La nécessité de l’Internet pour accomplir des activités quotidiennes essentielles met en évidence la fracture numérique au Canada. Cette étude avance que cette fracture dépasse le simple accès aux technologies, mais est plutôt fondée dans la capacité à en tirer profit, ce qui nécessite un certain niveau de littéracie numérique. Les programmes d’enseignement aux adultes sont bien outillés pour offrir des opportunités de formation sur les technologies numériques, mais ils sont présentement écartés des conversations sur le sujet. Cette étude recommande plus de financement de base durable pour les programmes d’enseignement aux adultes et l’établissement d’une plateforme nationale de partage des ressources. Elle préconise également de relier l’éducation des adultes au niveau communautaire à des efforts plus larges en matière de littéracie numérique par l’intermédiaire d’un réseau intersectoriel qui garantirait un accès équitable aux ressources et au soutien numériques.
Plus notre vie quotidienne migre vers l’informatique, plus la fracture numérique devient apparente et inquiétante.
On a coutume de penser que cette iniquité sociale est due à différents niveaux d’accès à Internet. Conséquemment, les politiques conçues pour s’attaquer à ce problème se concentrent sur l’offre d’un accès fiable dans les régions éloignées, et abordable pour les ménages marginalisés.
Cette étude avance toutefois que la fracture numérique dépasse le simple accès à la technologie. La capacité d’utiliser la technologie à son avantage est tout aussi importante (si ce n’est pas plus) et elle dépend de l’acquisition et de la mise en application des compétences permettant de naviguer dans le monde numérique. Même si l’accès à des appareils et à une bonne connexion Internet aide à acquérir des compétences, elles restent incomplètes et mal distribuées sans possibilité d’apprentissage formel.
Les programmes d’éducation aux adultes du Canada sont en bonne position pour enseigner les compétences numériques dans le cadre de leurs programmes de mise à niveau, de formation professionnelle, de langue et d’alphabétisation. Mais ils restent exclus des conversations sur l’enseignement des compétences numériques. Cette étude presse Emploi et Développement social Canada de travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de :
Actuellement, nos interactions avec les organisations, les services gouvernementaux et les entreprises se produisent surtout en ligne. Cela signifie que l’accès à Internet et les compétences numériques sont devenus des exigences de base pour le travail, l’éducation et une participation entière à la société. Toutefois, selon le revenu, l’âge et le lieu où vivent les gens, les populations canadiennes pourraient se retrouver sur les côtés opposés de la « fracture numérique », c’est-à-dire l’écart entre ceux qui ont accès à la technologie numérique et ceux qui ne l’ont pas (Haight et al., 2014). La pandémie de COVID-19 a clairement démontré les iniquités de la fracture numérique, alors que des politiques rapidement mises en place ont dans les faits exclus plusieurs individus, familles et collectivités de sources d’information et de services public essentiels.
Cette étude avance qu’une nouvelle forme d’inégalité, la fracture numérique, dépasse largement le simple accès à des connexions et appareils adéquats et abordables. Cette inégalité repose plutôt sur les avantages que les usagers peuvent tirer des services, réseaux er ressources en ligne grâce aux compétences numériques — en d’autres mots, l’habileté technique d’utiliser les outils numériques — acquises en interagissant avec la technologie. Les politiques se limitant à connecter les usagers à la technologie impliquent essentiellement une approche « fais-le toi-même » à l’apprentissage numérique, résultant en une distribution inadéquate et inégale des compétences numériques. Par conséquent, quoique l’amélioration de l’accessibilité et de l’abordabilité des services Internet est sans doute nécessaire, cela ne suffit pas à combler la fracture numérique. L’accessibilité doit être soutenue par des occasions d’apprentissage formel offertes par les programmes d’éducation aux adultes, les bibliothèques et les organismes communautaires.
Nous soutenons qu’au Canada, le système d’éducation aux adultes et de développement des compétences[1] devrait occuper une place plus importante quand il s’agit de combler la fracture numérique entre ceux qui possèdent les compétences numériques nécessaires pour prospérer au sein de l’économie moderne et ceux qui ne les possèdent pas. Les fournisseurs d’éducation aux adultes sont étroitement intégrés aux communautés locales à travers le Canada et ils sont en mesure de naviguer adroitement entre les subtilités associées à l’éducation auprès des adultes, des jeunes jusqu’aux personnes âgées. En outre, en intégrant la formation en compétences numériques à leurs curriculums visant les compétences de mise à niveau, professionnelles, en langue et en littératie, les programmes d’éducation aux adultes peuvent aller au-delà de l’enseignement des compétences numériques. Ils peuvent aider les apprenants à acquérir la littératie numérique, soit la capacité d’utiliser les compétences numériques et de comprendre les environnements multimédias de manière confiante et critique à des fins qui satisfont des besoins divers.
Cependant, les programmes d’éducation aux adultes sont la plupart du temps exclus des conversations entourant l’apprentissage numérique tel que nous le connaissons. Le domaine de l’éducation des adultes, déjà marginalisé et sous-financé, ne compte pas toujours sur les ressources requises pour prendre en charge la complexité et les couts supplémentaires qu’engendre l’apprentissage numérique, notamment l’acquisition et l’entretien du matériel et des logiciels nécessaires, le soutien technique le matériel de formation spécialisé et le perfectionnement professionnel continu des formateurs. De plus, l’apprentissage formel doit être enrichi par des occasions d’apprentissage numérique informel, à l’extérieur comme à l’intérieur des salles de classe.
Nous définissons les composantes de la fracture numérique sous forme de trois strates interreliées, tel que l’illustre la figure 1. La première strate, Se connecter, fait référence aux différentes manières par lesquelles les gens se connectent à Internet. La seconde strate, Usage régulier, renvoie aux différentes façons dont les gens participent en ligne et développent des compétences numériques. La troisième strate, Obtenir ce dont vous avez besoin, fait référence aux différentes manières dont les gens tirent avantage de leurs interactions avec les services, ressources et réseaux qui ne sont disponibles qu’en ligne.
La fracture numérique prend source à la connectivité, faite de deux composantes principales: la disponibilité de l’Internet haute vitesse là où les gens vivent et travaillent, et l’abordabilité des forfaits de connexion Internet et des appareils modernes.
La première composante, la disponibilité, est un obstacle de longue date pour les populations canadiennes habitant les régions éloignées et rurales. En 2023, l’accès aux services à large bande qui satisfaisait aux cibles de vitesse de connexion du gouvernement canadien, soit 50 mégabits par seconde (Mbps) en téléchargement et 10 Mbps en téléversement, ainsi qu’un accès à des transferts mensuels de données illimités (fréquemment appelé « 50/10 Mbps illimité ») n’était disponible que pour 62 % des ménages en communautés rurales et 43 % des ménages sur les réserves des Premières Nations, comparativement à la moyenne nationale se situant à 91,4 % (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, s. d.).
La connexion à large bande dans les régions rurales tend également à être plus dispendieuse qu’elle ne l’est dans les centres urbains, puisque qu’il existe moins de fournisseurs (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 2020). La pandémie a exacerbé le problème en obligeant des centaines de Canadiens des régions rurales à payer des frais de dépassement de données qui étaient « deux, trois et même quatre fois plus élevés qu’à l’habitude », selon une enquête de Go Public par la CBC (Johnson et Uda, 2020).
En plus d’être inaccessible, et en dépit du fait que le Canada déclarait en 2016 que l’accès à Internet est un droit fondamental, une connexion à haute vitesse demeure inabordable pour de nombreux Canadiens, peu importe où ils vivent (Kupfer, 2016). En 2017, seuls les deux tiers des ménages à faible revenu avaient accès à Internet à la maison, comparativement à 98,5 % des ménages à revenu élevé. Les ménages à faible revenu dépensent aussi beaucoup plus de leurs revenus pour les services de communication. Ceux qui font partie du quintille inférieur de revenus (gagnant moins de 32 915 $ par an avant déductions) y investissent 9,1 % de leur revenus, comparativement à 1,8 % chez ceux du quintille supérieur de revenus, gagnant plus de 132 809 $ (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 2020).
Les personnes à faible revenu ont également tendance à se fier davantage aux téléphones cellulaires qu’à un ordinateur de bureau ou portable comme moyen privilégié de communication et d’accès Internet (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 2020). Or, l’accès à Internet par le téléphone cellulaire est plus couteux en ce qui a trait aux forfaits de données que l’usage d’un ordinateur personnel où le ménage profite d’une connexion à haute vitesse. En outre, le fait de se fier à un téléphone cellulaire crée des désavantages quand il s’agit d’accéder aux ressources et services en ligne. Les interactions essentielles principalement réalisées sur des téléphones cellulaires sont susceptibles d’être moins efficientes et moins sécurisées, résultant en d’éventuels couts de connexion supplémentaires et donnant lieu à des enjeux concernant la confidentialité des données lorsqu’on utilise le Wi-Fi.
