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Le renouvellement du Sénat du Canada : poursuivre dans quelle voie ? featured image
Évolution de la communauté fédérale canadienne

Le renouvellement du Sénat marque un progrès mais doit s’accompagner d’autres changements

Rapport sur une table ronde

21 février 2019

En novembre 2015, le gouvernement de Justin Trudeau a annoncé la création d’un processus non partisan de sélection des candidats au Sénat. La plupart des sénateurs nommés depuis mars 2016 selon ce nouveau processus se sont joints au Groupe des sénateurs indépendants, qui détenait déjà près de la moitié des sièges au milieu de l’année 2018. Pour faire le point sur cette évolution et les changements internes qu’ils occasionnent, l’Institut de recherche en politiques publiques a tenu une table ronde le 27 septembre 2018, à Ottawa. Ce rapport fait la synthèse des présentations et des échanges auxquels la rencontre a donné lieu.

Selon la majorité des participants, le Sénat actuel exerce ses fonctions de révision législative encore plus efficacement que par le passé, ce dont témoigne une interaction plus soutenue avec la Chambre des communes, les ministres et les hauts fonctionnaires. Certains se sont toutefois inquiétés de la forte hausse du nombre de communications enregistrées depuis 2015 entre sénateurs et lobbyistes. Les participants ont aussi observé que le Sénat renouvelé propose des modifications plus nombreuses aux projets de loi gouvernementaux, mais qu’il le fait généralement en conformité avec le principe de déférence envers la Chambre des communes. Ils ont favorablement accueilli les récentes nominations de sénateurs, qui reflètent mieux la diversité canadienne, tout en doutant qu’elles aient amélioré la représentation régionale. Selon le sentiment général, le renouvellement en cours marque un progrès mais doit s’accompagner d’autres changements, qui reflètent notamment l’influence moindre des lignes de parti dans l’organisation de la seconde chambre. Personne n’a cependant proposé de relancer les négociations ­intergouvernementales sur une réforme constitutionnelle du Sénat.

(Ce rapport a été traduit de l’anglais.)

Introduction

La raison d’être et la reconnaissance constitutionnelle du Sénat ont été d’importants sujets de débat aux conférences qui ont présidé à la création de la fédération canadienne en 1867. Il fut alors convenu que la principale fonction du Sénat consisterait à réviser les projets de lois adoptés par la Chambre des communes pour en faire un « second examen objectif », selon les dires de John A. Macdonald. À cette fin, le Sénat s’est vu accorder des pouvoirs législatifs de même ampleur que ceux de la Chambre des communes, à une exception près : les projets de loi en matière de crédits et de fiscalité devaient être déposés en premier lieu à la Chambre. Ces pouvoirs sont demeurés inchangés.

La conception du Sénat et de la Chambre des communes diffère toutefois sous plusieurs autres aspects. Les sénateurs sont nommés par le gouverneur général sur recommandation du premier ministre[1]. Nommés d’abord à vie, ils sont contraints depuis 1965 de prendre leur retraite à 75 ans. Au moment de leur nomination, ils doivent en outre posséder 4 000 dollars en biens immobiliers. Cette exigence financière établie dès 1867 était alors très élevée et répondait à l’un des objectifs implicites du Sénat, exprimé comme suit par George-Étienne Cartier : « Il doit exister un pouvoir de résistance à l’élément démocratique pour que les institutions puissent demeurer stables et travailler dans l’harmonie[2]. »

Le Sénat visait aussi à contrer le principe de représentation selon la population qui détermine la répartition des sièges à la Chambre des communes. À l’origine, les sièges du Sénat étaient attribués selon trois divisions régionales, l’Ontario, le Québec et les provinces maritimes (alors uniquement la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick), chacune obtenant 24 sièges[3]. Particulièrement importante pour les chefs politiques du Bas-Canada (selon la dénomination de l’époque), cette répartition a été décrite comme l’élément clé du pacte confédératif[4].

Mais avec le temps s’est affirmée l’idée que la nomination des sénateurs contrevenait aux valeurs démocratiques. Cela a progressivement suscité un appui considérable en faveur d’un Sénat élu, sans que n’aboutisse aucune des tentatives visant à effectuer ce changement par voie de réforme constitutionnelle, la dernière en date remontant à l’Accord de Charlottetown de 1992. On a aussi fait au Sénat le reproche de ­partisanerie : même si on y a nommé de nombreux candidats qualifiés qui ont assumé leurs responsabilités avec sérieux, les nominations ont souvent servi à récompenser de fidèles adhérents du parti au pouvoir. Son organisation s’apparentait par conséquent à celle de la Chambre des communes, avec un leader du gouvernement (siégeant traditionnellement au Cabinet) et un leader de l’opposition. Comme la grande majorité des sénateurs votait selon les lignes de parti, la dynamique du Sénat traduisait essentiellement celle de la Chambre. Et au cours des dernières années, des irrégularités impliquant certains sénateurs ont encore terni la réputation de la seconde chambre.

