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Faces of Aging

La responsabilité des soins aux aînés au Québec

Du secteur public au privé

Jean-Pierre Lavoie, avec la collaboration de Nancy Guberman et de Patrik Marier September 3, 2014

Quebec policy on long-term care for the elderly has undergone several shifts over the last 50 years. From a policy previously based on family responsibility and the role of charitable organizations, the province moved to state-funded institutional care in the 1960s, an approach that prevailed until the end of the following decade. The government again changed course in the mid-1980s, adopting measures aimed at maintaining people in their homes and “partnering” with families and the third sector to provide the necessary services. Further changes to the system in the 1990s brought an even greater reliance on the third sector, as well as on the private sector. The partnership with the third sector, which led to the creation of social economy enterprises that provide home care services, gradually came to be used as a means to deliver services at lower cost. This period also marked the end of home care and certain personal care services provided without charge.

Tracing these shifts over half a century, this study examines the evolution of service provision to the elderly in the area of institutional and home care, as well as related legislation and tax and financial incentives. Noting the increased privatization of risks associated with dependency, the study assesses whether the government’s approach meets the needs and expectations of the people concerned, especially in light of ongoing changes in the labour market and current thinking about family support systems.

Drawing on their own research and a wide range of sources, the authors paint a sobering picture of the current situation. The number of places available in public residential care facilities has continued to shrink, leaving the private sector to assume a growing role in that area. Notwithstanding some funding increases in recent years, home care remains underfunded, with Local Community Services Centres (known as CLSCs) only able to respond to roughly 8 percent of care needs overall. Government must therefore rely on families and the third sector to make up the shortfall.

The authors’ analysis of attitudes toward the allocation of responsibilities reveals a significant gap between government expectations and those of seniors and their families. Families want to provide support based on personal choice and affinity, while seniors wish to retain some independence from their families. Finally, the need to balance employment and caregiving responsibilities is having adverse effects on the health of the largest group of caregivers, women in their 50s, while also hindering their own aspirations and threatening their financial security.

The current policy objective of promoting labour force participation among older workers is therefore inconsistent with both the rationing/privatization of care and the role assigned to families. The authors urge governments to improve social benefits for caregivers and to consider making them eligible for parental insurance. Reinvesting in home care is essential in their view. As is the need to re-examine the respective roles of families and the public, private and voluntary sectors in caregiving and determine the best ways to meet people’s needs and ensure the funding of services.

Le vieillissement démographique et la croissance anticipée du nombre de personnes ayant besoin de soins de longue durée au cours des prochaines années sont souvent perçus comme une menace pour les finances publiques et la pérennité des systèmes de santé et de services sociaux (Chappell, 2011). Devant ce phénomène, plusieurs gouvernements occidentaux revoient leurs modèles de prestation de soins de longue durée, dans le but, entre autres, de restreindre leurs dépenses pour les soins aux personnes âgées. Quelques pays européens, dont la Suède et les Pays-Bas, ont ainsi adopté des programmes faisant davantage de place aux solidarités familiales, aux organismes communautaires ou au secteur privé.

Le Québec ne fait pas exception. Son modèle de prestation de soins de longue durée à caractère essentiellement public l’a démarqué longtemps des autres provinces canadiennes. Or, depuis le milieu des années 1990, le gouvernement québécois mise sur l’apport croissant des familles et, quoique dans une moindre mesure, du secteur privé et du tiers secteur (groupes communautaires et organismes sans but lucratif [OSBL]). Malgré cette évolution, l’inquiétude devant la demande croissante de services et leur financement demeure. Le projet d’établissement d’une assurance autonomie, porté par le dernier gouvernement du Parti québécois, cherchait à la fois à mieux répondre aux besoins et à assurer la pérennité des services par la création d’une caisse partiellement capitalisée (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2013a). Il proposait par ailleurs d’accorder une plus grande place au tiers secteur et au secteur privé dans la prestation de soins aux personnes âgées ayant des incapacités, notamment dans les soins à domicile, tout en réduisant la pression exercée sur leurs familles. Si ce projet d’assurance autonomie semble bien avoir été mis de côté par le nouveau gouvernement, la question de la responsabilité des soins de longue durée aux personnes âgées reste entière. Qui, au juste, est responsable de quoi ?

En abordant les soins de longue durée, nous nous référons à ceux dispensés tant en établissement qu’au domicile des personnes âgées. Dans ce texte, nous examinons d’abord, en remontant le chemin parcouru jusqu’à ce jour, les politiques gouvernementales relatives au partage des responsabilités des soins de longue durée au Québec. Pour ce faire, nous analysons les trois principaux instruments à la disposition des gouvernements (Barusch, 1995 ; Finch, 1989) : le dispositif légal, le dispositif fiscal et financier, et l’offre de services. Les orientations gouvernementales correspondent-elles à ce que souhaitent les personnes directement concernées ? Pour répondre à cette question, nous examinons ensuite les perceptions du partage des responsabilités, tant celles des gestionnaires et intervenants d’établissements locaux que celles des familles de proches aidants. Cette analyse des perceptions nous renseigne sur les pouvoirs discrétionnaires dont disposent les gestionnaires et intervenants et sur la manière dont ils sont susceptibles de les utiliser lorsque, dans l’exécution de leurs fonctions, ils appliquent les lois, programmes et politiques. Elle montre aussi qu’il existe au Québec, à l’égard du partage des responsabilités des soins de longue durée, un écart important entre les attentes respectives des autorités publiques et des familles. En conclusion, nous dégageons les grandes lignes de l’approche québécoise en matière de soins aux personnes âgées, ses répercussions sur les proches et les conditions nécessaires pour assurer sa viabilité à long terme.

Le texte est basé sur une recension d’écrits et sur un ensemble d’études menées par Nancy -Guberman et Jean-Pierre Lavoie au cours des 15 dernières années, dont certaines ont été réalisées auprès de gestionnaires et d’intervenants d’établissements locaux ainsi que de proches aidants.

Le dispositif légal

Sur le plan légal, il existe deux ordres principaux de lois en lien avec le partage des responsabilités des soins de longue durée. Le premier porte sur les obligations familiales relatives aux parents âgés, alors que le second traite des responsabilités de l’État québécois et de l’encadrement légal de son intervention. Cet encadrement touche également les soins dispensés par le secteur privé et le tiers secteur, sans que ces secteurs aient des obligations légales en matière d’offre de services.

Les obligations familiales de soutien aux parents âgés

Plusieurs pays, de même que quelques provinces canadiennes, dont l’Ontario, ont adopté des lois obligeant les familles à prendre soin de leurs parents âgés. Le Québec compte quelques lois à cet effet, mais elles demeurent fort timides, laissant entrevoir une certaine hésitation du gouvernement à légiférer dans ce domaine. Le Code civil du Québec impose une obligation alimentaire qui, toutefois, a peu de portée. Dans l’amendement du Code en 1996, celle-ci a été limitée aux seuls parents de premier degré (conjoints ; père, mère et enfants), et, contrairement à ce qui se fait en France, seul le créancier potentiel (celui qui reçoit les « aliments ») peut entamer une procédure contre un parent de premier degré (Lavoie et al., 2005). Or les recours entre membres d’une famille sont extrêmement rares au Québec.

Par ailleurs, la Charte des droits et libertés de la personne, adoptée en 1975, stipule à l’article 48 que « toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d’être protégée contre toute forme d’exploitation. Telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu. » Cet article vise donc à la fois à protéger la personne âgée de l’exploitation et, subsidiairement, à lui garantir le soutien de sa famille. En absence de définition de la personne âgée, la justice limite le recours à cette clause aux seules personnes d’âge avancé dont les capacités intellectuelles sont détériorées (Dufour, 2001). Les recours en vertu de cet article sont aussi rares. De 1975 à 2001, il n’y a eu que trois poursuites, toutes pour exploitation économique, dont une seule ciblait un membre de la famille (Dufour, 2001).

Enfin, sans constituer en soi une obligation, la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé (chapitre 33), adoptée en 2002, édicte à l’article 39.6 que « malgré toute disposition inconciliable, un parent, une personne qui assume la garde d’un enfant ou un aidant naturel peut exercer des activités professionnelles réservées à un membre d’un ordre ». Cette loi vise essentiellement à autoriser les proches à dispenser des soins autrement réservés aux professionnels de la santé, tels que donner des injections, changer des pansements ou superviser des traitements de réadaptation délégués par les professionnels.

Les obligations gouvernementales

Selon l’article 5 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) du Québec, tel que modifié en 2002, « toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire ».

Les soins de longue durée offerts en hébergement ou à domicile sont généralement gratuits et, en principe, universels. Toutefois, le droit des personnes à recevoir des services est sujet à une double contrainte. D’abord, les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’organisation et au fonctionnement des établissements ainsi que les ressources dont ces établissements disposent viennent limiter le droit aux services gratuits et universels. Ensuite, comme la loi canadienne sur l’assurance maladie porte essentiellement sur les services médicaux et qu’elle ne couvre pas les services à domicile, les provinces ne sont pas tenues à offrir de manière gratuite et universelle les services d’aide non professionnelle à domicile ou « l’hôtellerie » en hébergement. Autrement dit, il n’existe pas de droit absolu des personnes à recevoir les services de longue durée à domicile requis par leur état de santé.

Au-delà de la LSSSS, tout un ensemble de politiques sectorielles et de règlements encadrent l’action gouvernementale. À titre d’exemple, la politique des services à domicile de 2003 définit la prestation de ceux-ci en indiquant les services qui doivent être rendus par les établissements publics, en imposant l’utilisation d’un outil commun d’évaluation des besoins ou encore en exigeant l’élaboration de plans individuels de services ou d’intervention (MSSS, 2003). Cependant, comme le note le Vérificateur général du Québec pour les services d’hébergement (2012) et pour les services à domicile (2013), ces règlements et politiques ne sont pas toujours mis en application par les établissements publics.

La réglementation relative au secteur privé et au tiers secteur

Pour le secteur privé et le tiers secteur, il n’y a pas vraiment de législation leur attribuant des obligations légales en matière d’offre de services aux personnes âgées. Le dispositif légal vise plutôt à baliser leur intervention dans le domaine. À titre d’exemple, la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de santé et de services sociaux afin notamment de resserrer le processus de certification des résidences privées pour aînés (chapitre 27), adoptée en 2011, et le décret 100-2013 définissent les obligations des propriétaires privés et des OSBL qui exploitent des résidences. Ces obligations concernent entre autres les installations et les procédures nécessaires à la sécurité des résidents, le seuil minimal de personnel, les droits de visite des résidents et le contenu de leurs dossiers.

En somme, le dispositif légal québécois n’attribue que peu d’obligations légales effectives — que ce soit aux familles, à l’État, au secteur privé ou au tiers secteur — pour ce qui est des soins aux personnes âgées ayant des incapacités. Tant l’obligation alimentaire du Code civil que l’obligation de protection et de soutien de la Charte des droits et libertés de la personne ont une portée limitée par des interprétations ou des clauses restrictives et ne donnent guère lieu à des recours juridiques. L’obligation qui est faite au gouvernement de dispenser les services requis par la population est conditionnelle, notamment, aux ressources dont il dispose ou qu’il investit dans le domaine. Enfin, les lois concernant les services publics et ceux offerts par le secteur privé ainsi que le tiers secteur balisent bien davantage la prestation de services qu’elles n’imposent une obligation légale d’offrir des services.