Ces statistiques ne font aucune distinction selon que les Canadiens accèdent à Internet par la voie de forfaits prépayés et à données limitées ou de Wi-Fi public. Un portrait régional a révélé que 23 % des adultes de la région de Waterloo en Ontario n’ont pas de connexion Internet à la maison, se rabattant plutôt sur le Wi-Fi public et la bibliothèque locale offrant un programme de prêt de point d’accès Wi-Fi (Sharkey, 2015). Les bibliothèques sont en première ligne en matière d’équité numérique, veillant au droit des gens à l’information et aux ressources dont ils ont besoin, à fournir l’accès à des ordinateurs, le Wi-Fi gratuit et des technologies innovantes aux personnes à faible revenu qui ont un accès limité. Une étude initiée par la Toronto Public Library a démontré que plus de la moitié des répondants usagers des services technologiques offerts dans les bibliothèques publiques participantes en Ontario rapportaient qu’il s’agissait de leur unique moyen d’accéder aux technologies et à Internet (Toronto Public Library, 2020). Le problème réside dans le fait que de compter sur le Wi-Fi public ou sur un accès temporaire comme principal mode de connexion, ou encore sur un supplément de forfait prépayé ou à données limitées, vient au prix d’investissements considérables sur le plan du temps, des efforts et de la planification. Les connexions de ce type exposent également les renseignements personnels et les transactions à des risques liés à la sécurité et aux atteintes à la vie privée.
Les gens ont besoin de compétences spécifiques pour interagir avec la technologie numérique et en tirer profit efficacement. Ces compétences peuvent être acquises par l’utilisation quotidienne de la technologie, en fonction de la demande numérique, des réseaux et du soutien et, plus largement, des modèles et occasions de nature socioéconomique. Un accès limité à un Internet fiable à haute vitesse diminue les occasions de développer ces compétences numériques.
Pour ceux d’entre nous qui travaillons, apprenons et nous divertissons dans les espaces numériques, il est pratiquement impossible d’imaginer que nous n’ayons pas une connexion numérique « en tout temps, n’importe où ». Pensons à la manière dont notre quotidien est perturbé lorsque l’accès Internet n’est pas immédiatement disponible ou encore non fiable; quand les appareils sont inexistants, trop vieux ou trop lents; quand il n’y a pas de numériseur ou d’imprimante à la maison; ou quand des informations, ressources ou communications importantes sont relayées via les médias sociaux qui exigent un accès illimité à Internet que les gens ne peuvent se permettre.
Afin de démontrer la façon dont un accès limité à Internet touche la vie des gens et pour réfuter la vision idéalisée des citoyens numériques, nous avons conçu deux illustrations fondées sur des analyses statistiques, une revue de la littérature et des entrevues auprès d’étudiants. La première illustration (figure 2a) suit une journée dans la vie d’Eva, qui profite d’un accès Internet fluide. La seconde illustration (figure 2b) présente Sandra, qui n’a qu’un accès limité à Internet. Eva accomplit aisément ses tâches quotidiennes dans les espaces numériques, à partir de la maison, dans les transports et au travail. Elle répond aux courriels dans l’autobus, renouvelle sa plaque d’immatriculation, imprime, signe, numérise et retourne un formulaire.
En revanche, Sandra investit quotidiennement une bonne part de son temps à naviguer entre les obstacles numériques avant d’accomplir ce qui devrait être des tâches faciles et rapides. Citons notamment les déplacements en autobus vers la bibliothèque locale pour accéder à Internet et vers un magasin de fournitures pour imprimer et numériser un formulaire. Pour gagner du temps et économiser sur son forfait de données, Sandra doit demeurer sur le site de la bibliothèque pour réaliser d’autres tâches exigeant la technologie, comme vérifier sa demande d’inscription au collège et chercher des solutions à son mal de dos. Le manque d’espace privé, le bruit environnant, les couts supplémentaires et le manque de soutien ne sont que quelques-unes des barrières qu’elle doit surmonter.
Sans connexion adéquate et un appareil à jour, y compris les périphériques comme un numériseur et une imprimante, plusieurs activités numériques doivent être abandonnées ou tout simplement évitées. Le temps passé en ligne est tronqué puisque l’accès à Internet exige de la planification, des efforts et un calcul rigoureux des couts, particulièrement dans les endroits publics où la confidentialité n’est pas assurée et le soutien sur place est inexistant.
De plus, toutes les pratiques numériques ne favorisent pas une réelle fluidité en matière de technologie numérique. Le fait de ne compter que sur un téléphone intelligent plutôt que sur un ordinateur pour communiquer implique l’usage plus fréquent de messages vocaux, de vidéotéléphonie et des médias sociaux (Grotlüschen et al., 2021). Les activités complexes comme remplir un formulaire en ligne, utiliser un système de gestion de l’apprentissage ou entreprendre des recherches exhaustives sur le Web sont difficiles, voire impossibles, sur un téléphone intelligent. Par conséquent, l’éventail de compétences numériques développées pendant ces activités est considérablement limité.
Les défis de connexion sont amplifiés chez ceux qui n’ont pas d’emploi ou dont le travail implique peu, voire aucune, exigence numérique. Plusieurs personnes sont exposées aux nouvelles technologies et aux nouveaux processus de médiation numérique en milieu de travail. De plus, l’adoption de la technologie est fréquemment accompagnée de formation offerte par l’employeur et d’occasions d’apprentissage informel, par exemple avec des collègues.
Pour évaluer les compétences numériques chez les adultes, les chercheurs utilisent fréquemment le test de Résolution de problèmes dans un environnement hautement technologique, tiré du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC) de l’OCDE. Ce test mesure la capacité d’utiliser la technologie numérique, les outils de communication et les réseaux afin d’obtenir et d’évaluer de l’information, de communiquer avec autrui et d’accomplir des tâches pratiques (Organisation de coopération et de développement économiques, 2012)[2].
À première vue, le Canada s’en est bien tiré dans le cadre de ce test en 2012, l’année la plus récente où les résultats sont disponibles (Statistique Canada, 2013). Une proportion plus élevée de répondants canadiens de 16 à 65 ans (81 %) ont rempli le test que la moyenne de l’OCDE (74 %). Des 19 % de Canadiens qui n’ont pas rempli le test, environ la moitié n’avait aucune expérience préalable avec les ordinateurs ou ont échoué au test de base. La proportion de Canadiens ayant affiché des niveaux supérieurs (niveaux 2 et 3) était également plus élevée que la moyenne de l’OCDE (37 % contre 34 %).
Cependant, le rendement du Canada se situant au-dessus de la moyenne occulte l’écart entre ceux qui ont obtenu les scores les plus faibles et les plus élevés. Bien que le pourcentage de Canadiens ayant atteint le niveau supérieur est semblable à la moyenne de l’OCDE (7 % contre 6 %), le pourcentage de ceux qui ont obtenu un score les situant en-deçà du niveau 1 au Canada était plus élevé que la moyenne de l’OCDE (15 % contre 12 %). La différence de huit points de pourcentage entre les Canadiens qui ont obtenu les scores les plus faibles et les plus élevés n’est pas aussi importante qu’elle ne l’est chez les Américains ou les Belges (11 points de pourcentage); par contre, il ne s’agit tout de même pas de l’écart le plus modeste. En comparaison, les Australiens ne présentaient qu’une différence de trois points de pourcentage entre les niveaux les plus faibles et les plus élevés, surtout en raison de la proportion moins élevée de répondants ayant atteint le niveau le plus faible (9 %).
Les scores inférieurs reflètent les conditions entourant les tests et les circonstances socioéconomiques plus vastes qui nuisent au développement de la littératie et des compétences numériques. Le prédicteur le plus cohérent des résultats porte sur le niveau de scolarité et les expériences éducationnelles (Green et al., 2015). Le faible niveau de compétences tend à être plus commun chez les répondants plus âgés, les immigrants, les Autochtones et les minorités de langue officielle (à quelques exceptions près). Les scores en littératie chez les répondants plus âgés ont tendance à diminuer alors qu’ils vieillissent (Green et Riddell, 2007). Les immigrants qui n’ont pas été éduqués en anglais ou en français, les langues utilisées pour le test, sont désavantagés (Xenogiani, 2017). Les populations autochtones pourraient aussi faire face à des défis linguistiques similaires, en plus de leurs expériences négatives au sein du système éducatif, y compris l’orientation et l’absence d’accès aux écoles secondaires dans leurs communautés. Les scores au test tendent également à être plus faibles chez les personnes occupant un emploi qui n’exige pas un niveau élevé de maitrise en matière de littératie et de compétences numériques (par exemple, les métiers, les professions de la transformation et de la fabrication) qui n’exigent peut-être pas un diplôme d’études secondaires (Statistique Canada, 2013). Les scores plus faibles sont aussi corrélés au faible revenu (Heisz et al., 2016).
Les données dont il est question ci-haut datent de 2012[3]. Sans doute les choses se sont-elles améliorées depuis. Cependant, les résultats d’un récent classement sur l’accès, l’utilisation et les compétences numériques publié par les Nations Unies démontrent que le Canada perd du terrain, passant de 21e en 2010, son rang le plus élevé, à 29e en 2017 (Union internationale des télécommunications, n.d.).
