Les employeurs ont besoin d’outils d’orientation professionnelle personnalisĂ©s pour trouver de bons emplois
La pandĂ©mie a causĂ© de nombreuses perturbations sur le marchĂ© du travail. Alors que certains secteurs Ă©conomiques multiplient les licenciements, dâautres tentent dâendiguer une pĂ©nurie de main-dâĆuvre. Ces perturbations ont clairement Ă©tabli que la capacitĂ© des travailleurs de cibler et de saisir rapidement de nouvelles occasions dâemploi dĂ©terminera leur rĂ©silience Ă court et Ă long terme. Et pour faire les meilleurs choix en termes dâemploi et de formation, il leur faut des outils plus efficaces pour sâinformer sur les parcours de carriĂšre possibles.
Matthias Oschinski et Thanh Nguyen proposent dans cette Ă©tude une approche Ă deux volets principalement axĂ©e sur les compĂ©tences. En Ă©valuant les compĂ©tences, les tĂąches et les intĂ©rĂȘts du poste rĂ©cent ou actuel dâun travailleur par rapport Ă ceux dâautres emplois, les auteurs sont, d’une part, en mesure de cerner dâautres types dâemplois qui leur conviendraient et, d’autre part, capables de dĂ©terminer les Ă©carts de compĂ©tences Ă combler pour leur permettre dâeffectuer la transition. De plus, dans le choix de nouveaux mĂ©tiers Ă proposer, ils sâen tiennent Ă ceux dont les perspectives de croissance et la rĂ©munĂ©ration sont au moins Ă©quivalentes Ă celles du poste rĂ©cent ou actuel du travailleur.
Pour illustrer leur approche, ils examinent les nouveaux mĂ©tiers qui conviendraient aux commis-vendeurs, aux caissiers et aux adjoints administratifs, soit trois types dâemploi exposĂ©s Ă de forts risques dâautomatisation et de transmission virale, qui comptent dâailleurs parmi les plus touchĂ©s par la pandĂ©mie. Ces emplois sont aussi principalement occupĂ©s par des femmes, des jeunes et des personnes racisĂ©es. Les auteurs montrent, par exemple, que les caissiers pourraient se tourner vers la dĂ©monstration ou la promotion de produits, des domaines dont les fonctions et les exigences sâapparentent Ă celles de leur poste actuel. Pour rĂ©ussir leur transition, il leur faudrait toutefois suivre une formation pour perfectionner certaines compĂ©tences nĂ©cessaires aux dĂ©monstrateurs et aux promoteurs de produits, notamment en conception technologique.
Soulignons toutefois que repĂ©rer les possibilitĂ©s dâemploi et les Ă©carts de compĂ©tences nâest quâune seule facette de lâorientation professionnelle. Pour se qualifier et dĂ©crocher un poste, les travailleurs ont aussi besoin dâinformations sur les emplois disponibles et sur les possibilitĂ©s de formation pertinentes. Afin dâoptimiser lâefficacitĂ© de leur approche, les auteurs recommandent donc d’intĂ©grer ces informations Ă un systĂšme global dâorientation professionnelle.
Face Ă lâĂ©volution constante dâun marchĂ© du travail soumis Ă de nombreuses pressions, de la transition dĂ©mographique aux nouvelles technologies, il est de plus en plus essentiel que les adultes en Ăąge de travailler sachent naviguer entre les possibilitĂ©s dâemploi et de formation. Ătant donnĂ© que le Canada vise une Ă©conomie Ă zĂ©ro Ă©mission nette dans un avenir rapprochĂ©, il deviendra dâautant plus important pour certains, comme les travailleurs du secteur Ă©nergĂ©tique, de trouver de bons emplois de rechanges. Pour Ă©viter les effets nĂ©fastes des prĂ©cĂ©dentes restructurationsâĂ©conomiques, dĂ©cideurs et citoyens doivent possĂ©der des outils dâorientation professionnelle fondĂ©s sur des donnĂ©es probantes pour tracer dâintĂ©ressants parcours de carriĂšre et cerner les compĂ©tences nĂ©cessaires pour sây engager. Lâapproche proposĂ©e par les auteurs se veut une premiĂšre Ă©tape vers la concrĂ©tisation de ces outils.