Le dispositif fiscal et financier

Un gouvernement peut adopter différentes formes d’incitatifs fiscaux et financiers afin d’orienter le comportement des personnes et des organismes. Il offre généralement divers crédits d’impôt ou déductions fiscales. Il peut aussi établir des mesures qui facilitent la conciliation entre le travail et les soins que les proches doivent prodiguer à leurs parents âgés. Il accorde des subventions au secteur privé et au tiers secteur pour les aider à mettre en place des services. Au Québec, ces subventions ciblent avant tout le tiers secteur.

Le soutien aux familles

Les gouvernements canadien et québécois accordent, depuis longtemps déjà, différents crédits d’impôt et déductions fiscales aux personnes âgées qui ont des problèmes de santé ou qui ont besoin de soins. Ces crédits ont été bonifiés à la fin des années 1990 et au début des années 2000, et les gouvernements y ont ajouté d’autres volets à l’intention des proches aidants. Le tableau 1 en annexe dresse une liste des crédits d’impôt offerts en 2012 aux personnes âgées ayant des incapacités et à leurs proches aidants.

Cependant, tous ces crédits demeurent dans l’ensemble plutôt modestes. En outre, ils sont soumis à de nombreuses conditions qui en limitent le recours. Les « montants pour aidant naturel » consentis par les gouvernements fédéral et provincial, par exemple, sont accordés seulement si le proche aidant cohabite avec la personne dont il prend soin. Certains crédits doivent répondre à des critères de ressources et ne sont donc accessibles qu’aux personnes ayant un très faible revenu. D’autres ont des exigences très élevées. Par exemple, le « crédit d’impôt pour relève bénévole d’un aidant naturel » n’est consenti que si le bénévole a donné 400 heures de répit pendant l’année, soit près de 8 heures par semaine. Dans le cas des crédits associés à l’achat de services, bien plus généreux que les précédents, les montants moyens effectivement remboursés sont parfois assez loin du maximum autorisé, les personnes âgées et leurs proches achetant moins de services que le plafond permis. Ainsi, le crédit d’impôt moyen que le gouvernement du Québec a effectivement accordé en 2011 pour le maintien à domicile s’élève à seulement 1 166 dollars par personne ; il se situe donc bien en deçà des maxima de 4 680 dollars (pour une personne âgée autonome) et de 6 480 dollars (pour une personne âgée non autonome) (Ministère des Finances [MF], 2012). Ce crédit a coûté tout de même, cette année-là, près de 260 millions de dollars au gouvernement.

De nombreux proches qui prennent soin d’un parent âgé doivent réduire leurs heures de travail, avancer leur retraite ou abandonner le marché du travail. En 2003, le gouvernement fédéral a ainsi mis en place une première mesure, le congé de compassion, visant à compenser la perte de revenu des proches aidants qui doivent interrompre le travail pour prodiguer des soins à un parent âgé. Ce congé permet aux personnes éligibles à l’assurance emploi de percevoir des primes pendant six semaines lorsqu’elles s’absentent du travail pour prendre soin d’un parent en fin de vie. Un certificat médical attestant que le parent devrait décéder dans les six mois est requis. Quant au gouvernement du Québec, il a adopté en 2002 la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives qui accorde jusqu’à 10 jours de congé sans solde pour raisons familiales et parentales ; parmi ces raisons figurent les soins requis par un membre de la famille gravement malade. Si cette mesure n’est pas financière en soi, elle facilite le maintien en emploi des proches aidants. Toutefois, ces dispositions ne compensent aucunement les pertes monétaires subies par de nombreux proches aidants qui doivent diminuer leur temps de travail, changer d’emploi ou carrément se retirer du marché du travail pour prendre soin d’une personne âgée.

Alors que plusieurs pays disposent de mesures de compensation ou de rémunération des proches aidants (Keefe et Rajnovich, 2007), au Québec comme ailleurs au Canada, l’engagement familial demeure essentiellement bénévole. Les mesures mises en place par les gouvernements fédéral et provincial ne compensent que très partiellement les coûts financiers et professionnels inhérents aux soins dispensés à un parent âgé. De plus, les conditions d’obtention très restrictives du congé de compassion font qu’il est peu demandé par les proches aidants (Keefe, 2011). Quant aux principales déductions fiscales, la plupart sont modestes, et certains critères en limitent l’accessibilité, notamment la cohabitation de la personne âgée avec le proche aidant, laquelle est très peu fréquente. En fait, les deux mesures fiscales les plus généreuses — le crédit d’impôt pour les frais médicaux et celui pour le maintien à domicile d’une personne âgée — sont liées à l’achat de services et ne semblent constituer qu’une stratégie d’incitation à recourir au secteur privé pour obtenir des services à domicile (Keefe et Fancey, 1998). En plus, elles ne bénéficient qu’aux personnes ayant la capacité de payer ces services.

Le soutien au tiers secteur

Dès 1979, dans sa première politique de maintien à domicile, le gouvernement québécois réserve un rôle au tiers secteur. Il instaure un programme spécial pour soutenir plus de 200 organismes communautaires de maintien à domicile, qu’il dote d’un budget de 1,5 million de dollars (Jetté, 2008). En 1984-1985, il intègre ce programme au Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC), créé par le MSSS en 1973. Le budget global du PSOC, quelque peu au-dessus d’un million de dollars en 1973, s’élève à plus de 481 millions de dollars en 2011-2012, et le nombre d’organismes soutenus est alors de 3 477 (MSSS, 2012c). Il n’est pas toujours facile de déterminer quelle proportion de ce budget est consacrée aux organismes qui ont pour mission de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. En 2013-2014, dans la région de Montréal, environ 8 p. 100 des fonds destinés aux organismes communautaires sont alloués à 66 organismes se consacrant au maintien à domicile des personnes âgées de 65 ans et plus (Agence de la santé et des services sociaux [ASSS], 2013). Toutefois, leur subvention moyenne est modeste, soit 110 000 dollars par année.

D’autres programmes ciblent spécifiquement certains OSBL. Ainsi, le gouvernement finance en partie les organismes d’économie sociale qui offrent des services d’aide domestique aux personnes âgées vivant à domicile. Cette subvention dépasse 14 millions de dollars en 2010-2011 (Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire [MAMROT], 2012). En 2007, avec le soutien d’une entreprise privée, le gouvernement met en place un fond annuel de 20 millions de dollars pour soutenir l’offre par les organismes communautaires de services aux proches aidants. Enfin, différents programmes soutiennent, depuis 1986, la construction ou l’aménagement de résidences avec services par le tiers secteur, entre autres le Programme sans but lucratif privé (de 1986 à 1993) et AccèsLogis (depuis 1997) (Ducharme, Proulx et Grenier, 2013).

En somme, l’aide au tiers secteur québécois dans son ensemble a augmenté sensiblement au cours des dernières décennies. Toutefois, malgré l’imprécision dans les données disponibles concernant le financement des OSBL qui œuvrent auprès des personnes âgées et de leurs proches aidants, les ressources allouées demeurent modestes, pour ne pas dire symboliques, eu égard aux besoins de cette population.

L’évolution des rôles et des services

Avant les années 1960, la question des soins aux personnes âgées se pose en termes moraux et s’inscrit dans une logique philanthropique plutôt que politique. Les soins sont d’abord du ressort des solidarités familiales et, en second lieu, des œuvres philanthropiques, dont l’action va de pair avec un discours de charité largement inspiré par l’Église catholique pour ce qui est de la population francophone du Québec (Gagnon et al., 2013). Les interventions de l’État sont rarissimes et visent surtout à soutenir les œuvres religieuses (Baillargeon, 1996).

Avec l’arrivée du Parti libéral au pouvoir, en 1960, s’affirme la volonté du gouvernement de prendre en charge l’essentiel des services de santé et des services sociaux, puis d’en universaliser l’accès. Les établissements de santé et de services sociaux passent rapidement sous la responsabilité de l’État, qui met alors en place l’assurance hospitalisation et, au début des années 1970, l’assurance maladie. Au cours de cette période, les documents gouvernementaux font l’impasse sur l’engagement des familles, du tiers secteur et du secteur privé, comme si l’État n’avait aucune attente à leur égard et se voyait comme seul responsable de la protection sociale des personnes âgées. Mais cette invisibilité des familles dans les politiques québécoises de soins de longue durée ne sera que très temporaire.

En 1979, la première politique en matière de services à domicile constitue un virage. Elle marque la volonté du gouvernement de donner priorité aux services à domicile — confiés aux centres locaux de services communautaires (CLSC) — plutôt qu’à l’hébergement (Roy, 1994). Le gouvernement y aborde également le rôle de la famille et des ressources de la communauté. Ce virage se fait sous le signe d’une approche partenariale entre l’État, la famille et les organismes communautaires. Si cette politique privilégie le recours au soutien de l’entourage, il ne doit être envisagé que si les proches sont désireux et capables de fournir cette aide (Ministère des Affaires sociales [MAS], 1979, dans Roy, 1987). Le gouvernement instaure également un programme de soutien financier aux organismes communautaires dans le secteur des services à domicile (Vaillancourt et al., 2000) ; ceux-ci se voient confier des services tels que les visites de compagnie, le transport, la livraison de repas et la défense des droits (Bergeron-Gaudin, Jetté et Vaillancourt, 2011). Par ailleurs, à partir de 1986, différents programmes gouvernementaux favorisent la construction ou l’aménagement, par le tiers secteur, de résidences pour personnes âgées présentant de légers besoins de services.

Cette approche partenariale, qui mise sur l’engagement volontaire de la famille et du tiers secteur, avec l’aide de l’État, ne résistera pas à la prise de conscience du vieillissement et aux premières difficultés budgétaires qui apparaissent au moment même de l’élaboration de cette politique. À cause du fardeau qu’elle représentera pour les services de santé et les services sociaux, le gouvernement considère l’augmentation prévue du nombre et de la proportion de personnes âgées comme une catastrophe. Il se tourne alors résolument vers les solidarités familiales. En 1985, dans sa politique sur les personnes âgées, le MAS (1985) souligne non seulement les limites de l’État, mais il soutient aussi être intervenu de manière trop extensive dans les affaires des familles, s’étant substitué en quelque sorte aux solidarités familiales et communautaires.

Dès lors, la famille et la communauté sont présentées comme premières responsables du bien-être des personnes âgées fragilisées, le rôle de l’État étant d’encourager les solidarités de proximité et de les soutenir au besoin. Cette approche est reprise dans tous les documents d’orientation et tous les rapports des commissions d’enquête du gouvernement québécois : la Commission d’enquête sur la santé et les services sociaux, en 1987 ; la Réforme axée sur le citoyen, en 1990 ; le rapport Pelletier « Vers un nouvel équilibre des âges », en 1991 ; la Politique de la santé et du bien-être, en 1992 ; le Cadre de référence pour les services à domicile, en 1994 (Lavoie, 2012). Roy (1996) signale aussi que, malgré le maintien d’un discours centré sur le partenariat, l’État québécois adopte alors une approche de responsabilisation des familles et des acteurs communautaires.

