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La montée des tiers partis au Québec à l’élection de 2007 featured image
Renforcer la démocratie canadienne

De nouveaux facteurs expliquent la montée des tiers partis aux élections québécoises de 2007

Conjoncture ou tendance ?

Éric Bélanger et Richard Nadeau 25 novembre 2008

L’’élection provinciale québécoise de 2007 a été exceptionnelle à plus d’un titre. Le Parti libéral du Québec (PLQ) a remporté celle-ci avec seulement 33 p. 100 des voix et 48 sièges, talonné par l’Action démocratique du Québec (ADQ), avec 31 p. 100 du vote et 41 sièges, et le Parti québécois (PQ), qui a obtenu 28 p. 100 des voix et 36 sièges. C’est la première fois depuis 1878 que les Québécois élisent un gouvernement minoritaire. L’Action démocratique du Québec de Mario Dumont est alors devenue l’opposition officielle à l’Assemblée nationale, reléguant le Parti québécois au rang de troisième parti.

De tels résultats soulèvent des questions à propos de l’évolution des préférences partisanes au Québec. Pour mieux comprendre les résultats et les implications de l’élection de 2007, il est nécessaire de mettre à jour nos connaissances sur le comportement électoral des Québécois. L’étude d’Éric Bélanger et de Richard Nadeau repose sur les données d’un sondage mené auprès de plus de 2 000 citoyens immédiatement après la dernière élection provinciale. Les auteurs tracent un portrait exhaustif du profil et des motivations des clientèles des cinq principales formations politiques du Québec. Ce qui permet de répondre à une question pertinente quant au résultat du scrutin de 2007, à savoir : est-ce que les électeurs des tiers partis (ADQ, Québec solidaire, Parti vert du Québec) se distinguent de ceux des deux partis traditionnels (PLQ, PQ) et, si oui, de quelle façon le font-ils ?

Cette étude révèle que, outre les partisans des deux grandes formations traditionnelles (PLQ et PQ), trois autres courants se dessinent dans l’électorat québécois. Le plus important, qui a soutenu massivement l’ADQ, est d’orientation conservatrice et de tendance nationaliste. Deux autres groupes d’importance moindre apparaissent également : un électorat écologiste — qui pourrait être en croissance — a appuyé le Parti vert, et une clientèle marquée à gauche et favorable à la souveraineté a soutenu Québec solidaire.

Comment expliquer que ces clientèles se soient détachées des partis traditionnels lors des élections de 2007 ? Les auteurs expliquent qu’une combinaison de facteurs, de court et de long terme, paraît avoir joué. Le bilan mitigé du gouvernement du PLQ a constitué un élément déclencheur. Le fait que le PQ, en raison notamment de l’impopularité de son chef, n’ait pas constitué une solution de rechange pour les mécontents a nourri la désaffection à l’endroit des deux partis traditionnels au Québec et alimenté une volonté de changement que les tiers partis ont su exploiter. Même si l’ADQ a bénéficié de ce facteur plus que Québec solidaire et le Parti vert, la volonté de changement demeure un trait commun expliquant une partie de la montée des tiers partis au Québec en 2007.

Les auteurs expliquent également que les enjeux débattus ont aussi poussé les électeurs à voter pour un parti émergent, mais ce facteur a joué de manière différente pour chacun des tiers partis. Les « écologistes » québécois déçus des partis traditionnels ont choisi de voter pour le Parti vert plutôt que d’appuyer le parti traditionnel le plus ouvert à la cause environnementale. L’électorat vert est plus anglophone, nettement plus fédéraliste et un peu plus conservateur que celui de Québec solidaire, et l’ADQ n’a pas manifesté beaucoup de ferveur environnementale lors de l’élection. L’appui à Québec solidaire repose sur d’autres facteurs. Ce parti loge sur le flanc gauche du PQ et est formé d’électeurs un peu moins souverainistes et un peu plus progressistes que le partisan péquiste médian. Il était naturel que des électeurs, peu enchantés du PQ, mais souverainistes et ancrés à gauche, jettent leur dévolu sur Québec solidaire.

Selon Éric Bélanger et Richard Nadeau, plusieurs facteurs expliquent la progression de l’ADQ. Alors que depuis 1994 les gains adéquistes se sont surtout faits au détriment du PQ, la montée de l’ADQ en 2007 a été le produit de nombreuses défections chez les libéraux. Cela est d’abord dû à la proximité de ces deux électorats sur les questions économiques et sociales. Mais l’impopularité de Jean Charest et de son gouvernement, la popularité de Mario Dumont et le positionnement de son parti à propos de la question des accommodements raisonnables ont constitué d’autres passerelles facilitant la migration d’un électorat conservateur, et de sensibilité nationaliste, du PLQ vers l’ADQ. Les défections du PQ en faveur de l’ADQ, moindres en 2007, n’ont pas été inexistantes. La promesse du PQ de tenir un référendum rapidement, combinée aux positions de l’ADQ sur les accommodements raisonnables et à son positionnement « autonomiste », a également contribué à accroître l’appui au parti de Mario Dumont. Après avoir fait le portrait des électeurs et l’analyse des facteurs qui ont favorisé le déplacement des votes des partis traditionnels vers les tiers partis, les auteurs concluent cette étude en examinant la question de la pérennité des succès des tiers partis au Québec.

Les motivations des électeurs à l’occasion des élections provinciales au Québec ont été peu étudiées depuis un quart de siècle. Quelques études menées à l’aide de données agrégées mettent en lumière certains aspects du comportement électoral des Québécois (notamment l’impact des nouveaux leaders ou de la conjoncture économique; voir Guérin et Nadeau 1995; Nadeau et Bélanger 1999) et établissent les assises régionales des principaux partis politiques du Québec (voir Allan et Vengroff 2004 et Drouilly 2007). Les analyses approfondies visant à expliquer le choix des électeurs lors des élections provinciales au Québec restent toutefois très rares — l’étude de Pinard (2003) constituant une exception. Le fossé est particulièrement frappant entre la richesse des analyses sur l’électorat canadien (p. ex. Nevitte et al. 2000; Blais et al. 2002) et le nombre très limité d’études effectuées à l’aide de microdonnées permettant de comprendre les choix électoraux lors des scrutins québécois.

La présente enquête — la plus complète menée sur le comportement des électeurs québécois au cours des dernières décennies — vise à combler en partie cette lacune, en renouant avec la tradition des grandes études électorales au Québec (Lemieux, Gilbert et Blais 1970; Crête 1984). Elle est constituée de trois composantes: un sondage fondé sur un questionnaire étoffé administré peu après l’élection de 2007 au Québec auprès de plus de 2000 électeurs, l’utilisation du modèle d’explication dit des «blocs récursifs1» et l’emploi de techniques statistiques appropriées.

Les résultats présentés ici permettent de tracer le profil des clientèles électorales des cinq principaux partis lors de l’élection provinciale de 2007 au Québec. Ce portrait d’ensemble, utile en soi, sert de toile de fond à une interrogation plus spécifique sur l’appui aux tiers partis, soit l’Action démocratique du Québec (ADQ), Québec solidaire (QS) et le Parti vert du Québec (PVQ) lors de ce scrutin (au total 38 p. 100 du vote à cette élection; voir le tableau 1, page 8). Dans cette étude, un «tiers parti» est défini comme une formation qui n’a jamais réussi à être élue et qui reste, aux yeux des électeurs, une alternative non encore mise à l’épreuve du pouvoir (Pinard 1973, p. 455). À l’opposé, tout parti ayant déjà formé un gouvernement est considéré comme un parti majeur ou traditionnel (à moins qu’il n’ait pas formé de gouvernement depuis très longtemps comme c’est le cas, par exemple, du Parti libéral de Grande-Bretagne)2. Selon notre définition, l’Action démocratique constitue donc toujours un tiers parti, puisqu’elle n’a pas encore réussi à prendre le pouvoir.

Ce questionnement sur les tiers partis vise à établir l’influence des différents facteurs ayant contribué à leur récente progression, afin de permettre de mieux comprendre les sources de la fragmentation accrue des systèmes de partis, non seulement au Québec et au Canada, mais aussi dans la plupart des démocraties occidentales contemporaines. L’intérêt de notre étude dépasse donc les frontières du Québec. Les études quantitatives sur les tiers partis provinciaux au Canada, par exemple, sont presque inexistantes3. De plus, la méthodologie employée à ce jour pour étudier ce phénomène est limitée, car la plupart des études n’examinent qu’un seul parti à la fois. La solution à ces lacunes réside dans l’emploi d’un devis de recherche permettant d’analyser l’expérience récente de quelques tiers partis tout en les comparant entre eux. L’analyse de notre sondage postélectoral québécois mené en 2007 permet de faire un premier pas vers une meilleure compréhension de l’appui aux tiers partis provinciaux au Canada4.

Le texte comprend trois grandes parties: une revue des études sur les facteurs pouvant expliquer l’appui aux tiers partis; une mise en contexte de l’élection provinciale de 2007 au Québec; un examen des déterminants de l’appui aux tiers partis. Dans cette dernière partie, nous présentons une analyse des clientèles des partis lors du scrutin de 2007 mettant en relief les similitudes et les différences entre les électorats des tiers partis (ADQ, Parti vert, Québec solidaire) entre eux et par rapport aux supporteurs des grands partis, le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ). Nous analysons successivement l’influence sur le vote des facteurs suivants: les caractéristiques socio­démographiques des individus, leurs perceptions quant à l’intervention étatique et à la question nationale, leurs opinions sur les principaux enjeux de l’élection de 2007 (dont la conjoncture économique et la notion des accommodements raisonnables) et leur appréciation des divers chefs qui étaient en compétition lors de cette campagne.

Facteurs explicatifs de l’appui aux tiers partis

Le système politique canadien, aux niveaux tant fédéral que provincial, foisonne de ce que l’on peut appeler «tiers partis» (Lipset 1990). Lucardie (2007, p. 283) rapporte par exemple qu’entre 1972 et 2006, un total de 48 nouveaux partis fédéraux ont été enregistrés par Élections Canada, et que 20 d’entre eux ont présenté des candidats à l’occasion d’élections. Cette situation est surprenante dans la mesure où le contexte institutionnel canadien comprend de nombreuses «barrières à l’entrée» qui défavorisent les nouveaux partis (Harmel et Robertson 1985). Par exemple, le système de scrutin uninominal à un tour utilisé au pays crée des distorsions importantes entre le nombre de votes et le nombre de sièges obtenus, un phénomène qui pénalise généralement les tiers partis (Cairns 1968). Ces derniers sont aussi touchés par les règles de financement politique, qui leur imposent souvent d’obtenir un certain pourcentage du vote afin de voir leurs dépenses électorales remboursées par l’État. Malgré de telles barrières, les tiers partis sont nombreux au Canada, et plusieurs d’entre eux ont réussi à connaître un certain succès sur la scène électorale canadienne depuis la Seconde Guerre mondiale. L’émergence du Parti créditiste, du Parti réformiste et du Bloc québécois illustre ce phénomène sur la scène fédérale. Les cas les plus récents de partis émergents au niveau provincial sont ceux de l’Action démocratique du Québec, de l’Alberta Alliance, du Saskatchewan Party et du Parti vert de la Colombie-Britannique (pour un examen descriptif récent, voir Bélanger 2007a).

Comment expliquer ce succès, somme toute étonnant, des tiers partis au Canada? Peut-on l’attribuer à des causes propres au Canada ou repose-t-il aussi sur les facteurs qui expliqueraient la montée des tiers partis ailleurs dans le monde (Dalton, McAllister et Wattenberg 2000)?