L’absence d’occasions de développer des compétences numériques empêche les gens de tirer pleinement profit des services essentiels auxquels ils ont droit, sans oublier le fait de les priver d’éducation et d’emplois qui pourraient éventuellement transformer leurs vies. L’effet ricochet de la fracture numérique dépasse aussi la dimension individuelle en excluant les gens d’une participation à des recherches relatives à la consommation et aux consultations gouvernementales, exacerbant ainsi les inégalités sociales (van Deursen et van Dijk, 2013).
Un exemple qui illustre ce phénomène concerne la gouvernance électronique ou cybergouvernance, qui introduit de nouvelles pratiques de médiation numérique en littératie alors que de plus en plus de services, ressources et information migrent en ligne. Les usagers doivent composer avec des interfaces complexes, des protocoles liés aux mots de passe et des structures de navigation afin d’obtenir les services auxquels ils ont droit. Ils doivent surmonter chacune de ces barrières pour accéder à l’information telle que les critères d’admissibilité, les processus de demandes, les documents, les formulaires et les règlements.
Dans la même veine, le recrutement en ligne et les systèmes de filtrage des curriculum vitae automatisés requièrent l’apprentissage de nouvelles pratiques afin de transposer l’expérience en emploi dans un texte qui est discernable par le logiciel de filtrage. Les exigences en matière numérique, linguistique et sur le plan de la littératie sont complexes, exigeant des connaissances techniques quant à diverses plateformes pour téléverser les curriculum vitae, une compréhension approfondie de la langue et des solutions pour s’assurer que les candidats puissent franchir les filtres.
L’application Alerte COVID du gouvernement canadien, lancée en août 2020, ne pouvait être utilisée que sur les téléphones mobiles ayant moins de cinq ans parce qu’elle reposait sur la technologie Bluetooth dont les anciens téléphones n’étaient pas dotés. Comme le note Christopher Parsons, associé principal de recherche au Citizen Lab de la Munk School of Global Affairs and Public Policy, « les gens les plus touchés par (la pandémie) sont les Noirs, les Autochtones, les personnes de couleur, des gens qui font souvent partie de la tranche socioéconomique la plus faible. Qui sera incapable d’installer l’application? Ce même groupe […] voilà le problème » [traduction] (Wells, 2020).
Marit Stiles, chef du Nouveau parti démocratique de l’Ontario, soulignait que les enjeux n’ont jamais été aussi élevés pour les gens marginalisés qui seraient encore plus désavantagés en ne pouvant pas utiliser l’application : « Nous savons que les personnes âgées, les séniors, les néo-Canadiens, les personnes racisées sont les plus susceptibles de contracter ou d’être touchés par la COVID-19 […] ainsi, il est quelque peu problématique que l’application ne fonctionne que sur les nouveaux téléphones plus couteux et plus luxueux » [traduction] (Wells, 2020).
Lorsque l’Ontario a annulé les classes en personne pendant la pandémie, les adultes sans connexion Internet fiable et abordable et sans appareil à jour à la maison ont dû faire face à des obstacles à l’accès aux occasions éducatives, comme les programmes d’alphabétisation et de formation de base. Certains apprenants qui prenaient régulièrement part à ces programmes ont dû compter sur des manuels d’exercices envoyés par la poste et sur du soutien par téléphone. Certaines personnes ont abandonné en raison de leur manque d’accès alors que les programmes étaient suspendus. D’autres se sont tournés vers l’apprentissage en ligne à distance et ont dû apprendre comment utiliser un appareil numérique sans soutien formel ou informel. L’apprentissage en ligne à distance ne fut en aucun cas une transition fluide pour plusieurs individus, parce qu’ils n’étaient pas familiers avec les appareils, y compris ceux qui étaient prêtés par des conseils scolaires dotés de départements dédiés au soutien technique.
Il y a déjà un certain temps que nous sommes conscients de l’écart en matière de connectivité. En 2018, un rapport de l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet mettait en lumière certains obstacles, comme une absence d’infrastructure dans les régions rurales et éloignées, un manque d’accès et de littératie numérique dans les groupes marginalisés, une incompréhension de la sécurité et des risques pour les renseignements personnels et des obstacles au financement pour répondre à ces besoins. (Autorité canadienne pour les enregistrements Internet, 2018). Le rapport avançait plusieurs recommandations : donner priorité au premier kilomètre de la connectivité et encourager les collectivités à prendre les devants et à innover localement; financer la littératie numérique de base; intégrer une formation de base sur la cybersécurité et la protection des renseignements personnels aux occasions d’apprentissage préexistantes; élaborer un programme national d’abordabilité; passer en revue les modèles de financement; et trouver des façons d’uniformiser les pratiques exemplaires partout au pays.
Le gouvernement fédéral a financé plusieurs programmes qui offrent un Internet accessible à certains groupes de populations sélectionnés. Par exemple, l’Initiative Familles branchées gérée par Innovation, Sciences et Développement économique Canada offre aux familles à faible revenu de partout au pays un forfait Internet de 10 ou 20 $ et un ordinateur remis à neuf. En date de mars 2022, l’initiative comptait sur un budget de 13 M$ pour soutenir plus de 220 000 familles admissibles, et avait distribué 50 000 ordinateurs remis à neuf. Au départ, l’admissibilité était restreinte à ceux qui recevaient la prestation maximale de l’Allocation canadienne pour enfants. Cependant, cette disposition a depuis été élargie aux personnes ainées à faible revenu (Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 2022a).
Avant l’Initiative Familles branchées, Industrie Canada administrait le Programme d’accès communautaire, où l’on ouvrait des sites équipés d’ordinateurs et d’accès Internet, au départ dans les régions rurales, puis dans les collectivités urbaines au bénéfice des Autochtones, des francophones, des nouveaux arrivants, des personnes âgées et des personnes ayant des niveaux de scolarité ou de revenu peu élevés (Geist, 2012). Lancée en 1994, l’initiative a pris fin en 2012 parce qu’elle « avait fait son temps comme moyen de procurer l’Internet aux collectivités à travers le Canada » et « qu’elle cadrait moins avec les priorités » du gouvernement canadien (Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 2009). Cette justification n’était pas partagée par les usagers du programme, qui se sont battus pour maintenir l’accès aux sites, dont certains ont éventuellement été pris en charge par les bibliothèques et les organisations communautaires. Certaines provinces, comme la Nouvelle-Écosse, sont intervenues pour que les sites demeurent ouverts (@NS, s. d.).
Deux des entreprises majeures de télécommunications au Canada – Rogers et TELUS – offrent des programmes d’accès limité à certaines populations à faible revenu et à certains groupes de populations. Le programme de Rogers Branché sur le succès offre un service Internet de base à 10 $ par mois en Ontario, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador. Selon la province, les groupes admissibles incluent les locataires d’un logement à loyer indexé sur le revenu et les récipiendaires de divers types de prestations de soutien au revenu. Le programme de TELUS Connectés pour l’avenir offre un forfait de 10 ou 20 $ par mois aux résidents de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, y compris les familles à faible revenu, les jeunes qui ne sont plus admissibles aux programmes spéciaux des services sociaux et aux personnes handicapées. L’offre inclut également des téléphones usagés pour les jeunes émergeant de familles d’accueil et de la technologie sur mesure pour aider les personnes handicapées qui éprouvent des difficultés à utiliser régulièrement des téléphones intelligents et des tablettes.
Bien que ces initiatives représentent un pas dans la bonne direction, on n’en est pas à un accès universel et abordable. Par exemple, alors que le programme Familles branchées est d’envergure nationale, il exclut les familles sans enfants d’âge scolaire. De plus, les efforts nécessaires pour présenter une demande au programme ont été nettement sous-estimés. Ainsi, pour être admissibles à un service Internet abordable et de qualité, le programme de Rogers Branché sur le succès exige que les récipiendaires des prestations d’Ontario au travail et du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées soumettent un formulaire qui doit être téléchargé avant d’être rempli. Toute personne n’ayant pas d’adresse courriel ne peut vraisemblablement pas accéder au portail d’Ontario au travail. Et toute personne qui ne possède pas un téléphone pouvant recevoir des messages textes aux fins de validation de compte ne peut obtenir une adresse courriel. Ainsi, les demandeurs font face à une avalanche de barrières : pas de téléphone, pas d’adresse courriel, pas de demande, pas de forfait. Certains sont en mesure de trouver des solutions de rechange pour soumettre une demande de forfait de connexion subventionné. Par exemple, les familles sans enfants d’âge scolaire peuvent communiquer avec un enseignant ou un directeur d’école pour qu’ils fassent une demande de code d’accès en leur nom. Cependant, nous ne devrions pas accepter des processus aussi fastidieux à titre de solutions à la piètre conception des programmes; ils mettent plutôt en lumière la façon dont les politiques actuelles exacerbent les barrières et les iniquités existantes.
