Disposer d’un accès Internet fiable est un aspect essentiel de la vie quotidienne, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Les communautés autochtones et nordiques sont en retard par rapport au reste du Canada en ce qui concerne l’accès à Internet aux vitesses nécessaires pour profiter des services en ligne essentiels, tels que les soins de santé, l’éducation, les services bancaires et l’emploi. Les Canadiens à faible revenu ont du mal à s’offrir la technologie et les forfaits Internet nécessaires pour accéder à ces services. Pour combler ces lacunes, cette étude identifie de nouvelles approches que les gouvernements peuvent adopter pour répondre aux besoins des communautés mal desservies et améliorer l’accessibilité financière d’Internet pour les Canadiens à faible revenu.
Les enseignants en alphabétisation avaient autrefois accès à une solide infrastructure nationale de connaissances sur l’alphabétisation des adultes : des activités qui généraient des recherches sur les pratiques d’alphabétisation des adultes et les apprenants garantissaient que les connaissances étaient largement partagées et qu’elles étaient rassemblées et préservées pour une utilisation future. Le gouvernement fédéral a joué un rôle crucial dans la création et le maintien de cette infrastructure de connaissances, mais son rôle s’est considérablement réduit au fil du temps. Cette étude soutient que, pour fournir aux enseignants en alphabétisation les outils nécessaires à un travail efficace, le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de premier plan dans le rétablissement de cette infrastructure de connaissances, et elle formule plusieurs recommandations sur la manière d’y parvenir.
La crise actuelle du coût de la vie a mis en évidence les lacunes du filet de sécurité sociale du Canada. Les programmes provinciaux d’aide sociale, qui sont censés fournir un revenu minimum pour acheter de la nourriture et satisfaire d’autres besoins essentiels, ne sont pas à la hauteur.
Les ménages à faibles revenus, qui consacrent une part plus importante de leurs revenus aux besoins de base, sont les plus touchés par l’inflation des prix de l’alimentation et du logement. Les parents vivant seuls et les adultes seuls en âge de travailler sont plus susceptibles d’avoir un faible revenu que les autres types de ménage.
Parallèlement, le taux d’insécurité alimentaire augmente. En 2022, 18 % des Canadiens ont connu l’insécurité alimentaire, contre 16 % un an plus tôt et 17 % en 2019. Les ménages qui y sont les plus vulnérables sont les mêmes que ceux qui sont les plus susceptibles d’avoir un faible revenu, notamment les mères célibataires.
Il est urgent d’augmenter les aides au revenu des ménages à faible revenu. Ce rapport présente les différents mécanismes de programmes de transfert monétaires que le gouvernement fédéral pourrait utiliser. Il met l’accent sur les réformes des programmes de transfert de fonds déjà existants, mis en œuvre par l’Agence du revenu du Canada, notamment le crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH), l’allocation canadienne pour enfants et l’allocation canadienne pour les travailleurs, parce que ces réformes pourraient être mises en œuvre plus rapidement que la conception d’une prestation entièrement nouvelle.
Pour déterminer lequel des scénarios potentiels de transfert de fonds le gouvernement devrait mettre en œuvre, le rapport définit les critères d’évaluation suivants :
Sur la base de ces critères et de l’analyse des différentes options, ce rapport recommande au gouvernement fédéral d’étendre le crédit existant pour la TPS/TVH aux familles composées d’adultes en âge de travailler et de leurs enfants. Ce crédit présente plusieurs avantages : il touche tous les types de familles, y compris les adultes seuls en âge de travailler et les familles monoparentales, et il cible bien les ménages à faible revenu. Cependant, le crédit existant fournit un soutien modeste : pour l’année de prestation 2023-2024, il a fourni une prestation de base de 325 $ par an par adulte et de 171 $ par an par enfant. Bien que le crédit existant pour la TPS/TVH soit indexé sur l’inflation, il est lié à l’indice général des prix à la consommation, qui a augmenté moins vite que les prix des aliments et du logement.
Ce rapport recommande au gouvernement fédéral d’adopter l’une des deux options suivantes : un crédit de TPS/TVH de 100 $ par mois et par adulte en âge de travailler, réparti de manière relativement égale entre les ménages à revenus faibles et moyens, ou un crédit de 150 $ par mois destiné aux personnes en situation de grande pauvreté. Les deux scénarios amélioreraient l’accès aux besoins de base des ménages à faible revenu à un coût relativement modéré. Ce complément ne s’étendrait pas aux personnes âgées de 65 ans et plus parce qu’elles sont moins susceptibles d’être à faible revenu ou de connaître l’insécurité alimentaire, et qu’elles bénéficient déjà d’un soutien au revenu par le biais de la pension de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti.
En outre, nous recommandons que le crédit élargi pour la TPS/TVH soit distribué mensuellement plutôt que trimestriellement, comme c’est le cas actuellement. Cela permettrait de répartir les paiements de manière égale tout au long de l’année et d’offrir aux bénéficiaires une plus grande stabilité pour payer leurs factures mensuelles. Nous recommandons également au gouvernement fédéral d’implanter le projet pilote de la production automatique des déclarations de revenus, annoncée dans le budget 2023, afin d’aider les Canadiens qui ne déclarent pas actuellement leurs revenus à recevoir les prestations auxquelles ils ont droit.
Sur la base des conclusions de cette étude, le Conseil d’action sur l’abordabilité, une collaboration non partisane de divers experts en politiques publiques et de dirigeants communautaires de tout le pays, a recommandé dans un rapport publié en décembre 2023 que le gouvernement fédéral restructure et élargisse l’actuel crédit pour la TPS/TVH et le renomme « allocation pour l’épicerie et les besoins de base ». L’allocation proposée s’appuierait sur le remboursement pour l’épicerie mise en œuvre en 2023 et ciblerait les ménages à faible revenu composés d’adultes en âge de travailler. L’option retenue par le Conseil consisterait à verser 150 $ par mois par adulte et 50 $ par enfant aux ménages aux plus faibles revenus. Tous les ménages qui bénéficient actuellement du remboursement de la TPS/TVH recevraient plus d’argent dans le cadre de la proposition du Conseil, mais ce sont les ménages à faible revenu qui bénéficieraient de l’augmentation la plus importante.
Les technologies numériques ont le potentiel d’améliorer la mobilité urbaine et d’apporter toute une série d’avantages sociétaux et environnementaux. Elles peuvent améliorer l’accès aux transports en commun pour les personnes mal desservies ; aider les usagers à optimiser leurs itinéraires et à combiner différents modes de transport grâce à des applications intégrées et au paiement sans contact ; et améliorer l’efficacité, l’efficience et la durabilité des systèmes de transport en commun qui sont de plus en plus électrifiés. Cependant, pour atteindre leur plein potentiel, les technologies numériques doivent faire partie d’une transformation plus large menée par les gouvernements, qui comprend une plus grande planification conjointe de l’utilisation du territoire et des transports, et l’amélioration des services de mobilité partagée tels que les applications de voitures de transport avec chauffeur, l’autopartage et les vélos en libre-service. Les gouvernements à tous les niveaux ont un rôle important à jouer dans l’élaboration de cette transformation de manière à améliorer l’équité, l’efficacité et l’efficience des transports publics.
Au Canada, l’assurance médicaments est une mosaïque de régimes publics provinciaux, territoriaux et fédéraux, d’assurances privées et de paiements directs. Des millions de Canadiens n’ont pas les moyens d’acheter les médicaments qui leur ont été prescrits. Mais nous avons l’occasion de changer cette situation. Le gouvernement libéral fédéral a signé un accord de soutien et de confiance avec le Nouveau Parti démocratique qui comprend l’engagement d’introduire un régime national d’assurance médicaments. Il existe plusieurs modèles que le gouvernement pourrait utiliser pour mettre en œuvre un tel régime. Le présent document préconise une approche par étapes, prudente sur le plan financier, en commençant par un programme fédéral de réassurance pour les médicaments coûteux destinés au traitement des maladies rares, qui jetterait les bases d’un régime d’assurance médicaments complet et universel.
Alors que la pandémie de COVID-19 commençait à montrer des signes de recul au début de l’année 2022, les Canadiens envisageaient l’avenir avec un regain d’espoir. Les gouvernements ont d’abord parlé de « reconstruire en mieux » après les ravages de la pandémie, en souhaitant s’attaquer aux inégalités sociales et rendre les systèmes du pays plus résistants.
Mais pour beaucoup, cet espoir de progrès a vite été tempéré par la flambée des prix des denrées alimentaires, des loyers et des carburants, ainsi que par les conséquences d’une saison record de feux de forêt, d’inondations, de tempêtes et d’autres événements causés par les changements climatiques qui ont touché pratiquement tous les coins du pays.
C’est dans le contexte de ces deux crises que le Conseil d’action sur l’abordabilité, une collaboration non partisane de divers experts en politiques publiques et de dirigeants communautaires de tout le pays, s’est réuni pour élaborer une série de mesures politiques visant à lutter simultanément contre ceux d’une inflation élevée et des changements climatiques. Le Conseil a rassemblé des experts, commandé des recherches et organisé des discussions afin de fournir au gouvernement fédéral des recommandations politiques fondées sur des données probantes. Ce rapport est l’aboutissement de notre travail.
Le Conseil a été guidé par une nouvelle approche de l’élaboration des politiques : une approche qui renonce aux mesures politiques fragmentaires en faveur d’une vision holistique prenant en compte tous les besoins de base à la fois. En effet, personne ne devrait être obligé de renoncer à acheter de la nourriture pour payer son loyer ou renoncer à chauffer ou à climatiser son logement pour s’abonner aux transports en commun et se rendre au travail. Et rien de tout cela ne devrait se faire au détriment de la lutte contre les changements climatiques.
Nous entendons trop souvent des arguments selon lesquels les efforts visant à accélérer la transition vers une économie carboneutre rendront la vie encore plus inabordable. Nous croyons qu’en mettant en œuvre les bonnes politiques, il est possible d’atténuer les problèmes d’abordabilité à court terme tout en mettant en place les éléments constitutifs d’une abordabilité, d’une résilience, ainsi que d’une réduction des émissions durables. En effet, si les efforts visant à résoudre les problèmes d’abordabilité et de changements climatiques restent déconnectés les uns des autres, les familles à faibles revenus deviendront plus vulnérables à la volatilité des prix des combustibles fossiles et supporteront le coût des changements climatiques.
Les travaux du Conseil sont guidés par la conviction que les efforts déployés pour relever ces défis doivent bénéficier en priorité aux familles à faibles revenus. Les jeunes générations, déjà confrontées à des coûts de logement élevés, à une part disproportionnée des cotisations au filet social et à des risques climatiques croissants, ne devraient pas être encore plus lourdement désavantagées.
Jennifer Ditchburn Présidente et chef de la direction, Institut de recherche en politiques publiques Lili-Anna Pereša |
Éric St-Pierre Directeur général, Fondation de la famille Trottier Catherine Abreu Fondatrice et directrice générale, Destination Zero |
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Yasmin Abraham
Jasveen Brar Caroline Brouillette Cherise Burda Evan Fraser Brendan Haley Kate Harland Paul Kershaw |
Marc Lee
Angella MacEwen Mike Moffatt Gillian Petit Shelagh Pizey-Allen Rosemarie Powell Lisa Rae Nate Wallace |
Plus de quatre millions de Canadiens vivent dans des zones à faible densité, ce qui inclut les collectivités rurales, éloignées, autochtones et nordiques. La plupart ont peu d’options de transport en dehors de la voiture. Pour les personnes qui ne peuvent pas conduire pour des raisons de coût, d’âge ou de capacité, le manque d’options peut exacerber les inégalités et accroître les risques pour leur santé et leur sécurité.
Pour résoudre ces problèmes, le gouvernement fédéral doit collaborer avec ses homologues provinciaux, territoriaux et autochtones afin d’élaborer une nouvelle vision du transport de passagers au Canada, tout en tirant parti du financement fédéral des infrastructures et en l’augmentant afin de combler les lacunes en matière de services.