Peu après son arrivée au pouvoir en novembre 2015, le gouvernement libéral de ­Justin Trudeau a annoncé un « nouveau processus non partisan et fondé sur le mérite » qui conseillera le premier ministre sur les candidats au Sénat, de même que la mise sur pied du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat. Le gouvernement a justifié ces changements comme suit :

Les travaux du Comité consultatif indépendant seront orientés par des critères publics et fondés sur le mérite afin d’identifier les Canadiens et les Canadiennes qui apporteraient une contribution significative aux travaux du Sénat. Ces critères permettront d’assurer un degré élevé d’intégrité, de collaboration et d’impartialité au sein du Sénat. […] Le nouveau processus indépendant, basé sur des critères transparents et fondés sur le mérite, contribuera à la mise en place d’une institution moins partisane et plus efficace au service des Canadiens et des Canadiennes[5].

Un premier pas vers un Sénat moins partisan avait déjà été franchi en janvier 2014, lorsque Justin Trudeau (alors chef du Parti libéral) avait annoncé que les sénateurs libéraux (au nombre de 31) ne feraient plus partie du caucus parlementaire libéral[6].

Les sept nominations au Sénat de mars 2016 ont été faites sur proposition du Comité consultatif, et depuis, tous les candidats proviennent du bassin de Canadiens intéressés ayant soumis une demande. Presque tous les sénateurs nommés en vertu de ce processus se sont joints au nouveau Groupe des sénateurs indépendants (GSI), dont les membres détenaient 54 des 105 sièges du Sénat à la fin de janvier 2019. Le deuxième groupe en importance comptait 31 sénateurs affiliés au Parti conservateur du Canada (voir tableau ci-contre).

Le renouvellement en cours du Sénat[7] ne se limite pas à sa composition. Par exemple, des modifications ont été apportées à la pratique procédurale de ses travaux et aux règles de désignation des présidents et des membres de comités issus des différents groupes du Sénat. L’essor du GSI a également incité le gouvernement à modifier les ressources budgétaires allouées aux bureaux parlementaires des regroupements officiellement reconnus, dont ceux des leaders des caucus libéral et conservateur. En mai 2018, le Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a ainsi approuvé une nouvelle formule qui a sensiblement augmenté les allocations au GSI.

Deux ans et demi après les premières nominations effectuées selon le nouveau processus, l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) a jugé opportun d’en faire le bilan et d’examiner toute autre mesure à prendre. Il a organisé à cette fin une table ronde dont le thème était « Le renouvellement du Sénat : poursuivre dans quelle voie ?[8] », tenue à Ottawa le 27 septembre 2018, qui a réuni trois sénateurs et de nombreux experts, hauts fonctionnaires fédéraux et membres du personnel de la Chambre haute[9].

La rencontre s’est déroulée selon la règle de Chatham House prévoyant que les commentaires des participants ne peuvent être rapportés sans leur accord. Dans ce rapport, nous citons et attribuons à chaque expert les observations qu’ils ont faites lors des présentations initiales. Les propos qu’ils ont tenus pendant le reste de la journée, et ceux des autres personnes présentes, sont simplement attribués à « un participant ».

1. bicaméralisme et rôle historique du Sénat

Selon la Cour suprême du Canada, le « Sénat est une des institutions politiques fondamentales » du pays[10]. Lors des discussions de la table ronde, les participants ont tous convenu de la nécessité d’un Sénat efficace pour faire contrepoids à la Chambre des communes. Plusieurs ont appuyé le principe de déférence envers la Chambre des communes, tout en précisant l’importance pour les sénateurs de « pouvoir faire leur travail », surtout en matière de révision législative.

Dans sa présentation, Jean-François Godbout a rappelé l’influence autrefois exercée par les sénateurs. Dans les années 1930 et 1940, le Sénat modifiait en moyenne un projet de loi sur cinq. Mais cet activisme législatif s’est progressivement amoindri : des années 1950 à la réforme de Justin Trudeau, on parle plutôt d’un projet de loi sur vingt. Et Paul Thomas a noté qu’entre 1980 et 2015, le Sénat n’a rejeté que 3 des 1 724 projets de loi émanant du gouvernement.

David Smith a indiqué qu’entre les exercices 2008-2009 et 2012-2013, les comités du Sénat ont tenu plus de 2 300 réunions et produit quelque 500 rapports. Certains participants ont observé que le Sénat a mené des enquêtes sur d’importants enjeux et publié des rapports bien accueillis, citant à l’appui l’étude sur le système de santé dirigée par le sénateur Michael Kirby et les travaux exploratoires sur la légalisation du cannabis d’un comité spécial dirigé par le sénateur Pierre Claude Nolin. Malgré leur intérêt réel, a toutefois noté un participant, ces travaux se sont espacés depuis une dizaine d’années et n’ont su imposer le Sénat comme un contrepoids efficace à la Chambre des communes.