Au milieu des années 1990, les politiques gouvernementales attribuent un rôle encore plus grand aux familles et au tiers secteur. En 1994, le gouvernement entreprend une reconfiguration importante du réseau de la santé, connue sous le nom de « virage ambulatoire », tout en imposant des compressions budgétaires majeures. Celle-ci comprend notamment la fermeture d’hôpitaux et de lits de convalescence, la réduction des durées d’hospitalisation, le recours plus fréquent à la chirurgie d’un jour et le transfert de soins actifs vers le domicile. Il s’agit plus précisément d’un transfert de soins infirmiers professionnels aux familles (Gagnon et al., 2001). Le gouvernement « reconnaît » ce transfert de responsabilités en 2002, quand il modifie le Code des professions, autorisant les proches à donner des soins autrement réservés aux groupes professionnels.

Outre les familles, c’est le tiers secteur aussi qui est davantage mis à contribution. Face à une crise de l’emploi, le gouvernement québécois convoque un sommet socioéconomique en 1996 ; l’économie sociale lui apparaît alors comme une voie de solution pour favoriser l’insertion en emploi des chômeurs et des personnes en marge du marché du travail. On voit dans le domaine de l’aide domestique, délaissé par les CLSC au début des années 1990, un potentiel énorme de création d’emplois. Québec décide alors de favoriser le développement de ce secteur et d’investir dans les entreprises d’économie sociale en aide domestique (EÉSAD) (Jetté et Vaillancourt, 2009). Il est entendu, lors du sommet, que la création de ces entreprises ne doit pas mener à la substitution d’emplois du secteur public. Cette place accordée au tiers secteur, son institutionnalisation et l’exclusivité qui lui est accordée dans le domaine de l’entretien ménager distinguent le Québec d’autres provinces canadiennes qui, à l’époque, font davantage de place au secteur privé dans les services à domicile (Bergeron-Gaudin, Jetté et Vaillancourt, 2011).

Mais quelques années plus tard, une nouvelle politique de services à domicile (MSSS, 2003) vient brouiller les cartes, se rapprochant de l’approche partenariale de 1979. Elle reconnaît ainsi aux proches le droit d’accepter ou de refuser l’engagement dans les soins prodigués à leurs parents, insistant sur leur engagement libre et éclairé. Toutefois, les sommes nécessaires à la mise en œuvre de la nouvelle approche ne suivent pas (Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux [AQESSS], 2005). Enfin, dans la même politique, le gouvernement accroît le champ d’action du tiers secteur dans les services à domicile : les EÉSAD peuvent désormais dispenser des soins personnels aux personnes âgées, soins jusque-là réservés aux CLSC. Cette ouverture permet aux EÉSAD de se substituer aux CLSC, ce qui brise le consensus obtenu lors du sommet de 1996 (Jetté, Vaillancourt et Bergeron-Gaudin, 2011).

La référence au secteur privé est généralement absente des documents gouvernementaux, comme si celui-ci n’avait qu’un rôle marginal à jouer, s’il en a un. Le gouvernement ne fait souvent qu’avaliser des pratiques qui se sont mises en place sans qu’il y ait pris part directement. Il en est ainsi du recours graduel, par certains CLSC, à l’allocation directe pour subventionner l’embauche de personnel de gré à gré par les usagers des services à domicile. Cette pratique, apparue au début des années 1990, fait en sorte que les personnes âgées qui ont besoin de services deviennent des employeurs ayant des obligations légales. En 1996, le gouvernement met en place un nouveau mode de rémunération (appelé « chèque emploi-service ») qui vise, d’une part, à soulager les personnes âgées du fardeau de la gestion salariale et, d’autre part, à réduire le travail au noir en régularisant le statut des travailleurs de gré à gré (Tourigny et al., 2001). On observe la même approche gouvernementale en ce qui concerne la présence grandissante, à la fin des années 1990, du secteur privé dans l’hébergement. Ce secteur est graduellement encadré, à partir de 2006, par un programme de certification.

En somme, d’un État qui, dans les années 1960, semble assumer seul la responsabilité des services aux personnes âgées ayant des incapacités, on passe à un partenariat — État, famille, tiers secteur — à la fin des années 1970. À partir du milieu des années 1980, le ton change : le gouvernement, tout en maintenant ses programmes, fait de plus en plus appel aux familles, au tiers secteur et, à partir des années 2000 seulement, au secteur privé. Malgré quelques fluctuations dans son discours, il se définit alors principalement comme un soutien aux autres acteurs.

Les services d’hébergement : du public au privé

Le secteur de l’hébergement des personnes nécessitant des soins de longue durée s’est passablement complexifié au Québec au cours des 15 dernières années. Alors que l’hébergement semble relever au départ strictement du domaine public, on assiste, à la suite de la décroissance du nombre de places en hébergement public, à l’arrivée progressive du tiers secteur, puis, de façon massive, du secteur privé. Parallèlement à l’augmentation du nombre de prestataires et à la multiplication des formules d’hébergement, les secteurs de l’hébergement institutionnel et du logement se rapprochent en donnant lieu, comme nous le verrons ultérieurement, à différentes formes d’hybridation (Ducharme, Proulx et Grenier, 2013) ou de métissage (Charpentier, 2004). Ainsi, de plus en plus de projets résidentiels privés, gérés par des OSBL, voire des immeubles gérés par des municipalités, offrent des services d’aide aux résidents âgés ayant des incapacités. Le tableau 2, en annexe, donne une idée de l’évolution et de la complexification du secteur.

Le secteur public

Après avoir pris en charge les hospices tenus par les communautés religieuses ou des organismes charitables jusque dans les années 1960, le gouvernement investit dans différentes formules résidentielles et institutionnelles de caractère public (Charpentier, 2002). À partir de 1968, avec l’aide de la Société centrale d’hypothèques et de logement (SCHL)1, commence la construction des habitations à loyer modique (HLM) pour personnes âgées (Ducharme, Aubry et Bickerstaff-Charron, 2005). Plus de 30 000 logements seront érigés entre 1968 et 1994. Le MAS, pour sa part, construit de nombreux centres d’hébergement, qui comptent, en 1980, près de 60 000 lits (Charpentier, 2002). Le gouvernement semble alors poursuivre une politique d’institutionnalisation de la vieillesse (Guberman, Dorvil et Majeu, 1987). Le Québec atteint ainsi, à la fin des années 1970, un taux record de 8 p. 100 de personnes âgées de 65 ans et plus vivant en institution (Roy, 1996).

À cette époque, une étude réalisée au MAS (Sicotte, 1981) indique toutefois que le réseau institutionnel est mal structuré et n’a pas toujours les ressources pour admettre les personnes âgées ayant des besoins de soins importants. Devant ce constat, le gouvernement impose un critère d’admission en hébergement, soit un besoin de soins d’au moins une heure par jour, et décide de rehausser les niveaux de service. En contrepartie, il ferme plusieurs centres dont les installations ne permettent pas de recevoir des personnes ayant des incapacités significatives, et le nombre de lits passe de près de 60 000, en 1988, à environ 52 000, en 1995. En 1992, différents types de centres sont regroupés sous le vocable « centre d’hébergement et de soins de longue durée » (CHSLD). Parallèlement, le gouvernement limite son investissement dans le logement social : le nombre d’unités en HLM pour personnes âgées plafonne à 35 000 en 2005 (MSSS, 2005).

La baisse du nombre de lits en CHSLD se poursuit au cours des 15 années qui suivent ; on n’en compte plus que 38 458 en 2011 (tableau 2). En corollaire, on assiste au resserrement des critères d’admission en CHSLD, le seuil d’heures-soins requis par jour passant graduellement à trois heures en 2006. Toutefois, les montants alloués pour rénover les établissements, afin de leur permettre d’accueillir cette clientèle plus handicapée, ne sont pas toujours suffisants (Soulières et Ouellette, 2012). C’est pourquoi le Vérificateur général du Québec (2012) note que certains CHSLD risquent de ne pouvoir respecter ce seuil.

En raison de cette contraction du nombre de lits mais aussi malgré elle, le réseau public d’hébergement semble avoir de grandes difficultés à satisfaire les besoins de la population âgée ayant des incapacités, tout comme ceux des personnes qui y résident. Le Vérificateur général du Québec (2012) rapporte une attente moyenne de 13 mois pour être admis en CHSLD dans la région de Québec, et de 7 mois dans celle de Montréal. Les quatre centres de santé et de services sociaux (CSSS) qu’il a étudiés ne répondraient qu’à environ 65 à 80 p. 100 des besoins de soins2, même si pour un certain nombre de résidents (entre un quart et un tiers), ces besoins sont moindres et ne correspondent donc pas au critère d’admission.

Par ailleurs, il existe de grandes variations entre les établissements pour ce qui est des types de personnel, du temps de service offert aux résidents (variations de 176 p. 100) et des coûts annuels des places (allant de 41 571 à 74 723 dollars). Les budgets, établis il y a parfois de nombreuses années et indexés ensuite, ne correspondraient pas aux besoins de services des résidents, toujours selon le Vérificateur général du Québec. En raison de ces lacunes, les CSSS ont dû acheter en 2011 plus de 1 700 places en hébergement. Enfin, le Vérificateur général note que c’est au Québec que le coût mensuel d’hébergement est le plus faible au Canada, l’usager payant un maximum de 1 665 dollars, tandis que la contribution moyenne pour l’ensemble des provinces s’élève à 2 147 dollars.

Une des conséquences du resserrement graduel des critères d’admission est que des personnes âgées de plus en plus handicapées doivent demeurer à domicile, même si leurs besoins de services vont bien au-delà de ce que les CLSC peuvent leur offrir (voir la section suivante). Le gouvernement, à partir de 2003, cherche à combler ce fossé en créant — avec l’aide du secteur privé et, dans une bien moindre mesure, du tiers secteur — des ressources intermédiaires (RI)3 d’hébergement pour les personnes qui ne peuvent demeurer à domicile, mais ne répondent pas au critère d’admission en hébergement public. Dans le même temps — toujours avec le secteur privé et le tiers secteur, mais aussi parfois avec quelques municipalités —, se mettent en place de nouvelles formules d’hébergement, appelées projets novateurs (PN)4, qui accueillent des personnes qui autrement seraient dirigées vers les CHSLD. Selon Dubuc et ses collègues (2009), ces ressources, catégorisées comme milieux de vie substituts, sont des centres d’hébergement fonctionnant dans des milieux résidentiels variés.

La plupart de ces ressources privées ont un lien contractuel avec les CSSS pour la prestation de soins professionnels aux résidents et, le plus souvent, pour des services d’aide aux soins personnels. Ces milieux de vie substituts, quoiqu’en croissance rapide, sont encore peu nombreux. Comme l’indique le tableau 2, le nombre de places en milieux de vie substituts passe de 2 699 à 7 123 entre 2006 et 2011, tandis que le nombre de lits en CHSLD régresse d’un peu plus de 5 000 pendant la même période. Le nombre de places en ressources de type familial (RTF), souvent mieux connues sous l’appellation « familles d’accueil », représente moins de 1 000 places en 2011, et il est en constante diminution.

Les milieux de vie substituts sont considérés par le gouvernement comme le « domicile » des personnes âgées et lui permettent de faire certaines économies (Reguer et Charpentier, 2008). Les coûts des médicaments consommés par les résidents sont couverts par le programme public d’assurance médicaments, les résidents doivent donc en assumer une part, alors qu’en CHSLD, les médicaments sont complètement à la charge de l’établissement. Pour ce qui est des PN, les subventions du gouvernement servent essentiellement à fournir les services et les soins d’assistance et de santé. Les coûts du logement et des repas sont assumés par le résident. Les coûts de logement mensuels moyens, en 2009, s’élèvent à 1 590 dollars ; ils sont donc comparables à ceux d’un CHSLD. Toutefois, il n’existe aucune forme de soutien pour les personnes âgées à faible revenu, comme celle que l’on trouve en CHSLD, si bien que tous les résidents en PN paient les mêmes coûts (Dubuc et al., 2009).