Bien que ces zones soient moins peuplées, leurs habitants sont plus susceptibles d’être aux prises avec des coûts de transport plus élevés et de générer plus d’émissions de gaz à effet de serre (GES) par personne parce qu’ils doivent parcourir de plus longues distances.
Compte tenu des besoins spécifiques des collectivités rurales, des solutions créatives sont nécessaires. L’absence d’une vision nationale fiable en matière de transport contribue aux lacunes dans les services, et la fermeture de lignes d’autobus vitales amplifie le problème. Bien que le gouvernement fédéral ait fait des progrès en ce qui concerne les besoins quotidiens de transport en milieu rural grâce à son Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural, le potentiel de ce fonds est limité, car il ne couvre pas les coûts d’exploitation ni les trajets entre les différentes communautés.
Le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande au gouvernement fédéral de :
1. Collaborer avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones pour déve-lopper une vision nationale renouvelée du transport de passagers, étayée par de meilleures données, recherches et analyses.
2. Mobiliser le financement de l’infrastructure et VIA Rail pour aider à combler les lacunes dans les services interrégionaux d’autobus et de transport ferroviaire.
3. Élargir le Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural afin de couvrir un plus large éventail de coûts, de projets et de candidats
Le risque de pauvreté en matière de transports, ou le manque d’options de transport adéquates pour accéder aux services essentiels et à l’emploi, augmentent dans les collectivités rurales et éloignées du Canada. Si la pauvreté liée au transport existe également dans les zones urbaines, les habitants des collectivités rurales et éloignées se trouvent devant des obstacles supplémentaires en raison des longues distances qu’ils doivent parcourir pour accéder aux services, consulter un médecin ou obtenir de l’aide sociale (Fairbairn et Gustafson, 2006).
Les habitants de ces zones ont davantage recours à la voiture pour se rendre au travail et accéder aux services et aux commodités, en partie parce qu’ils doivent parcourir de plus grandes distances et parce qu’ils disposent de systèmes de transport en commun nettement moins développés. L’augmentation des coûts de possession d’une voiture peut également limiter leurs options de transport. Les personnes qui vivent dans des collectivités rurales ont généralement des revenus inférieurs à ceux de leurs homologues urbains, ce qui peut aggraver le problème.
Il y a des proportions plus élevées de personnes âgées et de jeunes vivant dans des collectivités rurales et éloignées – deux groupes qui sont souvent incapables de conduire ou d’accéder à un véhicule et qui sont donc plus limités dans leurs déplacements lorsqu’il n’y a pas d’autres options de transport en commun (voir le tableau 1). Les collectivités très éloignées peuvent avoir peu de routes, et les collectivités nordiques sont confrontées au défi supplémentaire des routes de glace construites sur le pergélisol qui ne sont praticables qu’une partie de l’année (Barrette et Charlebois, 2018). Les changements climatiques créent de plus en plus d’incertitudes quant à l’avenir de ces routes de glace.
Comparativement aux zones urbaines, les options de transport en commun à grande échelle sont moins réalisables dans les collectivités rurales et éloignées. Moins de 2 % des voyageurs des régions rurales et éloignées utilisent les transports en commun pour se rendre au travail (Statistique Canada, 2023b ; Larijani et al., 2019). Cela s’explique par le fait que les collectivités sont réparties sur un vaste territoire et que les populations rurales sont plus petites. Par conséquent, les systèmes de transport ruraux sont souvent plus réduits, comptent moins d’usagers et ne bénéficient pas des économies d’échelle de nombreux systèmes urbains.
La figure 1 montre les subdivisions de recensement du Canada regroupées selon cinq degrés d’éloignement, tels que définis par Statistique Canada (2022a). Les centres de population du pays sont représentés en orange. Tous les territoires situés en dehors des zones orange sont considérés comme ruraux. Les provinces de l’Atlantique et le Nord du Canada ont une proportion nettement plus élevée de collectivités rurales et éloignées.
Certaines des collectivités les plus éloignées du pays ne sont pas accessibles par route ou par traversier pendant une grande partie de l’année (Transports Canada, 2020). En 2021, 117 subdivisions de recensement, sur un total de 5 112 au Canada, n’étaient pas reliées aux centres de population par une route principale ou un réseau de traversiers. Ces collectivités ne sont accessibles que par avion, par des traversiers saisonniers et par des bateaux-bus qui, dans certains cas, n’ont pas d’horaires réguliers ou doivent être affrétés.
Le manque d’options de transport pour les personnes vivant dans des zones à faible densité peut limiter leur accès aux soins de santé et aux activités sociales et les exposer à un risque plus élevé d’atteinte à leur intégrité physique. Les personnes à faible revenu, les Autochtones, les personnes âgées, les jeunes et les personnes handicapées sont particulièrement touchées.
L’accès aux services essentiels tels que les soins de santé est plus restreint dans les zones rurales, un problème qui est exacerbé par le manque d’options de transport (Institut canadien d’information sur la santé, 2012 ; Mirza et Hulko, 2022). Les zones reculées sont également moins susceptibles d’avoir accès à des réseaux de télécommunication de qualité qui leur permettraient de contourner certains problèmes d’accès au transport, comme les -rendez-vous de télésanté.
Les personnes âgées vivant dans les zones urbaines et rurales sont soumises à un risque accru d’isolement social (National Seniors Council, 2014), mais celles qui vivent dans des zones rurales et dans des endroits dépourvus de moyens de transport adéquats sont face à des obstacles encore plus importants lorsqu’il s’agit de participer à des activités sociales (National Seniors Council, 2017).
Certaines personnes qui ne peuvent pas conduire ou qui n’ont pas d’options de déplacement accessibles et abordables risquent de subir des dommages physiques. Le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (2019) appelle à une augmentation des services et des infrastructures de transport sûrs et abordables pour les femmes, les filles et les personnes autochtones de la diversité sexuelle et de genre vivant dans des collectivités rurales et isolées. En réponse au meurtre de plus de 40 personnes, qui étaient principalement des femmes et des filles autochtones, sur un tronçon d’autoroute entre Prince George et Prince Rupert, en Colombie-Britannique, le gouvernement provincial a pris des mesures pour améliorer les transports en commun communautaires (Gouvernement de la Colombie-Britannique, s. d.).
Des options de transport moins nombreuses et plus coûteuses exacerbent également l’incidence de la pauvreté dans les collectivités rurales, où le coût des produits essentiels tels que la nourriture et l’énergie est déjà considérablement plus élevé que dans les zones urbaines (Banques alimentaires Canada, s. d. ; Lovekin et Heerema, 2019). Des rapports montrent que les factures d’énergie dans les collectivités éloignées peuvent être de six à dix fois plus élevées que dans le reste du Canada (Lovekin, 2021). L’ajout de coûts de transport plus élevés à l’équation peut amener les budgets des ménages ruraux à faible revenu à leur point de rupture.
Des options de transport accessibles et abordables peuvent renforcer la résilience des communautés en permettant aux travailleurs de se rendre sur leur lieu de travail et dans les régions voisines, et en aidant les communautés à conserver leur population en âge de travailler (Orb, 2021). Cela est particulièrement important pour les collectivités qui comptent une forte proportion de travailleurs saisonniers, car cela pourrait augmenter les possibilités d’emploi disponibles hors saison, et pour les collectivités dont l’économie est plus petite et qui dépendent d’industries à forte intensité d’émissions, comme l’exploitation minière et pétrolière, qui peuvent être plus vulnérables aux fluctuations économiques (Infrastructure Canada, 2019 ; Institut climatique du Canada, 2021).
Le Canada a le taux de croissance de la population rurale le plus élevé parmi les pays du G7 et est l’un des deux seuls pays où la population rurale augmente (Statistique Canada, 2022a). De nombreuses collectivités rurales et isolées sont composées d’agriculteurs, de forestiers, de commerçants, de pêcheurs et d’exploitants miniers. De nombreuses communautés autochtones sont également situées dans des zones reculées.
Bien que ces régions soient moins peuplées, elles sont plus coûteuses et produisent plus d’émissions de gaz à effet de serre par personne (OCDE, 2021). Cela s’explique en partie par le fait que les Canadiens vivant dans les collectivités rurales, éloignées et nordiques doivent parcourir de plus longues distances et sont plus susceptibles de recourir à des combustibles plus coûteux et plus polluants tels que le diesel, le propane et le mazout domestique (Lovekin & Heerema, 2019 ; Statistique Canada, 2022b ; Campbell, 2023).
Alors que le Canada et d’autres pays opèrent une transition vers une consommation nette nulle et adoptent davantage d’options en matière d’énergie renouvelable, les déséquilibres entre l’offre et la demande de pétrole pourraient entraîner une volatilité croissante des prix (Leach, 2022). Les ménages qui restent dépendants des combustibles fossiles pour le transport et l’énergie seront de plus en plus exposés aux augmentations de coûts. En l’absence de solutions de rechange abordables, les ménages ruraux à faibles revenus verront leur budget se resserrer de plus en plus.
Le supplément rural au Paiement de l’incitatif à agir pour le climat (rabais sur la taxe carbone) a été doublé en 2023 pour tenir compte du coût de la vie plus élevé dans les zones rurales (Ministère des Finances du Canada, 2023). Le gouvernement fédéral a également supprimé la taxe carbone sur le mazout domestique pendant trois ans afin de donner aux ménages le temps de passer aux thermopompes. Une remise augmentée pour l’installation d’une thermopompe contribue à rendre le changement plus abordable.
L’élargissement de l’accès à des solutions de transport abordables et à faible émission de carbone nécessitera une approche différente dans les collectivités rurales. Les solutions créatives telles que les transports en commun à la demande et les navettes adaptées aux besoins spécifiques des collectivités seront les plus efficaces, car elles offrent des solutions de remplacement à faibles émissions tout en contribuant à lutter contre la pauvreté en matière de transport. Ces options sont souvent à l’échelle appropriée pour les régions rurales et éloignées, qui n’ont pas la densité requise pour un transport en commun à itinéraire fixe rentable. Un meilleur accès à des moyens de transport privés abordables et peu polluants, tels que des véhicules électriques d’occasion, sera également utile (Conseil d’action sur l’abordabilité, 2024).
En 2013, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux des Transports se sont entendus sur une vision stratégique permettant de maintenir, de promouvoir et d’améliorer des réseaux de transport sûrs, concurrentiels, viables et durables qui favoriseraient à leur tour la prospérité économique et la qualité de vie des Canadiens. Cette vision comprenait un plan prioritaire quinquennal visant à favoriser des systèmes de transport homogènes qui relient les personnes, les services et les emplois (Conseil des ministres, 2013).
Si des progrès ont été réalisés dans certains domaines, des lacunes subsistent. La vision stratégique de 2013 a précédé les objectifs climatiques actuels du Canada et doit être mise à jour pour les refléter. En outre, Transports Canada décrit le rôle des transports comme étant -essentiellement un soutien à l’économie et au commerce du Canada (Transports Canada, 2023a). Bien que ce soit important, le transport est également un besoin fondamental, nécessaire à la survie et à l’épanouissement des personnes dans leurs collectivités.
La fermeture des lignes de bus de Greyhound Canada et de la Saskatchewan Transportation Company en 2017 et 2018 a entraîné une forte réduction des options de transport abordables pour de nombreux Canadiens dans les collectivités rurales et éloignées (voir encadré 2). Cependant, l’ampleur et la portée des lacunes en matière de connectivité des bus et des trains vont bien au-delà de ces fermetures.
Le transport de passagers au Canada est une compétence partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et autochtones. Les opérateurs de bus et de trains sont aussi bien des entreprises privées que des agences publiques, avec un mélange d’autres modèles entre les deux. Le gouvernement fédéral joue un rôle important dans le transport de passagers par le biais du financement des infrastructures, de VIA Rail ainsi que de la réglementation et la collecte et l’analyse des données relatives au transport.