Si les médias et le grand public ont régulièrement mis en cause sa légitimité et son efficacité, le Sénat n’en conserve pas moins le pouvoir de modifier et même de rejeter les lois votées par la Chambre des communes. Or, a rappelé David Smith, c’est l’inverse qui prévaut au Royaume-Uni depuis l’adoption en 1911 du Parliament Act, qui a réduit le pouvoir de la Chambre des lords à un droit de veto suspensif. En 1949, on a de surcroît limité à un an la période durant laquelle ce veto permettait de reporter l’adoption des lois votées par la Chambre des communes[11].

Historiquement, les sénateurs, tout comme les députés de la Chambre des ­communes, ont toujours adhéré à un caucus de parti. Selon l’analyse de Jean-François­ Godbout sur les dissensions consignées depuis 1867, la discipline de parti au Sénat s’est graduellement renforcée si l’on se fie aux votes des sénateurs et députés de même ­appartenance politique. Toutefois, elle n’était guère plus forte en 2015 que dans les années 1980. Paul Thomas estime que cette discipline observée dans les deux chambres a effectivement permis aux partis formant le gouvernement de neutraliser le pouvoir du Sénat. Selon David Smith, les modifications apportées depuis 2014 ont cependant « libéré la plupart des sénateurs des liens partisans qui les rattachaient depuis 150 ans à la Chambre des communes ».

2. Processus législatif et relations avec la Chambre des communes

À propos de l’évolution du processus législatif et des relations entre le Sénat et la Chambre des communes, les présentateurs et participants ont été invités à répondre aux questions suivantes :

  • Quelle est l’incidence d’un Sénat plus indépendant sur le processus législatif ?
  • Dans quelle mesure un Sénat plus actif est-il compatible avec les principes d’un gouvernement formé sur le modèle de Westminster, en ce qui touche notamment la primauté d’une Chambre des communes élue ?
  • Le Sénat devrait-il jouer un rôle particulier dans l’examen de certains aspects des lois et des politiques publiques ? Le cas échéant, quels seraient ces aspects ?
  • Quelles sont les conséquences potentielles d’une indépendance accrue des sénateurs sur le rôle des députés et le mandat des comités de la Chambre des communes ?

Gary O’Brien a expliqué que les relations entre le Sénat et la Chambre des communes avaient évolué de diverses façons avant même les changements apportés par Justin Trudeau. Au lendemain des élections de 1979, par exemple, la majorité libérale du Sénat avait établi la pratique d’abstention sur certains votes pour sauver les apparences et permettre l’adoption des projets de loi du gouvernement conservateur. À la même époque, a rappelé Paul Thomas, la majorité libérale a aussi recouru aux « vetos de poche », qui évitent de rejeter une loi mais ne sont suivis d’aucune autre intervention avant la fin de la session parlementaire.

Certains ont observé que le Sénat renouvelé prend très au sérieux son rôle de révision législative. Au cours des sessions parlementaires comprises entre décembre 2015 et la fin de juin 2018, le Sénat a proposé des modifications à 14 projets de loi issus de la Chambre des communes, dont un seul n’émanait pas du gouvernement. Or, durant toute la période législative de 2011-2015, il n’en avait proposé que pour un seul projet de loi gouvernemental adopté par la Chambre. Il faut toutefois interpréter ces données avec prudence, a noté Paul Thomas, car certaines modifications proposées par le Sénat sont de nature plus technique que substantielle. D’autant qu’il peut s’agir de changements de dernière minute requis par le gouvernement. Enfin, il peut arriver que des sénateurs votent pour un projet de loi ou contre les modifications proposées — ce qui peut être perçu comme un vote « en faveur » du gouvernement — parce qu’ils estiment avoir fait leur devoir et jugent inutile de reporter l’application d’une loi déjà adoptée par une Chambre des communes élue.

Plusieurs se sont exprimés sur l’évolution du rôle du Sénat en matière de révision législative. Pour la sénatrice Ratna Omidvar, le processus est devenu plus complexe et plus ardu. À ses yeux, le plus grand changement vient du fait que les sénateurs ignorent souvent comment voteront leurs collègues et que nombre d’entre eux peuvent alors attendre la toute fin du processus législatif avant de décider de leur vote. Selon un autre participant, les ministres qui déposent un projet de loi à la Chambre des communes sont désormais moins certains de la réaction du Sénat.

Quelques présentateurs ont examiné les travaux du Sénat sur différents projets de loi dont il a été saisi pendant la session parlementaire amorcée en décembre 2015. Paul Thomas a salué la façon dont le Sénat a traité l’un des textes législatifs les plus médiatisés de la session, le projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis, dont la révision a englobé les éléments suivants :

  • examen détaillé mené par cinq comités qui ont entendu plus de 240 témoins ;
  • huit audiences de ministres devant les comités du Sénat ;
  • débat de six jours en troisième lecture axé sur des thèmes précis ;
  • accord préalable sur une date limite d’adoption (7 juin 2018).