Le tiers secteur

Dès le début des années 1980, les gouvernements fédéral et provincial font une place au tiers secteur dans le logement social. Dans un premier temps, la SCHL, en 1979, puis la Société d’habitation du Québec (SHQ), en 1986, mettent en place des programmes pour favoriser, entre autres, la construction de résidences pour personnes âgées à faible revenu par le tiers secteur. À partir du milieu des années 1980, l’accent change : plutôt que de cibler les personnes âgées à faible revenu, le gouvernement québécois met la priorité sur le logement des personnes âgées ayant des incapacités. Ainsi, entre 1986 et 2012, différents programmes (Programme sans but lucratif privé de 1986 à 1993, AccèsLogis depuis 1997) soutiennent la création, entre autres, de ressources avec services pour les personnes âgées. Entre 2008-2009 et 2012-2013, le tiers secteur fait construire 3 360 unités de logement destinées aux personnes âgées en légère perte d’autonomie grâce à l’appui du programme AccèsLogis (communication personnelle, Service des statistiques, SHQ, septembre 2013).

La majorité des résidences offre des services légers, tels que les repas et de l’animation. Un quart des résidences dispense des services d’assistance et des soins personnels. Selon Ducharme et ses collègues (2013), on assiste à un phénomène d’hybridation avec le secteur de l’hébergement public dans plusieurs ressources gérées par des OSBL. Ainsi, certaines résidences ont des ententes de service avec les CSSS pour la prestation de services gratuits, d’autres facturent les services aux résidents. Sur le plan de l’aménagement, plusieurs établissements ajoutent des équipements, certains obtiennent une classification « établissement de santé » en proposant des chambres et des studios plutôt que des appartements ; quelques autres prévoient même des unités de transition pour des convalescents.

Une telle évolution renforce le tiers secteur, qui joue un rôle grandissant dans les services d’hébergement. Il dirige des résidences qui accueillent des personnes présentant de plus en plus d’incapacités, prenant donc une partie de la place qu’occupait le secteur public dans l’hébergement de personnes ayant des incapacités légères ou modérées. Son rôle pourrait s’accroître, puisque le gouvernement prévoit l’ajout de 4 500 unités d’ici mars 2016 dans le cadre du programme AccèsLogis, et même un élargissement de ce programme à partir de l’année 2017-2018 (MF, 2012). Toutefois, certaines résidences gérées par des OSBL risquent de se retirer du secteur, étant incapables, pour des raisons financières et d’aménagement, de se conformer aux critères d’accréditation des résidences pour personnes âgées (Lacoursière, 2013). Dans l’ensemble, le rôle du tiers secteur en hébergement demeure modeste si on le compare à celui que joue le secteur privé depuis le milieu des années 1990.

 

Le secteur privé

La politique de restriction de places dans le secteur public ainsi que le développement limité du logement social et de l’hébergement relevant du tiers secteur favorisent l’émergence d’un secteur privé d’hébergement qui compte rapidement une plus grande capacité d’accueil que le réseau public. Presque inexistant au milieu des années 1990, le secteur privé offre plus de 85 000 places en 2006 et environ 120 000 en 2013. Comme l’indique le tableau 2, les résidences privées hébergent 9,9 p. 100 de l’ensemble des personnes âgées de 65 ans et plus (avec et sans incapacités) en 2011. La vaste majorité (87,9 p. 100) des résidences privées pour aînés sont à but lucratif (MSSS, 2014). Il s’agit là d’un développement sans équivalent ailleurs au pays. La SCHL (2012) note qu’au Canada, en 2011, près de la moitié des places dans les résidences privées pour personnes âgées se trouve au Québec. Le loyer mensuel moyen, à 1 400 dollars, y est toutefois le plus faible parmi les provinces canadiennes (moyenne de 1 900 dollars pour l’ensemble du Canada) (SCHL, 2012).

De fortes disparités existent au sein du secteur privé. Si près de la moitié des résidences comptent moins de 10 places, certains complexes résidentiels — quoique peu nombreux et ne représentant que près du quart des places au Québec — en ont plus de 200 (Ducharme, Aubry et Bickerstaff-Charron, 2005). Outre ces configurations multiples, les résidences offrent une gamme assez large de services de qualité différente. Dans la plupart d’entre elles, les loyers et les services sont entièrement à la charge des personnes âgées et de leurs familles. Certaines résidences ont des contrats de service avec des CSSS, qui y achètent des places avec services pour pallier le manque de places en hébergement public. Aucune donnée ne permet de mesurer l’ampleur de ce phénomène d’achat.

Selon Charpentier et Soulières (2006), environ la moitié des places offertes dans les résidences privées serait occupée par des personnes âgées qui ont des incapacités et nécessitent des soins de longue durée. Selon la nomenclature du MSSS, ces personnes vivent « à domicile », et plusieurs services — tels la présence d’une infirmière, les repas, l’entretien ménager ou l’animation — sont à leur charge et à celle de leur famille. Si ces mêmes personnes vivaient en CHSLD, en RI ou en PN, les coûts de ces services seraient assumés par le gouvernement en tout (dans le cas des soins infirmiers) ou en partie (dans les autres cas, et ajustés selon le revenu des personnes). Par ailleurs, les personnes âgées des résidences privées ne sont pas comprises dans le taux d’institutionnalisation. Autrement, ce taux ferait plus que doubler, passant de 3,4 p. 100 à près de 8 p. 100 (soit le taux observé en 1980), toujours selon Charpentier et Soulières (2006).

Ainsi, le secteur de l’hébergement se caractérise, d’une part, par l’émergence d’un imposant secteur privé, lucratif notamment, qui a comblé une partie du vide laissé par le réseau public, et, d’autre part, par un métissage croissant où le public et le privé s’entremêlent de plus en plus dans des formules toujours plus variées (Charpentier, 2004). Le recours à des solutions d’hébergement, principalement dans le secteur privé, est encouragé par l’insuffisance de l’aide à domicile et le manque de ressources pour desservir une clientèle ayant des incapacités sévères.

Les services à domicile : une priorité ?

Le secteur public

Avant 1979, les services à domicile sont sous-développés et fragmentés. En 1979, avec sa première politique de services à domicile, le gouvernement met en place l’organisation actuelle des services à domicile publics, en leur donnant la priorité (Roy, 1994). Le mandat est alors accordé aux CLSC, qui se voient attribuer un premier budget de 14 millions de dollars. Ils sont responsables d’offrir les services professionnels de première ligne, dispensés à domicile (soins infirmiers, services de réadaptation ou d’adaptation du domicile, services sociaux et, plus rarement, services médicaux), ainsi que l’aide pour les soins personnels et l’aide domestique. Ils offrent également le soutien technique et certains équipements requis au domicile.

Les services à domicile connaissent un développement lent tout au long des années 1980, et cela jusqu’au milieu des années 1990. L’accroissement des budgets demeure modeste, et en 1995, ces services ne représentent toujours que 2,5 p. 100 du budget des services de santé et des services sociaux (MSSS, 2003). L’augmentation de la population âgée et le resserrement graduel des critères d’admission en CHSLD font en sorte que les CLSC desservent une population âgée dont les besoins de services s’accroissent. Les CLSC sous pression en viennent à réduire le panier de services offerts, notamment en abandonnant l’aide domestique. De plus — conséquence du « virage ambulatoire » —, un nombre grandissant de personnes nécessitent des soins post-hospitaliers ou postchirurgicaux à domicile. Comme le gouvernement procède, en même temps, à d’importantes compressions budgétaires, les services à domicile des CLSC ne reçoivent qu’une partie des ressources prévues pour desservir cette clientèle. Les investissements importants consentis entre 1994 et 1999 (hausse de 53 p. 100 du budget, qui s’établit à près de 600 millions de dollars en 2002, soit 3,4 p. 100 du budget du MSSS) vont essentiellement à la clientèle qui a des besoins aigus et non aux personnes âgées ayant des incapacités (AQESSS, 2005).

En 2004, à l’occasion d’une importante réforme des services sociaux et de santé, les CLSC sont incorporés aux nouveaux CSSS qui regroupent par la même occasion les CHSLD et certains hôpitaux afin d’assurer une meilleure intégration des services. Peu auparavant, en 2003, est adoptée une nouvelle politique de services à domicile. Cette politique précise les paniers de services qui doivent être offerts aux personnes ayant des incapacités et à leurs proches aidants, de même que les responsabilités des services à domicile publics. Dans les années qui suivent, les services à domicile subissent de nombreux changements dans le but de les rationaliser et d’augmenter leur efficience, notamment : la précision des paniers de services ; la mise en œuvre d’une grille unique d’évaluation des besoins, de plans de services et de soins individualisés ainsi que de profils de besoins de services ; la mise en place de systèmes statistiques afin de mesurer l’efficience des services ; l’établissement de réseaux locaux de services intégrés.

Malgré l’importance et l’utilité de ces améliorations, la politique de 2003 n’est que partiellement instaurée. En effet, selon le Vérificateur général du Québec (2013), son plan de mise en œuvre ne sera jamais publié, alors que le plan d’action de 2005-2010 du MSSS formule des orientations qui parfois divergent de la politique de 2003. Surtout, une des recommandations clés de celle-ci était d’offrir les services à domicile jusqu’à concurrence du coût à payer pour l’hébergement de la personne, ce qui aurait signifié une allocation de services pouvant atteindre 50 à 60 heures par semaine (Protecteur du citoyen, 2012). Or une telle offre aurait exigé des investissements massifs dans les services à domicile. En fait, à plusieurs occasions, le gouvernement prévoit un rehaussement des budgets des services à domicile. La politique de 2003 devait s’accompagner d’un ajout budgétaire de 300 millions de dollars. En 2012, la politique Vieillir et vivre ensemble (Ministère de la Famille et des Aînés) — qui demeure par ailleurs fort générale dans ses orientations sur les services à domicile — prévoit également un investissement majeur dans ces services au cours des années à venir. Et le ministère des Finances (MF, 2012) annonce une hausse graduelle du budget des services à domicile, une augmentation qui, par rapport à l’année 2011-2012, devrait atteindre plus de 380 millions de dollars en 2016-2017.

En réalité, comme en fait foi le tableau 3 en annexe, on assiste plutôt, au cours des 10 ans qui suivent la politique de 2003, à une progression lente des budgets alloués aux services à domicile en général ainsi qu’aux services destinés aux personnes âgées de 65 ans et plus. La part du budget total du MSSS attribuée aux services à domicile croît de 3,5 à 3,8 p. 100 de 2001-2002 à 2011-2012, tandis que celle destinée aux personnes âgées de 65 ans et plus passe de 1,4 à 2,0 p. 100 au cours de la même période. Les services à domicile demeurent le parent pauvre du réseau de la santé et des services sociaux ; ils sont toujours sous-financés. Une étude de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) (2007) indique que le Québec se situe parmi les dernières provinces pour le financement des services à domicile, alors que le Canada se classe plutôt mal parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en cette matière5.