Les études sur l’appui électoral reçu par les tiers partis ont suggéré trois pistes d’explication. L’approche la plus ancienne met l’accent sur certains facteurs institutionnels, notamment le mode de scrutin, qui favorisent ou défavorisent l’émergence électorale de nouveaux partis (p. ex. Duverger 1951; Müller-Rommel 1996). Lipset (1990) conclut de la lecture de ces travaux que l’environnement institutionnel canadien, notamment en raison du mode de scrutin uninominal qui y prévaut, n’est guère favorable à l’implantation durable de nouveaux partis.

Cette conclusion doit bien sûr être revue et nuancée. Le mode de scrutin en usage au Canada désavantage certes les tiers partis, mais la diversité sociologique du pays, couplée à sa structure fédérale, constituent des facteurs qui jouent dans le sens inverse. Dans la foulée des travaux pionniers de Pinard (1971), ceux de Bélanger (2004a) et de Lucardie (2007) mettent en lumière l’importance des griefs régionaux dans le succès des tiers partis. De nombreuses études européennes montrent aussi que la présence de plusieurs paliers de gouvernement favorise l’émergence de nouvelles formations politiques (Harmel et Robertson 1985; Willey 1998; Gerring 2005). Un cadre explicatif du phénomène des tiers partis dans les provinces cana­diennes doit tenir compte de ces facteurs, qui suggèrent, en dernière analyse, que le succès des petits partis au Canada n’est peut-être pas aussi paradoxal qu’il n’y paraît à première vue (Cairns 1968).

Certains auteurs ont récemment suggéré que les changements au plan des valeurs et des conditions socioéconomiques peuvent expliquer la montée des nouveaux partis, notamment des partis verts et de droite radicale en Europe (Kitschelt 1995; Golder 2003; Inglehart 1998; van der Brug, Fennema et Tillie 2000; Norris 2005). Ces changements auraient contribué à mettre à l’avant-scène des enjeux comme l’environnement, l’immigration et les questions morales, qui ne recoupent pas le clivage traditionnel entre la gauche et la droite, créant ainsi un nouvel espace idéologique propice à l’émergence de nouveaux partis. Cette approche rappelle la nécessité de tenir compte du rôle des enjeux, et notamment de l’émergence de nouveaux enjeux, pour expliquer le succès des tiers partis. Un cadre explicatif visant à rendre compte des succès des petits partis dans les provinces canadiennes doit tenir compte de cette dimension.

Un aspect important de ces changements de valeurs paraît être la montée du cynisme envers le système politique. La confiance politique repose sur une évaluation globale des institutions gouvernementales, fondée sur la correspondance, ou l’écart, entre les attentes des citoyens quant à la performance de ces institutions et la perception qu’ils ont du fonctionnement de celles-ci (Orren 1997). La confiance politique constitue ainsi une forme de soutien diffus, une attitude favorable qui peut aider les citoyens à accepter ou à tolérer ce qu’ils perçoivent comme un mauvais fonctionnement ou une sous-performance du système et de ses institutions (Easton 1965; Gamson 1968). En conséquence, la confiance politique est à distinguer d’une simple opinion à l’endroit de la taille de l’appareil gouvernemental: une attitude de méfiance est beaucoup plus liée au désir d’avoir un gouvernement plus fiable, compétent, honnête et digne de confiance, qu’à un souhait de réduire la taille du gouvernement (Citrin et al. 1975). De nombreuses études observent un déclin important de la confiance politique depuis les années 1960 tant aux États-Unis que dans la plupart des démocraties établies (p. ex. Nye, Zelikow et King 1997; Norris 1999; Pharr et Putnam 2000; Hibbing et Theiss-Morse 2001; Dalton 2004). Cette désaffection traduit beaucoup plus une insatisfaction et un malaise qu’une hostilité irrationnelle envers le fonctionnement du système. Elle repose sur une évaluation plus ou moins systématique de la performance des institutions gouvernementales et des partis en place.

Bélanger (2004b) et Bélanger et Nadeau (2005) montrent que les nouveaux partis sont parfois en mesure de canaliser ce malaise à leur profit (voir aussi Hetherington 1999; Peterson et Wrighton 1998; Canovan 1999 ; Dalton et Weldon 2005; Bélanger et Aarts 2006). Un vote pour un tiers parti peut ainsi être conceptualisé comme constituant, pour l’électeur désabusé, une voie d’action potentiellement plus efficace que l’abstention pour améliorer une situation politique insatisfaisante et des institutions démocratiques jugées décevantes (Hirschman 1970; Kang 2004).

Bien qu’il soit raisonnable de penser que les enjeux émergents et le malaise démocratique constituent deux facteurs importants dans le succès des tiers partis, il n’y a pas de consensus sur ce sujet. Certains avancent que l’appui aux nouveaux partis s’explique d’abord et avant tout par leurs positions sur des enjeux émergents occupant une place importante dans l’ordre du jour politique, et que le cynisme n’a rien à voir avec cet appui (Koch 2003; van der Brug 2003). Pour d’autres, le malaise démocratique constitue une attitude politique distincte susceptible d’exercer une influence importante sur le choix des électeurs, au même titre que le positionnement des partis sur les enjeux (Craig 1979; Hetherington 1998; Peterson et Wrighton 1998; Chanley, Rudolph et Rahn 2001; Bélanger et Aarts 2006).

Enfin, dans un ouvrage récent, Meguid (2008) souligne les limites des approches institutionnelle et sociologique du phénomène des tiers partis. D’après Meguid, ces explications négligent le rôle des partis traditionnels dans la dynamique favorisant ou défavorisant l’ascension et le déclin des nouveaux partis (voir aussi Hirano et Snyder 2007). En effet, les partis traditionnels, menacés par l’arrivée de nouveaux concurrents, adoptent rarement le comportement passif que les autres approches paraissent leur prêter. Un modèle explicatif de l’appui aux tiers partis doit donc tenir compte de la réaction des partis traditionnels devant l’émergence d’une compétition accrue.

Dans la même lignée, certains travaux soutiennent que le succès des tiers partis est souvent lié au charisme de leur chef, ou du moins à la popularité de celui-ci, plus grande que celle des chefs des partis traditionnels (p. ex. Gagnon 1981; Taggart 2000). Il faut toutefois noter que l’importance de la variable «attrait personnel du chef» pour expliquer les succès des partis populistes de droite européens a récemment été contestée (van der Brug et Mughan 2007). Dans le cas québécois, Nadeau et Bélanger (1999) ont avancé qu’en général, l’image des chefs n’aurait qu’un effet passager sur les intentions de vote, mais que la faiblesse concomitante du leadership à la tête des partis traditionnels pouvait tout de même bénéficier aux tiers partis du système (voir aussi Pinard 2003).

Cette brève revue de la littérature permet de constater que les spécialistes canadiens et étrangers apportent des réponses quelque peu différentes à la question des facteurs qui déterminent l’appui aux tiers partis. Les études canadiennes mettent l’accent sur les facteurs d’expression de griefs, dont le cynisme envers la politique et les institutions démo­cratiques, alors que les travaux étrangers cherchent davantage à expliquer l’appui aux tiers partis par des variables idéologiques, liées notamment au positionnement des partis traditionnels et non traditionnels face aux enjeux politiques émergents.

L’ensemble de ces pistes guide notre étude des clientèles des tiers partis et des partis traditionnels lors de l’élection québécoise de mars 2007. Nous présentons d’abord des éléments permettant de comprendre le contexte de cette élection, avant d’étudier de façon plus approfondie les déterminants de l’appui aux partis lors de ce scrutin.

L’élection québécoise du 26 mars 2007

Les résultats de cette élection provinciale ont été marquants dans la mesure où, pour la première fois depuis 1878, les électeurs québécois ont élu un gouvernement minoritaire, dirigé par le Parti libéral sortant. Le premier mandat du gouvernement Charest a été controversé. Il a été caractérisé par des niveaux d’insatisfaction très élevés durant les trois premières années, exprimés autant par la population que par les partis d’opposition et les journalistes. On alléguait que les libéraux n’avaient pas respecté leurs engagements électoraux formulés lors de la campagne de 2003 (Pétry, Bélanger et Imbeau 2006). Dans ce contexte, le fait que le PLQ ait été incapable de conserver une majorité de sièges à l’Assemblée nationale du Québec en 2007 n’a pas vraiment constitué une surprise. Pourtant, durant les semaines qui ont précédé le déclenchement des élections par le premier ministre Charest, certains indices laissaient croire que la situation n’était pas si mauvaise pour les libéraux.

Les premiers signes d’espoir pour le PLQ ont été la publication simultanée de deux sondages d’opinion le 30 janvier 2007: aussi bien le premier sondage, réalisé par la firme Léger Marketing pour Le Devoir, que le deuxième, mené par la firme CROP et publié dans La Presse, démontraient que les libéraux avaient pris les devants sur le Parti québécois, et ce, pour la première fois depuis novembre 2004. De plus, le sondage CROP démontrait que la satisfaction à l’égard du gouvernement Charest, bien que demeurant relativement peu élevée, avait légèrement augmenté, et se situait maintenant à son plus haut niveau depuis novembre 2003 — la satisfaction des Québécois se chiffrant à 43p.100, en hausse par rapport au creux historique de 20 p. 100 enregistré au printemps 2005. Ces signes ont indiqué au gouvernement Charest qu’une fenêtre s’était ouverte pour la tenue d’élections, ouverture qui coïncidait en outre avec l’échéance normale de son premier mandat.

La confirmation que le nouveau chef du Parti québécois, André Boisclair, était incapable de canaliser l’insatisfaction à l’égard du gouvernement Charest a marqué un autre signe d’évolution positive pour ce dernier. Depuis l’élection d’André Boisclair à la tête du PQ en novembre 2005 (à la suite de la démission surprise de Bernard Landry), les intentions de vote en faveur du PQ étaient passées de 50 p. 100, loin devant tous les autres partis, à 34 p. 100, soit quelques points derrière les libéraux (à 37 p. 100)5. Le déclin des intentions de vote en faveur du PQ pouvait aussi être en partie attribué à la diminution des appuis à la souveraineté du Québec, survenue à la suite de l’élection du gouvernement conservateur de Stephen Harper sur la scène fédérale, en janvier 2006. Le chef conservateur avait fait des gains importants au Québec, remportant 10sièges et promettant de pratiquer un «fédéralisme d’ouverture» qui soit plus près des intérêts et des aspirations du Québec (Bélanger et Nadeau 2006).