De son côté, Emmett Macfarlane a examiné le traitement du projet de loi S-3 sur la suppression des iniquités fondées sur le sexe de la Loi sur les Indiens. Ce projet de loi visait à rétablir le statut d’Indienne des femmes autochtones ayant épousé un non-­Autochtone après 1951. Certains sénateurs souhaitaient le modifier, notamment pour rétablir ce statut à partir de 1867. Comme le Sénat a pris plus de temps que prévu pour étudier la question, le gouvernement a fait proroger deux fois la déclaration des tribunaux qui avait donné lieu au projet de loi S-3. La Chambre des communes a adopté certaines des modifications du Sénat, mais le gouvernement a refusé de changer la date de 1951 tout en promettant de tenir des consultations à ce sujet. Certains sénateurs ont accepté ce compromis, mais d’autres ont déploré l’absence de calendrier pour ces consultations.

La sénatrice Ratna Omidvar a décrit sa tentative infructueuse de modifier le projet de loi C-25 visant à accroître la diversité des conseils d’administration des sociétés cotées en bourse. Avec quelques autres sénateurs, elle préconisait d’y inclure la définition de la diversité telle que contenue dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi, ainsi que des cibles volontaires. Cette coalition informelle a tenté de rallier d’autres collègues à sa cause, mais le gouvernement a su convaincre suffisamment de sénateurs de rejeter la modification. Il a toutefois consenti à élargir la définition de la diversité dans les règlements du texte législatif.

Elizabeth Roscoe a salué les travaux du Sénat sur le projet de loi C-14 concernant l’aide médicale à mourir. Le Sénat a proposé sept modifications, dont la plupart furent acceptées, mais a échoué à étendre l’application à un plus grand nombre de cas. L’adoption du projet de loi a tout de même nécessité de longues négociations.

Plusieurs ont souligné que l’influence du Sénat va bien au-delà de la simple modification des projets de loi. « Pour exercer son influence, a soutenu Paul Thomas, le nouveau Sénat devrait miser sur la persuasion (soft power) plutôt que sur la coercition (hard power), c’est-à-dire privilégier l’examen détaillé, le conseil et la médiatisation plutôt qu’une démarche visant à rejeter, à modifier fondamentalement ou à prolonger inutilement l’adoption de projets de loi déjà approuvés par la Chambre des communes. »

Selon Emmett Macfarlane, les changements voulus par le gouvernement Trudeau se révèlent globalement fructueux, car la plupart des sénateurs, même s’ils sont plus ­actifs, conviennent de la nécessité pour le gouvernement d’appliquer son programme. Le Sénat doit toutefois rester complémentaire à la Chambre des communes, ont affirmé certains participants.

3. Élaboration des politiques et relations avec le gouvernement

Les présentateurs et participants se sont penchés sur l’évolution des liens entre le Sénat et le gouvernement. Ils ont notamment examiné comment les processus d’élaboration des lois et des politiques ont changé au gré du renouvellement du Sénat, et se sont demandé si les comités sénatoriaux devaient se montrer plus actifs dans des domaines comme l’étude des grands enjeux politiques et la révision des mesures et programmes gouvernementaux. Dans l’affirmative, quelle démarche devraient-ils suivre ?

Ils ont ainsi souligné que les changements avaient effectivement modifié la nature et la portée des interactions entre sénateurs, ministres et hauts fonctionnaires. Les ministres ne peuvent plus compter sur le soutien d’un bloc de sénateurs du même camp et doivent souvent intervenir plus tôt dans le processus législatif, y compris en présentant des exposés à de petits groupes de sénateurs. Comme ils examinent les projets de loi plus minutieusement, les sénateurs sollicitent plus souvent l’expertise technique des hauts fonctionnaires, à qui il est même arrivé de rencontrer personnellement certains sénateurs.

La participation des ministres aux périodes de questions du Sénat constitue une autre innovation. Auparavant, le leader du gouvernement au Sénat — traditionnellement un ­ministre — répondait à des questions sur un éventail d’enjeux. Désormais, le représentant gouvernemental n’est plus ministre et ne peut s’exprimer au nom du gouvernement. Le Sénat a donc instauré une pratique consistant à inviter un ministre à la période des questions, généralement une fois par semaine de séance. Les ministres invités sont choisis de concert avec tous les caucus et groupes de sénateurs, et l’horaire est établi en coordination avec le représentant gouvernemental.