Par ailleurs, il n’est pas certain que la totalité du budget octroyé aux services à domicile pour les personnes âgées soit véritablement consacrée à ces services. Le Protecteur du citoyen (2012), qui a mené une étude dans quatre régions du Québec, constate que lorsque des usagers des services à domicile déménagent hors du territoire, sont hébergés ou décèdent, plusieurs CSSS utilisent les fonds dégagés pour réduire leur déficit, même si cela contrevient aux directives du MSSS. Compte tenu de cette pratique, le Protecteur doute que le réinvestissement de 45 millions de dollars dans les services à domicile, en 2011, ait vraiment été utilisé à cette fin, alors que le gouvernement imposait en même temps aux CSSS d’importantes compressions budgétaires.

Afin de pallier ce faible financement, les CSSS et les ASSS mettent en place des stratégies pour réduire l’accès aux services ou limiter le niveau de services offerts (Protecteur du citoyen, 2012). Certains adoptent des critères d’exclusion : les personnes possédant des assurances privées, vivant en résidence privée ou ayant de proches aidants disponibles se voient refuser l’accès aux services ou attribuer très peu d’aide. Toujours selon le Protecteur du citoyen, la quasi-totalité des CSSS fixe des plafonds de services qui oscillent entre 3 et 10 heures par semaine pour les personnes âgées. Ces plafonds varient non seulement entre les CSSS, mais parfois entre les CLSC d’un même CSSS. La plupart des CSSS doivent instaurer des listes d’attente, qui ne comportent généralement pas de critère de priorisation. Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant que les CSSS et les ASSS ne possèdent aucun système de repérage des personnes âgées ayant des incapacités, ni que les services prévus pour les proches aidants dans la politique de 2003 ne soient peu disponibles, voire inexistants (Vérificateur général du Québec, 2013).

Les niveaux de financement déficients et les pratiques de restriction des services font en sorte que l’intensité des services, quoique croissante, demeure faible. Cette faible intensité s’explique également par deux autres phénomènes. Premièrement, le nombre de bénéficiaires et la proportion de personnes âgées recevant des services (15 p. 100) sont plus élevés au Québec que dans les autres provinces qui financent plus généreusement les services à domicile (ICIS, 2007), ce qui laisse entrevoir une politique de dilution des services au Québec (Lavoie, 2012). Deuxièmement, plusieurs groupes de professionnels passent une faible proportion de leur temps au domicile des usagers, soit de 17 à 43 p. 100 pour les infirmières, et de 3 à 55 p. 100 pour les ergothérapeutes (Vérificateur général du Québec, 2013). Tandis que le nombre moyen annuel d’interventions6 par usager est à la hausse (il passe de 21 à plus de 31 entre 2003-2004 et 2011-2012), la durée des interventions, quant à elle, est toujours inférieure à une heure (Vérificateur général du Québec, 2013). Les usagers reçoivent ainsi moins de 30 heures de services par année, soit l’équivalent d’une demi-heure par semaine. Ces moyennes s’appliquent à l’ensemble de la clientèle âgée et comprennent les personnes desservies dans le cadre d’un suivi posthospitalier ou postchirurgical. Or l’inclusion de ces personnes fait baisser les moyennes, car celles-ci sont suivies sur une courte période de temps et reçoivent essentiellement des soins professionnels, notamment des soins infirmiers.

Cette situation explique que, pour l’année 2011-2012, le Vérificateur général du Québec (2013) rapporte une moyenne annuelle de seulement 6,4 interventions professionnelles par usager. Quant aux interventions de nature non professionnelle en aide à domicile (aide offerte par des auxiliaires pour des soins d’hygiène, d’aide aux repas, etc.), qui sont dispensées principalement aux personnes âgées ayant des incapacités, on compte un nombre moyen de 79,0 interventions par usager durant la même année. Ces personnes recevraient donc, en moyenne, environ 1 heure 20 minutes de services professionnels et non professionnels par semaine. C’est une moyenne très faible, mais tout de même supérieure à la moyenne générale de 30 minutes pour l’ensemble des usagers des services à domicile.

Le Vérificateur général observe une grande variabilité du nombre annuel moyen d’interventions par usager entre les trois CSSS étudiés — la moyenne se situant entre 33,4 et 101,6 interventions — tout comme des budgets par personne de 65 ans et plus entre les régions et les CSSS. Cette variabilité n’est pas liée aux besoins de la clientèle et soulève ainsi un problème d’équité. De plus, les services professionnels et les services de soins et d’aide à domicile ne répondraient qu’à une faible proportion des besoins des personnes âgées, alors que les usagers présentent des profils de plus en plus lourds, que le mouvement de resserrement des critères d’admission en CHSLD se poursuit et que les CSSS doivent désormais assurer la prestation de services à domicile aux résidents en ressources intermédiaires et en projets novateurs.

Le système d’information mis en place par le MSSS ne permettant pas de connaître les besoins réels des usagers des services à domicile (Vérificateur général du Québec, 2013), il faut se rapporter à des études pour mesurer le taux de besoins satisfaits par les services à domicile. Deux études menées par Hébert et des collègues (Hébert et al., 1997 ; Hébert, 2013) ont donné des résultats similaires. Les CLSC étudiés ne répondraient qu’à environ 8 p. 100 des besoins de soins globaux. Les proches assumeraient environ 70 p. 100 des soins infirmiers et d’assistance, dont la majorité des soins infirmiers professionnels (Hébert et al., 1997). Les auteurs voient dans cette situation une véritable « dérive des soins ».

Le financement insuffisant des services a une autre conséquence majeure pour les personnes âgées et leurs proches : il les oblige à assumer une part grandissante des coûts des services qu’ils reçoivent. Le faible niveau de services offerts pousse plusieurs familles à acheter les services manquants auprès d’agences privées ou, de gré à gré, auprès de personnes qu’elles connaissent (Lavoie, 2000 ; Vérificateur général du Québec, 2013). Cette contribution des usagers touche également certains services reçus du tiers secteur.

Le tiers secteur

Lorsque le gouvernement québécois décide en 1979 d’accorder officiellement la priorité aux services à domicile et de confier ce mandat aux CLSC, il accroît d’emblée le rôle du tiers secteur (Jetté, 2008 ; Vaillancourt et al., 2000). Les quelque 500 organismes communautaires dans le secteur des services à domicile se voient confier les services de soutien communautaire tels que les visites de compagnie, la livraison de repas, l’animation socioculturelle et récréative, le transport, l’information et la défense des droits, pour ne nommer que ceux-là (Bergeron-Gaudin, Jetté et Vaillancourt, 2011). À ces mandats viendront se greffer les services de présence-surveillance à domicile et de transport médical, au détriment en partie du transport à des fins récréatives et de sociabilité. Le rôle du tiers secteur prend un essor majeur au milieu des années 1990 avec la création des EÉSAD.

Les EÉSAD offrent les services suivants : les travaux ménagers légers et lourds, la lessive et le repassage, les courses et l’approvisionnement, les repas sans diète ainsi que les travaux légers d’entretien extérieur (Jetté et Vaillancourt, 2009). Une centaine d’EÉSAD sont créées ; certaines sont des coopératives, d’autres, des OSBL. En 2003, avec la nouvelle politique de soutien à domicile, le gouvernement ouvre aux EÉSAD le champ des services personnels, ouverture qui est confirmée dans le Livre blanc sur la création d’une assurance autonomie (MSSS, 2013a).

En 2009-2010, outre les services d’aide domestique, 46 p. 100 des EÉSAD offrent du répit, et 32 p. 100, de l’aide aux soins personnels. Grâce au Programme d’exonération financière pour le soutien à domicile (PEFSAD), elles disposent d’un budget de 58,5 millions de dollars (31,8 millions en 2000-2001) (Jetté et Vaillancourt, 2009 ; MAMROT, 2012). Ce montant représente toutefois moins de 6 p. 100 du budget des services à domicile (un pourcentage qui varie peu entre 2000-2001 et 2009-2010). Les EÉSAD fournissent des services à près de 80 000 personnes, dont les deux tiers sont âgées de 65 ans et plus (MAMROT, 2012). Ainsi, environ 4,7 p. 100 des personnes de ce groupe d’âge ont recours à leurs services. Toutefois, la prestation annuelle moyenne de services, de 69 heures, demeure modeste, équivalant à environ 1 heure 20 minutes par semaine par usager. De plus, une majorité des EÉSAD doivent mettre des usagers potentiels sur une liste d’attente ou même les refuser (MAMROT, 2012).

Lors de la mise en place des EÉSAD, un principe de contribution des usagers est retenu -(Bergeron-Gaudin, Jetté et Vaillancourt, 2011), mais les personnes défavorisées en sont exonérées en vertu du PEFSAD. Alors que les coûts des services varient généralement de 15 à plus de 20 dollars de l’heure en 2009-2010, les personnes âgées référées aux EÉSAD par les CSSS bénéficient d’une exonération oscillant entre 4,55 et 12,25 dollars, selon leur revenu (MAMROT, 2012). Pour les usagers, le taux horaire des services peut donc fluctuer de 2,75 à tout près de 20 dollars. Avec cette politique, on assiste à la fin de la gratuité des services d’entretien ménager et d’une partie de l’aide aux soins personnels. La part à la charge des usagers s’est accrue dès 2003, lorsque la politique des services à domicile a autorisé les EÉSAD à offrir des soins personnels.

Par ailleurs, tant les EÉSAD que les groupes communautaires sont sous-financés, ce qui se reflète dans les conditions salariales et le bas taux de rétention des employés. Le MAMROT (2012) dresse un portrait de la situation des EÉSAD en 2009-2010. Le salaire horaire moyen des employés de terrain se situe aux alentours de 10,50 dollars de l’heure ; le taux annuel de roulement du personnel est de 30 p. 100. L’ancienneté moyenne est de 5,3 ans chez les employés à temps plein et de 3,5 chez les employés à temps partiel. Les heures de formation varient grandement d’une EÉSAD à l’autre, et ces formations portent surtout sur la réanimation cardiorespiratoire et les premiers soins. Avec ce personnel peu rémunéré, précaire et peu formé, la question de la qualité des services offerts se pose, notamment en ce qui concerne les soins personnels. Par ailleurs, les lacunes dans les services des CSSS et des EÉSAD se répercuteraient sur les organismes bénévoles. Plusieurs d’entre eux vivent une diminution d’effectifs à cause, justement, de l’alourdissement et de la complexification du travail demandé aux bénévoles (Robichaud, 2000). Le transport pour des soins médicaux, entre autres, est touché par le manque de services bénévoles.

Alors que les EÉSAD sont créées dans un contexte de négociations de type partenarial, l’évolution du tiers secteur s’oriente graduellement vers une relation tutélaire avec le gouvernement (Bergeron–Gaudin, Jetté et Vaillancourt, 2011 ; Jetté, Vaillancourt et Bergeron-Gaudin, 2011). Le gouvernement a ouvert le champ des services personnels aux EÉSAD sans discussion formelle avec elles (Jetté et Vaillancourt, 2009). Depuis la création des CSSS et leur mandat d’établir un réseau local de services, les EÉSAD doivent négocier leur panier de services avec le CSSS local. Il en résulte une grande variabilité dans les prestations des EÉSAD (Vérificateur général du Québec, 2013). Par ailleurs, pour ce qui est des services de soins personnels, le projet d’assurance autonomie semblait placer le tiers secteur en situation de concurrence avec le secteur privé (MSSS, 2013a), comme cela se fait dans les autres provinces. Le tiers secteur apparaît de moins en moins comme un partenaire du gouvernement et de plus en plus comme un sous-traitant qui permet au gouvernement de réduire l’offre de services publics et de profiter des faibles coûts de ce secteur (Jetté et Vaillancourt, 2009 ; Jetté, Vaillancourt et Bergeron-Gaudin, 2011).