Finalement, le débat autour de la notion des «accommodements raisonnables», qui semblait devenir une épine au pied du Parti libéral, s’est apaisé au cours du mois de février 2007. Un an plus tôt, en mars 2006, la Cour suprême du Canada avait tranché en faveur d’un jeune immigrant de religion sikhe, qui réclamait le droit de porter le kirpan à l’école (Perreault 2006). Ce jugement, et la mise au jour d’autres cas d’«accommodements», avait suscité de nombreux débats qui avaient gagné en intensité dans les mois suivants6. En novembre 2006, le chef de l’Action démocratique, Mario Dumont, est entré à son tour dans le débat en émettant de sérieuses réserves sur ces accommodements et en critiquant le gouvernement Charest pour son inaction dans ce dossier (Dutrisac 2006). Le débat a culminé à la fin du mois de janvier 2007, lorsque La Presse a rapporté que le conseil municipal d’Hérouxville (un village situé près de Shawinigan, en Mauricie) venait d’adopter un «code de conduite» destiné aux immigrants désireux de s’établir dans le village, et qui les enjoignait de se conformer aux valeurs laïques du Québec (Gagnon 2007). Mario Dumont a alors déclaré que le code d’Hérouxville était «un cri du cœur» qui devait être entendu. Le sondage Léger Marketing du 30janvier a alors démontré une augmentation significative des intentions de vote en faveur de l’ADQ, désormais à 24 p. 100 par rapport à 11p.100 un an auparavant. Seulement deux semaines avant le déclenchement des élections, le premier mini­s­tre Charest a finalement répondu à la crise en créant la commission Bouchard-Taylor, chargée de faire la lumière sur les cas d’accommodements raisonnables, dans l’espoir que cette dernière puisse calmer le jeu (Robitaille 2007).

La campagne électorale débute officiellement le 21février 2007. Cinq partis politiques principaux sont dans la course. En plus du Parti libéral, du Parti québécois et de l’Action démocratique, qui présentent des candidats dans les 125 circonscriptions du Québec, le Parti vert présente 108 candidats7, et Québec solidaire — un parti de gauche créé en février 2006 — en présente 123. Rappelons que la fondation de ce parti a résulté de la fusion de l’Union des forces progressistes (UFP) et du mouvement politique Option citoyenne de Françoise David.

La première semaine de la campagne porte surtout sur le bilan du gouvernement Charest. Le PQ et l’ADQ accusent alors le gouvernement sortant d’avoir violé l’une de ses promesses les plus importantes, soit celle d’améliorer le système de santé du Québec. L’ADQ se déclare favorable à une certaine forme de privatisation du système de santé, mais le parti met surtout l’accent sur sa propre priorité, à savoir les familles du Québec. Mario Dumont promet, entre autres, une allocation de 100 dollars par enfant par semaine à chaque famille, et propose d’abolir les commissions scolaires. Le PQ annonce de son côté son intention, une fois élu, de renverser l’une des décisions les plus impopulaires du gouvernement Charest, soit la vente à des intérêts privés d’une partie du parc national du Mont-Orford.

Durant la deuxième semaine de la campagne, l’attention se tourne vers la question constitutionnelle. André Boisclair présente son programme électoral, dans lequel il est annoncé que le PQ s’engage, une fois élu, à tenir un référendum sur la souveraineté du Québec «le plus tôt possible durant son premier mandat». Les libéraux ne perdent pas de temps et dénoncent cet engagement en soutenant que la tenue d’un troisième référendum n’est pas dans l’intérêt des Québécois. Mario Dumont dénonce lui aussi l’«obsession» référendaire des péquistes et propose plutôt d’accroître l’autonomie du Québec à l’intérieur de la fédération canadienne. La position autonomiste de l’ADQ amène Jean Charest à prétendre que Mario Dumont n’est rien de moins qu’un séparatiste dans le placard, rappelant aux électeurs que le chef de l’ADQ s’est rangé du côté du «oui» lors du référendum de 1995.

L’ADQ commence lentement à recevoir plus d’attention de la part des partis adverses de même que des médias. Depuis le début de la campagne, plusieurs candidats adéquistes ont formulé des commentaires controversés sur la réglementation des armes à feu, les conditions de travail des femmes et les immigrants, ainsi que sur l’homosexualité d’André Boisclair. On apprend aussi qu’un candidat adéquiste a un dossier criminel. Sur une base presque quotidienne, Dumont doit défendre ses candidats ou s’écarter de leurs déclarations, et il finit par renvoyer deux d’entre eux. En dépit de ces problèmes, de nouveaux sondages publiés à la mi-campagne indiquent que l’ADQ poursuit sur sa lancée, que le parti est maintenant au coude à coude avec le PQ, et qu’il menace même l’avance dont jouissait le Parti libéral. Charest et Boisclair commencent alors à attaquer Dumont. Ils montrent du doigt le manque de crédibilité apparent de son équipe et tentent de faire la démonstration que ses idées sont irréalistes parce que trop coûteuses. La stratégie consiste en fait à persuader les électeurs que l’ADQ se résume à son chef, et qu’elle n’est pas un parti capable de former un gouvernement crédible.

Un débat télévisé auquel ne sont invités que les chefs des trois partis principaux a lieu le 13 mars 2007. À la fin du débat, la plupart des observateurs8 sont d’accord pour dire que Jean Charest y a fait mauvaise figure, ne répondant que mollement aux attaques de ses adversaires sur son bilan. Après un début de campagne difficile, André Boisclair se ressaisit quelque peu lors du débat en mettant de l’avant ses priorités (notamment l’éducation) et en laissant la question référendaire largement de côté. Pour sa part, Mario Dumont tente de susciter de la méfiance envers le gouvernement Charest en exhibant à la caméra des documents administratifs qui démontrent, selon lui, que le gouvernement a fait preuve de négligence dans l’entretien des infrastructures autoroutières du Québec, et qu’il est par conséquent responsable de l’effondrement d’un viaduc dans la région de Montréal l’automne précédent.

Dumont étant toujours sur une montée et le jour de l’élection approchant à grands pas, la semaine suivant le débat donne lieu à des spéculations sur l’élection possible d’un gouvernement minoritaire. Alors que Jean Charest se hâte de rejeter cette possibilité en affirmant qu’un gouvernement minoritaire affaiblirait le Québec, les deux autres chefs de parti abordent la question ouvertement. André Boisclair réitère sa promesse de tenir un référendum, même en situation minoritaire. Mario Dumont ridiculise l’idée, et rejette toute possibilité de former un gouvernement de coalition avec le PQ (ou avec le PLQ, du reste).

nadeau tableau 1

La dernière semaine de la campagne est dominée par le budget fédéral. Le 19 mars, le gouvernement Harper présente son budget et prétend avoir réglé la question du «déséquilibre fiscal» en augmentant substantiellement les transferts aux provinces. Il annonce dans cette foulée que le gouvernement du Québec va recevoir 3,6 milliards de dollars en nouveaux transferts sur une période de deux ans. Même si le Parti québécois et le Bloc québécois se montrent favorables à ce budget, ils critiquent tous les deux le premier ministre Harper qui s’est, selon eux, immiscé dans la campagne électorale provinciale avec le dépôt de son budget. Le jour suivant, Jean Charest annonce que, s’il est réélu, il utilisera 700 millions de dollars de ce nouvel argent pour baisser les impôts. Cette promesse s’avère controversée, étant donné que les libéraux avaient répété pendant des années que le manque de financement de la part du gouvernement fédéral était en bonne partie à l’origine des problèmes du système de santé québécois. La promesse de Charest est rapidement critiquée par Boisclair et Dumont, de même que par certaines personnes à l’intérieur même du PLQ (Chouinard 2007).

Les derniers sondages de la campagne indiquent que la course est toujours serrée entre les trois principaux partis, les libéraux conservant une légère avance, sans doute insuffisante pour assurer la formation d’un gouvernement majoritaire. Les Québécois vont aux urnes le lundi 26 mars. Les libéraux sont réélus avec une pluralité de sièges. L’ADQ finit deuxième aussi bien en nombre de votes qu’en nombre de sièges. Le PQ finit troisième, sa pire performance depuis l’élection provinciale de 1970. En ce qui a trait aux deux autres partis, Québec solidaire et le Parti vert du Québec, ils récoltent environ 4 p. 100 du vote chacun (mais aucun siège) le jour de l’élection (voir le tableau 1).

Le résultat le plus marquant de l’élection est évidemment la forte poussée de l’Action démocratique, qui voit ses appuis et sa députation augmenter de façon specta­culaire par rapport à l’élection précédente, de 18 à 31p.100 dans le premier cas et de 4 à 41 dans l’autre (voir le tableau 1). Le parti de Mario Dumont, confiné depuis 13 ans à un rôle plutôt secondaire à l’Assemblée nationale, acquiert le statut d’opposition officielle. Le Parti québécois poursuit sa descente dans la faveur des électeurs — ininterrompue depuis 1994 (malgré sa victoire en 1998) — et devient le deuxième parti d’opposition. Au-delà de ces évolutions, remarquables en soi, deux autres résultats sont à souligner. Le premier est la chute importante des appuis au PLQ entre les élections de 2003 et de 2007 (de 46 à 33 p. 100). Il faut remonter aux élections de 1973 et de 1976 pour assister à un tel recul du soutien au Parti libéral (de 55 à 33 p. 100). D’autre part, le score obtenu par le PLQ est le plus faible qu’ait obtenu cette formation politique en un siècle. Un autre résultat de cette élection a fait l’objet de peu de commentaires: la stagnation de la participation électorale. En dépit de la montée de l’ADQ, de l’émergence de Québec solidaire, de la présence accrue du Parti vert et du caractère très serré du scrutin (un facteur qui favorise habituellement une hausse de la participation), la participation s’est à peine maintenue au-dessus de la barre des 70 p. 100 (71,2 contre 70,5p.100 en 2003). Ces dernières observations suggèrent deux choses: que la montée des tiers partis en 2007 n’est pas le résultat d’une forte mobilisation qui aurait mené aux urnes de nouveaux électeurs et, surtout, qu’elle s’est produite au détriment d’un des deux partis traditionnels, le Parti libéral.

Les déterminants de l’appui aux tiers partis

Notre analyse du comportement électoral se concentre sur les cas de l’Action démocratique, de Québec solidaire et du Parti vert, qui ont récolté ensemble 38,3 p. 100 du vote lors de l’élection du 26 mars 2007. L’étude de la clientèle de l’ADQ, en particulier, est intéressante pour plusieurs raisons. Les conditions dans lesquelles ce parti est né et s’est développé présentent des similitudes intéressantes avec la poussée créditiste de 1962 au Québec (Drouilly 2003). Le cas adéquiste est également pertinent dans la mesure où certains ont avancé que la montée de ce parti allait entraîner une transformation profonde du système politique québécois. Selon cette hypothèse, le Parti québécois pourrait, à plus ou moins long terme, céder progressivement sa place à l’ADQ comme deuxième grand parti politique au Québec (Pinard 2003; Allan et Vengroff 2004; Drouilly 2007). Même si cette conjecture peut paraître prématurée (Tanguay 2007; Bélanger 2007b), il n’en demeure pas moins que la progression constante de l’ADQ à chaque élection (passant de 6 p. 100 du vote en 1994 à 12 p. 100 en 1998, à 18 p. 100 en 2003 et à 31 p. 100 en 2007) et les niveaux de popularité spectaculaires qu’il a obtenus dans le passé (plus de 40 p. 100 d’appuis à quelques mois de l’élection de 2003) confèrent au cas de l’ADQ un intérêt particulier, non seulement d’un point de vue empirique, mais aussi dans la perspective plus large de la dynamique politique au Québec et au Canada.

Nos analyses des déterminants des choix électoraux à l’élection provinciale québécoise de 2007 se basent sur les données d’un sondage réalisé immédiatement après la campagne électorale par la firme Léger Marketing9. Deux échantillons (Web et téléphonique) ont été combinés dans ce sondage. La collecte de données de la portion Web a été réalisée du 5au 11 avril 2007 auprès de 1172 Québécois et Québécoises, sélectionnés de façon aléatoire à partir du panel Internet de Léger Marketing, représentatif de la population québécoise et comptant plus de 150000 membres au Québec10. La collecte de données de la portion téléphonique a été menée du 4 au 15 avril 2007 auprès de 1 003 Québécois et Québécoises, à partir du centre d’appels montréalais de la firme. La marge d’erreur pour les résultats d’ensemble du sondage (n=2175) est de ±2,3 p. 100, 19 fois sur 20. Toutes les analyses présentées dans cette étude ont été effectuées à partir des données pondérées11.