Pour fournir des services de transport abordables et durables aux collectivités rurales, il faut une épine dorsale nationale d’autocars et de lignes ferroviaires le long des corridors les plus fréquentés, avec des centres névralgiques le long du trajet où les petites collectivités peuvent développer des solutions de transport réguliers ou à la demande qui déposent les passagers en toute sécurité pour qu’ils puissent poursuivre leur voyage.
Pourtant, le Canada ne dispose pas d’une infrastructure de transport fiable. Les services et la fréquentation de VIA Rail sont en déclin depuis que les subventions d’investissement et d’exploitation ont été considérablement réduites pour la société d’État dans les années 1990 (Dupuis, 2014). Entre le sommet atteint en 1983 et 2022, les subventions d’investissement et d’exploitation combinées ont diminué de 66 % (VIA Rail Canada, 2022 ; Dupuis, 2014). En outre, VIA Rail ne possède que 2 % des voies qu’elle utilise, ce qui a entraîné des difficultés pour assurer un service fréquent et ponctuel, car les trains de passagers doivent céder le passage au trafic de marchandises sur les voies partagées (Bureau du vérificateur général du Canada, 2016).
Avec la perte d’importants services de transport de VIA Rail, Greyhound, Saskatchewan Transportation Company et bien d’autres depuis le début de la pandémie, les passagers des collectivités à travers le Canada se retrouvent sans options de transport sûres et abordables.
Le rapport 2023 du Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes invitait le gouvernement fédéral à collaborer avec les autres ordres de gouvernement et les opérateurs publics et privés pour recenser et combler les lacunes dans les services de transport de passagers. L’une des recommandations du comité était que le gouvernement fédéral élargisse le Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural, administré par le ministère du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, afin d’offrir des mesures incitatives pour les itinéraires ruraux intercommunautaires (Chambre des communes, 2023a).
Le gouvernement fédéral dispose d’autres leviers pour améliorer l’épine dorsale des transports au Canada, notamment le financement des infrastructures pour les provinces, les territoires et les municipalités, VIA Rail et la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC).
Étant donné que de nombreux itinéraires pour lesquels le besoin est le plus urgent dans les zones rurales ne sont pas rentables, le gouvernement fédéral doit soit adapter le mandat de la BIC, soit fournir des sources de financement supplémentaires pour que l’investissement de la BIC soit une solution à long terme qui crée des options de transport permanentes et fiables. Il sera également important de maintenir des tarifs abordables pour ceux qui ont le plus besoin de transports. Dans de nombreux cas, une entité publique ou à but non lucratif peut être mieux adaptée pour fournir des services de transport de passagers abordables dans les zones rurales et éloignées.
Par exemple, une combinaison de sources de financement de Transports Canada, de la BIC et du gouvernement du Québec a été utilisée pour financer le premier chemin de fer autochtone du Canada, Tshiuetin, qui relie trois Premières Nations (entre Innu Takuaikan Uashat mak Mani Utenam, Naskapi Nation of Kawawachikamach et la Nation Innu de Matimekush Lac John) à Schefferville au Québec (Banque d’infrastructure du Canada, 2021). Les tarifs sont structurés de manière à offrir des réductions importantes aux jeunes, aux personnes âgées et aux -Autochtones (Transport Ferrovaire Tshiuetin, s. d.).
L’Ontario a investi dans l’amélioration des services de transport pour les collectivités du Nord par l’intermédiaire de sa société d’État, Ontario Northland, qui fournit des services de bus et de train. Elle est en train de rétablir les lignes ferroviaires fermées entre Toronto et le Nord-Est de la province (Ontario Northland, 2023). Les collectivités du nord de l’Ontario seront ainsi desservies par une combinaison de services d’autobus et de trains fournis par des entités provinciales et fédérales, un modèle qui pourrait être adopté par d’autres sociétés d’État.
La société d’État provinciale de la Colombie-Britannique, BC Transit, gère également les transports publics dans les villes et entre les villes en dehors de la région métropolitaine de Vancouver. Des fonds fédéraux ont été utilisés pour aider à mettre en place des services de transport public pour les collectivités rurales, éloignées et autochtones du Nord de la Colombie-Britannique après la fermeture des itinéraires par Greyhound en 2018 (Chambre des communes, 2023b).
VIA Rail assure d’importantes liaisons entre les collectivités rurales et éloignées du Canada et entre celles-ci. Ces itinéraires pourraient être prolongés et la fréquence du service pourrait être améliorée et rendue plus abordable. Par exemple, un billet aller simple en classe économique de Sioux Lookout (Ontario) à Toronto en février 2024 coûtait 221 $ et les trajets n’étaient disponibles que les lundis et jeudis (VIA Rail, s. d.).
Le gouvernement fédéral a annoncé un projet de train à haute fréquence qui traversera le corridor Toronto-Québec avec des voies réservées, dans le but d’améliorer la fréquence et la fiabilité du service ferroviaire dans l’avenir (Transports Canada, 2023b). Pour s’assurer que les collectivités rurales et éloignées puissent également bénéficier de ces améliorations et d’autres améliorations du système, les arrêts ferroviaires pourraient faire partie d’un système régional en étoile qui offrait des liaisons par autobus ou par fourgonnette aux collectivités plus petites, ainsi que des bâtiments chauffés, des toilettes, des sièges et des services de restauration.
Le député néodémocrate Taylor Bachrach a lancé une pétition demandant au gouvernement fédéral d’élaborer une loi pour actualiser le mandat de VIA Rail afin de répondre aux besoins des passagers et de l’environnement et de financer le renouvellement de la flotte longue distance de VIA Rail (Chambre des communes, 2024).
Une plus grande collaboration entre les entités de services de transport aux paliers fédéral et provincial est nécessaire pour favoriser des connexions transparentes entre les services en intégrant les systèmes de réservation et en permettant les transferts.
Le Fonds de solutions pour le transport en commun en milieu rural, doté de 250 millions de dollars sur cinq ans et mis en place en 2021, a constitué une première étape pour remédier au grave manque d’accès aux moyens de transport quotidiens que connaissent les collectivités rurales.
Le Fonds a soutenu des solutions dans de très petites collectivités de moins de 1 000 habitants ainsi que dans de petites villes avec des périphéries rurales. Il apporte également un soutien important aux communautés autochtones et a déjà dépassé son mandat de leur consacrer 10 % de ses fonds. La Nouvelle-Écosse et l’Alberta ont été les premières à accéder au Fonds, mais sa popularité s’étend à d’autres régions (Infrastructure Canada, communication personnelle, 6 septembre 2023).
Cependant, plusieurs contraintes imposées au Fonds limitent son potentiel. Le programme ne couvre que les coûts d’investissement des systèmes de transport en commun, et non leurs opérations. Pour les transports ruraux, les coûts d’exploitation tels que les salaires des chauffeurs peuvent constituer l’une des dépenses les plus importantes et un obstacle à l’expansion des services. L’accent mis sur les coûts d’investissement empêche également l’utilisation de véhicules loués, qui peuvent pourtant être une option moins coûteuse.
Présentement, de nombreuses options de transport rural sont offerts par des organisations caritatives communautaires qui s’appuient sur des conducteurs bénévoles ou qui sont soutenues par des gouvernements locaux dont les assiettes fiscales sont très limitées (Levesque, 2022). Il est difficile d’introduire de nouvelles lignes de service sans être en mesure de financer les coûts d’exploitation et d’investissement nécessaires à la gestion et à l’exploitation des itinéraires, en particulier pour les collectivités dont l’assiette fiscale est limitée.
Les services de transport en commun à la demande permettent aux passagers de réserver un trajet au jour et à l’heure qui leur conviennent. Ce type de service gagne en popularité dans les petites villes et les collectivitésrurales. Certains services visent les personnes âgées ou handicapées, mais beaucoup étendent à toute personne qui en a besoin. Le transport à la demande devient plus pratique et plus rentable grâce aux applications logicielles et aux technologies numériques qui permettent de réserver des trajets et de planifier des itinéraires en toute transparence (Mobility Innovators, 2022). Pour réaliser le potentiel du transport en commun à la demande, les opérateurs ont besoin de fonds pour fournir des logiciels ou s’associer à des fournisseurs de technologie privés.
Le Fonds limite généralement le financement des projets aux déplacements vers les collectivités voisines, aux rendez-vous quotidiens et à l’épicerie, plutôt qu’aux déplacements entre collectivités ou aux liaisons vers les plaques tournantes de transports ou les grands centres urbains. Il n’a pas non plus soutenu les déplacements entre les différents territoires et provinces (voir figure 2).
Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle plus important dans le soutien des solutions de transport dans les collectivités rurales. Le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande qu’il prenne les mesures suivantes.
Le gouvernement fédéral doit être le fer de lance d’une initiative pancanadienne visant à mettre à jour la vision fédérale-provinciale-territoriale des transports au Canada de 2013, en mettant davantage l’accent sur les besoins des collectivités rurales et autochtones et en comblant les lacunes en matière de transport interrégional par autobus et par train. La vision doit être guidée par les objectifs climatiques du Canada, et le gouvernement fédéral doit investir dans l’amélioration de la collecte et de l’analyse des données afin de cerner les besoins et les lacunes en matière de transport qui sont préoccupants du point de vue de l’accessibilité financière, de l’équité, de la santé, de la sécurité et de l’environnement. Cela devrait inclure l’élaboration d’une enquête nationale sur les déplacements des ménages, gérée par Statistique Canada, afin de suivre les habitudes de déplacement au-delà des trajets entre le domicile et le travail.
Le gouvernement fédéral doit soutenir les efforts déployés par les provinces, les territoires et les populations autochtones pour combler les lacunes dans les services d’autobus et de train en -finançant les infrastructures et en améliorant les infrastructures et les services de VIA Rail. Dans le cadre de ses efforts, le gouvernement fédéral devrait s’efforcer de répondre aux besoins des populations vulnérables en leur offrant des services de transport plus abordables, plus accessibles et moins polluants. Pour améliorer la fréquence des services de VIA Rail et rendre les tarifs plus abordables, il faudra investir davantage dans le renouvellement des locomotives et des wagons, dans les arrêts et les gares, dans le personnel, ainsi que dans l’infrastructure ferroviaire.
Pour faire de VIA Rail l’épine dorsale d’un réseau de transport national, le gouvernement pourrait lui fournir des fonds supplémentaires pour qu’il offre un service de navette entre les gares et les collectivités avoisinantes. VIA Rail doit également améliorer son intégration aux réseaux de bus provinciaux existants, en utilisant les arrêts ruraux et éloignés comme des centres de transport régionaux sûrs qui permettent des transferts fluides à travers un réseau pancanadien.
Le gouvernement fédéral doit élargir le Fonds de solutions pour le transport rural afin de tirer parti de sa réussite. Il peut le faire en élargissant les coûts admissibles pour inclure les coûts d’exploitation tels que la location de véhicules, les salaires des employés et les autres -ressources humaines nécessaires pour superviser les itinéraires, ainsi que les logiciels requis pour gérer les services à la demande. Le Fonds peut également être utilisé pour soutenir les déplacements intercommunautaires entre les provinces et les territoires.
Ces ajustements favoriseront des solutions de transport équitable et durable dans les collectivités rurales et aideront le gouvernement fédéral à atteindre ses objectifs en matière de climat et de réduction de la pauvreté, tout en facilitant les efforts de réconciliation avec les communautés autochtones.
Le Conseil d’action sur l’abordabilité a donné la priorité au logement, au transport et à l’alimentation en tant que domaines clés dans lesquels le gouvernement fédéral peut agir pour aider les ménages à faibles revenus à satisfaire leurs besoins fondamentaux d’une manière qui favorise également la réduction des émissions et la résilience face aux changements climatiques.