4. Relations avec les intervenants

L’évolution des liens entre le Sénat et les intervenants et acteurs politiques externes a suscité beaucoup d’attention. Selon les données présentées par Elizabeth Roscoe, on a dénombré de 2011 à 2014 environ 450 communications annuelles entre lobbyistes enregistrés et sénateurs. Ce nombre a bondi à 700 en 2016, puis à 1 450 en 2017. Si le lobbying a longtemps ciblé certains relais du pouvoir comme les ministres et les chefs de l’opposition, a expliqué Yaroslav Baran, la donne a changé avec l’arrivée de sénateurs indépendants qui s’intéressent davantage aux enjeux de fond et peuvent réagir aux attentes des intervenants en modifiant un projet de loi ou en exerçant leur influence sur d’autres politiciens.

Selon l’expérience d’Elizabeth Roscoe, les lobbyistes doivent désormais chercher à connaître l’avis des sénateurs indépendants et adapter leur argumentaire en conséquence, au lieu de s’en remettre aux lignes de parti. Mais ce lobbying auprès de sénateurs non partisans présente au moins un inconvénient, a noté un participant, car ceux-ci attendent parfois les tout derniers jours précédant un vote pour se prononcer.

L’intensification du lobbying a suscité des avis partagés. Elizabeth Roscoe y voit une saine évolution qui favorise le dialogue et offre aux sénateurs un meilleur accès à l’opinion des intervenants. D’autres se sont montrés plus méfiants. Un participant a expliqué que la discipline de parti prémunit les députés contre l’influence des lobbys, mais qu’aucun mécanisme officiel ou informel n’empêche les sénateurs indépendants d’endosser l’argumentaire des lobbyistes. Un autre a souligné l’importance pour ces sénateurs de préserver leur indépendance face aux lobbys et de se concentrer plutôt sur la représentation des régions et le respect de la diversité.

5. Représentation au Sénat

Le rôle de représentation du Sénat a fait l’objet d’un vaste débat, fondé notamment sur les questions suivantes :

  • Quels seraient les avantages et les inconvénients de la mise sur pied de caucus régionaux au sein du Sénat ?
  • Certaines modifications au mandat et à la composition des comités sénatoriaux permettraient-elles de renforcer le rôle de représentation régionale du Sénat ?
  • Comment ce rôle se rattacherait-il aux autres aspects de la mission et des responsabilités du Sénat ?

5.1 Primauté aux régions ?

Hugh Segal a retracé l’historique du rôle du Sénat en matière de représentation régionale. Il a rappelé qu’en 1867, deux principaux objectifs avaient présidé à l’élaboration du Sénat : limiter la « tyrannie de la majorité » en faisant contrepoids à la Chambre des communes (élue selon la population) et assurer à chaque région une représentation égale. La Loi constitutionnelle de 1867 garantissait 24 sénateurs à chacune des trois divisions de l’époque : l’Ontario, le Québec et les provinces maritimes (alors uniquement la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick). Sans quoi, jamais les provinces maritimes n’auraient accepté un accord confédératif accordant au Québec et à l’Ontario un poids politique dominant à la Chambre des communes, a souligné Hugh Segal.

Nadia Verrelli a soutenu dans sa présentation que les sénateurs (souvent nommés pour leur appartenance politique) avaient graduellement privilégié les intérêts de leur parti au détriment des intérêts de leur région.

Dans un rapport du Forum des politiques publiques paru en 2016, les anciens sénateurs Michael Kirby et Hugh Segal recommandaient que les sénateurs se regroupent selon les ­régions plutôt que selon les partis[12]. Hugh Segal a précisé les raisons de ce point de vue en faisant valoir que le principe organisationnel de représentation régionale n’excluait aucun des autres rôles du Sénat.

À propos de cette recommandation de Kirby et Segal, Nadia Verrelli a dit craindre qu’un système de caucus régionaux ne fasse l’impasse sur certains problèmes, comme ceux qui touchent directement les peuples autochtones. Elle s’est interrogée sur les intérêts qui guideraient l’action de ces caucus ou qu’ils prétendraient protéger : ceux des premiers ministres provinciaux ou de l’opinion publique ? Pour autant, a-t-elle noté, les sénateurs qui se rapprocheraient ainsi de leur région pourraient tout de même servir également les intérêts de l’ensemble du pays.

5.2 Représentation dans le Sénat actuel

Depuis les récentes modifications, quels intérêts ou citoyens les sénateurs représentent-ils au juste ? Le Sénat offre aujourd’hui un portrait plus complet et plus inclusif du pays, a soutenu la sénatrice Ratna Omidvar (au moment de la table ronde, 44 p. 100 des sénateurs étaient des femmes et 11 p. 100 des Autochtones), ajoutant que les sénateurs nommés depuis 2016 proviennent d’une plus grande variété de milieux et de domaines professionnels.