Les résultats de ce sondage sont analysés de manière à répondre, dans l’ordre, aux trois questions suivantes:

  1. Quel est le profil des électeurs ayant appuyé les tiers partis en général et l’Action démocratique en particulier?
  2. Quels sont les valeurs et les positionnements idéologiques des électeurs des nouveaux partis (Action démocratique, Québec solidaire et Parti vert) au Québec?
  3. Comment les enjeux électoraux et la popularité des chefs ont-ils joué dans la montée des tiers partis lors de l’élection de 2007?

Les analyses sont menées en deux temps. Nous répondons d’abord à ces questions de façon plus descriptive. Nous réexaminons ensuite les réponses obtenues à l’aide d’un modèle multivarié dans lequel l’impact des différents déterminants du vote, sociodémographiques, idéologiques ou contextuels (chefs et enjeux) sont examinés successivement. Il s’agit du modèle des blocs récursifs (Miller et Shanks 1996; Blais et al. 2002) qui introduit un à un des blocs de variables explicatives. Le modèle A renferme ainsi les variables de type socio­démographique, le modèle B, les variables de valeurs et d’orientations idéologiques, le modèle C, les variables liées aux enjeux politiques, et le modèle D, les variables de perception des partis et des chefs12.

La clientèle des tiers partis

Qui sont les partisans de l’Action démocratique, de Québec solidaire et du Parti vert, et en quoi se distinguent-ils des clientèles des partis traditionnels comme le Parti québécois et le Parti libéral ? Le tableau 2 fournit des éléments de réponse. Le profil de l’électeur adéquiste ressort assez clairement: il est francophone, d’âge moyen, moins scolarisé et il habite la couronne montréalaise (Laval, Lanaudière, Laurentides et Montérégie) ou les régions du Centre-du-Québec ou de la Capitale-Nationale. L’écart entre les hommes et les femmes n’est pas marqué dans l’électorat de l’ADQ, qui se caractérise par un niveau de pratique religieuse moins élevé que chez les libéraux, mais plus intense que chez les électeurs des autres partis. Il est donc possible de conclure, au vu de ces premiers chiffres, que le profil de l’électeur de Mario Dumont ne correspond pas, de façon générale, à celui des partisans des autres tiers partis. Les électeurs de l’ADQ, de Québec solidaire et du Parti vert paraissent avoir peu de choses en commun. Les électeurs des verts sont plus anglophones, un peu plus jeunes, significativement plus scolarisés, moins pratiquants et se retrouvent davantage en milieu urbain. Les électeurs de Québec solidaire sont plus concentrés à Montréal, plus scolarisés, moins fortunés, un peu plus jeunes et moins pratiquants que les partisans de Mario Dumont. En fait, le profil des partisans des tiers partis, surtout celui des électeurs de Québec solidaire, ressemble davantage à celui du Parti québécois qu’à celui de l’électeur adéquiste. Le profil de l’électeur libéral reste le plus typé. Moins francophones13, plus âgés, davantage pratiquants, concentrés dans certaines régions (Outaouais, Montréal), les électeurs libéraux de 2007 sont également plus scolarisés que ceux de l’ADQ (mais un peu moins que ceux du Parti vert et de Québec solidaire), sans être plus fortunés pour autant.

Ces observations nécessitent quelques remarques préliminaires. La première est que le profil des clientèles électorales reflète assez bien les orientations des partis qu’elles soutiennent, que ces partis soient émergents ou non. La clientèle du Parti vert par exemple, plus scolarisée, urbaine, un peu plus riche, moins pratiquante, présente des traits communs avec celle des partis écologistes de plusieurs pays. L’électeur de Québec solidaire présente de son côté les traits attendus de la clientèle d’un parti plus à gauche. Il vit en milieu urbain, est plus scolarisé, significativement moins fortuné et affiche son non-conformisme par un faible niveau de pratique religieuse. Les électeurs de Québec solidaire et du Parti vert sont plus jeunes que ceux des autres formations politiques, y compris ceux de l’ADQ (voir le tableau 2). Cette observation permet d’avancer que le parti de Mario Dumont n’est plus nécessairement porté par les nouvelles générations d’électeurs (voir aussi Tanguay 2007). Cette formation politique, présente depuis une quinzaine d’années sur la scène politique québécoise, paraît s’être institutionnalisée en quelque sorte. Ce sont surtout les partis comme Québec solidaire et, plus encore, le Parti vert qui paraissent s’appuyer sur un électorat plus jeune.

Les électeurs de Mario Dumont sont donc assez différents de ceux qui ont appuyé le parti de Françoise David ou celui de Scott McKay (chef du PVQ en 2007). L’électorat de l’ADQ ressemble globalement à celui d’un parti de centre droit, celui du Parti vert présente les traits habituels d’une clientèle écologiste et les partisans de Québec solidaire le profil de la clientèle d’un parti de centre gauche. En ce sens, l’électorat de Québec solidaire et, dans une moindre mesure, celui du Parti vert du Québec ressemblent davantage à celui du Parti québécois qu’aux partisans de Mario Dumont. Donnée intéressante, le profil de l’électeur libéral de mars 2007 se démarque aussi de celui de l’ADQ, mais pour des raisons différentes. Le cas de la pratique religieuse est frappant. L’électeur libéral est différent du partisan adéquiste, non pas parce qu’il est moins pratiquant, comme c’est le cas pour les autres partis, mais parce qu’il l’est davantage. La proximité et les différences entre les clientèles des principaux partis au Québec suggèrent que les gains de l’ADQ en 2007, contrairement aux élections précédentes, ont été enregistrés davantage au détriment du Parti libéral que du Parti québécois, et qu’une partie de la percée de Québec solidaire et, dans une moindre mesure, du Parti vert, s’expliquerait par des défections dans l’électorat du Parti québécois. Nous reviendrons sur cette question plus loin.

L’analyse multivariée confirme-t-elle globalement ces observations ? La réponse se trouve dans les tableaux A1 à A4 présentés à l’annexe A. Ces tableaux offrent les résultats d’une analyse de régression logistique multivariée permettant de comparer la clientèle de l’Action démocratique (qui constitue la catégorie de référence) à celles du Parti vert (A1), de Québec solidaire (A2), du Parti québécois (A3) et du Parti libéral (A4). Il est à noter que seuls le signe (direction de la relation) et le niveau de signification statistique (indiqué par des astérisques) des coefficients de régression présentés dans ces tableaux sont directement interprétables ; la valeur en soi des coefficients ne l’est pas, car elle exprime l’effet sur la variable dépendante transformée par un ratio logarithmique. C’est pourquoi nous présentons plus loin dans cette section une interprétation plus précise de cet effet en nous basant sur le changement de probabilités calculé à partir des coefficients de régression (voir tableaux B1 à B5 en annexe). Nous procédons de la même façon dans chacune des sections suivantes.

Un examen de ces coefficients permet de brosser un tableau des clientèles partisanes en 2007 (modèle A des quatre tableaux). Une première constatation est la présence plus marquée des non-francophones dans les rangs du Parti libéral et du Parti vert (comparativement à l’ADQ). En ce qui concerne la langue, il y a peu de différences notables entre les partisans de l’Action démocratique, de Québec solidaire et du Parti québécois. L’absence d’un gender gap (l’effet de la variable « femme » n’étant statistiquement significatif dans aucun des modèles) est à la fois claire et peut-être surprenante, compte tenu de la présence d’un chef féminin, Françoise David, à la tête d’un parti qui s’est défini comme « féministe ». Le seul clivage fondé sur l’âge est celui qui oppose la clientèle libérale, plus âgée, à celle des autres partis (à noter que les différences entre l’ADQ et les autres partis ne sont pas statistiquement significatives au plan de l’âge). Le revenu plus faible des électeurs de Québec solidaire et du Parti québécois paraît compatible avec l’orientation plus à gauche de ces deux formations politiques. Le niveau d’éducation plus faible des adéquistes ressort clairement, la variable «scolarité» ayant toujours un effet positif et significatif sur le choix d’appuyer un autre parti que l’ADQ. Leur concentration dans la couronne montréalaise et le Centre-du-Québec, de même que leur pratique religieuse plus intense (quoique plus faible que celle des électeurs du Parti libéral) ressortent également. Au total, les différences entre les clientèles des tiers partis (ADQ, Parti vert et Québec solidaire) et les similarités entre ces mêmes clientèles et celles des partis plus traditionnels (entre l’ADQ et le PLQ, et entre QS et le PQ) suggèrent qu’un nombre significatif de libéraux auraient fait défection au profit de l’ADQ, et que plusieurs partisans du Parti québécois auraient appuyé Québec solidaire en 2007.

Les tableaux B1 à B5 de l’annexe B permettent d’examiner l’impact des déterminants socioéconomiques sur le vote de façon plus directe (modèle A). Les coefficients de ces tableaux peuvent être interprétés comme l’augmentation de la probabilité de voter pour chacun des partis individuellement, lorsque l’on fait varier les catégories d’une variable (de sa catégorie minimale à sa catégorie maximale)14. Les changements de probabilité sont ainsi calculés individuellement pour le Parti vert (B1), Québec so­lidaire (B2), le Parti québécois (B3), le Parti libéral (B4) et l’Action démocratique (B5), à partir des résultats de régression obtenus aux tableaux A1 à A4.

La langue d’usage des électeurs est un facteur décisif qui influence leurs choix. Il est intéressant de noter que le fait d’être francophone (plutôt que non francophone) entraîne non seulement une diminution du vote pour les libéraux (baisse de 45 points de pourcentage dans la probabilité de voter pour ce parti chez les francophones), mais également pour les verts (baisse de 9 points). L’âge est également un déterminant important de l’appui au Parti libéral (hausse de 41 points de pourcentage de la probabilité de voter pour le PLQ entre les répondants les plus jeunes et les plus âgés). L’impact de l’éducation sur l’appui à Québec solidaire (hausse de 8 points) et au Parti vert (hausse de 4 points) est également marqué. La scola­rité semble aussi jouer un rôle important, mais inverse, dans le choix d’appuyer l’ADQ (baisse de 26 points). L’impact de la pratique religieuse est également évident, contribuant de manière importante à augmenter l’appui au PLQ et à l’ADQ (hausse de 18 et 3 points, respectivement ; voir aussi, à la section suivante, le conservatisme moral pour l’ADQ) et à diminuer l’appui aux trois autres partis. Finalement, la dimension régionale du vote ressort clairement. L’émergence d’un territoire adéquiste (région de Québec et couronne de Montréal) est un aspect fondamental de l’élection de 2007. Ce territoire explique à la fois la montée de ce parti et la configuration de l’Assemblée nationale, formée par les représentants de trois partis ayant chacun leurs assises dans différentes régions du Québec (Montréal et l’Outaouais pour le Parti libéral, l’Est de Montréal, une partie de sa rive Sud et la périphérie du Québec pour le Parti québécois)15.

