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Le projet québécois de réforme des pensions doit aller plus loin

L’essentiel du débat entourant le projet de loi 3 porte sur « l’équité » des modifications proposées aux régimes de retraite municipaux. Or la réforme envisagée par le Québec doit être plus ambitieuse.

On devrait ainsi juger ce projet de loi sur sa capacité d’offrir aux employés municipaux un régime moins susceptible aux déficits et mieux en mesure de gérer les défis occasionnés par des budgets limités et une population vieillissante. De ce point de vue, la réforme proposée est nettement insuffisante.

Au Québec, quelque 170 régimes municipaux s’exposent à un déficit prévu d’environ 4 milliards de dollars. Pour le combler, le gouvernement provincial propose trois grandes modifications à ces généreux régimes : hausse des cotisations d’employé, plafonnement des cotisations à 18 p. 100 de la masse salariale (partagées également entre employé et employeur, jusqu’à 9/9), et suppression de l’indexation à l’inflation des prestations actuelles. Employés et employeurs se partageront aussi les futurs déficits.

Vraisemblablement, ces changements désavantageraient nettement les individus déjà retraités, qui ne sont pas en mesure de remplacer les revenus qu’ils perdraient et qui seront obligés de subventionner les bénéfices des nouveaux employés.

Pour plus d’équité, le projet de loi 3 devrait être révisé à fin de laisser intacte la situation des retraités actuels, demander aux employés de débourser davantage pour leur retraite et offrir aux futurs salariés des régimes moins coûteux.

Par ailleurs un projet de loi plus robuste pourrait renforcer plus profondément les régimes municipaux en adoptant au moins trois autres mesures clés.

Premièrement, ces régimes devraient répartir plus également les risques associés aux futurs paiements entre employés et employeurs. En offrant des « prestations déterminées », les régimes actuels promettent aux retraités des paiements préétablis mais exigent des employeurs de combler tout manque à gagner si les cotisations d’employé et le rendement du capital investi ne couvrent pas le coût des prestations.

C’est pour cette raison que plusieurs employeurs dans le secteur privé ont adopté des régimes à « cotisations déterminées » auxquels les salariés versent une somme préétablie, sans que le montant de leurs prestations de retraite ne soit aucunement garanti. Les salariés assument donc la totalité du risque.

La meilleure solution réside dans les régimes à « prestation-cible ». Ce modèle garantit des prestations de base assorties d’avantages supplémentaires liés au rendement du capital investi. Et il assure une certaine sécurité aux futurs retraités tout en réduisant les risques pour les employeurs municipaux.
En partageant tout déficit futur entre employeurs et employés, le projet de loi 3 trace déjà la voie aux régimes à « prestation-cible ». Le Québec devrait donc adopter ce modèle cible pour le secteur municipal dès aujourd’hui.

Deuxièmement, il faudrait amalgamer les régimes municipaux pour en améliorer la gestion. À l’heure actuelle, l’argent des cotisations est placé par chaque employeur, mais peu de municipalités – sinon aucune – ont les compétences ou la taille requises pour gérer ces fonds effectivement, ce qui engendre le risque d’un rendement insuffisant et des coûts trop élevés.

La plupart des provinces à l’ouest du Québec confient leurs régimes municipaux à un seul gestionnaire. C’est le cas du Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS), un des fonds souverains parmi les plus importants et influents du monde. Ceci donne accès à de meilleurs gestionnaires, et permet d’élargir la gamme d’actifs dans lesquels ils peuvent investir, tout en réduisant les risques et les coûts.

En créant en 1965 la Caisse de dépôt et placement, le Québec a été parmi les premiers à mutualiser la gestion des retraites des employés provinciaux. Mais peu de régimes municipaux mettent à profit son envergure et ses compétences. Certes, ses dimensions ne l’ont pas empêchée de subir de lourdes pertes au début de la récente crise financière. Mais la Caisse n’investit pas comme le fait un fond de pension classique, puisqu’elle a pour double mandat d’obtenir des rendements maximaux et de soutenir le développement économique du Québec.

Ceci soulève la troisième mesure clé, absente du débat actuel : libérer la Caisse de ce double mandat et lui permettre de viser exclusivement la maximisation des rendements pour ses retraités. Ce qui inciterait plus fortement les régimes municipaux à utiliser ses services.

On peut encore améliorer l’équité du projet de loi 3. Mais surtout, on doit clairement en renforcer l’efficacité pour préserver à long terme les régimes de retraite municipaux.


Brett House est maître de recherche à la Fondation Jeanne Sauvé (Université McGill) et du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale (CIGI). Tyler Meredith est directeur de recherche à l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP). Cet article a aussi paru dans la Presse.