Selon Nadia Verrelli, le Sénat doit incarner une approche moderne du fédéralisme et non celle du xixe siècle, car le fédéralisme ne repose pas uniquement sur les rapports entre deux ordres de gouvernement. Et même si les peuples autochtones sont désormais mieux représentés au Sénat qu’à la Chambre des communes, le Sénat reste tributaire des structures coloniales qui ont fait des Autochtones des « groupes d’intérêts spéciaux » plutôt que des partenaires de la fédération.

Dans l’ensemble, les participants considèrent que la représentation de la diversité ­canadienne est l’une des principales fonctions du Sénat.

6. Évaluation du Sénat renouvelé

À la séance de clôture, les présentateurs de la table ronde ont été invités à commenter certains enjeux soulevés pendant la rencontre et à aborder les questions suivantes :

  • La plus grande attention accordée aux critères de mérite et de diversité dans le nouveau processus de sélection vient-elle renforcer la légitimité du Sénat ?
  • Quelle est l’incidence de la transition en cours sur l’obligation des sénateurs de rendre des comptes ?
  • Quelles autres modifications pourrait-on envisager sans en revenir aux pourparlers constitutionnels multilatéraux ?
  • Le renouvellement actuel du Sénat pourrait-il favoriser l’adoption d’une réforme plus fondamentale ? Le cas échéant, que faudrait-il faire pour franchir cette étape ?

La sénatrice Raymonde Saint-Germain a soutenu que la modernisation du Sénat est un travail de longue haleine dont certains aspects progressent plus rapidement que d’autres, et elle a plaidé pour un changement de culture. Selon elle, les députés, les fonctionnaires et les médias doivent en outre trouver d’autres moyens d’évaluer le Sénat renouvelé, en se fondant sur les critères suivants :

  • expertise : connaissances nécessaires à l’examen d’un vaste éventail d’enjeux ;
  • pertinence : conformité des travaux du Sénat à son mandat ;
  • inclusion : prise en compte d’une variété de points de vue, dont ceux des régions ;
  • indépendance : capacité de s’acquitter de son mandat sans entraves indues de la part du gouvernement ou de la Chambre des communes ; maintien à distance des « lobbys bien organisés » et d’autres groupes d’intérêt.

Elle a aussi proposé de renforcer le Code de déontologie du Sénat, surtout en matière de conflits d’intérêt, et de réviser la Loi sur le Parlement du Canada, dont plusieurs aspects clés traduisent encore une division entre le gouvernement et l’opposition au sein du Sénat.

Jennifer Wallner a dit avoir examiné tous les rapports des comités sénatoriaux de l’année précédente, sans y trouver la moindre mention d’enjeux régionaux. Elle a suggéré que les comités étudient la possibilité d’intégrer explicitement cet aspect à leurs rapports.

Le renouvellement du Sénat pourrait favoriser la démocratisation du processus politique, a-t-elle toutefois observé, puisque les sénateurs constituent des interlocuteurs plus accessibles. Mais comme les sénateurs indépendants ne sont pas soumis à la discipline de parti, ils pourraient être plus sensibles aux pressions des lobbys et des intérêts particuliers. Jennifer Wallner s’est de même inquiétée de la possibilité que le Sénat renouvelé s’appuie dans ses travaux sur des ententes et des conventions informelles, qu’on pourrait cependant invalider. Sur la question de la représentation, elle a noté que bon nombre des sénateurs nommés depuis 2016 représentent probablement des citoyens favorables au programme du gouvernement actuel, mais que les relations avec la Chambre de communes pourraient être plus agitées avec un autre parti au pouvoir.

Jason VandenBeukel a estimé que la plus forte représentation des femmes et des Autochtones au Sénat devrait renforcer la légitimité de la seconde chambre, et que les Canadiens verront probablement comme un progrès le recul de la partisanerie dans ses rangs. Dans un sondage de mars 2018 sur l’avenir du Sénat, 71 p. 100 des répondants jugeaient en effet que les sénateurs devaient être indépendants et voter en conséquence[13]. Certains participants ont toutefois observé qu’il faudra du temps pour améliorer les perceptions de l’ensemble de la population à l’égard du Sénat.

Jason VandenBeukel s’est par ailleurs inquiété du fait que ce ne sont pas tous les gouvernements provinciaux qui ont consenti à participer au Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat qui examine les candidatures aux sièges vacants d’une province donnée, ce qui pourrait dénoter une adhésion insuffisante. Il s’est dit soucieux que l’obligation pour les sénateurs de rendre des comptes n’ait connu aucune amélioration et que les possibilités de sanctions fondées sur la discipline de parti, par exemple l’exclusion d’un caucus, soient moindres du fait de la proportion grandissante de sénateurs indépendants.

Nuançant certaines observations des présentateurs, un participant a fait valoir que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui avait mené une étude sur les véhicules autonomes, s’était montré plutôt attentif aux différences régionales. Et pour ce qui est de l’obligation de rendre des comptes, elle a noté que les questions financières des sénateurs sont maintenant soumises à une transparence accrue, bien qu’il s’agisse d’une reddition de comptes limitée.