Valeurs et orientations idéologiques

Nous avons tracé, à la section précédente, le profil des clientèles des principaux partis du Québec, en nous attardant en particulier aux partisans de l’Action démocratique, de Québec solidaire et du Parti vert. Il convient maintenant de nous pencher sur les orientations idéologiques de ces électorats. À cette fin, cinq échelles ont été construites afin d’établir le positionnement des clientèles partisanes à l’égard de quatre dimensions importantes qui ont contribué à structurer les choix partisans au Québec : la question nationale, le rôle de l’État, le conservatisme moral et le malaise démocratique.

La construction des échelles utilisées pour mesurer ces différentes dimensions est présentée en détail à l’annexe A. L’échelle portant sur la question nationale est construite à partir de questions sur le vote du répondant lors d’un éventuel référendum sur la souveraineté du Québec, sur son sentiment d’identification au Québec et au Canada, sur sa propre façon de se définir en tant que fédéraliste ou souverainiste (ou le refus de ces étiquettes), de même que sur son appui à d’éventuels transferts de pouvoirs du gouvernement fédéral à celui du Québec. L’échelle sur le rôle de l’État comprend une série d’énoncés amenant les répondants à se prononcer sur ce que devrait être l’action du gouvernement en diverses circonstances et à évaluer l’efficacité du secteur public par rapport au secteur privé dans un certain nombre de domaines. Un second indicateur sert à mesurer cette dimension. Il est construit à partir des évaluations de deux groupes souvent perçus comme étant antagonistes, le patronat et les syndicats. Le conservatisme moral des répondants est mesuré à l’aide d’une série d’indicateurs sur les valeurs religieuses, l’adhésion aux valeurs fami­liales traditionnelles et l’approbation des mariages entre conjoints de même sexe. Finalement, la mesure du malaise démocratique est composée d’indicateurs basés sur les perceptions qu’ont les électeurs de la sensibilité des gouvernements à leurs besoins (external efficacy) et inclut aussi leur évaluation d’ensemble du fonctionnement de la démocratie au Québec16.

Le tableau 3 présente le positionnement moyen de l’ensemble des électeurs et des clientèles des cinq principaux partis du Québec sur les différentes échelles. Celles-ci vont de 0 à 1, la valeur 1 signifiant, selon les cas, une position fédéraliste, une position conservatrice en matière économique, une position plus favorable au patronat qu’aux syndicats (dans cette échelle, la valeur de 0,5 correspond à une position également favorable aux deux groupes), un conservatisme moral plus appuyé et un malaise démocratique plus intense, la valeur de 0 renvoyant à des positions inverses (souverainisme, interventionnisme, appui aux syndicats, libéralisme culturel et fort sentiment de confiance envers le fonctionnement des institutions démocratiques au Québec)17.

nadeau tableau 3

L’échelle présentant la plus grande amplitude quant aux positions des clientèles électorales est celle qui porte sur l’avenir politique du Québec. Le Parti libéral se situe, sans surprise, le plus près du pôle canadien et fédéraliste (avec un score de 0,66), suivi du Parti vert (0,52) et de l’Action démocratique, qui occupe une position mitoyenne sur cette échelle (0,43), très proche de la position moyenne de l’ensemble des électeurs (0,42). Le Parti québécois, sans surprise également, se situe à l’opposé du pôle fédéraliste (score de 0,15), un positionnement proche de celui des électeurs de Québec solidaire (0,20). Les clientèles des trois partis émergents au Québec, l’ADQ, Québec solidaire et le Parti vert, se caractérisent par leurs divergences plutôt que par leurs similitudes sur la question du statut politique du Québec. Les partisans de Québec solidaire sont proches de la position souverainiste du Parti québécois, les électeurs du Parti vert se caractérisent par un positionnement plutôt fédéraliste, à mi-chemin entre l’Action démocratique et le Parti libéral, et le parti de Mario Dumont occupe le centre de l’échiquier en se réclamant de l’étiquette de parti autonomiste.

Les différences entre les tiers partis ressortent aussi au sujet du rôle de l’État. Les électeurs les plus interventionnistes sont ceux de Québec solidaire (score de 0,30), et ceux qui le sont le moins sont les partisans de l’Action démocratique (0,48). Entre ces extrémités logent les électeurs du Parti libéral (0,39), dont la position est proche de celle de l’ensemble des électeurs sur cette question (0,41). Les électeurs du Parti québécois et du Parti vert (0,35) occupent de leur côté une position à mi-chemin entre celle des électeurs de Québec solidaire et du Parti libéral.

L’échelle opposant l’interventionnisme au laisser-faire économique ne paraît pas très discriminante à propos des positions des clientèles, un résultat déjà observé dans le passé pour les élections québécoises (voir Nadeau, Guérin et Martin 1995). Il semble donc opportun d’ajouter un autre indicateur, plus simple et direct, pour mesurer le conservatisme économique des électeurs. Cet indicateur mesure simplement la différence entre l’évaluation des milieux d’affaires et des syndicats (sur une échelle initiale allant de 0 à 100, où 100 signifie une évaluation très positive d’un groupe et 0 une position très défavorable). Deux constats ressortent des résultats obtenus sur cette échelle. Le premier est que l’image du patronat est plus positive que celle des syndicats, que ce soit dans l’ensemble de la population (moyenne de 0,60) ou parmi les clientèles électorales. Seuls les électeurs de Québec solidaire sont plus favorables aux syndicats (0,46), tous les autres groupes, y compris les électeurs péquistes, affichant une attitude plus favorable envers le patronat. L’amplitude observée sur cette échelle est à peu près la même que sur celle de l’interventionnisme (environ 0,20), mais les résultats observés renforcent et nuancent les précédents résultats. La position de l’Action démocratique, plus à droite, se confirme, de même que celle des électeurs du Parti libéral (scores de 0,65 et de 0,66). Les différences entre les électeurs du Parti vert (plus favorables au patronat) et de Québec solidaire (plus favorables aux syndicats), de même que la proximité plus grande entre le Parti québécois et la formation de Françoise David, ressortent de nouveau.

Certains observateurs ont avancé que l’ADQ incarnait un courant de pensée conservateur, à la fois économique et social (p. ex. Piotte 2003 ; Boily 2008). Les électeurs de l’ADQ se caractériseraient par leur conservatisme sur les questions comme l’avortement, le mariage entre conjoints de même sexe et les valeurs familiales traditionnelles. Une analyse des clientèles électorales à partir d’une échelle mesurant le conservatisme moral des électeurs confirme en partie cette attente. Les partisans de l’ADQ se caractérisent par un conservatisme moral plus appuyé (score de 0,52) que celui des électeurs du PQ (0,42), du Parti vert (0,40) et, surtout, de Québec solidaire (0,32), mais tout de même moins prononcé que celui des partisans du PLQ (0,57). Fait intéressant, le PLQ et l’ADQ, soit un parti traditionnel et un tiers parti, tendent vers le pôle du conservatisme (économique et social), la même configuration se reproduisant à gauche, où cohabitent le PQ et Québec solidaire, le Parti vert se situant généralement à mi-chemin entre ces deux duos. Autre donnée intéressante : la position moyenne des électeurs de l’ADQ. Comme dans le cas de la question nationale, elle se rapproche le plus de la position moyenne des électeurs québécois sur les questions morales (0,49).

Les résultats font ressortir jusqu’à maintenant des différences marquées entre les électorats des partis émergents au Québec. Cela dit, les électorats de ces partis expriment des opinions convergentes à propos d’une dimension importante de la dynamique politique : leur niveau de confiance envers le fonctionnement des institutions politiques. L’échelle mesurant le malaise démocratique des électeurs montre d’abord que ce sentiment est répandu dans l’ensemble des clientèles partisanes (voir tableau 3). Comme on peut s’y attendre, ce niveau de malaise est un peu moins prononcé chez les partisans des partis traditionnels en général, et du parti gouvernemental en particulier (scores de 0,63 et de 0,59 pour le Parti québécois et le Parti libéral). Mais la donnée intéressante à propos de cette échelle est qu’il s’agit de la seule orientation politique où les partisans de l’Action démocratique, de Québec solidaire et du Parti vert paraissent se rejoindre (scores respectifs de 0,72, de 0,66 et de 0,68). Bien que les sources de l’insatisfaction envers les institutions politiques puissent varier selon les clientèles, les électeurs de Québec solidaire et du Parti vert étant particulièrement sensibles à la réforme du mode de scrutin par exemple, il est quand même intéressant de voir des groupes d’électeurs aux orientations politiques assez différentes se rejoindre dans une critique commune du fonctionnement de la démocratie au Québec.

nadeau tableau 2

Les résultats de l’analyse multivariée (tableaux A1 à A4, modèle B) font clairement ressortir l’impact de ces orientations politiques sur le choix des électeurs. La question nationale constitue la dimension la plus discriminante. L’orientation nettement fédéraliste des partisans du Parti libéral ressort clairement (coefficient de régression de 3,70) ; le soutien à l’option souverainiste constitue une caractéristique commune des électeurs du Parti québécois et de Québec solidaire (coefficients de -5,42 et de -2,94), le Parti vert et l’ADQ occupant une place mitoyenne sur cette question (voir le coefficient non significatif pour les verts dans le tableau A1, modèle B). Le conservatisme des partisans de l’ADQ ressort aussi clairement des résultats. Les électeurs de Mario Dumont campent résolument à droite de l’échiquier quant au rôle de l’État, une position conservatrice sur cette question réduisant de façon significative la probabilité de voter pour tout autre parti que l’ADQ (voir les coefficients, tous négatifs et significatifs, des tableaux A1 à A4 correspondant à la variable «État», modèle B). Les sentiments envers les groupes sociaux (patronat et syndicats) exercent le même type d’impact, à l’exception de la convergence déjà observée des libéraux et des adéquistes sur cette question (les coefficients de la variable «Patsynd» dans les tableaux A1 à A4 sont tous négatifs et significatifs à l’exception de celui qui démarque les électeurs de l’ADQ de ceux du PLQ ; mo­dèle B). Une dynamique semblable se confirme à propos de la dimension des valeurs : les électeurs de l’ADQ et du PLQ se démarquent par un conservatisme moral plus appuyé que celui des autres formations, sauf le Parti vert (voir les coefficients négatifs et significatifs associés à la variable « Cmoral » pour tous les contrastes de partis sauf dans les cas PLQ/ADQ et PVQ/ADQ).

Les données examinées plus haut laissaient entendre que l’insatisfaction envers le fonctionnement des institutions politiques constituait un des rares traits communs des clientèles des tiers partis au Québec. L’analyse multivariée confirme cette conclusion préliminaire. Les résultats montrent que la perte de confiance envers les institutions politiques a contribué à favoriser l’ADQ aux dépens des partis traditionnels, comme le PQ et le PLQ (coefficients de -2,01 et de -2,96, respectivement dans les tableaux A3 et A4, modèle B). La donnée la plus marquante reste toutefois le fait que la variable du cynisme politique constitue un déterminant commun menant les électeurs à appuyer des partis aussi différents que l’ADQ, le Parti vert et Québec solidaire. L’analyse de régression montre que le fait de ressentir ce type d’insa­tisfaction envers le fonctionnement de la démocratie au Québec ne distingue pas de façon significative les électeurs de Mario Dumont, de Françoise David et de Scott McKay, les coefficients pour les contrastes QS/ADQ et PVQ/ADQ n’étant pas statistiquement significatifs (voir les tableaux A1 à A4, modèle B).