Bien que les initiatives qui offrent des connexions et du matériel Internet fiables et abordables sont peut-être nécessaires, elles ne suffisent pas à développer les compétences numériques approfondies associées à la navigation et à la compréhension de l’information multimédia. Plutôt que de participer pleinement à des espaces en ligne et d’accéder aux services et soutien auxquels ils ont droit, trop d’adultes estiment encore que leur expérience auprès de l’univers numérique est remplie de détours et d’écueils. Les premiers points de contact utiles – comme une bibliothécaire qui aide une personne âgée à utiliser un ordinateur public, un ami aidant à installer une application ou une travailleuse sociale créant un compte – sont une denrée rare et ne prodiguent pas toujours une expérience d’apprentissage. Les efforts aléatoires visant à solutionner des problèmes techniques, à trouver de l’information pertinente, à organiser des fichiers et des mots de passe et à déterminer des pratiques sûres et efficaces tendent à être de nature fragmentée, confuse et sont rapidement oubliés.
De plus, le fait de focaliser sur l’amélioration de l’accès à large bande implique une approche « fais-le toi-même ». L’apprentissage de la technologie est « téléchargé » aux individus, et le défi de combler la fracture numérique devient alors une responsabilité exclusivement individuelle. Pourtant, une vaste panoplie de facteurs influencent l’accès des gens à la technologie et à son utilisation, comme l’âge, le revenu, l’éducation, le lieu, le niveau de littératie, les exigences numériques et le soutien. Or, les efforts individuels ne peuvent en soi surmonter ces obstacles sans les ressources et les occasions offertes par l’apport d’instruction formelle et d’un système de soutien à la formation.
Le développement des compétences numériques a suscité beaucoup d’attention récemment. Plusieurs rapports ont tenté de définir et de classer les compétences numériques, tout en cartographiant les parcours d’apprentissage numérique et les fournisseurs, des initiatives locales aux projets à court terme en passant par les programmes postsecondaires (Autorité canadienne pour les enregistrements, 2021; Cukier et al., 2020; Huynh et Malli, 2018; Munro, 2019; Shortt et al., 2020). Ce qui n’est pas inclus dans ces rapports, ni même reconnu, est le rôle du système canadien d’éducation des adultes et de développement des compétences, qui propose une gamme d’occasions d’apprentissage numérique dans chaque province et territoire, auxquelles participent à chaque année des centaines de milliers d’apprenants (200 000 seulement en Ontario) (ministère de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle, 2017).
Le système actuel d’éducation des adultes et de développement des compétences est complexe, alliant un ensemble de sources et de fournisseurs de financement fédéraux et provinciaux, y compris des organismes sans but lucratif dans les communautés, les conseils et districts scolaires et les collèges[4]. Le financement gouvernemental soutient les programmes suivants, qui intègrent à diverses mesures l’apprentissage numérique :
La prestation de formation en littératie numérique dépend de l’infrastructure disponible et de l’accès à Internet, tant pour les formateurs que pour les apprenants. Par conséquent, plusieurs modes de prestation ont émergé. Citons les cours en personne, les petits groupes d’apprentissage, les sessions de tutorat avec un certain usage de la technologie, ou encore les programmes autonomes en ligne : il n’existe pas de formule unique (voir la figure 3). Nous avons choisi d’illustrer les modes de prestation sous forme de couches qui se chevauchent, et non pas sur un continuum comme c’est fréquemment le cas, afin de traduire la nature adaptable de l’apprentissage de la littératie numérique.
La prestation numérique peut être adaptable lorsque les apprenants participent à des programmes en personne, même lorsqu’ils utilisent la technologie en tant que composante planifiée et intégrée à leur curriculum dans les laboratoires informatiques et les classes. Si les apprenants ont une connexion fiable et des appareils à jour à la maison, la prestation peut s’élargir au-delà des confins d’un programme, leur permettant ainsi de poursuivre leur apprentissage à domicile, ce qui est idéal pour les adultes ayant de multiples engagements, y compris la responsabilité exclusive des soins à la famille et aux enfants ou les défis liés au transport. Pour les apprenants suivant des cours en ligne, certains programmes offrent du soutien en personne pour résoudre des problèmes, naviguer, organiser, composer et soumettre des travaux. Ce service est particulièrement utile à ceux et celles qui font leurs premiers pas dans l’apprentissage en ligne, comme les adultes plus âgés, en plus d’être attrayant pour les apprenants qui ont besoin d’un espace à l’extérieur de la maison pour focaliser et établir une routine, ce qui peut poser des défis dans un domicile achalandé. Une autre option consiste à n’offrir que les service en ligne, sans interaction en personne, où les apprenants adultes peuvent terminer tous les cours et où, dans plusieurs cas, ils se connectent directement en ligne avec les animateurs, formateurs et les autres étudiants.
L’une des forces des programmes d’éducation aux adultes est qu’ils sont très variés et qu’ils s’adaptent aux conditions infrastructurelles, compte tenu de l’importance d’une prestation souple pour les adultes exclus de l’univers numérique. Cependant, la migration vers l’apprentissage en ligne peut être difficile, ce qui rappelle la très grande pertinence des solutions de basse technologie et du soutien à l’apprentissage personnalisé, particulièrement chez les apprenants à faible revenu qui n’ont pas les compétences suffisantes pour ce qui a trait à la langue et à la littératie. Qui plus est, le fait de ne pas avoir de connexion Internet et d’appareils adéquats à la maison, dilue encore plus les avantages des programmes d’apprentissage numérique pour les adultes, rendant plus difficile la participation à de la formation mixte ou en ligne, comme ce fut le cas lors de la pandémie, en plus de limiter les nouvelles connaissances que les apprenants peuvent transposer à leur vie quotidienne.
Tout en tenant compte des modes de prestation, les formateurs et les coordonnateurs de programmes doivent prendre des décisions concernant le curriculum et les approches pédagogiques. La pédagogie associée à l’apprentissage numérique pourrait être coordonnée avec le mode et le contenu prescrits, particulièrement pour les cours en ligne qui mènent à des qualifications comme un crédit de niveau secondaire, un cours relais collégial ou une certification en milieu de travail. De manière alternative, elle pourrait être coordonnée avec les intérêts et les buts de chaque apprenant. La meilleure approche est fréquemment l’alliage de contenu prescrit, adapté et créé sur mesure.
Dans les scénarios mixtes ou hybrides, devenus très populaires depuis la pandémie, les éducateurs et formateurs assemblent, élaborent et modifient le contenu en vue de son utilisation en ligne et en personne. Ils cultivent les relations enseignement-apprentissage, déploient diverses stratégies d’apprentissage et adaptent le contenu afin d’assurer une prestation en personne et en ligne. Selon le fournisseur, la plus large part de ce travail peut être réalisé sans le soutien d’un département informatique ou d’un centre de formation.
Les éducateurs complètent fréquemment le contenu existant en y ajoutant l’apprentissage numérique pour la prestation en personne, à l’aide de diverses ressources en ligne et de sites sur la technologie éducative. Il n’existe pas de solution toute faite relativement au travail auprès des adultes qui ont différents antécédents académiques, objectifs ou intérêts, et qui possèdent divers niveaux d’expertise en matière de technologie, de langue et de littératie. Les éducateurs conçoivent fréquemment leur matériel d’apprentissage numérique en vue de satisfaire à des besoins précis concernant la langue et la littératie des collectivités avec lesquelles ils travaillent. Ce matériel se concentre typiquement sur les fonctions numériques et les bases de l’informatique, la cybersécurité, les comportements responsables et l’évaluation critique de l’information.
Le système d’éducation des adultes propose des avantages uniques quant au développement de la littératie numérique. Il est présent dans les communautés partout au Canada, et il reconnait les limites de l’apprentissage uniforme dans le contexte de conditions socioéconomiques disparates. Pourtant, l’éducation aux adultes tarde à atteindre son plein potentiel. Certaines recherches antérieures, comme celle de Walker (2022), abordent les principales barrières auxquelles est confrontée l’éducation des adultes, y compris la marginalisation et l’absence de reconnaissance à l’égard des apprenants et des éducateurs, et le manque de coordination et de collaboration entre les fournisseurs à travers le Canada. Nous mettrons maintenant en lumière certains autres obstacles que doivent surmonter les programmes d’éducation des adultes dans le domaine de l’apprentissage numérique.
Les mécanismes de financement et de prestation visant les programmes de formation et de développement des compétences pour adultes ont tendance à prendre la forme d’une mosaïque de bailleurs de fonds et de fournisseurs, chacun ayant son propre financement, ses propres exigences en matière de reddition de comptes et de production de rapports, ce qui mène à des redondances administratives. Les programmes d’éducation des adultes reçoivent du financement des gouvernements provinciaux et fédéral, où plusieurs ministères provinciaux sont fréquemment actifs. Le gouvernement fédéral peut réserver du financement de projets visant spécifiquement les initiatives d’apprentissage numérique et de formation en employabilité qui impliquent le développement de la littératie numérique.