Des options de transport bien planifiées et abordables peuvent améliorer l’accès à l’emploi et aux activités sociales et réduire la nécessité de posséder une voiture dans les zones rurales. Dans notre note d’information sur les transports urbains, le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande de modifier le programme fédéral d’incitations pour les véhicules zéro émission, ce qui pourrait également profiter aux automobilistes ruraux en leur offrant des remises pour l’achat de véhicules électriques d’occasion. Des connexions plus fluides entre les réseaux régionaux de bus et de trains et les systèmes urbains de transport en commun amélioreraient l’accès au transport et l’abordabilité dans tout le pays. Des options de transport plus abordables seraient bénéfiques pour les budgets des ménages ainsi que pour l’environnement, et permettraient de libérer des dépenses pour l’alimentation afin de réduire l’insécurité alimentaire.
Le transport est l’une des dépenses les plus importantes pour les ménages, avec le logement et l’alimentation. Il représente également la deuxième source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada. Afin d’offrir aux Canadiens à faible revenu des options de transport abordables et utilisant des énergies propres, le gouvernement fédéral devrait réviser son programme de mesures incitatives pour les véhicules électriques et fournir un financement opérationnel durable pour les systèmes de transport en commun.
Près d’un million de personnes vivant dans les huit plus grandes villes du Canada étaient menacées de pauvreté en matière de transport en 2019, ce qui signifie qu’elles n’ont pas accès aux transports ou qu’elles n’ont pas les moyens de les payer. Sans un soutien accru, ces Canadiens risquent l’iso-lement social et économique. Les politiques de mobilité urbaine doivent mieux servir les ménages à faible revenu et tenir compte en priorité de leurs besoins sur la voie de la carboneutralité.
Avec la crise financière qui frappe les systèmes de transport en commun et l’introduction de réglementations nationales qui interdiront progressivement la vente de nouvelles voitures à essence d’ici 2035, il est temps de repenser le rôle du gouvernement fédéral dans le transport de passagers.
Pour parvenir à un système de transport plus équitable et à faible émission de carbone, le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande au gouvernement fédéral de prendre deux mesures clés :
1. Réformer le Programme d’incitatifs pour les véhicules zéro émission (iVZE) afin de soutenir l’achat d’options de transport à moindre coût et sans émission, telles que les véhicules électriques d’occasion, les vélos électriques, les cyclomoteurs et les scooters électriques, et de réorienter les incitatifs afin de mieux soutenir les ménages à faible et à moyen revenus.
Pour gérer les coûts du programme et promouvoir l’équité, le gouvernement fédéral doit faire des acheteurs à faibles et moyens revenus les principaux bénéficiaires du programme et supprimer progressivement les rabais dans les points de vente pour les ménages à -revenus plus élevés. Il doit également abaisser progressivement les limites de prix existantes pour les véhicules admissibles au programme.
2. Tirer parti du financement fédéral des transports en commun pour développer des -services accessibles et abordables en fournissant des fonds d’exploitation pour augmenter la fréquentation.
Les fonds de fonctionnement permettraient aux systèmes de transport en commun de s’adapter aux nouveaux modes de déplacement et de se remettre des pertes de fréquentation liées à la pandémie, d’augmenter la fréquence des services et d’améliorer l’accessibilité des tarifs. Pour stimuler la croissance de la fréquentation et garantir un meilleur accès au logement, le gouvernement doit également accélérer le déploiement du plan de financement permanent du transport en commun et mettre en place des exigences en matière de densité de logement à proximité des stations de transport en commun.
Lorsqu’il s’agit de se déplacer, de nombreux Canadiens n’ont pas de choix abordables. Les transports en commun sont souvent non disponibles ou peu pratiques dans les zones où le logement est abordable, et les coûts pour les propriétaires de voiture augmentent.
Il en résulte une pauvreté en matière de transport. Celle-ci survient lorsque les personnes n’ont pas accès à des moyens de transport abordables et accessibles (Kiss, 2022). Faute de pouvoir se rendre là où elles le souhaitent, les personnes confrontées à la pauvreté en matière de transport sont souvent victimes d’exclusion sociale et n’ont qu’un accès limité aux occasions d’emploi et aux services essentiels tels que les soins de santé et l’éducation.
Les ménages à faibles revenus sont particulièrement vulnérables à la pauvreté en matière de transport, car nombre d’entre eux n’ont pas les moyens de s’offrir un véhicule privé. D’autres facteurs, tels que le handicap, le fait d’avoir des enfants, le sexe et l’appartenance ethnique peuvent l’aggraver. Une étude réalisée en 2019 a révélé que 40 % de l’ensemble des résidents à faible revenu (près d’un million de personnes) des huit plus grandes villes du Canada étaient exposés au risque de pauvreté en matière de transport (Allen & Farber, 2019) (voir figure 1).
Le transport constitue l’un des coûts les plus importants pour les familles canadiennes. Comme le montre la figure 2, les dépenses de transport représentaient plus d’un quart du revenu avant impôt des ménages à très faible revenu au deuxième trimestre 2023.
Bien que les dépenses des ménages en matière de transport aient diminué à la suite de la pandémie, les gens reviennent maintenant en personne sur leurs lieux de travail et les temps de déplacement augmentent à nouveau. Entre janvier 2019 et janvier 2023, l’indice des prix à la consommation (IPC) pour les transports publics a augmenté de 17 %, tandis que les prix des transports privés ont augmenté de 21 % au cours de la même période
(Statistique Canada, 2023a).
Les coûts élevés des transports et du logement créent un paradoxe à l’égard de l’accessibilité financière. L’augmentation rapide du coût du logement pousse de plus en plus de Canadiens à vivre loin des centres urbains. Cette situation a conduit de nombreuses familles à faibles revenus à s’installer dans des endroits plus dépendants de l’automobile, où les services de transport en commun sont moins fréquents et où les trajets entre le domicile et le travail sont plus longs. De nombreux Canadiens à faibles revenus et racialisés sont confrontés à des « trajets extrêmes », c’est-à -dire des trajets qui durent plus d’une heure pour un aller simple (Allen et Farber, 2021).
Les Canadiens se retrouvent de plus en plus souvent devant un « paradoxe de l’abordabilité » : ils doivent choisir entre des logements moins chers dans les banlieues, où le manque de services de transport en commun rend indispensable la possession d’un véhicule personnel coûteux, et des logements plus chers dans les centres urbains, où l’accès à des transports en commun fiables peut potentiellement rendre l’automobile inutile (Kramer, 2018). Pour beaucoup, le choix de vivre plus loin des grands centres a conduit à un isolement social accru et à des désavantages sociaux aggravés, tel qu’un accès réduit aux emplois, aux services et à d’autres avantages (Allen et al., 2022).
Dans les dix plus grandes régions métropolitaines du Canada, les personnes racisées, les jeunes, les femmes, les immigrants et les personnes à faible revenu sont plus susceptibles d’utiliser les transports en commun pour se rendre au travail (Statistique Canada, 2022a). Il est donc -essentiel de soutenir les systèmes de transport en commun pour favoriser un accès équitable aux options de transport.
En outre, une grande partie des personnes qui utilisent les transports publics effectuent des trajets en dehors des heures de pointe, notamment les travailleurs à faible revenu, qui sont -disproportionnellement racisés (Palm et al., 2023). Pourtant, la plupart des systèmes de transport public sont conçus pour desservir les voyageurs qui se rendent dans un quartier commercial central et qui en reviennent, selon un horaire de neuf à cinq en semaine (Taylor et Morris, 2015).
À Montréal, les déplacements entre le domicile et le travail liés à l’emploi représentent moins de la moitié de tous les déplacements en transport en commun (Ravensbergen et al., 2023). Le deuxième type de déplacement le plus courant est le déplacement pour soins, qui est -effectué de manière disproportionnée par les femmes. Il s’agit d’activités telles que les courses, l’accompagnement des enfants et d’autres déplacements liés à l’entretien de la maison. La pandémie a prouvé que le transport public est un élément clé de la vie quotidienne et pas seulement un moyen de déplacement (Farber et al., 2022). Tout au long de la pandémie, la demande de transport en commun est restée forte dans les quartiers à faibles revenus où les travailleurs manuels et les travailleurs des services sont plus susceptibles de vivre (Freemark et al., 2021).
Dans les trois plus grandes régions métropolitaines du Canada (Montréal, Toronto et -Vancouver), seuls 12 à 16 % des déplacements sont effectués en transport en commun (Transportation Tomorrow, 2016 ; ARTM, 2018 ; TransLink, 2017). Dans les zones urbaines plus petites, où les arrêts de transport en commun sont plus rares et plus espacés (Statistique Canada, 2023a), la majorité des déplacements se font en voiture (Statistique Canada, 2022b).
Les estimations montrent que 20 à 40 % des habitants d’une communauté type ne peuvent pas, ne devraient pas ou préfèrent ne pas conduire pour la plupart de leurs déplacements (Litman, 2023). Il s’agit notamment des personnes handicapées, des personnes âgées qui ne conduisent pas ou ne devraient pas conduire, des adolescents, des ménages disposant d’un véhicule partagé. Pour certaines personnes, notamment celles dont la mobilité est réduite ou qui ont d’autres besoins particuliers, la conduite d’une voiture peut être la seule option viable pour se rendre là où elles doivent aller. Or, posséder et utiliser une voiture coûte de plus en plus cher.
Le prix médian d’un véhicule d’occasion, que les familles à faible ou à moyen revenu sont plus susceptibles d’acheter, a augmenté de 110 % entre 2019 et 2023, passant d’un peu moins de 19 000 dollars à environ 40 000 dollars (AutoTrader, 2023). Pour les véhicules neufs, les prix ont augmenté de près de 70 %, passant de 39 000 à 66 000 dollars au cours de la même période. En raison de la hausse des taux d’intérêt, les ménages ont de plus en plus de mal à payer leur voiture (Young et Fanjoy, 2023). Par rapport aux prix prépandémiques du début de 2020, le coût des mensualités a augmenté de 30 % pour les véhicules d’occasion et de 20 % pour les véhicules neufs (Alini, 2023).
De plus en plus de logements sont construits loin des centres-villes, les systèmes de transport en commun réduisent leurs services et augmentent leurs tarifs, et la taille des véhicules s’accroît. En conséquence, les coûts de transport des ménages augmentent. Ces tendances empêchent également le Canada d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES.
Les transports sont la deuxième source d’émissions de GES au Canada, avec 150 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone en 2021 (Environnement et Changement climatique Canada, 2023). Les déplacements des personnes (voitures, camionnettes, motocyclettes, autobus, trains et avions) ont représenté plus de la moitié de ces émissions.
Les émissions des véhicules à essence et à moteur diesel présentent des risques importants pour la santé, en particulier pour les enfants et les personnes âgées. Santé Canada estime que la pollution de l’air due à la circulation automobile a contribué à 1 200 décès prématurés et a entraîné des coûts socioéconomiques de 9,5 milliards de dollars en 2015 (Santé Canada, 2022).
Les centres urbains se développent et les temps de trajet augmentent. En 2021, ce sont 73,7 % des Canadiens qui vivaient dans un grand centre urbain (Statistique Canada, 2022b). De 2016 à 2021, les banlieues intermédiaires (situées à 20 ou 30 minutes du centre-ville) ont connu une croissance importante ; ces zones se sont élargies de plus de 20 % à Edmonton, Calgary et Ottawa. Les banlieues éloignées (celles situées à 30 minutes ou plus du centre-ville) ont également connu une croissance. Ces zones se sont élargies de plus de 9 % à Toronto et à Vancouver, et de plus de 7 % à Montréal.
Entre mai 2021 et mai 2023, le nombre de travailleurs ayant à faire un trajet en voiture de plus d’une heure a augmenté de 51,7 % et représentait 7 % de tous ceux qui se déplacent en voiture (près de 900 000 personnes) (Statistique Canada, 2023c). Remarquons que ces longs trajets s’effectuent de plus en plus au sein des mêmes zones urbaines.