Le secteur privé

Il est difficile de circonscrire la contribution du secteur privé dans les services à domicile, car le gouvernement ne cueille pratiquement aucune donnée à ce sujet. Le recours à ce secteur prend essentiellement deux formes, selon Jetté et ses collègues (2011) : l’octroi de prestations d’allocation directe aux bénéficiaires pour l’achat de services de gré à gré, et la conclusion d’ententes de services entre des CSSS (et parfois les ASSS) et des agences privées. Une troisième forme serait l’achat de services ou d’équipements par les personnes âgées ou leurs proches.

L’octroi d’allocations directes apparaît dans les années 1990, d’abord dans les CLSC en milieu rural, où le personnel non professionnel des services à domicile passe une partie importante de son temps à se déplacer d’un usager à un autre (Tourigny et al., 2001). L’embauche d’une personne vivant à proximité permet alors d’augmenter le niveau de services en réduisant d’autant le temps consacré aux déplacements. Cette pratique d’allocation, qui devient le « chèque emploi-service » en 1996, se répand ensuite dans certains CLSC en milieu urbain, qui y voient une façon d’augmenter la quantité de services avec un même budget, l’allocation accordée étant moindre que le coût du service public (Tourigny et al., 2001).

Il existe une panoplie d’entreprises privées qui offrent des services professionnels, notamment infirmiers, et non professionnels aux personnes âgées. Plusieurs CSSS recourent à des agences privées, afin d’offrir des services en soirée ou lors des fins de semaine, ou pour suppléer à leur personnel insuffisant (Jetté, Vaillancourt et Bergeron-Gaudin, 2011). Enfin, peu de données sont disponibles quant à l’achat de services ou d’équipements sur le marché par les personnes âgées ou leurs proches. Au Canada, la majorité des proches aidants prenant soin d’un père, d’une mère ou d’un conjoint aurait effectué des dépenses pour l’achat de services ou de biens. Environ la moitié de ces proches aurait dépensé plus de 500 dollars en 2012 (Turcotte, 2013).

Selon Jetté et ses collaborateurs (2011), cet état de fait ne signifie pas qu’il y a un recours généralisé au secteur privé. Le rapport du Vérificateur général du Québec (2013) illustre d’ailleurs cette utilisation variable des services externes d’un CSSS à l’autre. Cependant, il semble évident que l’État québécois est de plus en plus disposé à faire appel au secteur privé et à mettre en place une régulation concurrentielle. À cet effet, le Livre blanc sur la création d’une assurance autonomie ouvrait le champ des soins personnels autant aux EÉSAD qu’aux entreprises privées, qui pourraient alors être mises en concurrence (MSSS, 2013a).

L’offre de services à domicile, quoiqu’en croissance, semble toujours fort modeste. Les services publics sont peu encadrés par le gouvernement provincial et présentent de forts écarts entre CSSS quant aux pratiques adoptées, aux ressources dont ils disposent et aux coûts qu’ils engendrent. Ils ne semblent répondre qu’à environ 8 p. 100 des besoins de services des personnes âgées. Ce pourcentage s’élèverait tout au plus à 15 p. 100 si on incluait les services offerts par le secteur privé et le tiers secteur, puisque environ la moitié des services à domicile seraient rendus par ces derniers. Cette faible prestation fait en sorte que le poids du maintien à domicile des personnes âgées ayant des incapacités repose sur leurs proches, essentiellement leurs familles. Le pourcentage de besoins satisfaits confirme ce que plusieurs sources rapportent : plus de 80 p. 100 des soins sont offerts par les proches (Ducharme, 2006 ; Lavoie, 2000). Dans le cadre du projet de l’assurance autonomie, le gouvernement visait à atteindre un taux de réponse aux besoins de 40 p. 100 (Hébert, 2013). Un tel pourcentage aurait constitué un progrès notoire. Qu’en est-il maintenant alors que ce projet est abandonné ?

Cela dit, le faible niveau de services offerts aux personnes âgées ayant des incapacités et à leurs proches, jusqu’à ce jour, correspond à une politique implicite de responsabilisation des familles (Lavoie, 2012). Si les professionnels et les gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux donnent l’impression d’avaliser cette responsabilisation, la population québécoise en général, et les proches aidants en particulier, semblent plutôt la remettre en question.

Le partage des responsabilités : des points de vue divergents

Il convient maintenant d’explorer jusqu’à quel point les orientations gouvernementales que nous avons décrites correspondent à ce que souhaitent les principaux intéressés. Comment se positionnent les acteurs qui sont engagés au quotidien dans les soins aux personnes âgées ? Comment les gestionnaires et les employés des services publics de longue durée voient-ils le partage des responsabilités entre les familles, le secteur privé et le tiers secteur ? Comment les familles et la population en général considèrent-elles ce partage ? En quoi ces conceptions se répercutent-elles dans les approches utilisées et les services rendus par les gestionnaires et les intervenants ? Et qu’en est-il des attentes des familles à l’égard des services publics et de leurs intervenants ?

Les intervenants et les gestionnaires

À notre connaissance, aucune étude n’a porté spécifiquement sur la perception qu’ont les intervenants et les gestionnaires du rôle du secteur privé et du tiers secteur dans les soins aux personnes âgées ayant des incapacités. Il existe bien quelques indications selon lesquelles des intervenants s’interrogent sur le rôle des entreprises privées et des EÉSAD dans les services à domicile, car la qualité des services donnés laisse parfois à désirer (Lavoie et al., 2003a). Nous en savons toutefois un peu plus sur leur perception des responsabilités et des rôles des familles et des proches grâce à deux études réalisées au début des années 2000.

La première étude (Lavoie et al., 2003a ; 2003b), menée auprès de 65 intervenants (professionnels et non-professionnels) et gestionnaires des services à domicile de 10 CLSC, porte sur leurs représentations de la situation et des responsabilités des proches aidants, sur leurs attentes et leurs pratiques à l’égard de ces derniers. La seconde étude (Guberman, Lavoie et Olazabal, 2011 ; Lavoie et al., 2009) traite des perceptions des proches aidants baby-boomers et des attentes, à leur égard, d’intervenants de différentes professions (enquête auprès de 43 intervenants) qui œuvrent dans les services à domicile et les équipes de santé mentale de CLSC, de CHSLD ainsi que de centres de réadaptation.

Dans les deux études, les intervenants et les gestionnaires partagent dans l’ensemble les mêmes perceptions et conceptions, et se montrent sensibles à la situation des proches aidants et aux répercussions vécues à la suite de l’engagement de ceux-ci auprès de leurs proches âgés. Cette attitude prévaut surtout envers les conjoints et conjointes, alors que plusieurs intervenants et gestionnaires sont nettement plus critiques à l’égard des enfants, principalement des baby-boomers, qui, de leur point de vue, tenteraient de se défiler de leurs responsabilités et voudraient déléguer l’ensemble des soins aux services publics. Certains reprochent en effet aux aidants baby-boomers de considérer les services comme un droit (Lavoie et al., 2009). Tout en reconnaissant la grande contribution des proches aidants et leurs difficultés, les intervenants et gestionnaires ont des attentes importantes à leur endroit. Ils comptent sur leur participation active au plan de soins, s’attendent à ce qu’ils suivent l’état de santé de leur parent âgé, informent les intervenants de tout changement, et développent des habiletés sur le plan des soins infirmiers, des traitements de réadaptation et d’entretien d’équipements. En fait, le travail des proches est vu sous un angle très instrumental, et ceux-ci sont presque considérés comme des aides-soignants.

Les intervenants semblent ainsi se trouver dans une situation quelque peu paradoxale, qui transparaît dans les rôles qu’ils s’attribuent à l’égard des proches aidants (Lavoie, 2003b ; Lavoie et al., 2009), soit trois rôles principaux (Lavoie, 2003b). Conscients des difficultés vécues par les proches aidants, ils visent d’abord à les soutenir émotivement, à les encourager, à les conseiller et à les orienter. Ils cherchent également à réduire leur fardeau en effectuant pour eux certaines tâches et certains soins, en leur suggérant de faire appel à d’autres organismes pour obtenir de l’aide ou en leur montrant comment donner des soins complexes. Et tout en essayant d’alléger leur tâche, ils doivent néanmoins leur transférer des soins, entre autres des soins de santé, selon les directives émises par leurs gestionnaires.

D’une part donc, les intervenants veulent alléger la tâche des proches aidants en assumant certains soins ou en leur conseillant de limiter leur engagement, d’autre part, ils incitent la famille à faire appel à ses membres moins engagés, en particulier les enfants, et à donner plus de soins. Ainsi, les intervenants font de la formation afin d’habiliter les proches à dispenser des soins plus complexes, notamment certains soins infirmiers et certains traitements de réadaptation. Pour plusieurs intervenants toutefois, ce paradoxe n’existe pas, car, selon eux, les soins sont assumés la plupart du temps par un seul membre de la famille, souvent une conjointe, sans grand soutien des autres membres. En mobilisant ces derniers, ils réduisent la pression sur le proche aidant principal.

D’autres intervenants considèrent la formation à donner certains soins complexes ou lourds, tels que déplacer une personne âgée avec une mobilité très restreinte, comme un moyen de prévenir l’épuisement des proches. Ceux-ci acquièrent ainsi les habiletés qui leur permettent d’offrir des soins plus facilement et de manière plus efficace. Pour ces intervenants, fournir certains soins de nature professionnelle à la personne âgée ayant des incapacités s’inscrit dans un rôle d’allègement de la tâche des proches. D’autres par contre — particulièrement des infirmières et certains intervenants sociaux — ne partagent pas ce point de vue. Ils considèrent par ailleurs que la formation visant principalement le transfert de soins infirmiers professionnels est loin d’alléger la tâche des proches aidants, bien au contraire, et elle leur paraît abusive. Ils se disent coincés entre les orientations de l’établissement et leur perception de la lourdeur de la tâche des proches, vivant ainsi des dilemmes éthiques.

En fait, ces différents positionnements renvoient à la conception qu’ont les intervenants du partage des responsabilités entre la famille, d’une part, et les organismes publics et communautaires, d’autre part. Selon que l’on définit largement ou de manière limitée les responsabilités familiales, certains soins relèvent de la famille ou alors des services publics. Dans le premier cas, donner des soins ou montrer aux proches comment les donner de façon efficace est perçu comme un moyen d’alléger leur fardeau. Dans le second cas, plusieurs soins qu’assument les proches sont vus comme relevant des services publics et de leurs professionnels. Dispenser ces soins ou montrer à des proches comment les donner ne contribue aucunement à réduire leurs tâches. L’attribution de la responsabilité des soins semble donc jouer un rôle majeur dans la construction de la pratique des intervenants et dans les orientations données par les gestionnaires (Lavoie et al., 2003b).