La navigation dans ce panorama crée un fardeau supplémentaire alors que les programmes doivent transférer les ressources de l’enseignement et de l’apprentissage pour les diriger vers les demandes de financement, les rapports exigés et les processus d’évaluation prescrits. Les programmes d’apprentissage numérique rehaussent également la pression exercée sur les ressources déjà surchargées par des demandes supplémentaires associées à la collecte de données, à l’évaluation et à la reddition de comptes. Un seul grand fournisseur travaillant auprès d’apprenants adultes peut devoir négocier avec quatre ou cinq systèmes distincts pour réaliser le suivi des apprenants et satisfaire aux diverses exigences liées à la collecte de données, aux tests et aux demandes de production de rapports, en plus des processus d’audits financiers qu’exigent chacun des bailleurs de fonds et fournisseurs. Un apprenant passant d’un programme à l’autre pourrait être suivi dans plus d’un système. Tout ce suivi pille les maigres ressources et les éloigne des priorités de l’enseignement et du soutien aux apprenants. Dans un récent sondage auprès des fournisseurs d’éducation aux adultes en Ontario, 328 répondants indiquaient qu’ils passaient plus de la moitié de leur temps à satisfaire aux exigences de reddition de comptes plutôt que sur l’enseignement jusqu’au niveau secondaire (Teeny Big, 2024)[5].
La fragmentation des sources de financement mène également à des programmes cloisonnés et à un éventail de services et de programmes parmi lesquels les apprenants peuvent éprouver des difficultés à naviguer. La dimension de l’apprentissage numérique ajoute un autre facteur de complexité lorsque les apprenants éventuels tentent de trouver et d’accéder à des cours qui répondent le plus adéquatement à leurs besoins. L’apprentissage numérique peut être intégré à un programme existant ou encore être offert en tant que cours ou atelier autonome. Pire encore, les bibliothèques et les agences communautaires qui offrent des programmes numériques fonctionnent séparément des autres fournisseurs d’éducation aux adultes. Il est fréquent que ces services ne soient pas familiers avec ceux des autres, même s’ils sont souvent susceptibles de servir le même bassin d’apprenants.
Quand il s’agit d’offrir de la formation en compétences numériques, l’un des défis les plus frustrants auxquels font face les programmes d’éducation aux adultes est associé à l’accès à des ordinateurs à jour, connectés à Internet et équipés de caméras, de microphones et de logiciels convenables. La disponibilité de ce matériel, ou son absence, joue un rôle crucial quant à la qualité de l’éducation en littératie numérique. Pourtant, le financement actuel des programmes d’éducation aux adultes ne couvre pas l’acquisition et l’entretien de matériel et de logiciels couteux.
Bien que le financement de divers aspects de l’éducation aux adultes soit disponible année après année, il ne s’agit pas de financement de base et les exigences qui y sont associées peuvent générer de la frustration et laisser perplexe. Par exemple en Ontario, les programmes de littératie doivent faire une demande de financement à chaque année. Ils doivent à chaque fois argumenter en faveur de financement continu et se soumettre à des exigences onéreuses en matière de production de rapports, et ce, en dépit du fait que leurs opérations n’ont pratiquement pas changé et qu’il n’y a aucune chance que l’allocation des fonds soit modifiée. Par conséquent, les programmes ne peuvent accumuler de surplus pour soutenir des initiatives à long terme comme la planification technologique, les contrats des éducateurs sont et demeurent à court terme et le système reste marginalisé.
La dernière augmentation du financement opérationnel destiné aux programmes de développement des compétences de base en Ontario était assortie de l’exigence d’accroître les inscriptions, ce qui a augmenté les couts de fonctionnement, particulièrement pour ce qui a trait au personnel. En réaction à ce scénario, les programmes tronquent fréquemment leurs offres afin de couvrir le manque à gagner. L’apprentissage numérique est souvent victime de cette incertitude financière alors que les priorités qui s’entrechoquent diminuent son importance. Ainsi, les programmes se voient incapables de s’engager à concevoir des plans à long terme en vue de l’achat de nouveau matériel, tout en éprouvant des difficultés à couvrir les dépenses courantes comme les licences de logiciels et le support informatique. À l’occasion, un programme d’éducation aux adultes bénéficie d’un financement spécial ciblé pour l’achat de nouveau matériel, mais ces fonds ne peuvent être affectés à la planification, à la coordination ou à l’entretien à long terme.
Le financement ciblé pour l’apprentissage numérique existe bel et bien. Toutefois, il tend à être fixé sur le court terme en plus d’être fondé sur les projets. Une récente initiative fédérale, le Programme d’échange en matière de littératie numérique (PELN), illustre parfaitement le problème du financement à court terme, fondé sur les projets. Le PELN, supervisé par Innovation, Sciences et Développement économique Canada, a été lancé en 2017 et assorti de deux rondes de financement, totalisant approximativement 42 M$. Il vise à « soutenir des initiatives de formation sur les compétences numériques à l’intention des Canadiennes et des Canadiens qui, en raison d’une multitude d’obstacles, ne peuvent participer à l’économie numérique ». En d’autres mots, les mêmes adultes qui participent à des programmes d’éducation aux adultes provinciaux (Innovation, Sciences et Développement économique, 2023).
Les projets financés peuvent être locaux et d’assez petite envergure, un modèle efficace pour les programmes d’éducation aux adultes qui fonctionnent de manière isolée. La somme la moins élevée demandée à ce jour est de 6 000 $ (Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 2022b). Cependant, seuls les organismes à but non lucratif peuvent faire une demande. À première vue, il semble judicieux que le gouvernement fédéral ne complémente pas le financement des conseils scolaires et des collèges. Mais dans l’univers de l’éducation aux adultes et la fluidité de ses frontières fédérale-provinciales, un programme d’apprentissage de la langue financé provincialement ou par le fédéral et offert par un organisme sans but lucratif serait admissible au financement, alors que le même programme géré par un collège ou un conseil scolaire ne le serait pas.
Le problème du financement fondé sur les projets consiste à ce qu’il soit axé sur le court terme et qu’il focalise sur des résultats immédiats, comme le nombre de participants et les taux d’achèvement. Plusieurs projets PELN ont utilisé les fonds pour développer de nouveaux programmes, embaucher du personnel et joindre de nouveaux participants. Mais que se passe-t-il lorsque le financement prend fin? Les projets seront probablement incapables de poursuivre leurs activités, à moins que du financement supplémentaire ne soit obtenu pour les soutenir. Quelques projets PELN ont adopté une approche plus durable : une stratégie de formation des formateurs qui repose sur la capacité des formateurs (les bibliothécaires, dans l’exemple que nous avons décelé) à élaborer des ressources et à offrir des ateliers. Lorsque le financement prend fin, le personnel de la bibliothèque formé peut continuer d’offrir les ateliers à l’aide des ressources nouvellement conçues qui sont adaptées à leur clientèle.
Par ailleurs, les Compétences pour réussir (Emploi et Développement social Canada), est une autre source de financement qui a vu la fin d’un cycle de trois ans d’augmentation considérable du financement prendre fin récemment. Le financement annuel a quadruplé pour les grands projets de démonstration et projets pilotes et le développement de ce qu’on appelle le modèle des Compétences pour réussir, un curriculum d’enseignement pour les adultes que l’on estime « sous-représentés » sur le marché du travail. Cependant, les fonds étaient axés sur l’innovation et les nouveaux projets, plutôt que sur le soutien ou sur l’enrichissement des programmes existants. Le financement était aussi disponible pour la conception de curriculums fondés sur le modèle des Compétences pour réussir, prônant une approche distincte des curriculums d’éducation aux adultes actuellement utilisés. Aucun de ces objectifs ne soutenaient les programmes existants.
Les fournisseurs d’éducation aux adultes provenant des conseils scolaires et des collèges comptent habituellement sur du personnel à temps partiel, travaillant en vertu de contrats annuels. Certains éducateurs se tournent vers l’assurance-emploi pour combler l’écart de revenus entre les contrats, de la même manière que le font les travailleurs saisonniers. Les organismes sans but lucratif dépendent de bénévoles et plusieurs font des levées de fonds pour bonifier le financement gouvernemental. Dans l’ensemble des fournisseurs de littératie pour adultes, près de la moitié des employés rémunérés travaillent à temps partiel ou à contrat avec peu, voire aucun, avantage (Canadian Literacy and Learning Network, 2013). Sans représentation syndicale intégrale et la voix collective des adhérents, les conditions de travail sont précaires.
Contrairement à d’autres programmes éducatifs, comme les cours de langue ou ceux qui visent l’obtention de crédits au secondaire, le secteur de la littératie pour adultes n’exige pas de qualifications professionnelles précises. Pourtant, malgré l’absence de qualifications d’entrée et la prédominance du travail précaire, les éducateurs en littératie ont généralement un niveau d’instruction élevé et plusieurs possèdent d’autres types de qualifications associées à l’enseignement (Canadian Literacy and Learning Network, 2013).
