-ci au lieu de gaspiller leurs suffrages en votant pour sa liste officielle.
  24. Ainsi, dans une telle région dotée de cinq sièges de circonscription et de trois sièges compensatoires, le nombre de sièges serait insuffisant pour attribuer des sièges de rattrapage aux autres partis si le PQ remportait les cinq sièges de cir- conscription avec 45 p. 100 des suf- frages exprimés.

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Glossary

FPTP:  First past the post

Majoritarian system:  This voting system involves a single member district (France and Australia) and either a preferential-ballot (Australia) or a two-ballot system (France)

Mixed system:  A system that is partially FPTP and partially PR without substantial compensation

MMP:  Mixed-member proportional representation

PR:  Proportional representation

STV:  Single transferable vote

Pour diffusion immédiate – Le jeudi 9 septembre 2004

Montréal – Selon Henry Milner l’Écosse et la Nouvelle-Zélande, qui utilisent le système électoral mixte compensatoire, devraient inspirer les provinces canadiennes. L’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) publie aujourd’hui une étude d’Henry Milner intitulée « Le point sur la réforme électorale dans les provinces canadiennes : où se situe le Québec ? ».

L’auteur, chercheur invité à l’IRPP dans le cadre du programme Renforcer la démocratie canadienne, examine les initiatives prises par cinq provinces canadiennes dans le but de modifier leur système électoral et conclut que, parmi celles-ci, le Québec et la Colombie- Britannique sont les plus avancées. Il analyse ensuite les forces et les faiblesses de la proposition actuellement discutée à Québec, où, cet automne, le gouvernement sera le premier au Canada à présenter un projet de loi sur la question.

Henry Milner affirme que les provinces qui ont déjà commencé à débattre d’une réforme électorale souhaitent en fait se donner un type de système proportionnel qui maintienne l’importance du rôle des députés élus pour représenter les habitants d’un territoire donné. Le système électoral mixte compensatoire (SMC), explique-t-il, permet d’atteindre cet objectif.

L’auteur présente le cas de l’Écosse et celui de la Nouvelle-Zélande, deux pays qui, étant donné leur taille et leurs institutions de type britannique, peuvent facilement être comparées aux provinces canadiennes. Or, ces dernières années, elles ont adopté le SMC afin d’ajouter un élément de proportionnalité à leur mode de scrutin.

L’étude démontre que l’adoption du SMC permet de corriger les faiblesses du système électoral majoritaire uninominal, dont le déséquilibre que celui-ci entraîne entre le pourcentage des voix obtenu par les partis et le nombre de sièges que les suffrages leur permettent d’obtenir. Si ce problème est celui que les tenants d’une réforme citent le plus souvent, ajoute l’auteur, il en existe d’autres, comme le « syndrome du perdant-vainqueur» (le fait que le parti qui recueille le plus de voix ne sorte pas nécessairement gagnant de l’élection) et l’hyperpolarisation (le fait que les formations politiques dont les positions se situent à mi-chemin de celles des grands partis ne réussissent pas à faire élire de représentants) ; le SMC permet également d’y remédier.

Tirant des leçons de ce qui a été fait en Écosse et en Nouvelle-Zélande, le professeur Milner affirme que l’on peut établir certaines balises pour adapter ces modèles de SMC à la situation canadienne afin que nos systèmes électoraux se rapprochent davantage de la proportionnalité :

  • Augmenter le nombre de sièges compensatoires attribués à des députés élus à partir de listes de parti ;
  • Élargir la superficie des territoires associés aux listes de parti ;
  • Établir un « seuil minimum opérant » de suffrages nécessaires à l’élection de députés, de manière à limiter le nombre de partis capables de remporter des sièges.

« Le point sur la réforme électorale dans les provinces canadiennes : où se situe le Québec ? » est le plus récent cahier Enjeux publics qui paraît dans la série Renforcer la démocratie canadienne de l’IRPP. Il est maintenant disponible en ligne, en format Adobe (.pdf), sur le site Web de l’Institut (www.irpp.org).

Le professeur Milner présentera les résultats de son étude au cours d’une conférence organisée par le Mouvement démocratie et citoyenneté du Québec, le 15 septembre 2004, à 19 h, au local D-R200 du pavillon Athanase-David de l’Université du Québec à Montréal (1420, rue Saint-Denis, Montréal). La presse est cordialement invitée.

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