Le fait de parcourir de plus longues distances signifie que les ménages dépensent plus pour l’essence et que les voitures émettent plus de dioxyde de carbone. Cela se traduit également par une augmentation des embouteillages et de la pollution de l’air dans les zones urbaines.
Les systèmes de transport public ont du mal à s’adapter aux modes de déplacement post–pandémiques (voir figure 3). Auparavant, les systèmes de transport se concentraient sur les déplacements de pointe des voyageurs et les budgets d’exploitation reposaient sur les recettes des passagers pour couvrir plus de la moitié des coûts (Association canadienne du transport urbain, 2020).
Pendant la pandémie, le gouvernement fédéral a fourni une aide au fonctionnement d’urgence aux agences de transport afin qu’elles puissent continuer à fournir des services aux travailleurs essentiels et à rétablir la fréquentation, mais cette aide a pris fin depuis, et le manque à gagner n’a été que partiellement comblé par certaines provinces.
De nombreuses municipalités ont alors choisi de faire peser le fardeau sur les usagers en augmentant les tarifs de transports en commun et en réduisant les services. Pourtant, ces tendances entraînent une réduction encore plus importante de la fréquentation, ce qui conduit inévitablement à de nouvelles suppressions de trajets et à de nouvelles augmentations de tarifs (Freemark et Rennert, 2023).
Les déplacements de passagers à l’aide de camions légers ont représenté un tiers des émissions totales de gaz à effet de serre provenant des transports en 2021 (Environnement et Changement climatique Canada, 2023). La part des camions légers (minifourgonnettes, véhicules utilitaires sport, camionnettes et fourgonnettes) en pourcentage de toutes les ventes de voitures neuves au Canada, a augmenté régulièrement, passant de 53 % en 2010 à 80 % en 2022 (Statistique Canada, 2023d).
En conséquence, le parc canadien de véhicules personnels présente la plus mauvaise économie de carburant de tous les grands marchés automobiles du monde, et la croissance des ventes de camions légers annule les gains en matière d’efficacité énergétique et de réduction des émissions de GES (voir figure 4). Les camions légers ont un rendement énergétique inférieur à celui des autres modèles de voitures, produisent plus d’émissions et sont plus coûteux pour leurs propriétaires.
Il existe toutefois certaines tendances positives. Le nombre de nouvelles immatri-culations de véhicules électriques à batterie (VE) et de véhicules hybrides rechargeables est en constante augmentation, atteignant 13,3 % du marché au troisième trimestre 2023. S&P Global -Mobility (2023) prévoit que les véhicules à zéro émission représenteront 25 % du marché canadien d’ici 2025.
Le programme fédéral d’incitation pour les véhicules à zéro émission (iVZE) offre jusqu’à 5 000 dollars aux particuliers qui achètent de nouveaux véhicules à zéro émission auprès de concessionnaires enregistrés au Canada. Entre 2019 et 2023, les demandes annuelles auprès du programme d’incitation ont passées d’environ 34 000 à 114 000 (voir figure 5). La modélisation suggère que le maintien des subventions existantes jusqu’en 2035 coûterait près de 27,3 milliards de dollars (Axsen et Bhardwaj, 2022). Au fur et à mesure que le marché canadien des VE se développe, il sera essentiel que le programme iVZE évolue et fournisse un soutien plus ciblé aux ménages à faible ou moyen revenu.
Tous les ordres de gouvernement ne parviennent pas à améliorer l’accès aux transports, leur accessibilité financière et leur durabilité. Les systèmes de transport public sont en difficulté et ont besoin de plus de fonds d’exploitation pour offrir des services supplémentaires et augmenter le nombre d’usagers. Les mesures provinciales telles que les réductions des taxes sur l’essence profitent principalement aux ménages aisés, vont à l’encontre des efforts de réduction des émissions et privent les gouvernements des recettes nécessaires pour investir dans des solutions. Enfin, le principal programme fédéral visant à encourager l’achat de véhicules électriques n’est pas applicable aux personnes à faible revenu.
En 2016, le gouvernement fédéral a lancé le Programme d’infrastructure Investir dans le -Canada (PIIC), qui comprend 23,5 milliards de dollars d’investissements en capital pour les systèmes de transport en commun. Le programme s’est engagé à partager 40 % des coûts des projets d’investissement par le biais d’accords bilatéraux fédéraux-provinciaux-territoriaux. Malgré la promesse de ces investissements historiques, le service de transport public par habitant est aujourd’hui inférieur de 7 % pour le Canadien moyen à ce qu’il était lors du lancement du programme (Association canadienne du transport urbain, 2022). Les systèmes de transport public n’ont tout simplement pas suivi la croissance de la population.
Comme le PIIC ne finance que les investissements en capital et non les dépenses d’exploi-tation, un nombre croissant d’autobus restent inutilisés dans les garages. Par exemple, la Toronto Transit Commission compte 172 bus, 44 tramways et 13 rames de métro qui restent inutilisés en raison d’un manque de chauffeurs (Elliott, 2023). Dans l’ensemble du pays, on estime à 1 700 le nombre d’autobus immobilisés.
En 2021, le gouvernement fédéral s’est engagé à fournir 3 milliards de dollars par année pour le financement permanent du transport en commun à partir de 2026-2027 par le biais du fonds permanent pour le transport en commun, mais il ne financera que les projets d’investissement et non les opérations (Infrastructure Canada, 2022).
Sans une source prévisible et stable de financement opérationnel, les municipalités dont les budgets sont serrés ont du mal à supporter ce fardeau. Les collectivités locales ne perçoivent que 10 % de l’ensemble des recettes fiscales (OCDE, 2021), mais sont responsables de 60 % des infrastructures du Canada (Johal, 2019). Les municipalités paient déjà 75 % des coûts d’exploitation des transports en commun (Association canadienne du transport urbain, 2023). Les régions qui dépendent principalement des services d’autobus, y compris la plupart des petites et moyennes villes du Canada, sont touchées de manière disproportionnée, car chaque autobus a besoin d’un chauffeur et la main-d’œuvre constitue le plus important coût d’exploitation du transport en commun.
En réponse à l’augmentation des prix de l’énergie et aux problèmes d’accessibilité, certains gouvernements provinciaux ont réduit les taxes sur les carburants afin d’alléger la pression des prix pour les consommateurs. Cependant, ces politiques ont souvent un impact régressif, bénéficiant principalement aux personnes les plus riches parce que celles-ci conduisent davantage. Les réductions des taxes sur les carburants vont également à l’encontre des politiques climatiques telles que le prix du carbone, et entraînent un manque à gagner en termes de -recettes fiscales nécessaires pour soutenir les services publics (Samson et al., 2022).
Des recherches récentes menées par Trevor Tombe et Jennifer Winter (2023) montrent que les impôts indirects tels que les taxes de vente, les taxes sur les carburants et la taxe fédérale sur le carbone ont un impact minime sur les prix à la consommation. Ils estiment que l’impact cumulé de toutes les augmentations d’impôts indirects sur les prix à la consommation entre janvier 2015 et octobre 2023 n’a été que de 0,6 %. Une analyse de l’Institut climatique du Canada montre que les exemptions à la taxe carbone, telles que l’exemption récemment annoncée par le gouvernement fédéral pour le mazout résidentiel, causent une augmentation des émissions et aggravent la situation des ménages à faible revenu en raison de la réduction des rabais accordés dans le cadre du programme Paiement de l’incitatif à agir pour le climat (Sawyer et Beugin, 2023).
Les véhicules à zéro émission (VZE) ont actuellement un coût initial plus élevé que leurs équivalents à essence, mais leurs coûts d’exploitation et d’entretien à long terme sont plus faibles, ce qui contribue à une réduction substantielle des émissions de carbone et à des économies à long terme pour leurs propriétaires (voir figure 6) (McNamara et al., 2023).
Transports Canada encourage l’adoption de VZE par le biais du programme iVZE. Ce programme ne répond toutefois pas aux besoins des ménages à faible revenu.
Les ménages à faibles revenus sont plus susceptibles d’acheter des voitures d’occasion. Les VZE d’occasion peuvent offrir des réductions importantes par rapport aux modèles plus -récents. Cependant, ils ne sont pas actuellement admissibles au programme fédéral iVZE. Plusieurs autres juridictions, dont les États-Unis, le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, les incluent.
Le programme iVZE n’est pas non plus soumis à un critère de revenu. Par conséquent, les ménages à revenu élevé en sont les principaux bénéficiaires. De nombreux acheteurs à revenus élevés achètent un VE indépendamment des subventions gouvernementales, ce qui signifie que le gouvernement subventionne en fait un comportement existant (Sheldon et Dua, 2019). Des études ont montré que 90 % de tous les crédits d’impôt pour les VE sont distribués aux 20 % des revenus les plus élevés (Borenstein et Davis, 2016) et sont principalement distribués dans les quartiers les plus aisés (Guo & Kontou, 2021).
Les consommateurs à faible ou moyen revenus sont généralement plus hésitants quant à l’achat d’un VE. Lier les incitations aux revenus permettrait de mieux influencer leurs décisions d’achat (DeShazo et al., 2017). Certaines juridictions, comme la Colombie-Britannique et la -Californie, testent déjà leurs incitations à l’achat de VE en fonction des revenus, en ajustant leurs programmes pour se concentrer sur les ménages à faibles revenus à mesure que -l’adoption des VZE augmente.
Le programme iVZE ne s’applique pas non plus aux nouvelles formes de micromobilité sans émissions, comme les vélos électriques, les cyclomoteurs et les quadricycles, malgré la croissance de la demande pour ces formes de mobilité. En Colombie-Britannique, la remise sur les vélos électriques en fonction des revenus a suscité un vif intérêt, atteignant une inscription excédentaire huit heures seulement après son lancement (The Energy Mix, 2023). À l’échelle mondiale, l’adoption des VZE a déjà permis de réduire la demande de pétrole de près de 1,7 million de barils par jour en 2022, dont 61 % pour les véhicules à deux et trois roues
(BloombergNEF, 2022).
La nouvelle réglementation canadienne sur les véhicules exigera que tous les nouveaux véhicules légers vendus soient à zéro émission d’ici 2035. La modélisation suggère que cette -réglementation peut faire baisser le prix d’un VZE d’environ 20 % par rapport à la trajectoire de référence actuelle en encourageant davantage d’investissements dans la recherche et le développement de véhicules et de batteries, ce qui permettra de mettre sur le marché des modèles plus abordables (Axsen et Bhardwaj, 2022). Au fur et à mesure que les exigences canadiennes en matière de ventes de VZE augmenteront, les rabais joueront un rôle moins important dans la stimulation de la demande de VE et les incitations à grande échelle deviendront insoutenables sur le plan financier.
Alors que les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux sont en première ligne pour résoudre les problèmes de transport au Canada, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important dans deux domaines clés. Il peut réformer son programme iVZE afin de mieux soutenir les ménages à faible et moyen revenus. Il peut également ajuster son financement des transports publics afin de fournir des fonds d’exploitation qui ciblent mieux l’accessibilité et l’abordabilité, et des fonds d’investissement qui sont liés à de meilleurs résultats en matière de logement et de climat.
À mesure que le marché des VE se développe et que des modèles plus économiques deviennent disponibles, le programme iVZE doit offrir un soutien ciblé aux acheteurs à revenu faible ou moyen qui achètent des VE dans les segments abordables du marché. Il peut également être utilisé pour encourager des formes nouvelles et innovantes de modes de mobilité sans -émissions, offrant ainsi davantage de choix aux Canadiens.
Le programme doit étendre doit l’admissibilité aux VZE d’occasion. Dans d’autres juridictions où les VZE d’occasion sont couverts, il n’y a généralement qu’une seule incitation autorisée pour chaque véhicule d’occasion (vérifiée avec le numéro d’idendification du véhicule), appliquée uniquement chez les concessionnaires enregistrés et assortie d’une obligation de tester les performances de la batterie. Les États-Unis ont fixé à 25 000 dollars américains (34 000 dollars canadiens) le prix maximum des véhicules VZE d’occasion admissibles à l’incitation et les acheteurs peuvent déterminer l’admissibilité des véhicules d’occasion aux crédits d’impôt en saisissant le numéro d’identification du véhicule dans un outil de recherche en ligne (Internal Revenue Service, 2023).