L’accès au perfectionnement professionnel en emploi pose des défis et présente une répartition inégale, ce qui crée une embuche supplémentaire aux éducateurs, compte tenu de l’évolution rapide de la technologie et des connaissances techniques qu’exigent l’enseignement et la résolution de problèmes liés à diverses applications. Cet aspect est singulièrement pertinent, puisque les éducateurs dédiés à l’apprentissage numérique sont rares, la plus grande part de l’instruction numérique étant laissée aux mains des formateurs responsables de la formation axée sur la langue, la littératie et l’employabilité. Les éducateurs des adultes, les bibliothécaires et les travailleurs communautaires sont devenus le principal point d’appui pour les apprenants éprouvant des problèmes entourant la technologie, alors que les individus prennent de plus en plus de responsabilités quant à l’accès aux services et avantages. Pourtant, ces éducateurs doivent accomplir la majorité de ce travail pendant leurs temps libres et à l’extérieur de leurs fonctions habituelles, impliquant que ces efforts sont absents des rapports officiels.
Ceux qui travaillent dans le secteur de la formation en langue seconde financé par le fédéral, tel les Cours de langue pour immigrants au Canada (CLIC), soutenu par IRCC, profitent d’occasions de perfectionnement professionnel plus complètes et constantes, y compris en apprentissage numérique. En revanche, les éducateurs des autres secteurs font face à des défis plus manifestes lorsqu’il s’agit d’accéder à des occasions de perfectionnement professionnel, selon la province et le territoire où ils travaillent. Alors que les éducateurs en langue auprès des adultes peuvent compter sur des compétences reconnues à l’échelle nationale et sont en mesure d’adhérer à des associations professionnelles et à des entités de formation professionnelle, ceux qui travaillent dans la formation aux adultes associée à la littératie, à l’employabilité et à des programmes où les adultes veulent obtenir leur équivalence d’études secondaires doivent se débrouiller sans ce soutien.
En plus du financement à court terme et par projets, le programme Compétences pour réussir a élaboré un système d’enseignement pour les apprenants et un vaste système de compétences pour les éducateurs. Toutefois, ce modèle est centré sur un test de compétences international pour adultes, plutôt que sur des curriculums provinciaux ou territoriaux ou des cadres pédagogiques reposant sur une gamme d’indicateurs d’apprentissage s’appuyant sur la recherche. Ce modèle n’a pas été analysé en vue de déterminer si l’approche pédagogique est plus efficace que d’autres méthodes. Il ne mène pas à la reconnaissance de titres de compétences reconnus et il n’est pas aligné avec d’autres cadres d’apprentissage et d’évaluation actuellement utilisés au sein du système d’éducation des adultes. Bien que les compétences numériques fassent partie des neuf compétences ciblées dans ce modèle, elles sont traitées comme un sujet distinct. Les mécanismes d’orientation de l’enseignement comportent le désavantage de ne pas intégrer l’apprentissage numérique aux autres compétences, au contexte linguistique, aux programmes de littératie et de formation à l’emploi, ou encore aux réalités que vivent les apprenants adultes. Les éducateurs d’adultes font référence aux cadres qu’exigent d’autres bailleurs de fonds plutôt qu’à celui des Compétences pour réussir. Sans bien-fondé ou justification clairement établis étayant le recours aux Compétences pour réussir, le programme risque de devenir un autre lourd mécanisme d’obligations redditionnelles imposé aux programmes provinciaux et territoriaux qui reçoivent des transferts fédéraux axés sur le marché du travail et sur le développement des compétences. Il est préoccupant que cela enlève encore plus de temps à l’enseignement et à l’apprentissage centrés sur les objectifs, tout en érigeant de nouveaux obstacles pour les apprenants.
Dans un contexte où l’allocation de fonds ne suit pas la mesure des augmentations aux couts opérationnels, le perfectionnement professionnel est fréquemment considéré comme un luxe que l’on peut aisément escamoter. Le temps rémunéré ou libéré pour le perfectionnement professionnel constitue un autre défi dans un milieu déjà surchargé par les tâches administratives. Dans la plupart des cas, on s’attend à ce que les éducateurs profitent de perfectionnement professionnel dans leurs temps libres.
Le Certificat canadien d’éducation des adultes (CCÉA), un test en ligne d’équivalence au niveau secondaire, qui a récemment remplacé le test très largement reconnu du certificat
d’équivalence d’études secondaires (GED), illustre plusieurs des défis que nous avons cernés[6]. La migration vers un test en ligne, à laquelle s’ajoute l’accent placé sur la lecture et l’écriture dans les environnements numériques, posent des défis d’accès et d’apprentissage avec lesquels les programmes d’éducation aux adultes sont parfaitement en mesure de composer. Cependant, il n’existe pas de financement dédié ou de collaboration nationale quant au curriculum, aux échanges de connaissances pédagogiques et au perfectionnement professionnel.
Pour être vraiment efficaces, les politiques publiques visant à combler la fracture numérique doivent placer en priorité les occasions d’apprentissage numérique formelles. Qui plus est, nous devons considérer l’apprentissage numérique comme faisant partie de l’ensemble du système d’éducation des adultes. Quand il sera inextricablement intégré aux divers programmes et curriculums, l’apprentissage numérique tirera grandement profit d’autres mesures visant à soutenir et à faire la promotion de l’éducation aux adultes, comme son intégration aux systèmes traditionnels, la professionnalisation des éducateurs d’adultes, l’autonomisation du leadership autochtone, l’avancée vers une coordination nationale et l’emploi de mesures reconnues en matière de progrès (Walker, 2022).
Pour l’instant toutefois, comme nous l’avons vu dans la section précédente, l’apprentissage numérique ne fait qu’ajouter un facteur de complexité que les responsables de politiques doivent considérer. Pour traiter de ces barrières et soutenir les fournisseurs de services, nous proposons ce qui suit :
Les programmes sous contrôle provincial ont besoin de financement de base pour stabiliser leurs opérations, planifier à long terme et diminuer les redondances. Actuellement, plusieurs programmes doivent refaire une demande de financement opérationnel à chaque année. Le financement de base, assujetti à des mesures adéquates en matière de reddition de comptes, éliminerait les inefficacités administratives. Cela encouragerait également les programmes à élaborer des plans à long terme, à reporter les excédents et à constituer des réserves qui pourraient être affectées à des investissements majeurs et productifs. Nous avons dégagé trois domaines principaux qui exigent un financement durable :
Les alternatives de financement visant les programmes d’éducation aux adultes doivent prendre des dispositions pour l’acquisition de matériel informatique à jour, comme des ordinateurs et des périphériques, en plus des logiciels. Contrairement au financement spécial dont il a été question précédemment, le financement doit être prévisible année après année afin de permettre la planification à long terme, particulièrement chez les fournisseurs communautaires sans but lucratif qui ne comptent sur aucun département informatique. Dans un contexte de financement moins compétitif et plus collaboratif, les ressources internes des conseils scolaires et des collèges communautaires pourraient soutenir les fournisseurs communautaires, créant ainsi de multiples parcours au sein desquels les apprenants pourraient naviguer plus aisément.
Actuellement, les fournisseurs d’éducation aux adultes comptent sur divers niveaux de support informatique et d’accès aux tarifs de groupe pour les licences logicielles et les abonnements aux technologies éducatives. À l’une des extrémités du spectre se trouvent par exemple les collèges, qui offrent aux programmes d’éducation aux adultes un accès généreux à leurs installations informatiques existantes, aux accords institutionnels entourant les couts et même à de l’apprentissage professionnel. À l’autre extrémité de ce spectre, de petits organismes sans but lucratif de la communauté, avec un personnel de deux ou trois individus, doivent négocier et budgéter leur propre support informatique. Ils ne sont pas en mesure de mettre leurs besoins en commun afin d’accéder à des tarifs plus concurrentiels, et ils doivent habituellement subir les inefficacités et les autres inconvénients de travailler de manière isolée.
Le financement des couts associés à la technologie doit couvrir les dépenses récurrentes que génèrent le matériel informatique et les logiciels, le support informatique et les frais d’abonnement et de licences. Sans ces items, les investissements uniques deviennent pratiquement inutiles. Pourtant, il est fréquent que les couts récurrents ne soient pas couverts par du financement spécial ou inclus dans les dépenses opérationnelles existantes. Tel que discuté précédemment, le financement de base est difficile à obtenir, particulièrement lorsque les frais d’entretien de la technologie viennent gonfler les dépenses opérationnelles. Un mécanisme financé par le fédéral pourrait faciliter ce processus à court et à long terme, en encouragent les fournisseurs d’éducation aux adultes des provinces à travailler ensemble, même lorsqu’ils rivalisent pour joindre les clients subventionnés. Nous suggérons un engagement de la part du fédéral, puisqu’actuellement, les provinces n’offrent pas ce genre de mécanisme. Ce type de modèle encouragerait les programmes communautaires sans but lucratif à mettre en commun leurs fonds et à allier leurs ressources, leur permettant de devenir plus concurrentiels et résilients. Le financement pourrait être attribué à des programmes de soutien provinciaux existants comme le Community Adult Learning Program (CALP) en Alberta, Decoda en Colombie-Britannique ou encore à des organismes dédiés au soutien numérique comme ceux qui existent en Ontario.