La catastrophe survenue dans les Ă©tablissements de soins de longue durĂ©e durant la pandĂ©mie nâaurait dĂ» surprendre personne. Les dysfonctionnements des soins et services aux aĂźnĂ©s Ă©taient connus de longue date et la pandĂ©mie est venue rappeler combien les multiples rĂ©formes du systĂšme de santĂ© entreprises dans les derniĂšres dĂ©cennies avaient laissĂ© le problĂšme entier. Les Ă©vĂ©nements rĂ©cents ont confirmĂ© lâurgence dâentreprendre une rĂ©organisation en profondeur des soins de longue durĂ©e au QuĂ©bec. Le gouvernement doit lancer trois chantiers prioritaires pour renforcer la capacitĂ© dâinnovation, dâautoĂ©valuation et dâadaptation du rĂ©seau afin dâamĂ©liorer la qualitĂ© des soins. Il lui faut rĂ©Ă©valuer le continuum de soins et services aux personnes aĂźnĂ©es en perte dâautonomie et rĂ©investir en fonction des besoins, revoir la gouvernance et lâorganisation des CHSLD, et se doter dâune agence « QualitĂ© QuĂ©bec » qui instituerait une capacitĂ© dâapprentissage et dâĂ©valuation continue des politiques et des pratiques dans le rĂ©seau.
L’heure est venue de restructurer de façon durable les rĂ©gimes de congĂ©s payĂ©s de courte durĂ©e en cas de maladie et pour proches aidants
La pandĂ©mie a mis en Ă©vidence les failles des programmes de soutien du revenu et des lois sur la protection de lâemploi en cas de congĂ©s de maladie et pour proches aidants. Câest ainsi que les gouvernements fĂ©dĂ©ral, provinciaux et territoriaux ont dĂ» adopter des mesures dâurgence pour remĂ©dier Ă leurs graves lacunes. Nos dĂ©cideurs doivent profiter de la levĂ©e prochaine de ces mesures pour rĂ©former durablement lâensemble du systĂšme. Quand des travailleurs renoncent Ă prendre congĂ© en raison dâune protection ou de prestations insuffisantes, ce sont non seulement ces individus mais aussi toute la sociĂ©tĂ© qui en assument les consĂ©quences. Cette Ă©tude recommande que tout travailleur rĂ©munĂ©rĂ© soit admissible Ă des congĂ©s payĂ©s avec protection de lâemploi, aussi bien en cas de maladie quâĂ titre de proche aidant.
L’assouplissement des rĂšgles de travail en pĂ©riode de prestation de l’AE aiderait les chĂŽmeurs Ă retrouver un emploi permanent
Le rĂ©gime canadien dâassurance-emploi (AE) assure un soutien du revenu aux travailleurs admissibles qui ont perdu leur emploi. Il tente aussi dâaider les nouveaux chĂŽmeurs Ă garder contact avec le marchĂ© du travail pour quâils puissent retrouver plus facilement un emploi permanent. Ses dispositions concernant le Travail pendant une pĂ©riode de prestations (TPP) encouragent ainsi les prestataires Ă occuper un emploi occasionnel ou Ă temps partiel tout en touchant une partie de leurs prestations. Lâobjectif est ici de leur Ă©viter de longues pĂ©riodes de chĂŽmage, de les inciter Ă maintenir leurs compĂ©tences et leurs contacts professionnels, et de dĂ©montrer Ă dâĂ©ventuels employeurs leur dĂ©termination Ă travailler.
Colin Busby, StĂ©phanie Lluis et Brian McCall examinent dans cette Ă©tude si un emploi Ă temps partiel aide vraiment les prestataires de lâAE Ă trouver un travail permanent. Pour ce faire, ils analysent les donnĂ©es dâune sĂ©rie de projets pilotes lancĂ©s par Ottawa de 2005 Ă 2018 pour dĂ©terminer si des modifications aux rĂšgles de TPP inciteraient davantage de prestataires Ă accepter un emploi Ă temps partiel ou Ă travailler de plus longues heures. Ils passent Ă©galement en revue les Ă©tudes qui ont Ă©valuĂ© les effets de dispositions semblables en vigueur Ă lâĂ©tranger.
Les projets pilotes portaient sur deux modifications clĂ©s aux rĂšgles de TPP. La premiĂšre, qui consistait Ă relever le seuil des gains admissibles sans rĂ©duction des Âprestations, a effectivement incitĂ© davantage de prestataires Ă accepter un emploi temporaire. La seconde, qui supprimait le seuil des gains et rĂ©duisait le taux de rĂ©cupĂ©ration des prestations sur tous les revenus, les a amenĂ©s Ă accepter des emplois Ă temps partiel aux heures plus longues et mieux rĂ©munĂ©rĂ©s.