Paul Thomas a proposé de créer un comité voué à la gestion des affaires du Sénat, en s’inspirant peut-être de l’expérience de la Nouvelle-Zélande, et soutenu qu’une telle innovation pourrait favoriser une « culture plus constructive et plus collaborative » au sein de la seconde chambre.

Les participants ont semblé privilégier une plus grande transparence des rapports entre sénateurs et intervenants afin de limiter les effets potentiels d’influences extérieures. Certains ont même proposé de définir en la matière un ensemble de règles de gestion.

L’un des participants a fortement soutenu la proposition de Raymonde Saint-Germain de réviser la Loi sur le Parlement du Canada afin d’y intégrer les modifications apportées au Sénat.

Sur la question d’une éventuelle réforme du Sénat par voie de modification constitutionnelle, une participante a estimé qu’aucun parti politique ne voudra prendre l’engagement d’instituer un Sénat élu en vue des élections de 2019[14]. Les chefs de parti voudront plutôt évaluer l’effet des changements en cours, a-t-elle ajouté, d’autant plus que la population ne réclame pas de réforme constitutionnelle.

Conclusion

La table ronde tenue par l’IRPP le 27 septembre 2018 ne visait pas nécessairement à établir si l’actuel renouvellement du Sénat marque un véritable progrès, mais selon le sentiment général qui s’est dégagé des échanges, les modifications en cours constituent une avancée positive. Si les sénateurs restent des législateurs désignés, l’effectif de la seconde chambre s’est diversifié et enrichi avec l’arrivée d’éminents Canadiens choisis selon un processus de nomination fondé sur le mérite. Le Sénat exerce même avec plus de sérieux que par le passé ses fonctions de révision de la législation, ce qui a une incidence favorable sur la fréquence et l’intérêt des liens que les ministres et hauts fonctionnaires entretiennent avec le Groupe des sénateurs indépendants, aussi bien individuellement qu’au sein des groupes informels qui se sont formés. Par rapport aux dernières décennies, le Sénat s’efforce plus activement de modifier les projets de loi gouvernementaux et manifeste de diverses façons une indépendance accrue.

La suite du processus de renouvellement soulèvera plusieurs questions, dont les suivantes :

  • Quelles autres modifications faut-il apporter aux règles et dispositions du Sénat (comme la Loi sur le Parlement du Canada) pour encadrer de façon stable et équitable les responsabilités et le ressourcement de ses différents groupes ?
  • Maintenant que le Groupe des sénateurs indépendants dispose d’une majorité de sièges, gagnera-t-il en cohésion et agira-t-il de plus en plus comme un caucus de parti ? Ou verra-t-on plutôt apparaître des dissensions dans ses rangs au fur et à mesure de son expansion et de sa diversification ?
  • La révision de la législation restera-t-elle le premier objectif du Sénat renouvelé ? Ou les sénateurs indépendants prêteront-ils plus d’attention à l’évaluation des politiques publiques, à la représentation des régions et à la protection des droits des minorités ? Quelles modalités permettraient aux sénateurs d’exercer efficacement ces fonctions dans le cadre d’une seconde chambre qui, selon une règle généralement convenue, doit être complémentaire à la Chambre des communes ?
  • Quelles mesures le Sénat et d’autres acteurs pourraient-ils prendre pour mieux informer le public des buts et progrès du renouvellement, tout en stimulant le débat sur d’éventuelles améliorations ?

Le renouvellement du Sénat a été entrepris dans les limites du cadre constitutionnel existant. Il va dans le sens de l’opinion largement répandue selon laquelle, même en l’absence d’une réforme fondamentale suivant la procédure de modification dans un avenir prévisible, certaines améliorations n’en sont pas moins nécessaires. Le nouveau processus de sélection des sénateurs ne repose ainsi sur aucune base législative et pourrait être invalidé par un prochain gouvernement. Si l’on revenait à court terme aux nominations partisanes, a toutefois souligné un haut représentant du Sénat présent à la table ronde, il faudrait sans doute une dizaine d’années au Groupe des sénateurs indépendants pour perdre sa majorité à la seconde chambre, compte tenu du calendrier des départs à la retraite des sénateurs actuels.

Au-delà des enjeux examinés à cette table ronde, il reste à résoudre plusieurs questions sur la viabilité à long terme des modifications apportées au Sénat. Alors que se poursuit son renouvellement, souhaitons que d’autres recherches et appréciations critiques permettront d’évaluer ce qui a été accompli depuis trois ans, afin de procéder à tout ajustement supplémentaire nécessaire à l’exercice du rôle clé joué par le Sénat dans le processus législatif fédéral.