 Les analystes de l’industrie ont observé que les prix des VZE sont influencés par les limites de prix fixées par le gouvernement fédéral pour les véhicules admissibles dans le cadre du programme iVZE (Kennedy, 2023). Les prix limites actuels varient entre 55 000 et 70 000 dollars selon les modèles. L’abaissement progressif des limites de prix existantes pourrait encourager les constructeurs automobiles à commercialiser des VE plus abordables sur le marché canadien.
Le programme doit réaffecter les fonds existants de manière plus équitable en accordant davantage de soutien aux ménages à revenus faibles et moyens et en supprimant progressivement les incitations destinées aux ménages plus aisés. La Californie a fixé un plafond de revenu pour l’admissibilité à son programme de rabais VZE, et la Colombie-Britannique a fait de même tout en augmentant le montant du rabais pour les acheteurs à faible revenu.
Le programme iVZE devrait être élargi pour inclure les fauteuils de mobilité et les quadricycles, ainsi que les véhicules à deux ou trois roues tels que les scooters électriques, les vélos électriques et les scooters. Plus de la moitié des trajets entre le domicile et le travail effectués en voiture, en camion ou en camionnette font moins de 10 kilomètres, et 32 % font 5 kilomètres ou moins (Statistique Canada, 2017). Le remplacement des plus gros -véhicules pour ces courts trajets par des scooters et des vélos électriques pourrait améliorer considérablement les -embouteillages et réduire les émissions. En Colombie-Britannique, les remises sur les vélos électriques en fonction du revenu vont de 350 à  1 400 dollars (BC Electric Bike Rebate Program, s. d.). La Californie offre jusqu’à 1 000 dollars pour les vélos électriques ordinaires et jusqu’à 1 750 dollars pour les vélos électriques cargos ou adaptés (California E-Bike Incentive Project, s. d.).
Le gouvernement fédéral peut utiliser le soutien au financement de l’exploitation pour améliorer la qualité des services de transport en commun et augmenter le nombre d’usagers. Les investissements à long terme peuvent être mis à profit pour garantir l’intégration des décisions de financement en matière de logement, de climat et de transport.
L’un des principaux motifs de la demande pour les transports en commun est la fréquence des passages et la proximité des services (Redman et al., 2013 ; Diab et al., 2020). Accroître le soutien du gouvernement fédéral aux opérations serait un moyen rapide et efficace d’augmenter la fréquentation en permettant aux systèmes de transport en commun de remettre en marche leurs véhicules inutilisés. Ceci est particulièrement important pour les petites et moyennes villes qui dépendent des autobus.
Le soutien au financement de l’exploitation peut être assuré par le plan fédéral proposé de financement permanent pour les transports publics. Le gouvernement doit accélérer le -financement promis dans le cadre du programme en le faisant passer de 2026-27 à 2024-2025 afin que les agences de transport locales puissent commencer à embaucher des conducteurs et des opérateurs dès que possible.
En s’inspirant du Programme d’infrastructure Investir dans le Canada, le gouvernement fédéral doit fournir ce financement en tenant compte des différences régionales, notam-ment de la croissance démographique prévue et de la capacité des infrastructures municipales. Il doit également exiger un partage des coûts avec les provinces pour les grands projets. À l’instar du Fonds pour le développement des collectivités du Canada, la source permanente de financement d’Infrastructure Canada, le plan de financement permanent pour les transports publics doit offrir un financement prévisible et à long terme directement aux municipalités (Association canadienne du transport urbain, 2021).
 Le financement de l’exploitation permettra aux systèmes de transport d’améliorer le service en dehors des périodes de pointe et de mieux répondre aux besoins de déplacement des groupes en quête d’équité. Les villes doivent être autorisées à utiliser les fonds d’exploi-tation pour réduire les tarifs payés par les usagers des transports publics et pour mettre en place des tarifs réduits pour les personnes à faibles revenus.
Lors de l’attribution des fonds destinés aux transports en commun, le gouvernement fédé-ral peut s’inspirer du succès du Fonds pour accélérer la construction de logements, un programme qui fournit des fonds directement aux gouvernements locaux pour augmenter l’offre de logements. Le plan de financement permanent pour les transports publics peut également fournir des incitations directement aux municipalités qui atteignent les objectifs fédéraux en matière d’accessibilité au logement, de réduction de la pauvreté et de réduction des GES par le biais de projets de transport.
Les grands projets d’investissement financés par le plan de financement permanent pour les transports publics devraient comprendre des « accords de politiques de soutien » qui reconnaissent la compétence des municipalités en matière de politique d’aménagement du territoire tout en encourageant les changements qui garantiraient la réussite des projets de transport en commun. Il pourrait s’agir d’exigences en matière de densité de logement, de l’élimination des exigences minimales en matière de stationnement autour des stations de transport en commun et de l’amélioration des points de correspondance pour les bus, les piétons et les cyclistes. L’augmentation de l’offre de logements à proximité des stations rapprocherait un plus grand nombre d’usagers d’options de transport accessibles et favoriserait l’augmentation du nombre d’usagers.
Pour soutenir les objectifs climatiques, le gouvernement fédéral doit exiger que tous les nouveaux véhicules de transport en commun achetés avec des fonds fédéraux ne produisent pas d’émissions. Afin de garantir l’équité du développement axé sur les transports en commun, les municipalités qui reçoivent des fonds fédéraux pour de grands projets de transport en commun doivent également être tenues de mettre en place des plans d’action visant à prévenir le déplacement des résidents.
Les gens ont besoin d’un plus grand nombre de choix en matière de transport à faible -émissions de carbone qui conviennent à leur vie et à leur porte-monnaie. L’expérience prouve que lorsque les gens disposent de meilleures options de mobilité, plus abordables et à faible émissions de carbone, ils les utilisent. En leur offrant des moyens fiables, abordables et durables de se rendre là où ils doivent aller, on leur permet de mieux maîtriser leurs dépenses, leur temps et leur bien-être.
Le Conseil d’action sur l’abordabilité a donné la priorité au logement, au transport et à l’alimentation en tant que domaines clés dans lesquels le gouvernement fédéral peut agir pour aider les ménages à faibles revenus à satisfaire leurs besoins fondamentaux d’une manière qui favorise également la réduction des émissions et la résilience face à l’évolution du climat.
Des transports en commun bien planifiés peuvent jouer un rôle important dans l’avancement des projets de logements abordables. La mise à disposition de moyens de transport efficaces et accessibles, intégrés aux programmes de logements abordables, peut réduire les coûts pour les ménages, améliorer l’accès aux possibilités d’emploi et aux activités sociales, et réduire la nécessité de posséder une voiture, ce qui est bon pour le budget des ménages et pour l’environnement.
Les secteurs à haute densité de logement planifiés en fonction des transports en commun réduisent la dépendance à l’égard de la voiture et les distances à parcourir. Pour ceux qui doivent absolument prendre la voiture, le passage à des VZE peut réduire les coûts d’entretien et d’exploitation tout en diminuant les émissions. Les projets immobiliers qui comprennent des programmes de covoiturage pour les véhicules électriques et des stations de recharge pour les options de micromobilité peuvent nécessiter moins de places de stationnement, ce qui peut réduire les coûts de développement et les loyers. Des logements et des moyens de transport plus abordables améliorent le budget des ménages, réduisent la pollution de l’air et diminuent les émissions. La réduction de toutes ces dépenses libère des fonds pour l’alimentation et -réduit ainsi l’insécurité alimentaire.
Près de sept millions de personnes au Canada — dont près de deux millions d’enfants – n’ont pas un accès stable à une alimentation suffisante. Les récentes augmentations des prix des aliments, des loyers, des coûts de l’énergie et des transports ont dépassé l’augmentation des revenus, ne laissant que peu de marge à la fin du mois. Il est souvent plus facile de faire des économies sur les produits alimentaires que sur le loyer et les services publics, ce qui fait que de nombreuses personnes souffrent de la faim.
Le Canada, l’un des pays les plus riches du monde, ne devrait pas tolérer cette situation. Le gouvernement fédéral doit créer une nouvelle allocation pour aider les familles à faible revenu à acheter de la nourriture et à couvrir leurs autres besoins quotidiens.
Il faut poursuivre les efforts actuels visant à réduire les prix des denrées alimentaires et des loyers, mais il est peu probable que ces mesures suffisent à répondre aux besoins immédiats et urgents des ménages à faible revenu. Ralentir la lutte contre les changements climatiques n’est pas non plus la solution — les fluctuations des prix mondiaux du pétrole, les sécheresses et les inondations exacerbées par les changements climatiques et l’instabilité géopolitique ont une influence bien plus grande sur les prix des denrées alimentaires que les politiques climatiques actuelles.
Au lieu de cela, les gouvernements doivent fournir un revenu supplémentaire aux personnes qui en ont le plus besoin. Pour lutter contre l’insécurité alimentaire, le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande au gouvernement fédéral de prendre la mesure suivante :
Le gouvernement fédéral doit restructurer et élargir le Crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée et le renommer « Allocation pour l’épicerie et les besoins de base ». L’allocation proposée s’appuierait sur le remboursement unique de la taxe sur les produits et services mis en œuvre en 2023 et ciblerait les ménages avec des adultes en âge de travailler. Elle fournirait 1 800 $ par année et par adulte et 600 $ par enfant. En outre, le Conseil recommande que l’allocation proposée soit versée mensuellement plutôt que trimestriellement. Ce changement — qui permettrait de verser 150 $ par mois par adulte et 50 $ par enfant aux ménages les plus pauvres — répartirait les paiements de manière égale tout au long de l’année et offrirait aux bénéficiaires une plus grande stabilité pour le paiement de leurs factures mensuelles. Tous les ménages qui reçoivent actuellement le remboursement de la TPS/TVH recevraient plus d’argent, mais les ménages à plus faible revenu bénéficieraient d’une augmentation plus importante.
L’insécurité alimentaire, c’est-à -dire l’accès inadéquat ou incertain à des aliments nutritifs et culturellement appropriés, est en augmentation (Santé Canada, 2020). Selon un récent rapport de Statistique Canada, près de sept millions de personnes, dont près de deux millions d’enfants, sont confrontées à l’insécurité alimentaire. Plus de 40 % des familles de mères célibataires, environ 60 % des mères célibataires handicapées, plus d’un tiers des familles noires et autochtones et plus de 60 % des familles dont la personne gagnant le principal revenu est au chômage sont en situation d’insécurité alimentaire (Uppal, 2023a).
D’autres indicateurs révèlent également une tendance inquiétante. Banques alimentaires Canada (2023) a enregistré près de deux millions de visites dans les banques alimentaires du pays en mars 2023, soit une hausse de 32 % par rapport au même mois de l’année précédente et de plus de 78 % par rapport à 2019. Les adultes seuls en âge de travailler représentaient 44 % des usagers des banques alimentaires, soit l’un des plus grands sous-ensembles de visiteurs.
La première cause de l’insécurité alimentaire est la contrainte financière (Uppal, 2023a, voir l’encadré 1). Les prix des denrées alimentaires augmentent et les loyers n’ont jamais été aussi élevés. Les personnes qui dépendent des aides publiques, telles que l’aide sociale, les allocations pour enfants ou l’assurance-emploi, sont beaucoup plus susceptibles de souffrir d’insécurité alimentaire (Uppal, 2023a). Les personnes qui gagnent le salaire minimum sont de plus en plus incapables de se procurer des biens de première nécessité tels que le logement et la nourriture. Selon un calcul, le salaire de subsistance dans la grande région de Toronto est passé à 25 $ de l’heure en 2023, alors que le salaire minimum en Ontario n’est que de 16,55 $ (Pickthorne, 2023). À Saskatoon, le salaire de subsistance pour une famille de quatre personnes était de 16,23 $ de l’heure en 2022, alors que le salaire minimum de la province n’était que de 14 $ de l’heure, le plus bas du pays (Centre canadien de politiques alternatives, bureau de la Saskatchewan, 2022 ; Saskatchewan, s.d.).