Lorsqu’on les interroge sur l’attribution de la responsabilité des soins aux personnes âgées, la majorité des intervenants et gestionnaires des services à domicile déclarent ne pas avoir réfléchi à la question (Lavoie et al., 2003a). Malgré cela, un tiers exprime clairement que la responsabilité repose d’abord et avant tout sur la personne elle-même et sur sa famille immédiate. Une moitié, après hésitation, indique que la responsabilité est partagée entre les services publics et communautaires, et les familles.

Ces intervenants et gestionnaires sont toutefois incapables d’établir une délimitation claire entre ce qui est du ressort public et ce qui relève des familles. Pour plusieurs, le partage prend une forme séquentielle : les familles prennent soin de leurs parents âgés, mais quand elles se sentent dépassées ou proches de leurs limites, les services prennent la relève. Le rôle des services publics en est donc un de soutien et, en dernière instance, de substitution, tandis que le rôle des intervenants et gestionnaires — toujours dans une définition large des responsabilités familiales — est d’alléger la tâche des familles tout en les mobilisant et en les responsabilisant. À l’opposé, moins d’un intervenant sur cinq — surtout des travailleurs sociaux mais pratiquement aucun gestionnaire — considère que les soins constituent d’abord une responsabilité sociale ou gouvernementale à laquelle la famille devrait contribuer, selon ses capacités et son désir. Pour eux, soutenir les familles est incompatible avec leur responsabilisation.

Cette attribution de la responsabilité première aux familles n’est pas unique aux intervenants et gestionnaires du Québec. Les travaux de Ward-Griffin, menés auprès d’infirmières en Ontario, donnent des résultats similaires : les soins infirmiers à domicile sont d’abord et avant tout vus comme une responsabilité familiale (Ward-Griffin et McKeever, 2000 ; Ward-Griffin et Marshall, 2003). Selon Ward-Griffin et Marshall (2003), cette attribution s’inscrit dans une vision politique minimaliste du rôle de l’État.

Il importe de souligner enfin que, selon Lavoie et ses collègues (2003a), les intervenants qui véhiculent une conception minimaliste du rôle des services publics constatent qu’ils n’ont ni le temps ni les ressources nécessaires pour donner une bonne formation, véritablement soutenir les proches et offrir le répit nécessaire lorsque la demande de soins est trop importante. Ainsi, les gestionnaires se sentent eux-mêmes pris entre, d’une part, les pressions des intervenants qui demandent davantage de services pour les personnes âgées et leurs proches aidants, et, d’autre part, les politiques de leur établissement et du gouvernement. Tant les intervenants que les gestionnaires critiquent la façon dont les services publics assument leurs responsabilités (réduites) et réclament un investissement majeur dans les services à domicile.

Les intervenants et les gestionnaires semblent donc en majorité partager la position du gouvernement québécois en attribuant d’abord la responsabilité des soins aux personnes âgées à celles-ci et à leurs familles, tout en réservant à l’État un rôle subsidiaire (Lavoie, 2003a ; Lavoie et al., 2009). Ce point de vue ne prévaut guère chez les familles qui prennent soin de leurs parents âgés, ni dans l’ensemble de la population.

La population et les proches aidants

Quelques études dirigées par Guberman et des collègues (2011 ; 2006) permettent de connaître les frontières entre engagement familial et engagement public que tracent la population en général et les familles qui prennent soin d’un parent âgé. Dans une enquête téléphonique réalisée auprès de plus de 1 300 Québécois de trois groupes d’âge (18 à 30 ans ; 45 à 59 ans ; 70 ans et plus), les chercheurs ont entre autres soumis aux répondants trois vignettes présentant des scénarios de personnes dont un proche âgé a besoin de soins. Dans ces scénarios, les éléments du contexte (lien familial avec le proche, distance géographique, statut familial et d’emploi de la personne, revenu, qualité de la relation) sont modifiés aléatoirement. Les répondants indiquent alors quels types de soins devraient offrir les proches, selon le contexte dans lesquels ils se trouvent.

Au-delà de 80 p. 100 des répondants affirment clairement la responsabilité familiale à l’égard du bien-être des parents âgés. Cette responsabilité est toutefois circonstancielle et a ses limites. Si une majorité de répondants (57 p. 100) considèrent que les membres de la famille devraient prendre soin de leurs parents âgés même si cela nuit à leur vie sociale, il en va tout autrement pour ce qui est des autres répercussions négatives. Une majorité pense que les proches n’ont pas à prendre soin de leurs parents âgés si cela occasionne des conflits familiaux (61 p. 100), nuit à la vie professionnelle (72 p. 100), ou a une incidence sur la santé des proches ou nuit à leurs enfants (88 p. 100).

Il en ressort que dans les deux tiers des scénarios, la responsabilité des membres de la famille se limite aux visites, aux sorties et à l’accompagnement aux rendez-vous médicaux (Guberman et al., 2006). Seulement une minorité de répondants considèrent que les proches doivent préparer les repas ou voir à l’entretien ménager (31 p. 100), donner le bain, vêtir la personne âgée (24 p. 100), donner des injections et changer des pansements (20 p. 100). Dans ces scénarios, la distance géographique, la présence d’enfants, l’occupation d’un emploi ou la présence de conflits familiaux contribuent toutes à limiter la responsabilité dévolue aux proches.

Comme le soulignent Guberman et ses collègues (2011) et Lavoie (2000), les proches considèrent que l’accompagnement moral de leurs parents âgés, la supervision de leur situation et de la qualité des services que ceux-ci reçoivent, ainsi que la protection de leur estime de soi (par le maintien d’activités ou de liens significatifs, entre autres) sont leur responsabilité. Par contre, ils ne voient pas les soins de nature instrumentale, tels que l’aide domestique, les soins d’hygiène et surtout les soins infirmiers, comme étant une responsabilité familiale, mais bien comme une responsabilité des services publics. Ils semblent d’ailleurs avoir très peu de réticences à utiliser ces services (Guberman et al., 2006). Cette conception du partage des responsabilités entre les services publics et les familles n’est pas unique au Québec. Des études réalisées au Canada anglais (Kemp et Denton, 2003) et en Europe du Nord (Daatland et Herlofson, 2003) arrivent aux mêmes conclusions.

Cette représentation de la responsabilité familiale est tout particulièrement portée par une majorité de femmes de la génération du baby-boom qui ont à prendre soin d’un proche (Guberman, Lavoie et Olazabal, 2011 ; Lavoie et al., 2009). Grâce au développement des services de garde depuis les années 1970, elles constituent la première génération de femmes qui a pu concilier travail et maternité (Lavoie, Guberman et Olazabal, 2008). L’étude qualitative menée par Guberman et ses collègues (2011) auprès de 39 proches aidants de la génération du baby-boom, en grande majorité des femmes, indique que la plupart d’entre elles se voient comme proactives, autonomes et revendicatrices ; elles présentent des identités plurielles associées à des engagements multiples. Elles ont développé, entre autres, une forte identité professionnelle qu’elles désirent préserver. Maintenant qu’elles prennent soin de leurs parents âgés, elles s’attendent à ce que les services publics soient également là pour leur permettre de concilier encore une fois vie familiale et vie professionnelle. Comme le montre une autre étude, réalisée auprès de 32 femmes proches aidantes (Lavoie et al., 2003), ces femmes demandent rapidement des services publics lorsqu’elles prennent soin d’un parent âgé. Adoptant une stratégie managériale des soins, elles se voient d’abord comme gestionnaires de services plutôt que dispensatrices de soins, et considèrent les soins de moins en moins comme naturels, comme allant de soi (Guberman, Lavoie et Olazabal, 2011).

La grande majorité des femmes de la génération du baby-boom rencontrées dans le cadre de ces deux études constatent que les services ne sont pas au rendez-vous et que les intervenants tentent bien davantage de leur transférer des soins que d’alléger leur tâche (Lavoie et al., 2009 ; Lavoie et al., 2003). Elles rapportent de nombreuses tensions avec les services publics et leurs intervenants ; certaines présentent même leur parcours dans les services comme un combat incessant. Devant la pauvreté des services reçus, elles assument donc des coûts professionnels et personnels importants à la suite de leur engagement : réduction du temps de travail, recherche d’un emploi plus flexible ou anticipation de la retraite. Dans la mesure où les soins, notamment ceux de nature instrumentale, n’apparaissent pas être de leur ressort, elles sont particulièrement amères, voire révoltées, par leur situation (Guberman et al., 2009).

Conclusion

La politique québécoise à l’égard des personnes âgées ayant des incapacités a connu plusieurs virages au cours des 50 dernières années. D’une politique centrée sur la responsabilité morale des familles et des organismes philanthropiques avant 1960, le Québec passe à une politique de prise en charge par l’État et d’institutionnalisation de sa population âgée, qui prévaut jusqu’à la fin des années 1970. Au milieu des années 1980, le gouvernement opte pour une politique de maintien dans la communauté et de « partenariat » avec les familles et le tiers secteur. Dans les années 1990 se produit un dernier virage, qui se caractérise par un appel accru au tiers secteur et au secteur privé. L’approche « partenariale » établie avec le tiers secteur, qui culmine dans la création des EÉSAD, fait rapidement place à une instrumentalisation de ce secteur, afin d’offrir d’abord et avant tout des services à moindres coûts. Ce virage marque également la fin de la gratuité des services d’aide domestique et d’une partie des soins personnels.

S’il n’y a pas d’appel formel au secteur privé, celui-ci connaît néanmoins un développement majeur, notamment dans le secteur de l’hébergement, compensant la réduction du nombre de places en hébergement public. La majorité des personnes âgées ayant des incapacités sont désormais hébergées dans des établissements privés que le gouvernement encadre depuis 2006 par diverses lois. Il y a aussi une présence croissante, quoique difficile à documenter, du secteur -privé dans les services à domicile, dont témoignent les allocations directes, les contrats de service avec des agences et l’achat de services privés par les personnes âgées ou leur famille. En outre, le défunt projet d’assurance autonomie proposait d’ouvrir au secteur privé le champ des soins personnels financés à même les prestations que l’assurance aurait versées.

Dans le même temps, le gouvernement tente de limiter son investissement dans les services publics : le nombre de places en hébergement public diminue au profit d’investissements, toujours modestes, dans les services à domicile. Ces derniers ne répondent qu’à une part infime des besoins des personnes âgées. Mais le gouvernement opte plutôt pour une bonification et une multiplication des crédits d’impôt, qui ont pour effet d’encourager le recours aux services privés.

Le Québec semble ainsi adopter deux des stratégies, décrites par l’éminent politologue américain Jacob Hacker (2004), qui permettent aux gouvernements de privatiser les risques de dépendance et de s’en désengager. La première est une stratégie de dérive où les services de longue durée ne reçoivent pas les ressources nécessaires pour couvrir les besoins croissants. La deuxième est une stratégie de superposition, par laquelle de nouveaux programmes, principalement de nature fiscale, s’ajoutent aux programmes plus anciens et finissent par les remplacer. En somme, le Québec offre, encore à ce jour, une aide financière et des services bien modestes, pour ne pas dire symboliques, pour soutenir les soins aux personnes âgées ayant des incapacités ainsi que leurs proches. Le gouvernement n’a alors pas besoin d’imposer des obligations légales aux familles : l’insuffisance de son soutien et de ses services renvoie les familles directement à leurs obligations morales.