Mais comme le soulignent les auteurs, les donnĂ©es administratives de suivi des prestataires dâAE qui ont servi Ă Ă©valuer ces projets portaient uniquement sur dâanciens prestataires ayant prĂ©sentĂ© une nouvelle demande dâAE. Par consĂ©quent, lâĂ©valuation reposait essentiellement sur les comportements de prestataires rĂ©itĂ©rants et saisonniers. On sait donc peu de choses sur ceux qui nâont profitĂ© quâune seule fois des rĂšgles de TPP et de lâutilitĂ© de celles-ci pour trouver un emploi permanent.
Des Ă©tudes menĂ©es dans dâautres pays qui appliquent des rĂšgles de TPP semblables, mais qui recueillent des donnĂ©es plus complĂštes, donnent un meilleur aperçu de leur capacitĂ© dâaider ou non les prestataires (y compris les demandeurs uniques) Ă se trouver un emploi permanent. En France, lâĂ©valuation de ces dispositions a montrĂ© que la plupart des chĂŽmeurs qui avaient travaillĂ© Ă temps partiel en pĂ©riode de prestations Ă©taient plus susceptibles de retrouver un emploi permanent par aprĂšs. Des Ă©tudes montrent quâil en va de mĂȘme en Belgique et en Allemagne pour les chĂŽmeurs de longue durĂ©e occupant un emploi occasionnel ou Ă temps partiel, notamment pour les femmes en Belgique. Des Ă©tudes menĂ©es ailleurs ont toutefois Ă©tabli que des rĂšgles mal conçues risquent plutĂŽt dâenfermer certains travailleurs dans un cycle dâemplois occasionnels ou Ă temps partiel.
Les rĂšgles de notre rĂ©gime dâAE concernant le TPP peuvent aider les chĂŽmeurs Ă trouver un emploi permanent, concluent les auteurs, mais il faudrait les amĂ©liorer et les accompagner de nouveaux programmes pour ceux qui profiteraient peu dâun emploi occasionnel ou Ă temps partiel. Ils exhortent donc nos dĂ©cideurs Ă rassembler des donnĂ©es de suivi sur tous les prestataires dâAE, en vue de rĂ©examiner les rĂšgles de TPP dans le cadre dâune vaste Ă©valuation qui pourra dĂ©terminer si elles facilitent effectivement le passage Ă un emploi permanent.
Les auteurs recommandent Ă cet effet de modifier les rĂšgles actuelles pour y rĂ©intĂ©grer un seuil fixe de gains hebdomadaires admissibles sans rĂ©duction des prestations, tout en conservant un faible taux de rĂ©cupĂ©ration pour les gains dĂ©passant ce seuil. Au Canada comme Ă lâĂ©tranger, les donnĂ©es montrent que ces rĂšgles modifiĂ©es inciteraient davantage de chĂŽmeurs Ă travailler en pĂ©riode de prestations et Ă accepter de plus longues heures de travail.
Ils exhortent aussi le gouvernement fĂ©dĂ©ral Ă prĂ©voir des rĂšgles de TPP plus gĂ©nĂ©reuses en pĂ©riode de ralentissement Ă©conomique. Une recommandation dâautant plus pertinente Ă lâheure oĂč lâĂ©conomie se rĂ©tablit dâune pandĂ©mie qui a causĂ© dâinnombrables interruptions de travail. On compte gĂ©nĂ©ralement plus dâemplois Ă temps partiel quâĂ temps plein en pĂ©riode de rĂ©cession. Et pour inciter les salariĂ©s licenciĂ©s Ă garder contact avec le marchĂ© du travail, on devrait alors autoriser les prestataires Ă conserver temporairement une plus grande part de leur revenu dâemploi sans rĂ©duction de leurs prestations dâAE.
LâĂ©valuation dĂ©taillĂ©e des dispositions concernant le Travail pendant une pĂ©riode de prestations dâAE permettrait dâĂ©tablir clairement dans quelle mesure elles favorisent le retour au travail des chĂŽmeurs. De fait, elles pourraient profiter Ă certains mais ĂȘtre peu utiles Ă dâautres. Par exemple, environ la moitiĂ© des prestataires choisissent de ne pas travailler pendant leur pĂ©riode de prestations. Câest vraisemblablement le cas des travailleurs licenciĂ©s aprĂšs de longues annĂ©es de service qui ne voient guĂšre lâintĂ©rĂȘt dâaccepter un emploi Ă temps partiel ou mal rĂ©munĂ©rĂ©. Dâautres programmes comme lâassurance-salaire, qui subventionne la reprise dâun emploi Ă temps plein, seraient sans doute mieux adaptĂ©s Ă leur situation. Lâinstauration et lâĂ©valuation de telles mesures seraient particuliĂšrement bienvenues en cette pĂ©riode de reprise Ă©conomique post-pandĂ©mie.