L’impact de la variable « malaise démocratique » est d’ailleurs confirmé lorsque les coefficients de régression sont transformés pour être interprétés en termes de changement dans la probabilité de voter pour un parti (tableaux B1 à B5, modèle B). L’effet du malaise démocratique est positif sur la probabilité d’appuyer chacun des trois partis émergents, et négatif sur celle de voter pour le PQ et pour le PLQ. La différence entre l’ADQ et le PLQ est la plus frappante (hausse de 44points pour le premier, baisse de 33 points pour le deuxième). Le malaise démocratique a un effet plus important sur l’appui à l’ADQ que sur l’appui à QS et au PVQ mais il ne faudrait pas sous-estimer son effet sur le soutien à Québec solidaire (4 points) et au Parti vert (1 point), compte tenu du petit bassin d’appuis pour ces deux partis. En d’autres termes, les trois partis bénéficient du malaise, mais à leurs échelles d’appuis respectives.

L’ensemble des résultats montre que les électeurs à la fois conservateurs et cyniques ont déserté un parti traditionnel, le PLQ, et choisi massivement l’ADQ. Les électeurs progressistes et insatisfaits, moins nombreux, ont déserté un autre parti traditionnel, le PQ, pour appuyer Québec solidaire. Finalement, les électeurs préoccupés des questions environnementales, plus disparates quant à leurs orientations politiques, ont choisi un parti à enjeu unique, le Parti vert du Québec.

Les facteurs de court terme : les enjeux et les chefs

Les résultats présentés jusqu’à maintenant montrent l’existence de clientèles électorales variées au Québec, susceptibles d’être attirées par des partis politiques présentant des orientations conformes à leurs préférences. Une question se pose toutefois. Comment expliquer que ces clientèles, ou du moins une partie d’entre elles, aient conclu lors de la dernière élection au Québec que leurs intérêts seraient mieux défendus par un parti émergent plutôt que par un parti établi ? La réponse à cette question se trouve peut-être du côté des déterminants de court terme des choix électoraux : les enjeux et l’image des chefs.

Nous examinons d’abord l’impact des enjeux avant de nous tourner vers celui des chefs. Deux types de questions sont utilisés pour mesurer l’effet des enjeux sur le vote. Des questions fermées sont employées pour mesurer la position des répondants sur trois enjeux qui ont été importants au cours de cette campagne électorale (voir la deuxième partie de cette étude) : la situation économique (pour une revue des nombreuses études ayant montré l’impact de la conjoncture économique sur l’appui au gouvernement sortant, voir Lewis-Beck et Stegmaier 2007), la promesse du Parti québécois de tenir un référendum « le plus tôt possible » lors d’un premier mandat et la question des « accommodements raisonnables ». Une question ouverte, demandant aux répondants de déterminer l’enjeu le plus important selon eux lors de l’élection, sera aussi utilisée.

L’évaluation de la situation économique par les Québécois était plutôt mitigée au moment de l’élection de 2007 (58 p. 100 des répondants estimaient que la situation économique était restée la même depuis un an ; 13p.100 la croyaient meilleure et 29 p. 100 l’estimaient moins bonne). De nombreuses études ont montré que cette variable touche surtout la popularité des gouvernements sortants, et nous nous attendons donc à ce que son impact soit particulièrement significatif pour le Parti libéral. Selon notre enquête, la promesse du Parti québécois de tenir un référendum rapidement n’obtenait le soutien que de 24p.100 des Québécois au moment des élections. Compte tenu des orientations idéologiques des clientèles partisanes, l’impact attendu de cette variable aurait dû être particulièrement marqué pour les électeurs péquistes et libéraux. L’opposition ferme de Mario Dumont à cette idée laisse croire également que cette variable a contribué à démarquer de façon nette les électeurs du PQ et de l’ADQ. Finalement, les positions quasi souverainiste des électeurs de Québec solidaire et plutôt fédéraliste des verts suggèrent que cet engagement démarque davantage les partisans de l’ADQ du premier parti que du second.

L’enjeu des accommodements raisonnables mérite une attention particulière. Une question est utilisée dans cette étude pour mesurer l’opinion des répondants à ce sujet. Celle-ci leur demandait s’ils étaient fortement d’accord, plutôt d’accord, plutôt en désaccord, ou fortement en désaccord avec l’énoncé suivant : « Durant les dernières années, nous sommes allés trop loin pour accommoder les minorités culturelles au Québec. » Les données du tableau 4 montrent que le sentiment selon lequel ces accommodements auraient été trop poussés était très largement répandu au moment de l’élection, puisque plus de huit Québécois sur dix (81 p. 100) partageaient cet avis. Ces mêmes données montrent pourtant l’existence de clivages partisans assez nets sur cet enjeu, lorsque l’on tient compte des différentes opinions sur cette question. Alors que près de trois adéquistes sur cinq se disent fortement d’accord avec cet énoncé (58 p. 100), cette proportion tombe à moins de 30 p. 100 chez les électeurs des autres tiers partis (29 p. 100 pour Québec solidaire et le Parti vert), les électorats des partis traditionnels se situant à mi-chemin entre ces deux positions (45 p. 100 des libéraux18 et 46 p. 100 des péquistes se disant fortement d’accord avec cette proposition).

Les données colligées pour une question ouverte sur l’enjeu le plus important ont réservé des surprises. L’enjeu le plus important aux yeux des électeurs au moment de l’élection était, comme en 2003, la santé, quoique dans une proportion significativement moindre. La dispersion des réponses est l’autre caractéristique marquante des réponses fournies. Afin de tester l’impact des principaux enjeux sur l’appui aux partis politiques, nous avons créé cinq variables dichotomiques corres­pondant aux personnes ayant indiqué les questions de la santé (21 p. 100), de l’éducation (5 p. 100), du statut du Québec (7 p. 100), de l’environnement (6,5 p. 100) et du changement (9,5 p. 100) comme enjeu principal lors de l’élection (environ le quart des répondants, 26 p. 100, n’ont pas déterminé d’enjeu plus important).

nadeau tableau 4

Les résultats de l’analyse multivariée présentés aux tableaux A1 à A4 (modèle C) confirment l’impact de certains enjeux et aident à comprendre comment les partis émergents au Québec ont pu en tirer profit. Des évaluations positives de l’économie ont largement favorisé le Parti libéral (tableau A4). L’opposition à la tenue d’un référendum rapidement a augmenté l’appui au PLQ (coefficient positif de la variable « Référendum » ; tableau A4) et a favorisé le soutien à l’ADQ au détriment du principal parti souverainiste dans la course (voir le coefficient négatif de la même variable pour le contraste PQ/ADQ ; tableau A3, modèle C). L’enjeu des accommodements raisonnables paraît avoir favorisé l’ADQ, tant face aux partis traditionnels que face à Québec solidaire et au Parti vert (voir les quatre coefficients négatifs associés à cette variable aux tableaux A1 à A4, modèle C ; deux des coefficients sont statistiquement significatifs).

Les variables construites à partir de la question ouverte fournissent des compléments d’information intéressants. Le Parti libéral n’a pas profité, comme en 2003, de l’enjeu de la santé et a perdu du terrain chez les électeurs avides de changement et préoccupés par la question des accommodements raisonnables (tableau A4, modèle C). Le Parti québécois a marqué des points chez les électeurs intéressés par l’éducation, l’enjeu privilégié par André Boisclair (tableau A3), mais les libéraux ont aussi gagné des appuis sur l’éducation, dans une mesure moindre (tableau A4). Le statut de parti à enjeu unique du Parti vert ressort très clairement des résultats (voir le coefficient important 2,63, associé à la variable « Impenvir » au tableau A1). L’Action démocratique, finalement, a profité du désir de changement dans la population face aux partis traditionnels (il est à noter que cette variable ne sert pas à démarquer l’ADQ des autres tiers partis, ce qui suggère que le besoin de changement est une motivation commune aux électeurs des trois partis émergents au Québec), et a bénéficié du soutien d’électeurs nationalistes (voire souverainistes) peu empressés par la tenue d’un autre référendum sur la souveraineté du Québec. Les données des tableaux B1 à B5 (modèle C), dans lesquels les coefficients mesurent la probabilité d’appuyer un parti selon les catégories des variables, confirment les mêmes interprétations.

L’appui aux tiers partis lors de l’élection de 2007 semble pouvoir s’expliquer en partie par la nature des enjeux débattus. L’intérêt croissant pour les questions environnementales a fourni un bassin d’électeurs potentiels au Parti vert, et peut-être durable. La question des accommodements raisonnables a favorisé l’ADQ. Des électeurs de sensibilité nationaliste, et plutôt conservateurs, ont préféré les solutions plus modérées (l’autonomisme) et plus immédiates (une position ferme sur les accommodements raisonnables) de l’ADQ au radicalisme du PQ incarné par sa proposition de tenue rapide d’un référendum.

Le positionnement des partis sur les enjeux ne suffit cependant pas à rendre pleinement compte des facteurs de court terme ayant favorisé la montée des tiers partis, et notamment de l’ADQ. L’image des chefs paraît aussi avoir joué un rôle important, surtout si l’on tient compte de la relative insatisfaction des électeurs envers le gouvernement Charest. Un pareil contexte aurait dû favoriser le Parti québécois. Or, cette formation politique s’est avérée incapable de canaliser ce mécontentement. L’impopularité des chefs des deux partis traditionnels a constitué une donnée importante lors de l’élection de 2007 et semble avoir eu un double effet. Le peu d’attrait du chef péquiste, André Boisclair, a d’abord empêché son parti de récolter le soutien des électeurs mécontents, ouvrant ainsi la porte à l’ADQ. L’impopularité commune des chefs du PQ et du PLQ a contribué de son côté à diminuer l’attrait pour les deux partis traditionnels (voir Nadeau et Bélanger 1999 au sujet de cette dynamique), contribuant ainsi à augmenter l’appétit pour le changement dans la population et à amener une grande variété d’électeurs — progressistes, conservateurs et écologistes — à se tourner vers d’autres véhicules pour exprimer leur mécontentement ou leurs préoccupations.

nadeau tableau 5

Les données du tableau 5 sur l’image des chefs apportent de l’eau au moulin à cette interprétation. La moyenne des évaluations des chefs de parti sur un thermomètre allant de 0 à 100 souligne la domination de Mario Dumont sur les autres leaders lors de l’élection de 2007. Son score moyen était de 18 points au-dessus de celui du premier ministre et du chef de l’opposition au moment de cette élection. Sa domination s’exerçait également aux dépens des chefs des autres tiers partis, qui souffraient à la fois d’évaluations assez mitigées et d’une faible notoriété (les pourcentages de répondants incapables (ou ayant refusé) d’évaluer Scott McKay et Françoise David, étaient respectivement de 51 et de 39p. 100 ; les mêmes pourcentages pour les chefs du PQ, du PLQ et de l’ADQ étaient de 7, 5 et 6 p. 100). Les autres données du tableau 5 complètent ce portrait. Elles portent sur des aspects plus spécifiques de l’image des chefs, soit la perception de leur compétence, de leur honnêteté et de leur empathie en 2007. Les résultats sont parlants. Mario Dumont était perçu, très nettement, comme le chef le plus honnête et le plus près des gens. Jean Charest, tout de même talonné par Mario Dumont, était perçu par une pluralité d’électeurs comme le chef le plus compétent pour diriger le Québec. Françoise David, chef d’un parti de gauche, récoltait un certain succès d’estime, comme le montre les pourcentages d’électeurs la croyant honnête et, surtout, proche des gens. Scott McKay, chef du Parti vert, est resté une énigme pour une grande majorité d’électeurs, ce qui aurait pu porter un tort plus grand à un parti autre que le sien, le Parti vert étant un parti à enjeu unique dont le simple nom constitue, chez beaucoup d’électeurs, la motivation première pour l’appuyer. Cela dit, c’est la faible popularité d’André Boisclair qui est frappante. Dirigeant l’opposition officielle et affrontant un gouvernement impopulaire, le chef péquiste n’est pas parvenu à imposer une image claire quant à la nature du leadership qu’il aurait pu exercer à titre de premier ministre.