Les prix ont augmenté rapidement à la suite de la pandémie de COVID-19, l’inflation atteignant un pic de 8,1 % (d’une année à l’autre) en juin 2022, son niveau le plus élevé depuis le début des années 1980. Bien que l’inflation ait ralenti au cours des derniers mois, les prix continuent d’augmenter. Les augmentations des prix de la nourriture et du logement ont dépassé l’inflation globale depuis novembre 2021 (Statistique Canada, 2023a).
La hausse des prix est un problème d’abordabilité pour de nombreux Canadiens, mais pour les ménages à faibles revenus, c’est une question de survie. La figure 1 montre que les familles à très faible revenu (les 20 % de salariés les moins bien rémunérés) dépensent plus de 100 % de leur revenu disponible au logement, à l’alimentation et au transport.
Les ménages à faible revenu (l’avant-dernière tranche de 20 % de la population) sont également en difficulté : près de 60 % de leur revenu disponible est consacré aux nécessités de base. Dans l’ensemble, une plus grande proportion de familles à faible revenu vivant sous le seuil de pauvreté ont déclaré avoir été confrontées à l’insécurité alimentaire en 2022. Cependant, l’insécurité alimentaire est très répandue et des recherches récentes de Statistique Canada montrent que huit familles sur dix en situation d’insécurité alimentaire se situent au-dessus du seuil de pauvreté (Uppal, 2023a).
Les efforts de la Banque du Canada pour ramener l’inflation de base dans sa fourchette cible de 1 à 3 % n’ont pas encore permis de ralentir de manière notable l’augmentation des prix des denrées alimentaires. En tant qu’élément essentiel de la vie quotidienne, l’alimentation a tendance à être moins sensible aux augmentations des taux d’intérêt que d’autres secteurs des dépenses de consommation. Bien que l’augmentation des prix des denrées alimentaires ait ralenti, les prix devraient rester élevés dans l’avenir (Janzen & Fan, 2023). Plusieurs facteurs à l’origine de cette hausse, comme la guerre en Ukraine, sont extérieurs à l’économie canadienne, et les contraintes structurelles du secteur agricole (comme le vieillissement de la main-d’œuvre) devraient persister pendant un certain temps.
Le manque de concurrence dans le secteur de l’épicerie au détail au Canada a été identifié comme un coupable possible. Un rapport du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes (2023) note que les Canadiens achètent les trois quarts de leur nourriture dans des épiceries et que les cinq plus grands détaillants du Canada contrôlent 80 % du marché de l’épicerie. Pour stimuler la concurrence, le Bureau de la concurrence (2023) recommande que les gouvernements à tous les niveaux prennent des mesures pour encourager la croissance des épiceries indépendantes et faciliter l’entrée des détaillants basés à l’étranger.
En septembre 2023, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-56, la Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable (ministère des Finances, 2023a). Entre autres choses, le projet de loi proposé donnerait au Bureau de la concurrence des pouvoirs accrus pour rejeter les fusions dans certaines circonstances. En outre, sur l’insistance du gouvernement fédéral, les PDG des cinq plus grandes chaînes d’épicerie ont présenté des plans aux fonctionnaires fédéraux sur la manière dont ils prévoient contenir les prix des aliments. Mais les résultats de ces efforts sont incertains et il est peu probable qu’ils se fassent sentir à court terme.
Récemment, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour réclamer une réduction de la taxe carbone (taxe sur les carburants) en raison des coûts supplémentaires qu’elle engendre. Toutefois, des recherches ont montré qu’une telle mesure n’aurait probablement qu’un très faible impact sur les prix des denrées alimentaires. Une note d’information rédigée par Trevor Tombe et Jennifer Winter, économistes à l’Université de Calgary (2023), compare l’indice des prix à la consommation (IPC) à l’IPC sans les impôts indirects (par exemple, la TPS, la taxe carbone, etc.). Ils constatent que les prix à la consommation n’ont augmenté que de 0,6 % en août 2023 par rapport à janvier 2015 en raison des impôts indirects.
Tombe et Winter (2023) utilisent également la Base de données et Modèle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) de Statistique Canada, une base de données de Canadiens représentatifs de toutes les provinces (mais pas des territoires), pour examiner l’incidence de la tarification du carbone sur l’inflation en Colombie-Britannique. Même en tenant compte des effets de débordement du transport et d’autres parties de la chaîne d’approvisionnement, ils concluent que les taxes sur le carbone n’ont fait augmenter le coût moyen des denrées alimentaires en Colombie-Britannique que de 0,33 %.
Les fluctuations des prix du pétrole ont un effet bien plus important sur l’inflation et les prix des denrées alimentaires que la taxe carbone. Par exemple, la variation du prix mondial du pétrole entre le début de 2021 et le printemps 2022, de 40 à 120 $ américains le baril, équivaut à une augmentation hypothétique du prix du carbone à 300 $ canadiens la tonne. Au cours de la même période, le prix du carbone n’a augmenté que de 10 $ canadiens par tonne (Stanford, 2023).
Une stratégie à long terme visant à réduire l’effet des prix du pétrole et du gaz naturel sur les prix des aliments pourrait inclure l’amélioration de l’efficacité énergétique et la réduction de l’utilisation des combustibles fossiles tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Cela aurait pour avantage de réduire simultanément les émissions de gaz à effet de serre (GES). En 2021, le secteur agricole canadien a produit 69 mégatonnes de GES, soit 10 % des émissions totales du Canada (Environnement et changement climatique Canada, 2023).
Les effets des changements climatiques sont également susceptibles d’avoir des retombées plus importantes sur les prix des denrées alimentaires que les politiques visant à réduire les émissions de GES. Les phénomènes météorologiques extrêmes — qui devraient devenir plus fréquents et plus intenses au fil du temps — affectent de plus en plus l’approvisionnement et la production de denrées alimentaires. En 2021, une vague de chaleur extrême dans les Prairies a contribué à la hausse des prix de la viande, en particulier du bœuf, et des produits céréaliers. Aux États-Unis, premier partenaire commercial agricole du Canada, une sécheresse dans le Sud-Ouest américain, ainsi que des vagues de chaleur, des inondations et un gel précoce dans d’autres régions du pays ont entraîné une augmentation du prix des légumes et des fruits frais (Fradella, 2022).
La hausse des prix des aliments n’est pas la seule cause de l’insécurité alimentaire. Les coûts d’autres biens et services essentiels, tels que le logement, l’énergie et les transports, étant également en hausse, les ménages doivent de plus en plus souvent faire des choix difficiles entre payer les factures et mettre de la nourriture sur la table. Ce sont souvent les dépenses alimentaires qui sont réduites parce que c’est la chose la plus facile à faire : ne pas payer le loyer peut conduire à l’expulsion, ne pas payer les factures d’énergie peut conduire à la coupure du chauffage, et renoncer à un abonnement de transport peut signifier ne pas être en mesure de se rendre au travail ou à un rendez-vous médical (voir la figure 2).
Une enquête menée en 2023 par Statistique Canada a révélé qu’environ un ménage canadien sur sept avait dû réduire ses dépenses de première nécessité, comme la nourriture, pendant au moins un mois par an pour pouvoir payer une facture d’énergie. (Statistique Canada, 2023b).
Selon un rapport de la Daily Bread Food Bank et de la North York Harvest Food Bank (2023), les clients des banques alimentaires disposaient en 2023 d’environ 200 $ par mois, après avoir payé le loyer et les charges, pour acheter d’autres produits de première nécessité, soit une baisse d’environ 17 % par rapport à l’année précédente.
Le manque de revenus est l’une des principales sources d’insécurité alimentaire, mais les ménages ayant un niveau d’endettement élevé et un faible niveau d’actifs sont également à risque (Uppal, 2023b). En 2019, plus de cinq millions de Canadiens vivaient dans des familles appartenant au quintile inférieur de revenu (les 20 % de personnes ayant les revenus les plus faibles) (Uppal, 2023b ; voir l’encadré 2). Le revenu médian après impôt des familles et des adultes célibataires de ce groupe était de 21 000 $. Près de 70 % des familles du quintile inférieur vivaient sous le seuil de pauvreté.
Plus de 60 % des Canadiens appartenant au quintile de revenu le plus bas se disent très inquiets quant à leur capacité à faire face aux dépenses quotidiennes, et 19 % déclarent devoir souvent emprunter de l’argent à des amis et à des parents ou s’endetter pour joindre les deux bouts (Uppal, 2023b).
Depuis la pandémie, l’augmen-tation des revenus des ménages les plus modestes n’a pas suivi l’augmentation du coût de la vie. Les organisations travaillant dans le domaine de la sécurité alimentaire ont depuis longtemps remarqué que les personnes vivant avec des revenus faibles ou fixes ont besoin d’aides au revenu plus nombreuses et plus importantes au revenu pour joindre les deux bouts. Bien que ces organisations proposent différentes façons de fournir ces soutiens, elles s’accordent toutes sur un point : le filet de sécurité sociale actuel ne fournit pas un soutien suffisant à ceux qui en ont le plus besoin (Daily Bread Food Bank et North York Harvest Food Bank, 2023 ; Banques alimentaires Canada, 2023 ; PROOF, 2022).
De nombreuses études ont montré que l’incidence de l’insécurité alimentaire a diminué chez les familles et les personnes qui bénéficient de soutiens au revenu tels que l’Allocation canadienne pour enfants et l’aide sociale provinciale (Brown et Tarasuk, 2019 ; Ionescu-Ittu et al., 2015 ; Li et al., 2016 ; Loopstra et al., 2015 ; Men et al., 2021 ; Tarasuk et al., 2019). Les programmes de repas dans les écoles sont un autre moyen de lutter contre l’insécurité alimentaire, mais ils n’aideront pas les familles sans enfants et sont difficiles à mettre en œuvre à l’échelle nationale.
Les ménages soutenus par des personnes âgées de 65 ans et plus, qui perçoivent des pensions, la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, sont confrontés à des niveaux d’insécurité alimentaire plus faibles, ce qui démontre l’importance du soutien au revenu (McIntyre et al., 2016 ; Uppal, 2023a).
Le gouvernement fédéral a précédemment reconnu le lien entre l’insécurité alimentaire et le revenu. Dans le budget 2023, il a annoncé un remboursement unique pour les produits d’épicerie qui a fourni 2,5 G$ en allégement ciblé de l’inflation. Ce remboursement consistait en un supplément unique au Crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH), qui a été versé le 5 juillet 2023 à environ 11 millions de Canadiens à faible ou modeste revenu sous la forme d’un paiement non imposable. Les couples admissibles avec deux enfants ont reçu 467 $, les célibataires sans enfants 234 $ et les personnes âgées 225 $ (ministère des Finances, 2023b). Le remboursement des frais d’épicerie s’ajoutait au doublement ponctuel du crédit pour la TPS par le gouvernement fédéral au cours de l’année de prestation de juin 2022 à juillet 2023, qui a été émis pour aider les ménages les plus touchés par l’inflation (par exemple, la prestation pour une mère célibataire avec un enfant et un revenu net de 30 000 $ est passée de 773 $ à 1 160 $) (Ministère des Finances, 2022).
Toutefois, cet allégement était à la fois inadéquat et temporaire. Le remboursement des frais d’épicerie s’élevait à moins de 20 $ par mois pour un adulte, alors qu’on estimait qu’une famille type dépenserait environ 130 $ de plus par mois en aliments achetés dans les magasins en juillet 2023 par rapport à juillet 2021.