Les formations professionnelles financĂ©es par lâĂtat sont efficaces lorsquâelles sâalignent sur les besoins des employeurs
La reprise Ă©conomique postpandĂ©mie dĂ©pend fortement de la capacitĂ© des milliers de Canadiens licenciĂ©s de retrouver du travail. Le budget fĂ©dĂ©ral de 2021 a allouĂ© des fonds supplĂ©mentaires Ă la formation axĂ©e sur les compĂ©tences et Ă lâaide Ă lâemploi pour les travailleurs les plus durement touchĂ©s par les mesures de confinement. Mais lâefficacitĂ© des formations financĂ©es par lâĂtat Ă lâintention des sans-emploi et des travailleurs sous-employĂ©s suscite encore beaucoup de scepticisme.
Selon la prĂ©sente Ă©tude de Karen Myers, Simon Harding et Kelly Pasolli, les doutes entourant lâutilitĂ© du financement public de la formation axĂ©e sur les compĂ©tences reposent sur des perceptions dĂ©passĂ©es, issues dâanciennes Ă©valuations sur des programmes de formation Ă grande Ă©chelle, dont la mĂ©thodologie est aujourdâhui contestĂ©e. Lâanalyse de 30 ans de donnĂ©es amĂ©ricaines et Ă©trangĂšres a permis aux auteurs de cerner les problĂšmes soulevĂ©s par ces Ă©valuations passĂ©es et de faire ressortir les conclusions plus nuancĂ©es dâĂ©tudes menĂ©es depuis 10 ans sur les types de formation les plus utiles dĂ©pendant des situations et des participants. Selon le rĂ©sultat clĂ© de cette analyse, les formations financĂ©es par lâĂtat sont surtout efficaces lorsquâelles sâalignent sur les besoins des employeurs et les compĂ©tences demandĂ©es sur les marchĂ©s du travail locaux.
Deux modĂšles de formation centrĂ©s sur la demande, largement appliquĂ©s aux Ătats-Unis, sont particuliĂšrement prometteurs : la formation sectorielle et lâapproche axĂ©e sur le cheminement de carriĂšre. En analysant leurs effets sur les perspectives et les revenus dâemploi des participants, Karen Myers et ses coauteurs dĂ©gagent plusieurs facteurs de rĂ©ussite : Ă©troite collaboration avec les employeurs pour cibler les compĂ©tences en demande, minutieuse sĂ©lection des candidats selon les secteurs qui les intĂ©ressent, flexibilitĂ© dans la prestation des programmes de formation, et soutien complĂ©mentaire (comme les soins aux enfants et les conseils de carriĂšre) pour contrer les obstacles Ă la formation rencontrĂ©s par les adultes en Ăąge de travailler.
Les auteurs concluent que ces deux modĂšles (formation sectorielle et approche axĂ©e sur le cheminement de carriĂšre) pourraient jouer au Canada un rĂŽle considĂ©rable dans les politiques du marchĂ© du travail adoptĂ©es en rĂ©ponse Ă la pandĂ©mie. Leur mise Ă profit optimale prĂ©sente toutefois des dĂ©fis pour les dĂ©cideurs, chercheurs et intervenants. Pour mieux aligner nos systĂšmes de dĂ©veloppement des compĂ©tences sur les besoins des employeurs et lâĂ©volution du marchĂ© du travail, les auteurs recommandent aux dĂ©cideurs dâexaminer de prĂšs lâapplicabilitĂ© de ces modĂšles Ă la situation canadienne, de tester et dâaccroĂźtre lâutilisation des plus prometteurs, et de sâengager Ă apprendre des meilleures pratiques. Il sera aussi important de crĂ©er une solide infrastructure de rĂ©seautage entre employeurs et prestataires de formation, tout en produisant des informations actualisĂ©es sur le marchĂ© du travail.
Ces recommandations gĂ©nĂ©rales devraient servir de point de dĂ©part au vaste dĂ©bat que les intervenants concernĂ©s ont dĂ©jĂ trop tardĂ© Ă mener sur les moyens de rendre nos systĂšmes de dĂ©veloppement des compĂ©tences plus souples et rĂ©actifs Ă lâĂ©volution constante des besoins en compĂ©tences des travailleurs et des employeurs.