L’analyse multivariée permet de mesurer l’impact de l’image des chefs sur les choix électoraux en contrôlant pour l’ensemble des autres facteurs, y compris l’identification partisane des électeurs (voir les tableaux A1 à A4, modèle D). La variable « Chef » est construite à partir des réponses obtenues aux trois questions sur les traits des leaders (compétence, honnêteté, empathie) en raison du pourcentage élevé de non-réponse à la question portant sur l’évaluation globale (à l’aide d’un thermomètre) de Françoise David et de Scott McKay.

En examinant les résultats de l’analyse multivariée (voir les tableaux A1 à A4, modèle D), on constate que la popularité de Mario Dumont a permis à son parti de soutirer des voix à la fois au Parti québécois et au Parti libéral (voir les coefficients négatifs associés à la varia­ble de l’image du chef de l’ADQ, l’effet n’étant significatif que dans le cas du contraste PQ/ADQ). Les résultats concernant l’appui au PQ sont particulièrement intéressants. Le coefficient positif lié à l’image de Françoise David fait ressortir une fois de plus la proximité des clientèles du PQ et de Québec solidaire, et suggère que ce parti de centre gauche a servi d’exutoire aux électeurs progressistes mécontents du gouvernement libéral et sceptiques à l’égard du leadership d’André Boisclair. L’absence d’effet Dumont chez les électeurs de Québec solidaire laisse croire que l’éloignement idéologique entre ces deux formations était tel que la popularité respective de leur chef n’a pas exercé d’impact sur la décision d’appuyer l’un ou l’autre de ces partis.

Les données des tableaux B1 à B5 (modèle D) confirment les résultats précédents. Elles montrent l’impact des évaluations des chefs sur le choix d’appuyer chacun des partis en lice. Les effets de la variable « Chef » sont importants et d’autant plus significatifs que la distribution de cette variable (tableau 5) montre un avantage net du chef de l’ADQ sur les autres leaders. La popularité de Mario Dumont et la personnalité de Françoise David semblent donc avoir facilité le glissement vers les tiers partis lors de l’élection. Combinées à la préoccupation croissante des électeurs pour l’environnement, à la controverse au sujet des accommodements raisonnables et à la promesse peu populaire du Parti québécois au sujet de la tenue d’un référendum rapidement, ces évaluations ont poussé des clientèles particulières (progressistes, conserva­trices ou écologistes) à délaisser les partis traditionnels et à se tourner vers de nouveaux véhicules politiques.

Discussion et conclusion

Les résultats de notre étude ont mis en lumière l’existence de clientèles électorales variées au Québec. Outre les partisans des deux grandes formations traditionnelles, le Parti québécois et le Parti libéral, trois autres courants se dessinent assez clairement dans l’électorat québécois. Le courant le plus important, qui a soutenu massivement l’Action démocratique du Québec, est d’orientation conservatrice et de tendance nationaliste. Deux autres groupes d’importance numérique moindre apparaissent également. Un électorat écologiste, qui pourrait être en croissance, qui a appuyé le Parti vert, et une clientèle marquée à gauche et favorable à la souveraineté, qui a soutenu Québec solidaire.

Comment expliquer que ces clientèles se soient détachées des partis traditionnels avec une telle ampleur lors des élections de 2007 ? Une combinaison de facteurs, de court et de long terme, paraît avoir joué. L’insatisfaction envers le gouvernement libéral et l’impopularité de Jean Charest et d’André Boisclair ont créé un environnement propice aux défections partisanes. La popularité de Mario Dumont, en fait sa très nette domination sur les autres chefs dans la faveur populaire, a constitué un atout décisif pour l’ADQ. La personnalité de Françoise David a, dans une moindre mesure, joué le même rôle auprès d’un électorat plus ciblé.

La popularité de Mario Dumont n’a toutefois pas été le seul facteur ayant provoqué un recul aussi prononcé chez les partis traditionnels. Le bilan mitigé du gouvernement a constitué un élément déclencheur. Le fait que le Parti québécois n’ait pas paru constituer une solution de rechange pour les électeurs mécontents a nourri la désaffection envers les partis traditionnels et alimenté une volonté de changement que les tiers partis ont exploité avec profit. D’après nos analyses, ce dernier facteur aurait bénéficié tout autant à l’Action démocratique, à Québec solidaire et au Parti vert, toutes proportions gardées. Selon ce critère, on peut affirmer que c’est là l’unique trait commun expliquant la montée des tiers partis au Québec en 2007, soit une volonté de changement tirant notamment sa source dans l’insatisfaction envers le fonctionnement du jeu politique au Québec, dominé par le Parti québécois et le Parti libéral.

La montée de certains enjeux à l’avant-scène a aussi poussé les électeurs à voter pour un parti émergent mais, contrairement à la désaffection politique, ce facteur a joué de manière différente pour chaque tiers parti. Les « écologistes » québécois, peu enchantés des partis en place, ont choisi en 2007 de voter pour les verts plutôt que d’appuyer le parti traditionnel le plus ouvert à leurs yeux à la cause environnementale. Ce choix s’explique. D’abord par la motivation première de ces électeurs : l’environnement. Cela s’explique aussi par les autres grandes orientations qu’ils partagent. L’électorat vert est plus anglophone et la position médiane de sa clientèle est nettement plus fédéraliste et un peu plus conservatrice que celle de Québec solidaire. Le choix de ce dernier parti, malgré la profession de foi du parti de Françoise David en faveur de l’environnement, aurait été difficile. Il en est de même en ce qui a trait à l’appui à l’ADQ, qui n’a pas manifesté beaucoup de ferveur environnementale lors de l’élection de 2007. Le Parti québécois, dirigé par un ancien ministre de l’Environnement, ne paraît pas non plus avoir connu beaucoup de succès auprès de cet électorat écologiste, malgré des appels écologistes (y compris le logo du PQ, dans lequel on a substitué le vert au rouge). Phénomène radicalement nouveau au Québec, le vote vert paraît susceptible de rallier durablement un certain segment de l’électorat.

L’appui à Québec solidaire peut s’expliquer dans les mêmes termes. Cette formation politique loge sur le flanc gauche du PQ et elle est formée d’électeurs un peu moins souverainistes et un peu plus progressistes que le partisan péquiste médian. Il était donc naturel que cette frange de l’électorat, peu enchantée par le PQ (et même encline à croire à un glissement vers la droite du parti sous la direction d’André Boisclair), mais souverainiste et ancrée à gauche, jette son dévolu sur Québec solidaire.

nadeau tableau 6

La progression de l’Action démocratique reste évidemment le phénomène marquant (mais pas nécessairement durable) de la dernière élection au Québec. Plusieurs facteurs l’expliquent. Certains remontent à l’origine du parti de Mario Dumont, créé au lendemain des échecs de l’accord de Meech et du référendum sur Charlottetown. L’ADQ a toujours eu l’ambition de proposer une troisième voie, entre le fédéralisme affirmé du PLQ et la position souverainiste du PQ. L’ADQ a progressé à chaque élection depuis 1994, en enregistrant des gains plus importants au détriment du PQ que du PLQ. Sa montée lors de l’élection de 2007 a manifestement été le produit de nombreuses défections chez les libéraux. La chose ne doit pas surprendre compte tenu de la proximité de ces deux électorats sur les questions économiques et sociales. L’impopularité de Jean Charest et de son gouvernement, la place de l’ADQ sur l’échiquier politique, la popularité de Mario Dumont et le positionnement de son parti sur la question des accommodements raisonnables ont fourni des passerelles supplémentaires facilitant la migration d’un électorat conservateur, et de sensibilité nationaliste, du PLQ vers l’ADQ.

Les défections du PQ en faveur de l’ADQ, moindres en 2007, existent néanmoins, comme le montrent notamment les succès de ce parti dans la couronne montréalaise, terreau traditionnel du PQ. Nos analyses montrent que la promesse de tenir un référendum rapidement, combinée aux positions de l’ADQ sur les accommodements raisonnables et à son positionnement « autonomiste », a contribué à accroître l’appui au parti de Mario Dumont.

Malgré les limites d’une telle mesure, il aurait été utile d’inclure dans la présente enquête une question sur le vote des répondants à l’élection de 2003 afin d’avoir une meilleure idée des déplacements d’un parti à l’autre au cours des dernières années19. Notre enquête inclut toutefois un élément d’information intéressant. Il s’agit d’une question demandant aux répondants quel aurait été leur deuxième choix. Les réponses obtenues, présentées au tableau 6, sont éclairantes. On peut d’abord observer que l’ADQ constitue le deuxième choix d’une pluralité d’électeurs, soit 38 p. 100, une donnée qui souligne l’ampleur de sa poussée à l’élection de mars 2007. La provenance de ces deuxièmes choix est encore plus révélatrice. Pas moins de 76 p. 100 des électeurs du PLQ auraient opté pour l’ADQ comme deuxième option. Cette proportion reste élevée chez les partisans du PQ, 50 p. 100, un pourcentage tout de même en retrait par rapport aux scrutins précédents (voir Nadeau et Léger 1998). L’attrait moindre de l’ADQ chez les électeurs de Québec solidaire et du Parti vert (21et 31 p. 100 respectivement) met une fois de plus en évidence la distance idéologique qui sépare ces tiers partis à l’occasion de l’élection de 2007.

La distribution des deuxièmes choix chez les électeurs des partis émergents est également révélatrice. Très éclatée, la distribution de ces choix chez les électeurs des verts illustre l’hétérogénéité d’une clientèle unie par un thème unique, l’environnement. L’orientation à gauche des partisans de Québec solidaire ressort : les trois quarts de ses électeurs optant pour les partis les plus à gauche sur l’échiquier politique, le Parti québécois (48 p. 100) et le Parti vert (28 p. 100) comme deuxième choix. La distribution de ces mêmes réponses parmi les électeurs de l’Action démocratique est encore plus éclairante. Lors des scrutins précédents, le deuxième choix des électeurs de Mario Dumont était très majoritairement le PQ (Nadeau et Léger 1998). Les données du tableau 6 montrent que les choses ont changé en 2007. L’arrivée massive de nouvelles adhésions en provenance du PLQ a transformé la composition de l’électorat adéquiste, maintenant formé de deux types de transfuges : les plus anciens venant surtout du PQ et les nouvelles recrues ayant déserté, le temps d’une élection peut-être, les rangs du PLQ.