Cette approche privatiste fait en sorte que plus de 600 000 proches aidants assument, encore et toujours, la grande part des soins (Fleury, 2013). Ils dispensent au-delà de 80 p. 100 des soins requis par les personnes âgées. Les proches aidants, principalement des femmes, continuent à en subir les conséquences, tant sur le plan de leur santé que de leur vie professionnelle et personnelle. Plus de 60 p. 100 des proches qui aident un parent ou un beau-parent disent ressentir de l’inquiétude ou de l’angoisse ; plus d’une personne sur cinq se sent déprimée ou rapporte des incidences sur son état de santé ; près d’un aidant sur dix éprouve des difficultés financières, et environ trois sur dix notent des effets négatifs sur leur vie professionnelle (Turcotte, 2013).

Cette responsabilisation des familles et des proches, selon l’approche adoptée par l’État québécois et véhiculée par la majorité des cadres et des intervenants du secteur de la santé et des services sociaux, semble en contradiction avec les attentes de la population et les aspirations tant des personnes âgées que des proches aidants. Les personnes âgées et leurs familles manifestent une volonté d’établir des solidarités familiales fondées sur l’affinité et le choix, sans contraintes ni obligations, et les personnes âgées elles-mêmes souhaitent maintenir une certaine autonomie par rapport à leur famille (Guberman et al., 2006, 2011 ; Lavoie, 2000). Le caractère volontaire des solidarités et le désir d’autonomie vont de pair avec un recours significatif aux services publics, et cadrent mal avec une politique de rationnement et de privatisation des soins. Celle-ci brime par ailleurs les aspirations professionnelles des femmes dans la cinquantaine, qui constituent le contingent de proches aidants le plus important, la conciliation emploi et soins s’avérant fort difficile.

Des données canadiennes indiquent que 30 p. 100 des femmes qui prennent soin d’un proche s’absentent du travail. Quelque 6,4 p. 100 d’entre elles devancent leur retraite, démissionnent de leur emploi rémunéré ou sont congédiées, tandis que 4,7 p. 100 doivent refuser un emploi ou une promotion (Fast et al., 2011). Les femmes qui dispensent plus de 30 heures de soins par mois à la maison sont particulièrement touchées ; elles sont par ailleurs deux fois plus nombreuses que les hommes à se trouver dans cette situation (Williams, 2004). La politique de rationnement des soins ne porte pas seulement atteinte à l’identité des femmes, dont le rôle ne se limite plus à la famille, elle nuit en outre à leur sécurité financière tant actuelle que future, compte tenu de la diminution des économies personnelles et des contributions aux régimes de retraite public et privé.

Cette situation met en évidence le caractère paradoxal de l’action gouvernemententale. D’une part, le gouvernement du Québec cherche à limiter ses dépenses de soins aux personnes âgées ; d’autre part, il force une population de travailleurs à réduire son engagement professionnel, voire à opter pour une retraite prématurée, ce qui contrevient à sa visée de maintenir en emploi les travailleurs âgés. La question est de savoir si l’État québécois est conscient de ce paradoxe et quelle réponse il compte y apporter. Il doit également se questionner sur la réaction des proches aidants et des familles à l’égard de cette responsabilisation accrue, qui contrevient aux désirs d’autonomie et d’émancipation des femmes aux identités plurielles.

Dans un tel contexte, le gouvernement du Québec doit reconnaître que le niveau actuel de services de longue durée est intenable pour la population âgée et les proches aidants, et il doit augmenter ces services, tant en établissement qu’à domicile. Le défunt projet de création d’une assurance autonomie visait à répondre à 40 p. 100 des besoins de services à domicile, comparativement à moins de 10 p. 100 actuellement. C’est cette cible qu’il faudrait retenir pour les prochaines années. Elle implique évidemment un réinvestissement important, à court terme, dans les services à domicile, ainsi qu’un engagement véritable, car aucun gain d’efficience ne pourra permettre d’atteindre un tel objectif.

Toutefois, l’investissement dans les services à domicile ne doit pas se faire au détriment du secteur de l’hébergement (par un transfert de fonds d’un secteur à l’autre, par exemple), puisque les établissements d’hébergement ne s’adressent pas à la même clientèle que les services à domicile et que les CHSLD ne réussissent pas à répondre à la totalité des besoins actuels. Au -Québec, 74 p. 100 des fonds pour les soins de longue durée vont aux établissements d’hébergement (CHSLD et RI), alors que seulement 17 p. 100 sont attribués aux services à domicile. Par comparaison, la part consacrée aux soins à domicile est de 32 p. 100 aux Pays-Bas, de 41 p. 100 en Suède et de 43 p. 100 en France (MSSS, 2013a). Le pourcentage des budgets en soins de longue durée consacré à l’hébergement institutionnel est assez élevé au Québec comparativement à plusieurs pays de l’OCDE, mais il ne résulte pas tant d’un surinvestissement dans le secteur institutionnel que d’un sous-investissement chronique dans les services à domicile7.

Augmenter significativement le niveau des services à domicile exige des fonds substantiels. La tentation sera forte — le gouvernement québécois y a déjà succombé — de laisser une plus grande place aux EÉSAD et au secteur privé. On pourrait ainsi accroître le niveau de services à un coût plus bas, les taux horaires des employés et les conditions de travail étant moindres dans ces secteurs que dans le secteur public. Toutefois, il faut se soucier non seulement de la quantité de services mais aussi de leur qualité. Les EÉSAD sont sous-financées et connaissent un problème important de rétention du personnel. Quant aux entreprises privées, les indications sur la qualité moindre de leurs services se font de plus en plus précises (McGregor et Ronald, 2011). Le MSSS devrait poursuivre sa réflexion sur la manière optimale de répondre aux besoins de services de longue durée, et sur la place à accorder aux différents secteurs (public, privé et tiers secteur) et aux familles. Dans cette réflexion, il faudrait que le MSSS se penche sur les moyens optimaux de financer des services de qualité offerts à domicile, peu importe par qui ils sont ou seraient dispensés.

Enfin, le gouvernement devrait trouver des moyens de faciliter aux proches aidants la conciliation entre leur vie professionnelle et leur engagement dans les soins donnés à leurs parents âgés. Différentes pistes pourraient être envisagées, entre autres en apportant des changements au Code du travail (horaires flexibles, possibilité de temps partiel, de télétravail ou de prise de congé). Il faudrait penser à des formes de compensation pour les travailleuses et aussi les travailleurs qui font face à une diminution de leurs revenus actuels et futurs. On est d’ailleurs en droit de se poser des questions sur le déséquilibre dans les programmes. Pour les personnes qui prennent soin de parents âgés, il n’y a pas d’équivalent aux protections offertes aux parents de nouveau-nés. Les proches aidants ne devraient-ils pas être admissibles au régime public d’assurance parentale ? Dans la même veine, la Régie des rentes ne devrait-elle pas considérer dans le calcul des rentes les années non travaillées à cause de responsabilités de soins dispensés à un parent âgé, comme cela se fait pour les parents de jeunes enfants ? À l’heure actuelle, nous ne pouvons faire l’économie d’une réflexion d’ensemble sur les soins de longue durée aux personnes âgées et sur le soutien à leurs proches aidants.

  1. Devenue, en 1979, la Société canadienne d’hypothèques et
    de logement.
  2. Le Vérificateur général du Québec souligne que le MSSS ne peut mesurer le taux de besoins de soins satisfaits, faute de données à cet effet. De plus, il note que les besoins de près du quart des résidents n’ont pas été évalués depuis cinq ans. Pour sa part, l’AQESSS (2005) estime à environ 75 p. 100 le taux de besoins satisfaits.
  3. Une ressource intermédiaire (RI) est toute ressource attachée à un établissement public. Il s’agit d’un milieu de vie (un appartement supervisé, une maison de chambres, une maison d’accueil ou une résidence de groupe) qui accueille les personnes âgées ayant des incapacités et ne pouvant demeurer seules. Les RI sont liées par contrat aux CSSS, qui peuvent y offrir des services professionnels et non professionnels aux résidents. Les résidents doivent assumer les coûts du gîte et du couvert.
  4. Un projet novateur (PN) est un lieu d’habitation doté de services. Il est constitué généralement des mêmes types de milieux que les RI, mais suit les normes des CHSLD en matière de soins, car il accueille le même type de clientèle que ces derniers. Comme pour les RI, un contrat est établi avec un CSSS. Le résident assume le coût du gîte et du couvert qui ne peut dépasser celui d’un CHSLD.
  5. En 2000, alors que le Canada consacrait 0,17 p. 100 de son produit intérieur brut aux services publics de maintien à domicile, l’Allemagne y affectait 0,47 p. 100 et la Suède 0,82 p. 100 (OECD, 2005).
  6. Lors d’une visite, un intervenant peut effectuer plusieurs interventions. Ainsi, un auxiliaire peut donner un bain et ensuite préparer un repas, ce qui est comptabilisé comme deux interventions. De même, une infirmière peut prendre la pression artérielle et effectuer un prélèvement sanguin. Là encore, il y a deux interventions. Pour chaque usager, toutes les interventions effectuées sont notées. À partir du nombre annuel d’interventions auprès de chaque usager, il est possible de calculer un nombre moyen annuel d’interventions, soit le nombre total d’interventions au cours d’une année par rapport au nombre total d’usagers.
  7. L’OCDE (2005) indique que l’investissement per capita dans l’hébergement au Canada est semblable à celui des Pays-Bas et inférieur à celui de la Suède.

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Long-term care in Quebec: Who is responsible? Government’s reliance on families to compensate for shortfalls in services raises concerns

Montreal – Quebec policy on long-term care for the elderly has undergone several shifts over the last 50 years. To limit its involvement in the provision of long-term care, the government is expanding the role of the private and third sectors, while relying on families to compensate for the shortfall in services. This transfer of responsibility raises a number of concerns.

In a new study published by the Institute for Research on Public Policy, entitled La responsabilité des soins aux aînés au Québec : du secteur public au privé, Jean-Pierre Lavoie and his colleagues trace the evolution of service provision to the elderly in the area of institutional and home care, as well as related legislation and tax and financial incentives.

The authors point to the growing privatization of risks associated with dependency and assess whether the government’s approach meets the needs and expectations of the people concerned, especially in light of ongoing changes in the labour market and current thinking about family support systems.

The study reveals a significant gap between government expectations and those of seniors and their families. Families wish to provide support based on choice and emotional affinity, while seniors want to retain their independence from their families.

Finally, the need to balance employment and caregiving responsibilities is having adverse effects on the health of the largest group of caregivers, women in their 50s, while also hindering their own aspirations and threatening their financial security.

“The objective of promoting labour force participation among older workers is inconsistent with the rationing and privatization of care, and with the role assigned to families,” write the authors. “The government should improve social benefits for caregivers and consider making them eligible for parental insurance.

“It is vital, moreover, to invest once again in home care services,” the authors conclude. “Serious thought must be given to the respective roles of families and the public, private and voluntary sectors, as well as to how best to meet people’s needs and ensure the funding of services.”

La responsabilité des soins aux aînés au Québec : du secteur public au privé, by Jean-Pierre Lavoie and his colleagues, can be downloaded from the Institute’s website at irpp.org.

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The Institute for Research in Public Policy is an independent, national, nonprofit organization based in Montreal. To receive our monthly newsletter by e-mail, please subscribe to IRPP News.

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