La création de contenu numérique interactif, stimulant et visuel est onéreuse et hors de portée pour la plupart des programmes pour adultes axés sur la littératie et l’éducation au secondaire. Le financement par projets peut avoir d’importantes incidences à long terme en soutenant l’élaboration de tels contenus.
Les avantages du financement par projets pourraient être nettement supérieurs si ce matériel d’apprentissage se rendait jusqu’à l’ensemble du domaine de l’éducation aux adultes. Partagé avec d’autres fournisseurs de littératie numérique, ce contenu aiderait à la fois les éducateurs et les apprenants adultes. Le matériel d’apprentissage numérique pourrait être disséminé par le truchement d’une plateforme pancanadienne unifiée ou d’un répertoire qui devrait être créé et géré à l’échelle fédérale. Hayes (2024) prône en faveur du rétablissement de la base de données canadienne sur la littératie, Copian (autrefois la Base de données en alphabétisation des adultes), ou une initiative semblable, soulignant le rehaussement de l’efficience et de l’efficacité qui pourrait être atteint par la voie d’une supervision fédérale. La centralisation de ces efforts pourrait simplifier l’accès aux ressources éducatives et leur utilisation à travers le pays[7].
Cette recommandation est étayée par la récente évaluation du PELN, qui proposait que la Direction générale d’Un Canada branché d’ISDE « devrait envisager de diffuser certaines des ressources en littératie numérique créées dans le cadre du PELN afin de permettre aux partenaires d’en tirer parti » (Innovation, Sciences et Développement économique, 2022b). Nous sommes d’avis qu’une telle plateforme en ligne devrait mettre à libre disposition ce matériel auprès d’un auditoire plus vaste d’éducateurs et de formateurs[8].
Le site des Compétences pour réussir présente des renseignements sur les projets financés par le fédéral, y compris ceux qui comprennent les compétences numériques. Cependant, le site Web n’inclut pas de matériel comme les curriculums qui ont été élaborés dans le cadre de ces projets. On y trouve un répertoire de matériel de formation et d’évaluation conçu en vertu du financement de Compétences pour réussir[9]. Par contre, ces renseignements sont strictement limités au matériel qui repose sur le modèle des Compétences pour réussir et n’inclut pas le matériel des autres programmes financés par les deniers publics. Certains items ne comprennent que des informations générales (par exemple Computer Comfort, en anglais seulement), exigent des frais de licences et n’abordent pas la nécessité d’un répertoire national[10].
Compte tenu de leur rôle essentiel pour l’apprentissage numérique, les éducateurs d’adultes doivent posséder les connaissances, les compétences et les ressources leur permettant de concevoir et de livrer de la formation en littératie numérique qui soit pertinente, stimulante et inclusive. L’évolution rapide des technologies numériques exige un perfectionnement professionnel continu pour les éducateurs auprès des adultes afin qu’ils soient en mesure de mettre à niveau leurs compétences numériques, de réfléchir à leurs pratiques, de collaborer avec d’autres professionnels du domaine et de livrer de la formation en littératie numérique qui réponde à la diversité des besoins et des objectifs de leur clientèle apprenante. Nous recommandons la création d’un programme de qualification et de perfectionnement professionnels, assorti d’options de spécialisation, notamment en littératie numérique. Les programmes CLIC existants proposent un modèle fonctionnel permettant de reconnaitre, d’accréditer et d’investir dans la professionnalisation des éducateurs auprès des adultes.
Un autre moyen robuste d’offrir aux éducateurs de précieuses occasions de s’améliorer de façon continue consiste à créer une « communauté de pratique ». Ce mécanisme d’apprentissage entre pairs favorise l’échange de connaissances et la collaboration en partageant les ressources, les pratiques exemplaires et la recherche.
L’évaluation du PELN évoquée précédemment, mentionne que « ISDE devrait également essayer de mettre en relation les bénéficiaires du financement du PELN, afin d’échanger les pratiques prometteuses et les enseignements » (Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 2022b). En réponse à cette recommandation, la direction du Secteur du spectre et des télécommunications d’ISDE soulignait que la Direction générale d’Un Canada branché « envisagera divers moyens pour permettre aux bénéficiaires du financement de collaborer et de partager les pratiques exemplaires et les ressources du programme, notamment par l’établissement d’une communauté d’expertise en leur sein, qui permettra le développement et la discussion continus entre les bénéficiaires, et leur permettra d’établir conjointement des pratiques exemplaires et de les mettre en commun » (Innovation, Sciences et Développement économique Canada, 2022b). Nous estimons que ce mécanisme de partage devait être élargi à tous les fournisseurs de services.
Notre expérience sur les scènes provinciale, nationale et internationale nous ont exposés à des programmes qui soutiennent l’enseignement et l’apprentissage numériques et qui pourraient servir de modèles pour une telle plateforme de partage. En Ontario par exemple, AlphaPlus[11] offre des ressources et de la formation liées à la technologie numérique aux fournisseurs de services locaux afin de rehausser la capacité d’accès équitable à l’apprentissage de la littératie. Le programme fédéral CLIC offre de la formation destinée aux enseignants en vue de cours mixtes ou en ligne par le truchement d’un système de gestion de l’apprentissage offrant du contenu relatif à la formation canadienne en langue seconde (Avenue.ca.) et un répertoire destiné au partage de curriculums et de ressources de formation (Tutela.ca)[12].
Un rapport de 2022 produit par le Ryerson Leadership Lab, le Brookfield Institute for Innovation and Entrepreneurship, le First Nations Technology Council et SFU Public Square appelle à la mise sur pied d’un réseau intersectoriel rassemblant des organisations publiques, privées et communautaires visant notamment à coordonner les initiatives axées sur le rehaussement de la littératie numérique et à fournir l’accès à des appareils et logiciels aux collectivités et individus vulnérables et mal desservis (Abdelaal et Andrey, 2022).
Nous soutenons entièrement cette recommandation et nous estimons que les programmes du système de formation des adultes et de développement des compétences pourraient jouer un rôle clé au sein d’un tel réseau, compte tenu de l’expertise professionnelle des fournisseurs de programmes et de leurs liens avec les apprenants de diverses communautés.
Situés dans les régions rurales, éloignées et urbaines de partout au pays, les programmes d’éducation des adultes peuvent agir à titre de carrefours d’apprentissage. Ils sont déjà plusieurs à entretenir des liens avec les services sociaux, les agences d’emploi, en plus de partenariats avec les bibliothèques, qui ont commencé à examiner leurs rôles postpandémie, y compris le besoin de nouveaux et différents partenariats avec les groupes communautaires et les fournisseurs en éducation (Rosales, 2021).
À l’aide d’un modèle de partenariat qui favorise la collaboration, les programmes pourraient jeter des ponts entre les bibliothèques, les cours de langue chez les adultes, la littératie, les centres de formation axés sur les études secondaires et les agences communautaires. Un mécanisme qu’il est possible d’envisager serait un modèle de navigateur numérique qui emploie « des guides fiables qui soutiennent les membres de la communauté dans l’adoption d’Internet et l’utilisation de dispositifs informatiques » [traduction] (National Digital Inclusion Alliance, s. d.). Ces guides offrent du soutien personnalisé en réponse à des besoins précis, impliquant fréquemment l’accès aux services, le fait de remplir des formulaires institutionnels et les exigences en matière de conformité — allant de la signature, à la numérisation et au renvoi d’un formulaire d’autorisation pour une sortie scolaire, à remplir un formulaire de vérification des antécédents judiciaires pour les bénévoles, en passant par remplir un formulaire en vue d’accéder à des avantages (National Digital Inclusion Alliance, s. d.). Les bibliothécaires et les travailleurs sociaux formés pourraient détecter des défis supplémentaires sur le plan de la langue et de la littératie et aiguiller les individus vers les programmes locaux d’éducation aux adultes. Ce type de soutien sur demande établit non seulement un pont entre l’apprentissage formel et informel, mais il guide et structure l’apprentissage informel, contribuant ainsi à l’intégration des adultes à l’univers de la technologie moderne.
Si nous devons combler la fracture numérique qui clive actuellement notre société, nous devons reconnaitre et traiter trois enjeux cruciaux :
Une stratégie exhaustive en matière d’apprentissage numérique et de participation en ligne doit mettre en valeur et soutenir les programmes d’éducation des adultes provinciaux et territoriaux. Leur exclusion des débats constitue une occasion manquée de mettre en application leur approche holistique à l’apprentissage numérique et à l’inclusion.
Les agences financées par les fonds publics, les organisations communautaires et les bibliothèques où les adultes peuvent solliciter de l’aide entourant le numérique n’ont pas nécessairement le mandat d’enseigner. Bien qu’elles puissent offrir quelques occasions d’apprentissage numérique, elles comptent habituellement sur du financement de projets à court terme. Les centres de formation aux adultes de chaque province et territoire ont le mandat d’enseigner, mais la plupart sont dotés de budgets annuels stagnants. Ces lacunes restreignent l’éventualité d’une vaste impulsion coordonnée visant à élargir l’inclusion numérique.