Le systĂšme canadien des soins de longue durĂ©e (SLD) a besoin dâune refonte en profondeur. La plupart des aĂźnĂ©s nâont quâun accĂšs limitĂ© Ă des soins trop souvent fragmentĂ©s et de faible qualitĂ©. Lâadmission en Ă©tablissement de SLD est sujette Ă de longues pĂ©riodes dâattente, et nombre dâaĂźnĂ©s recevant des soins Ă domicile disent avoir des besoins qui ne sont pas comblĂ©s. Si bien que leurs proches et amis doivent souvent prendre la relĂšve, alors que plusieurs dâentre eux sâĂ©puisent en tentant de concilier leurs tĂąches de soignant, leur emploi et leurs autres responsabilitĂ©s familiales. La pandĂ©mie de COVID-19 a exposĂ© au grand jour ces failles dans le systĂšme qui existent depuis longtemps et qui risquent de sâaggraver Ă mesure quâaugmentera le nombre dâaĂźnĂ©s fragiles.
Les Ă©minents chercheurs qui ont menĂ© cette Ă©tude sous la direction de Colleen Flood soutiennent que les dĂ©cideurs canadiens doivent relever un double dĂ©fi : rĂ©pondre Ă la demande croissante de services de SLD, mais aussi sâassurer que ces services soient fournis oĂč leurs bĂ©nĂ©ficiaires dĂ©sirent les recevoir, soit le plus souvent Ă domicile. Pour les aĂźnĂ©s qui nĂ©cessitent des services institutionnels, les gouvernements doivent Ă©videmment amĂ©liorer la qualitĂ© et la sĂ©curitĂ© des soins dans les Ă©tablissements de SLD. Mais pour y Ă©viter les admissions inutiles ou non dĂ©sirĂ©es, ils doivent aussi mieux financer les soins formels Ă domicile et renforcer le soutien aux aidants naturels.
Les auteurs ont Ă©tudiĂ© une solution de financement trĂšs prisĂ©e Ă lâĂ©tranger : les prestations en espĂšces. Ces transferts publics sont directement versĂ©s aux bĂ©nĂ©ficiaires de SLD (ou Ă leurs soignants) en appui aux soins Ă domicile, quâils soient prodiguĂ©s par des travailleurs de la santĂ©, des membres de la famille ou des amis. Un peu plus de la moitiĂ© des pays de lâOCDE offrent ce type de prestations aux bĂ©nĂ©ficiaires de SLD, qui peuvent ainsi mieux planifier leurs soins et gagner en autonomie.
Ă lâexamen de la situation en Allemagne et aux Pays-Bas, deux pays qui misent largement sur les prestations en espĂšces, Colleen Flood et ses coauteurs montrent quâelles sont un Ă©lĂ©ment clĂ© de rĂ©gimes intĂ©grĂ©s dâassurance publique couvrant lâensemble des services de SLD. Le recours Ă ces bĂ©nĂ©fices est trĂšs Ă©tendu, surtout en Allemagne, oĂč leur utilisation est moins rĂ©glementĂ©e. Peu aprĂšs leur instauration, les dĂ©penses publiques en SLD ont bondi dans les deux pays, mais les Pays-Bas ont adoptĂ© ces derniĂšres annĂ©es un train de mesures pour freiner la progression des coĂ»ts et assurer une meilleure qualitĂ© de soins, Ă©tant donnĂ© la propension des bĂ©nĂ©ficiaires Ă recourir Ă des soignants sans formation pour des services qui devraient relever de professionnels de la santĂ©.
Les auteurs en concluent que les prestations en espĂšces constituent une piste prometteuse pour amĂ©liorer les soins Ă domicile au Canada. Mais elles ne suffiraient pas Ă la tĂąche et devraient donc sâintĂ©grer Ă une sĂ©rie dâinitiatives visant Ă investir dans la qualitĂ© et la sĂ©curitĂ© des soins dans les Ă©tablissements de SLD, de mĂȘme quâĂ amĂ©liorer lâaccĂšs aux soins formels Ă domicile et le soutien aux soins informels. Pour optimiser leur utilisation, nos dĂ©cideurs doivent agir avec discernement en se donnant pour prioritĂ© dâaccroĂźtre lâautonomie des bĂ©nĂ©ficiaires, de rĂ©pondre aux besoins en SLD non comblĂ©s et dâamĂ©liorer la qualitĂ© des soins, tout en minimisant les inconvĂ©nients auxquels sâexposent les aidants naturels, majoritairement des femmes. Comme les femmes qui travaillent Ă temps plein sont proportionnellement beaucoup plus nombreuses au Canada quâen Allemagne et aux Pays-Bas, les auteurs recommandent aux gouvernements de prĂ©voir des mesures supplĂ©mentaires pour attĂ©nuer lâimpact sur la sĂ©curitĂ© financiĂšre des proches aidants, dans le cas oĂč les prestations en espĂšces les encourageraient Ă accroĂźtre leurs tĂąches dâaidantes et Ă rĂ©duire leur participation au marchĂ© du travail. On pourrait Ă cette fin assouplir les lois sur les congĂ©s avec protection dâemploi et hausser les contributions du RĂ©gime de pension du Canada pour les proches aidants.