La mobilité des électeurs québécois d’un parti à l’autre soulève la question de la pérennité des succès des tiers partis. En d’autres mots, les résultats de l’élection de mars 2007 seront-ils durables ? La question se pose avec d’autant plus de pertinence 18mois après ce scrutin, alors que l’ADQ a reculé dans les sondages et qu’elle a subi des pertes importantes lors de récentes élections partielles. Cette chute coïncide avec le maintien des appuis récoltés par le Parti vert et Québec solidaire. Comment expliquer une pareille évolution ? La performance décevante de l’ADQ et de son chef à la tête de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec fournit une partie de l’explication. La chute de la popularité personnelle de Mario Dumont est un indice parmi d’autres de cette dynamique20. La deuxième explication tient peut-être à la réaction des partis traditionnels à la suite de leur recul électoral de mars 2007 (voir Meguid 2008 pour une perspective générale sur cette question). Le Parti québécois a changé de chef depuis ce scrutin. Il a modifié de façon marquée son positionnement politique en abandonnant la promesse de tenir un référendum et en promettant une « nouvelle loi 101 » pour assurer la protection de la langue française. Ce faisant, le PQ semble être parvenu à récupérer, à titre de défenseur de la spécificité québécoise, une partie du terrain perdu au profit de l’ADQ. De son côté, le Parti libéral a réussi à diriger un gouvernement minoritaire sans susciter trop de vagues. En effet, les électeurs évaluent de façon relativement positive la performance du gouvernement, et de son chef.

L’avenir de l’Action démocratique du Québec dépend donc de sa réaction aux ajustements effectués par les partis traditionnels depuis l’élection de 2007. Quant à l’avenir du Parti vert et de Québec solidaire, il dépend de leur capacité de répondre à l’argument du vote gaspillé. Celui-ci incitera toujours des électeurs à refuser d’appuyer un parti n’ayant guère de chances de faire élire des députés. Le recrutement, par l’un ou l’autre des grands partis, de personnalités liées à la cause de l’environnement ou à des enjeux sociaux, pourrait aussi changer la donne. Il sera donc intéressant d’observer les prochaines manœuvres stratégiques des partis politiques au Québec. Seront-ils en mesure de maintenir ou de renforcer leurs soutiens dans les différents segments de l’électorat québécois ?

Notre étude du comportement électoral à cette élection québécoise de 2007 nous permet toutefois de conclure que les tiers partis ont bénéficié de leurs orientations politiques, mais aussi du malaise démocratique ressenti au sein de l’électorat. Comme tous partis, les tiers partis occupent une niche idéologique spécifique leur permettant de rallier des appuis importants chez les électorats qui partagent leurs idées et leurs positions sur des enjeux précis. Mais ils sont aussi en mesure de mobiliser des appuis non négligeables en se présentant comme des véhicules de représentation différents des partis traditionnels. Cette image les rend hautement attrayants auprès des électeurs déçus ou désabusés du régime politique et des alternatives traditionnelles.

Dans le cas particulier de l’ADQ, ces deux éléments de conjoncture, combinés au mode de scrutin uninominal en place au Québec, auront contribué, en l’espace d’une seule élection, à faire de ce tiers parti l’opposition officielle. Mais paradoxalement, on peut aussi conclure que ce même mode de scrutin a désavantagé l’ADQ. En effet, il a privé sa députation d’une période de rodage, qui aurait certainement rendu le passage à l’opposition officielle moins difficile qu’il ne l’a été aux lendemains de l’élection de 2007. Avec un mode de scrutin davantage proportionnel, le parti de Mario Dumont aurait alors pu bénéficier de plusieurs années pour se préparer à ses nouvelles fonctions dans le système politique québécois.

  1. Nous nous appuyons dans ce texte sur l’idée que certains déterminants se situent plus en amont que d’autres dans la décision de voter pour un parti. Les variables sociodémographiques, par exemple, précéderaient à l’image des chefs; on analyse ainsi des blocs distincts de variables qui s’enchaînent l’un après l’autre (sur cette question, voir Miller et Shanks 1996; Blais et al. 2002).
  2. Bien sûr, la notion de parti «traditionnel» n’est pas sans équivoque. Néanmoins, l’adoption d’une définition plus formelle, basée par exemple sur des critères quantitatifs comme le nombre de suffrages ou de sièges remportés par le parti, demeure tout aussi pro­blématique (voir Laurent 1997) et ne rend pas complètement justice à la notion de tiers parti qui nous intéresse dans cette étude.
  3. Pour des études qualitatives récentes, mais portant sur le seul cas du parti Confederation of Regions au Nouveau-Brunswick, voir Martin (1998) et Belkhodja (1999).
  4. Une étude sur le soutien reçu par les tiers partis ontariens, lors de l’élection d’octobre 2007, est également en cours.
  5. D’après les chiffres de CROP.
  6. Ces exemples incluent notamment la communauté juive hassidique de Montréal qui demanda à ce que les fenêtres d’un YMCA jouxtant une école leur appartenant soient givrées afin que leurs enfants ne voient pas les femmes s’entraînant, et des étudiants musulmans de l’École de technologie supérieure de Montréal qui requirent une salle de prière dans leur école.
  7. Le Parti vert n’avait présenté que 37 candidats aux élections provinciales précédentes de 2003.
  8. Voir, par exemple, Marissal (2007) et David (2007).
  9. Le questionnaire de ce sondage a été entièrement rédigé par les deux auteurs, en collaboration avec Jean Crête, Laura Stephenson et Brian Tanguay. Les cinq chercheurs remercient le Conseil de recherche en ­sciences humaines du Canada de même que l’Institut de recherche en politiques publiques pour avoir financé ce sondage.
  10. L’échantillon Web de départ a été stratifié selon le sexe, l’âge et la langue maternelle, de façon à redresser certains déséquilibres entre la population d’internautes et la population générale.
  11. La pondération a été faite selon le sexe, l’âge, la langue maternelle et la région de résidence, de façon à rendre les échantillons représentatifs de l’ensemble de la population du Québec (selon les données de Statistique Canada, recensement de 2001). La pondération a été appliquée distinctement sur chacun des deux échantillons.
  12. La méthode d’estimation employée est la régression logistique multinomiale. Quant aux propriétés de cette technique d’estimation, voir Greene (2007).
  13. Il est difficile de procéder à une analyse statistique fouillée du comportement des électeurs allophones compte tenu du petit nombre de répondants allophones dans le sondage (115 cas, environ 5,3 p. 100 de l’échantillon total). C’est la raison principale pour laquelle ceux-ci ont été placés avec les répondants anglophones. Cela dit, on peut noter que le comportement électoral des allophones semble plus diversifié que celui des anglophones (voir aussi Gagné et Langlois 2005). Les données du tableau suivant permettent d’observer que la domination du PLQ et la percée du Parti vert est manifeste dans les deux groupes linguistiques, mais que les allophones semblent moins réfractaires aux partis souverainistes comme en témoigne le score combiné du PQ et de Québec so­lidaire dans ce groupe (20 p. 100 contre 3p. 100 chez les anglophones):
    note tableau
  14. La probabilité étant exprimée sur une échelle allant de 0 à 1 (tableaux B1 à B5).
  15. Compte tenu de la petite taille des sous-échantillons régionaux, nous avons limité les variables régionales au nombre de deux, soit Laval et la couronne montréalaise (Lvcouronne), et une vaste région allant de la Capitale- Nationale au Bas-du-Fleuve (Qcentre). Diverses autres définitions des régions ont été exa­minées sans produire de résultats probants. C’est au tableau B5 que ces deux variables régionales ont l’effet positif le plus fort sur le vote, avec des hausses de 18 et de 25 points, respectivement, dans l’appui à l’ADQ.
  16. Le coefficient alpha qui mesure la force de la relation entre les variables qui composent un indice est élevé pour les échelles portant sur la question nationale (0,80) et le malaise démocratique (0,76), et modéré pour l’échelle de conservatisme moral (0,59). Le coefficient alpha pour l’échelle sur le rôle de l’État est faible (0,35), ce qui nous a amenés à utiliser un second indicateur pour mesurer le conservatisme économique des répondants, soit la différence entre les évaluations des milieux d’affaires et des syndicats (Patsynd).
  17. On peut déjà noter ici que la variable de malaise démo­cratique semble mesurer une dimension très différente de celle que mesurent les variables de positionnements idéologiques, la corrélation entre le malaise et ces autres variables étant en général très faible (le coefficient de corrélation le plus élevé, de seulement 0,23, est obtenu entre le malaise et le rôle de l’État).
  18. Le nombre de partisans libéraux se disant fortement d’accord avec l’énoncé sur les accommodements raisonnables peut surprendre, compte tenu que cette clientèle est formée en bonne partie d’électeurs non francophones. Ce nombre relativement élevé est surtout attribuable aux libéraux francophones (52 p.100 étaient fortement d’accord), mais il est à noter que les libéraux allophones se sont tout de même montrés fortement d’accord à 45 p. 100, alors que les libéraux anglophones n’étaient fortement d’accord avec l’énoncé qu’à 27p.100. Cette répartition des opinions entre les trois groupes linguistiques chez les libéraux est semblable à celle que nous avons observée au sein de l’ensemble de l’échantillon, tous partis confondus.
  19. Un sondage en panel aurait été idéal de ce point de vue. Une méthode alternative pour étudier les transferts de voix est celle qu’utilise Drouilly (2007) qui se base sur une comparaison des suffrages bruts totaux par parti entre les élections de 2003 et de 2007.
  20. Dans le sondage CROP d’octobre 2008, seulement 16p.100 des répondants considéraient que Mario Dumont ferait le meilleur premier ministre du Québec, contre 37 p. 100 pour Jean Charest et 29 p. 100 pour Pauline Marois.

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Annexe A

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Annexe B

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Pour diffusion immédiate – 25 novembre 2008

Montréal – Les Québécois ont élu en 2007 leur premier gouvernement minoritaire depuis plus d’un siècle, propulsant l’Action démocratique du Québec (ADQ) de Mario Dumont au rang d’opposition officielle et reléguant le Parti québécois (PQ) au troisième rang. Selon une étude publiée par l’Institut de recherche en politiques publiques, cette spectaculaire montée de l’ADQ, mais aussi des autres tiers partis, témoigne de l’émergence de trois nouvelles clientèles électorales.

Intitulée « La montée des tiers partis au Québec à l’élection de 2007 : conjoncture ou tendance ? », cette étude d’Éric Bélanger (Université McGill) et de Richard Nadeau (Université de Montréal) examine les résultats et l’incidence du scrutin, de même que les raisons qui ont incité tant d’électeurs à rejeter les deux partis traditionnels, le Parti libéral du Québec et le PQ. Les auteurs rappellent que la position de l’ADQ sur les accommodements raisonnables et la personnalité de son chef Mario Dumont ont attiré les électeurs déçus de ces deux partis, mais surtout d’un gouvernement libéral alors très impopulaire. S’appuyant sur les données d’un sondage mené sitôt après l’élection auprès de plus de 2 000 électeurs, les auteurs proposent une analyse approfondie du profil et des motivations des électeurs québécois.

« Ces résultats soulèvent des questions sur les préférences des électeurs et l’évolution du soutien aux partis de cette province, observe Éric Bélanger. Nous comprenons mieux maintenant ce qui distingue les adeptes des différents partis selon toute une série de facteurs dont le revenu, la scolarité, l’âge et la religion. »

Dans ce portrait détaillé des électeurs des cinq principaux partis politiques, les auteurs ont notamment découvert que les « écologistes » déçus ont appuyé le Parti vert plutôt que le parti traditionnel au meilleur discours environnemental. L’appui à Québec solidaire reposait sur d’autres facteurs, ce parti ayant attiré l’aile gauche du PQ ainsi que des électeurs un peu moins souverainistes et un peu plus progressistes que l’électeur péquiste moyen.

On peut télécharger sans frais « La montée des tiers partis au Québec à l’élection de 2007: conjoncture ou tendance ? », d’Éric Bélanger et Richard Nadeau, au www.irpp.org.

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