La meilleure façon de fournir un soutien au revenu à court terme aux personnes qui en ont le plus besoin est de s’appuyer sur les compléments antérieurs au crédit pour la TPS/TVH.
Une étude à paraître commandée par le Conseil d’action sur l’abordabilité à Gillian Petit, de l’Université de Calgary, a comparé différentes options de soutien au revenu pour le gouvernement fédéral. Elle a analysé les augmentations de l’Allocation canadienne pour enfants, de l’Allocation canadienne pour les travailleurs et du crédit pour la TPS/TVH. La prestation canadienne d’invalidité proposée, qui n’a pas encore été mise en œuvre, n’a pas été incluse dans son analyse. Un soutien au revenu supplémentaire pour les personnes handicapées aiderait sans aucun doute à lutter contre les taux élevés d’insécurité alimentaire au sein de la population handicapée du Canada.
Cependant, l’insécurité alimentaire touche de nombreux types de ménages. Gillian Petit conclut que le crédit pour la TPS/TVH est la meilleure option pour atteindre un large éventail de types de familles, y compris les adultes seuls et les chômeurs, et qu’il cible adéquatement les familles à revenu faible et moyen.
Selon l’analyse de Gillian Petit, 78 % des ménages qui reçoivent le crédit pour la TPS/TVH sont des adultes vivant seuls, et 90 % des familles bénéficiaires ont un revenu familial net inférieur à 60 000 $ par an.
Cependant, le crédit actuel pour la TPS/TVH, qui est basé sur le revenu familial, est modeste. Il prévoit un montant de base de 325 $ par année par adulte, et de 171 $ par année par enfant à charge de moins de 18 ans ; les adultes célibataires reçoivent 171 $ supplémentaires par an. Le montant maximal de la prestation est de 496 $ par année pour un adulte célibataire, de 821 $ pour un parent célibataire ou un couple avec un enfant, et de 650 $ par an pour un couple sans enfant (voir le tableau 1).
Les dépenses fédérales totales au titre du crédit existant pour la TPS/TVH devraient s’élever à 5,44 G$ en 2023, y compris le remboursement unique pour les produits d’épicerie (Ministère des Finances, 2023c).
Gillian Petit a élaboré plusieurs scénarios à l’aide de la Base de données et Modèle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) qui permettent de simuler les coûts et les avantages des changements proposés en matière de prestations fiscales. S’appuyant sur l’analyse de Gillian Petit, le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande au gouvernement fédéral de créer une nouvelle allocation pour l’épicerie et les besoins de base afin d’aider les ménages à acheter des aliments adéquats et d’autres produits de première nécessité.
Le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande au gouvernement fédéral de restructurer et d’élargir le crédit pour la TPS/TVH existant et de le renommer « Allocation pour l’épicerie et les besoins de base » (voir figure 3). L’allocation proposée ciblerait les ménages composés d’adultes en âge de travailler et offrirait des montants basés sur le revenu et le nombre de personnes dans le ménage. L’élargissement porterait le montant de base à 1 800 $ par année par adulte (au lieu de 325 $) et à 600 $ par enfant (au lieu de 171 $).
En outre, le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande de verser l’allocation mensuellement plutôt que trimestriellement. Ce changement permettrait de répartir les paiements de manière uniforme tout au long de l’année et offrirait aux bénéficiaires une plus grande stabilité pour le paiement des factures mensuelles. Des études ont montré que la consommation est sensible au moment où les revenus sont versés (Aguila et al., 2017 ; Shapiro, 2005 ; Stephens, 2006). Plus les versements d’aide sociale sont fréquents, plus les ménages peuvent étaler leurs achats et dépenser de manière cohérente dans des domaines essentiels tels que l’alimentation et les soins de santé.
Les ménages recevraient une allocation mensuelle de 150 $ par adulte (comparativement à 41,33 $ par mois pour une personne seule dont le revenu net se situe entre 10 544 et 24 824 $, et à 27,08 $ par mois pour une personne seule dont le revenu net se situe entre 0 et 10 544 $) et de 50 $ par enfant (comparativement à 14,25 $).
Le Conseil d’action sur l’abordabilité recommande également d’abaisser le niveau de revenu net à partir duquel l’allocation commence à diminuer progressivement de 42 335 $ à 24 824 $. Cela garantirait que les ménages à très faible revenu, qui sont plus exposés aux risques d’insécurité alimentaire et d’itinérance, reçoivent l’allocation la plus élevée possible. Ces ménages recevraient une allocation proportionnellement plus élevée dans le cadre de la nouvelle structure. Les ménages à revenus faibles et intermédiaires dont le revenu est supérieur à 24 824 $ recevraient toujours plus que dans le cadre du crédit actuel, mais moins que ceux qui se situent au bas de l’échelle des revenus. La restructuration proposée augmenterait également le montant perçu par les célibataires dont le revenu est inférieur à 10 000 $, pour le porter au même niveau que celui des célibataires dont le revenu est inférieur à 24 824 $.
Le tableau 2 présente une ventilation de l’impact de l’allocation proposée pour l’épicerie et les besoins de base en fonction des différents niveaux de revenus et des différentes structures familiales. Il montre le rôle que l’allocation proposée pourrait jouer en aidant les ménages à faibles revenus à payer des biens essentiels tels que la nourriture, le logement et le transport.
Selon les calculs de Gillian Petit, l’allocation proposée toucherait environ 9,7 millions de familles), pour un coût supplémentaire estimé à environ 11 G$ par an pour le gouvernement fédéral. L’allocation proposée exclurait les personnes âgées, qui font face à des taux plus faibles d’insécurité alimentaire et qui reçoivent déjà des soutiens ciblés au revenu par le biais de la pension de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti. Cependant, elles continueraient de recevoir le crédit existant de TPS/TVH.
L’allocation pour l’épicerie et les besoins de base doit être revue périodiquement et ajustée en fonction de l’évolution des revenus et de l’inflation (comme c’est actuellement le cas pour le crédit pour la TPS/TVH).
Comme pour les autres prestations fournies par le biais du système d’impôt sur le revenu, les personnes qui ne remplissent pas de déclaration de revenus ne recevraient pas l’allocation proposée pour l’épicerie et les besoins de base. Robson et Schwartz (2020) estiment que 10 à 12 % des Canadiens ne remplissent pas de déclaration et que pour les personnes en âge de travailler ayant de faibles revenus, cette estimation s’élève à 22 % ; les personnes en âge de travailler qui n’ont pas rempli de déclaration de revenus ont manqué environ 1,7 G$ en prestations en espèces en 2015. Les personnes qui ne remplissent pas de déclaration sont plus susceptibles d’être des personnes vivant dans la pauvreté, des Autochtones, des sans-abri et des bénéficiaires de l’aide sociale (Calgary Homeless Foundation, 2018 ; Petit et al., 2021 ; Prosper Canada, 2018 ; Robson et Schwartz, 2020 ; Stapleton, 2018).
Dans le budget 2023, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de mettre en place un système automatisé de déclaration de revenus pour les personnes à revenus faibles ou fixes. L’Agence du revenu du Canada devrait piloter ce nouveau système en 2024. Le gouvernement fédéral doit accélérer le lancement du projet pilote afin que le plus grand nombre possible de ménages puissent recevoir les prestations auxquelles ils ont droit. Le gouvernement fédéral doit également collaborer avec les organismes communautaires, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les gouvernements autochtones pour atteindre les personnes sans-abri, les Autochtones et les personnes sans domicile fixe et sans compte bancaire afin de déterminer les moyens d’aider ces groupes à accéder aux prestations.
Le Conseil d’action sur l’abordabilité a donné la priorité au logement, au transport et à l’alimentation en tant que domaines clés dans lesquels le gouvernement fédéral peut agir pour aider les ménages à faibles revenus à répondre à leurs besoins fondamentaux de manière à soutenir également la réduction des GES et la résilience face aux changements climatiques. Tous les domaines de l’abordabilité sont interconnectés : les actions menées dans un domaine bénéficieront aux autres.
Tous les Canadiens ont le droit de pouvoir mettre de la nourriture sur la table. Cela ne doit pas signifier se priver d’un logement convenable, d’une carte de transport pour se rendre au travail, de chauffage et de climatisation, de médicaments sur ordonnance ou d’autres biens de première nécessité. Les études montrent que les familles dont les revenus sont les plus faibles dépenseront l’allocation pour l’alimentation, le logement, le transport et d’autres besoins essentiels.
Le Canada ne devrait pas être un pays où près de deux millions d’enfants ne mangent pas à leur faim. Le gouvernement fédéral doit prendre des mesures immédiates pour réduire l’insécurité alimentaire des plus vulnérables.ÂÂÂÂÂ
La production, le partage et l’utilisation de données numériques sont essentiels pour accélérer les nouvelles découvertes scientifiques, l’innovation et l’efficacité du système alimentaire mondial. Si elle est bien menée, l’adoption des technologies numériques devrait permettre aux secteurs agricole et agroalimentaire du Canada de soutenir certains des objectifs de développement durable les plus urgents adoptés par les Nations Unies, notamment la réduction de la faim, l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation face à ceux-ci, l’optimisation de l’utilisation des terres arables et de l’eau, et la fourniture d’un travail décent et d’une croissance économique durable. Elle peut également contribuer à la sécurité alimentaire et à l’abordabilité au Canada.
Le Canada dispose d’un avantage important en matière de sécurité alimentaire et est un important fournisseur de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et de fibres au niveau mondial. Le pays dispose également d’un secteur des télécommunications avancé et est un innovateur et un adepte précoce de nombreuses approches que les agriculteurs, les scientifiques, les industriels, les gouvernements et les ONG espèrent voir se concrétiser.
L’intelligence artificielle, l’internet des objets, les mégadonnées et l’édition génomique offrent la possibilité d’augmenter la production, de réduire les coûts, les émissions, la consommation d’eau, le gaspillage alimentaire et les risques, d’améliorer la résilience et la sécurité alimentaire et de fournir aux consommateurs davantage d’informations sur les aliments qu’ils consomment. De nouvelles technologies et de nouveaux services apparaissent dans un large éventail de domaines liés à l’agriculture, notamment l’agriculture de précision, la technologie à taux variable, et la gestion numérique des exploitations agricoles et de la santé animale. Il existe d’importantes possibilités de croissance économique pour les développeurs de technologies, les entreprises de télécommunications, les agriculteurs et d’autres entreprises tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de la ferme à la table.
Il existe cependant de nombreux défis et obstacles au développement et à l’adoption de ces opportunités numériques, notamment la capacité du secteur agricole et agroalimentaire d’adopter de nouvelles technologies, des marchés incomplets pour les données, la concentration industrielle et une gouvernance des données mal définie.
Les gouvernements canadiens sont confrontés à un choix. Ils peuvent suivre le modèle canadien par excellence de l’adoption passive des technologies, qui est à la fois peu risqué et peu rentable. Ils peuvent adopter une approche plus proactive et confuse, en s’attaquant aux obstacles les plus faciles à surmonter tout en ignorant les plus difficiles. Ou ils peuvent se lancer à corps perdu dans une stratégie ambitieuse, à haut risque et à haut rendement, visant une transformation à grande échelle.
L’ampleur des opportunités économiques offertes par la croissance des marchés mondiaux, combinée aux avantages sociétaux d’une plus grande sécurité alimentaire mondiale et d’un système de production alimentaire plus efficace et moins polluant, justifie la mise en place d’une stratégie ambitieuse. Celle-ci nécessitera des actions audacieuses sur plusieurs fronts, en collaboration avec le secteur privé et les institutions académiques :
Le Canada a la possibilité de réussir avec un plan bien pensé et la bonne combinaison d’investissements, de planification, de collaboration et de gouvernance. Le Canada peut faire mieux en faisant le bien, en augmentant le rendement économique de son système agroalimentaire de classe mondiale et en contribuant aux objectifs mondiaux en matière de sécurité alimentaire et de changement climatique. Il n’y a pas de temps à perdre.