Les pressions dĂ©mographiques qui sâannoncent risquent dâaggraver les insuffisances de longue date de notre systĂšme de soins de longue durĂ©e. Ottawa et les provinces doivent agir rapidement pour amĂ©liorer lâensemble des services de SLD et offrir un meilleur soutien aux Canadiens qui souhaitent vieillir Ă domicile.
Ăa fait dĂ©jĂ presque un an que la pandĂ©mie de COVID-19 a Ă©clatĂ© en mars 2020 au pays, faisant perdre leur emploi Ă des milliers de travailleurs canadiens, dont beaucoup de façon permanente. Le gouvernement a adoptĂ© assez rapidement des programmes dâaide financiĂšre dâurgence, qui sont censĂ©s ĂȘtre provisoires. Maintenant que la campagne de vaccination est lancĂ©e, il est sans doute temps de rĂ©flĂ©chir aux politiques Ă long terme qui aideront ces travailleurs licenciĂ©s Ă sâadapter aux rĂ©alitĂ©s Ă©conomiques de lâaprĂšs-pandĂ©mie. Le Canada dispose dĂ©jĂ dâun Ă©ventail de politiques en matiĂšre de remplacement temporaire du revenu, de formation et dâaide Ă la recherche dâemploi. Mais on sait peu de choses sur les moyens que prennent les travailleurs pour amĂ©liorer leur situation, surtout quand les emplois sont rares, ce qui est le cas aujourdâhui et devrait le rester tant que les effets de la crise sanitaire se feront sentir.
Cette Ă©tude des chercheurs de Statistique Canada RenĂ© Morissette et Theresa Hanqing Qiu se penche sur lâemploi de quatre stratĂ©gies dâadaptation par les travailleurs licenciĂ©s en 2009, soit au cĆur de la derniĂšre rĂ©cession : changer de rĂ©gion, entreprendre des Ă©tudes postsecondaires, suivre un apprentissage enregistrĂ© et devenir travailleur autonome. Les auteurs examinent si les stratĂ©gies adoptĂ©es avaient variĂ© selon les caractĂ©ristiques des travailleurs et leur situation dâemploi un an aprĂšs leur perte dâemploi, et dans quelle mesure elles avaient Ă©voluĂ© Ă court et Ă long terme.
Ă lâexamen des schĂ©mas observĂ©s dans la premiĂšre et la cinquiĂšme annĂ©e suivant une perte dâemploi, les auteurs montrent que seule une minoritĂ© de travailleurs licenciĂ©s â tout au plus le cinquiĂšme dâentre eux â ont employĂ© au moins lâune des quatre stratĂ©gies. Et que leur usage variait considĂ©rablement selon le sexe, lâĂąge, la scolaritĂ© et certaines autres caractĂ©ristiques. Dans lâannĂ©e suivant leur perte dâemploi, par exemple, les femmes choisissaient le plus souvent dâentreprendre des Ă©tudes postsecondaires, tandis que les hommes prĂ©fĂ©raient changer de rĂ©gion. Mais aprĂšs cinq ans, hommes et femmes privilĂ©giaient tous deux le dĂ©mĂ©nagement. Les plus ĂągĂ©s Ă©taient moins enclins Ă changer de rĂ©gion ou Ă dĂ©velopper de nouvelles compĂ©tences, aussi bien Ă court quâĂ long terme. Les plus scolarisĂ©s Ă©taient plus susceptibles de devenir travailleurs autonomes ou de retourner aux Ă©tudes, surtout sâils possĂ©daient dĂ©jĂ un diplĂŽme universitaire. Et par rapport aux travailleurs licenciĂ©s nĂ©s au pays, les immigrants â surtout les femmes â Ă©taient moins susceptibles de changer de rĂ©gion Ă court comme Ă long terme, tandis que les hommes nouvellement arrivĂ©s dĂ©marraient plus souvent une entreprise, mais uniquement Ă long terme. Comparativement Ă ceux qui avaient retrouvĂ© un travail dans lâannĂ©e suivant leur perte dâemploi, les travailleurs toujours sans emploi Ă©taient plus susceptibles dâadopter au moins une stratĂ©gie dâadaptation pendant cette pĂ©riode de cinq ans. NĂ©anmoins ce nâĂ©tait le cas que pour moins de la moitiĂ© (42 p. 100) dâentre eux.