Actuellement, le financement fédéral visant l’apprentissage numérique pour les adultes marginalisés au Canada est ponctuel, à court terme et limité. Sans financement de base direct et durable, il existe peu d’incitation à développer une formation plus efficace, axée sur l’apprentissage de nouveaux langages numériques, sur les pratiques en littératie et en numératie, et sur la mise en application de ces réalisations dans le cadre de projets qui ouvrent de nouveaux horizons d’apprentissage, d’emploi et d’initiatives communautaires. Qu’il soit administré à l’échelle nationale ou provinciale, le financement de projets à court terme peut perpétuer l’exclusion numérique et les sérieux désavantages qui en découlent. Citons notamment : les innovations dans le domaine des modes de prestation et des pédagogies qui ne peuvent être maintenues; le contenu élaboré antérieurement qui n’est pas partagé; la prépondérance de l’approche « fais-le toi-même » axée sur les bases informatiques; et les lacunes de coordination au sein des systèmes provinciaux de formation aux adultes et de développement des compétences.
Diverses mesures visant à intégrer les programmes d’éducation des adultes au paysage éducatif traditionnel pourraient devenir une marée montante qui soulève tous les bateaux. Mais, certains vaisseaux sont susceptibles d’avoir besoin d’une impulsion supplémentaire. Nous proposons deux mesures qui contribueraient à ce que les programmes d’éducation aux adultes surmontent les complexités créées par l’ajout de l’apprentissage numérique à leurs offres. Emploi et Développement social Canada devrait travailler de concert avec les provinces et territoires pour :
Nous vivons un moment charnière. Pendant la pandémie, nous avons vu la fracture numérique telle qu’elle est : un enjeu complexe qui ne peut être résolu en multipliant les solutions technologiques sans tenir compte des inégalités sociales sous-jacentes liées à l’accès numérique, et sans considérer leurs incidences néfastes sur toutes les facettes de nos vies. Pour combler la fracture numérique, nous devons adopter une approche exhaustive, coordonnée et durable afin de tenir la cadence face au rythme effréné des changements technologiques.
[1] Le système inclut les compétences de base et la littératie jusqu’au niveau secondaire, l’enseignement de l’anglais ou du français langue seconde, la formation professionnelle et en employabilité ainsi que l’apprentissage en milieu de travail, y compris le préapprentissage (Conseil des ministres de l’Éducation du Canada, 2012).
[2] La capacité de trouver et d’utiliser l’information à l’aide d’un ordinateur et de réseaux informatiques ne représente qu’une fraction de ce qu’implique le fait d’être compétent en matière de technologie moderne, ce qui inclut la capacité à installer, configurer et résoudre des problèmes en ce qui concerne le matériel et les logiciels, même au niveau le plus élémentaire, en plus de la capacité de les utiliser. Néanmoins, le score au test du PIACC est la mesure la plus fréquemment employée quant aux compétences numériques, et ce, tant d’un pays à l’autre que dans le temps.
[3] Le prochain cycle de la collecte de données dans le cadre du PIAAC a débuté en 2022, puis a été repoussé en raison de la pandémie COVID-19. De nouvelles données PIAAC seront publiées à l’automne 2024 (Statistique Canada, 2020).
[4] Pour une analyse approfondie d’un système d’éducation des adultes provincial, voir Silver (2022).
[5] Disponible sur demande auprès d’AlphaPlus.
[6] Pour plus d’information sur le Certificat canadien d’éducation des adultes, voir https://www.alberta.ca/fr/canadian-adult-education-credential.
[7] Copian est géré par Co-Savoir, auparavant le CDÉACF, depuis 2015. https://cdeacf.ca/copian.
[8] Bien que le matériel pédagogique développé par les projets financés par le PELN puisse être trouvé en consultant les sites Web des bénéficiaires du financement, nous n’avons identifié que deux bénéficiaires qui les mettaient à disposition sans frais ni compte.
[9] https://sfs-tools.ca/digital-resource-library/.
[10] https://www.canada.ca/fr/services/emplois/formation/initiatives/competence-reussir/outils.html
[11] AlphaPlus: alphaplus.ca.
[12] Avenue: avenue.ca, LearnIT2teach: learnit2teach.ca, Tutela: tutela.ca.
@NS. (n.d.). About @NS. https://www.communitytechns.ca/about
Abdelaal, N., & Andrey, A. (2022). Overcoming digital divides: What we heard and recommendations. Toronto Metropolitan University.
https://dais.ca/reports/overcoming-digital-divides/
Canadian Internet Registration Authority. (2018). The gap between us: Perspectives on building a better online Canada. https://www.cira.ca/en/resources/documents/state-of-internet/gap-between-us-perspectives-building-a-better-online-canada/
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Ce Repère IRPP fait partie du programme de recherche Renforcer la main d’œuvre du Canada, dirigé par Natalia Mishagina. La correction d’épreuves a été effectuée par Étienne Tremblay, la production par Chantal Létourneau et la direction artistique par Anne Tremblay.
Ce document a été traduit de l’anglais grâce au Fonds de traduction de la Coalition ontarienne de formation des adultes (COFA) qui reçoit un financement du ministère du Travail, de l’Immigration, de la Formation et du Développement des compétences. Il est aussi disponible sous le titre original : Adult Education: The Missing Piece to Bridging the Digital Divide.
Matthias Sturm est chercheur et évaluateur en matière d’éducation des adultes. Ses recherches sont axées sur les digitalités émergeantes et les approches équitables dans la convergence des espaces numériques.
Christine Pinsent-Johnson est spécialiste des politiques et de la recherche chez AlphaPlus. Elle compte plus de trois décennies d’expérience dans le secteur de l’apprentissage des adultes.
Pour citer ce document :
Sturm, M. et Pinsent-Johnson, C., 2024. L’éducation des adultes : Le chainon manquant pour combler la fracture numérique. Repère IRPP no 58, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques.
Les opinions exprimées dans ce document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’IRPP ou de son conseil d’administration.
Repère IRPP est une série à comité de lecture publiée irrégulièrement tout au long de l’année. Elle propose des commentaires sur des sujets d’actualité en matière de politiques publiques rédigés par des experts du domaine. Chaque publication est rigoureusement examinée par des pairs internes et externes afin d’en vérifier la solidité méthodologique et la pertinence politique.
Si vous désirez obtenir de plus amples renseignements sur nos publications, veuillez nous écrire à l’adresse irpp@nullirpp.org. Pour recevoir l’infolettre mensuelle de l’IRPP par courriel, vous pouvez vous abonner directement sur le site Web, à www.irpp.org/fr.
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ISSN 2291-7748 (en ligne)
Montréal – Plus notre vie quotidienne migre vers l’informatique, plus la fracture numérique au Canada devient apparente. Mais cette fracture ne se limite pas à l’accès à Internet : elle concerne les avantages que les utilisateurs tirent des services, des ressources et des réseaux en ligne et de la possession des compétences nécessaires pour naviguer dans le monde numérique.
Dans leur nouvelle étude de l’IRPP, Christine Pinsent-Johnson, experte en politiques publiques, et Matthias Sturm, chercheur en éducation, soutiennent que le système canadien d’éducation des adultes et de développement des compétences devrait avoir un rôle plus important pour combler le fossé entre ceux qui possèdent les compétences numériques nécessaires pour prospérer dans l’économie moderne et ceux qui ne les possèdent pas.
« Les programmes d’éducation des adultes du Canada sont en bonne position pour enseigner des compétences numériques essentielles, mais ils sont actuellement exclus des conversations sur l’apprentissage numérique », explique Mme Pinsent-Johnson.
« Nous préconisons un financement de base durable pour les programmes d’éducation des adultes et la création d’une plateforme nationale pour le partage des ressources. Nous demandons également que l’éducation des adultes au niveau communautaire soit reliée à des efforts plus larges d’alphabétisation numérique par le biais d’un réseau intersectoriel afin d’assurer un accès équitable aux ressources et au soutien numériques », ajoute-t-elle.
Les auteurs de cette étude pressent Emploi et Développement social Canada de travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de :
« Nous sommes à un moment charnière. Pendant la pandémie, nous avons vu la fracture numérique pour ce qu’elle était : un problème complexe qui ne peut pas être résolu en multipliant les solutions technologiques sans tenir compte des inégalités sociales sous-jacentes en matière d’accès au numérique et de leur impact néfaste sur tous les aspects de notre vie. Pour combler le fossé, nous avons besoin d’une approche globale, coordonnée et durable pour suivre le rythme implacable de l’évolution technologique. Et c’est maintenant qu’il faut le faire », déclare M. Sturm.
Adult Education: The Missing Piece to Bridging the Digital Divide peut être téléchargé (avec ses faits saillants en version française) sur le site Web de l’IRPP (irpp.org/fr).