Rien nâindique en outre quâune perte dâemploi nâentraĂźne Ă elle seule des changements de comportement importants chez les travailleurs licenciĂ©s, au sens oĂč ils adopteraient plus souvent des stratĂ©gies dâadaptation. Les licenciĂ©s de 2009 Ă©taient effectivement plus enclins Ă employer au moins lâune des stratĂ©gies que les travailleurs qui avaient conservĂ© leur emploi, mais lâĂ©cart est plutĂŽt mince. Et lâimpact dâune perte dâemploi Ă©tait plus marquĂ© chez les travailleurs plus scolarisĂ©s.
La documentation et la quantification de ces stratĂ©gies dâadaptation constituent une premiĂšre Ă©tape vers une meilleure comprĂ©hension du comportement des travailleurs ayant perdu leur emploi. Chaque stratĂ©gie a des avantages et des inconvĂ©nients dont il faut tenir compte. Mais le fait dâidentifier les stratĂ©gies les plus courantes peut aider Ă cerner la gamme dâobstacles et dâincitations qui attendent les travailleurs licenciĂ©s, surtout quand les emplois sont rares. Dans le monde de lâaprĂšs-pandĂ©mie, les conclusions de cette Ă©tude seront particuliĂšrement utiles dans lâĂ©laboration des politiques de soutien aux travailleurs licenciĂ©s.
Ces derniĂšres annĂ©es, les progrĂšs rapides de lâintelligence artificielle et leur incidence sur les technologies dâautomatisation ont alimentĂ© lâhypothĂšse dâune transformation sans prĂ©cĂ©dent de la nature mĂȘme du travail. Les grands titres Ă©voquent souvent les mutations du travail, mais quâen est-il exactementâ? Dispose-t-on de preuves confirmant que les nouvelles technologies ont dĂ©jĂ transformĂ© les emploisâ? Si câest le cas, ces transformations sont-elles plus profondes que les prĂ©cĂ©dentesâ?
Dans cette Ă©tude, Kristyn Frank et Marc Frenette examinent ces questions en sâappuyant sur les nouvelles recherches quâils ont menĂ©es Ă Statistique Canada avec leur collĂšgue Zhe Yang. Ils scrutent deux aspects du travailâ:âla combinaison dâactivitĂ©s (ou tĂąches) qui constituent un emploi et la combinaison des emplois dans lâĂ©conomie. Si les technologies dâautomatisation modifient effectivement la nature du travail, soutiennent-ils, on devrait observer une importance accrue des tĂąches non automatisables et une rĂ©orientation du marchĂ© de lâemploi vers des professions principalement axĂ©es sur ce type de tĂąches.
Et de fait, les tĂąches cognitives non routiniĂšres (analytiques ou interpersonnelles) ont gagnĂ© en importance de 2011 Ă 2018. Mais on parle ici dâune progression moyenne relativement faible, comprise entre 1,5âp.â100 pour ce qui est dâĂ©tablir et dâentretenir des relations interpersonnelles et 3,7âp.â100 pour lâanalyse de donnĂ©es ou d’informations. Lâimportance des tĂąches cognitives routiniĂšres (comme lâentrĂ©e de donnĂ©es) a aussi augmentĂ©, mais encore plus faiblement. Le tableau est moins clair pour les tĂąches manuelles routiniĂšres, lâimportance des tĂąches dont le rythme est dĂ©terminĂ© par la vitesse des Ă©quipements ayant reculĂ© de prĂšs de 3âp.â100, alors que celle dâautres tĂąches de cette catĂ©gorie a lĂ©gĂšrement augmentĂ©.
Ă lâexamen des tendances Ă long terme, soit de 1987 Ă 2018, les auteurs notent une augmentation graduelle de la proportion de travailleurs exerçant des professions axĂ©es sur des tĂąches non routiniĂšres et, simultanĂ©ment, une diminution des emplois basĂ©s sur des tĂąches routiniĂšres. La tendance la plus marquĂ©e concerne le transfert dâemplois en production, artisanat, rĂ©paration et opĂ©rations vers des mĂ©tiers administratifs, professionnels et techniques. Mais ce transfert vers des mĂ©tiers non routiniers ne sâest pas accentuĂ© davantage entre 2011 et 2018 quâentre 1987 et 2010. Par exemple, la proportion dâemplois administratifs, professionnels et techniques nâa augmentĂ© que de 1,8 points de pourcentage de 2011 Ă 2018 par rapport Ă 6 points de pourcentage de 1987 Ă 2010.
Cette transition vers des emplois non routiniers sâĂ©tend Ă la plupart des groupes sociodĂ©mographiques, Ă quelques exceptions prĂšs. Ainsi, la part des travailleurs occupant des emplois administratifs, professionnels et techniques a partout augmentĂ©, mais beaucoup plus chez les femmes que chez les hommes. Sans doute plus Ă©tonnant, on note une diminution de la proportion des travailleurs ayant fait des Ă©tudes postsecondaires qui arrivent Ă dĂ©crocher des postes pour ces mĂȘmes emplois. Ce qui sâexplique par la forte hausse de la proportion de ces travailleurs observĂ©e depuis 30 ans, et la nĂ©cessitĂ© pour certains dâentre eux dâaccepter des emplois pour lesquels ils sont surqualifiĂ©s.
Au-delĂ de la demande pour des compĂ©tences technologiques, ces transferts dâemplois pourraient sâexpliquer par dâautres facteurs qui modifient la structure industrielle de lâĂ©conomie. Le vieillissement de la population et la demande pour les soins de santĂ© qui sâensuit, par exemple, peuvent faire augmenter la part des emplois dans le domaine de la santĂ©. Selon les analyses des auteurs, ces autres facteurs expliquent lâessentiel de la hausse des parts dâemplois dans le secteur des services, les deux tiers de leur recul dans les secteurs de la production, de lâartisanat, de la rĂ©paration et des opĂ©rations, et environ 40âp.â100 de lâaugmentation des emplois administratifs, professionnels et techniques. MĂȘme en tenant compte de ces autres facteurs, leur estimation des variations de lâimportance moyenne de diverses tĂąches reste significative.
Il est important que les dĂ©cideurs suivent lâĂ©volution de la nature du travail au fur et Ă mesure de lâintĂ©gration des nouvelles technologies dans les lieux de travail compte tenu des impacts possibles sur les politiques publiques. Cette Ă©tude montre que les rĂ©cents progrĂšs des technologies de lâautomatisation ont certes modifiĂ© les tĂąches des travailleurs et les emplois quâils occupent, mais quâon ne peut encore parler dâune transformation fondamentale. Autrement dit, il est sans doute prĂ©maturĂ© dâaffirmer que les nouvelles technologies ont dâores et dĂ©jĂ transformĂ© la nature du travail.
Lorsque des experts accordent des entrevues aux journalistes, ceux-ci cherchent Ă leur soutirer des propos qui sauront attirer et divertir les consommateurs dâinformation. Les auteurs de cette Ă©tude examinent le rapport entre la frĂ©quence Ă laquelle ces spĂ©cialistes apparaissent dans les mĂ©dias et le contenu Ă©ducatif de leurs citations. Ils ont analysĂ© les propos dâexperts citĂ©s dans quatre journaux canadiens et quatre suĂ©dois, pendant les campagnes Ă©lectorales nationales de 2000 Ă 2015. Conclusion : au Canada comme en SuĂšde, les journaux prĂ©fĂšrent les propos divertissants Ă ceux qui pourraient instruire la population, sans grandes diffĂ©rences entre les deux pays. De puissantes forces semblent ainsi transcender les frontiĂšres nationales, y compris celles dâune concurrence grandissante entre organisations mĂ©diatiques.
Le gouvernement du Canada a rĂ©cemment augmentĂ© ses investissements dans le dĂ©veloppement des compĂ©tences pour aider les Canadiens Ă faire face Ă la reprise dâaprĂšs-pandĂ©mie et Ă lâĂ©volution du marchĂ© du travail. Mais lâimpact de ces mesures pourrait ĂȘtre minimal en lâabsence de donnĂ©es exploitables sur lâadĂ©quation entre les formations offertes aux travailleurs et les emplois en demande. Pour rĂ©soudre ce problĂšme, le Canada doit se doter dâun systĂšme dâinformation complet qui fasse le lien entre formations, compĂ©tences et emplois. Cette Ă©tude exhorte les employeurs, fournisseurs de formations et organismes gouvernementaux de tous niveaux Ă Ă©tablir conjointement un mĂ©canisme pancanadien de mise en correspondance des possibilitĂ©s de formation et dâemploi.