[1]  Il existe une exception : en vertu de l’article 26 de la Loi constitutionnelle de 1867, la Reine (ou le Roi) peut, sur avis du premier ministre, « ordonner » la nomination de quatre ou huit autres sénateurs, soit un de chacune des quatre divisions régionales (le gouverneur général doit alors émettre les lettres patentes nécessaires). Conçue pour dénouer d’éventuelles impasses entre les deux chambres, cette disposition n’a été mise en œuvre qu’une fois, en 1990, lorsque huit sénateurs supplémentaires ont été nommés pour assurer l’adoption par le Sénat d’une loi du gouvernement progressiste-conservateur imposant une taxe sur les biens et services (les libéraux, qui s’opposaient à cette taxe, détenaient la majorité au Sénat avant ces nominations).

[2]  M. MacGuigan, « La Réforme du Sénat : document de travail », Ottawa, Gouvernement du Canada, 1983, p. 6.

[3]  Le pays compte aujourd’hui quatre divisions régionales : l’Ontario, le Québec, les quatre provinces de l’Ouest et les trois provinces maritimes. Six sièges du Sénat sont en outre réservés à Terre-Neuve-et-­Labrador, et un siège est attribué à chacun des trois territoires.

[4]  MacGuigan, « La Réforme du Sénat », p. 6.

[5]  Gouvernement du Canada, « Le gouvernement annonce une réforme immédiate du Sénat », communiqué, 3 décembre 2015, https://www.canada.ca/fr/leader-gouvernement-chambre-communes/nouvelles/2015/12/le-gouvernement-annonce-une-reforme-immediate-du-senat.html.

[6]  CBC News, « Justin Trudeau statement: “Senate is broken, and needs to be fixed” », 29 janvier 2014, https://www.cbc.ca/news/politics/justin-trudeau-statement-senate-is-broken-and-needs-to-be-fixed-1.2515374.

[7]  La « réforme du Sénat » fait généralement référence aux modifications constitutionnelles autorisées selon les modes de révision prévus à la Loi constitutionnelle de 1982. Dans un rapport sur le rôle du Sénat paru à la suite des modifications de 2016, le représentant du gouvernement au Sénat a utilisé le terme de « Sénat renouvelé », que nous avons adopté ici (voir V. P. Harder, « La complementarité : le rôle constitutionnel du Sénat du Canada », 12 avril 2018, https://senate-gro.ca/wp-content/uploads/2018/04/Complementarity-The-Senates-Constitutional-Role_2018-04-12_Version-traduite.pdf).

[8]  Voir à l’annexe A l’ordre du jour de la table ronde et l’affiliation de ses présentateurs et modérateurs.

[9]  Voir à l’annexe B la liste des participants.

[10] Renvoi relatif à la réforme du Sénat, 2014 (CSC 32), https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/13614/index.do.

[11] En vertu du Parliament Act, 1949, si un projet de loi public (autre qu’un projet de loi lié aux finances ou qui prolonge la durée maximale de la législature) est adopté par la Chambre des communes en deux sessions consécutives et qu’au moins une année sépare la deuxième lecture en première session et la troisième lecture en seconde session, il peut être soumis à la sanction royale. Les projets de loi liés aux finances sont assujettis à un délai resserré d’un mois. Pour toutes précisions, voir R. Kelly et L. Maer, « The Parliament Acts », Briefing Paper 00675, Londres, House of Commons Library, 2016, https://researchbriefings.parliament.uk/ResearchBriefing/Summary/SN00675#fullreport.

[12] M. Kirby et H. Segal, « A House Undivided: Making Senate Independence Work », Ottawa, Forum des politiques publiques, 2016, https://dev.ppforum.ca/sites/default/files/Senate-A-House-Undivided_2.pdf.

[13] Nanos Research, « Majority of Canadians Prefer an Independent Senate », résumé d’un sondage sur le Sénat du Canada commandé par la sénatrice Elaine McCoy, https://www.nanos.co/wp-content/uploads/2018/09/2018-1159-Senate-Populated-Report-FINAL-for-release-with-tabs.pdf.

[14] Le Nouveau Parti démocratique préconise de longue date l’abolition du Sénat. Mais dans son jugement sur le Renvoi relatif à la réforme du Sénat (voir note 10), la Cour suprême a indiqué qu’il faut l’accord du Parlement et de toutes les législatures provinciales pour abolir le Sénat.

ANNEXE A

Ordre du jour de la table ronde

Mot de bienvenue

Graham Fox (Institut de recherche en politiques publiques)

Séance 1 : Le point sur les modifications du gouvernement Trudeau

Cette séance jettera les bases des échanges de la journée et abordera les questions suivantes :

  • Quels changements clés a-t-on observés depuis la nomination du premier groupe de sénateurs indépendants ?
  • Quelles en ont été les principales répercussions sur le fonctionnement du Sénat ?
  • Comment les médias et le grand public ont-ils perçu ces changements ?

Panel d’experts

Modérateur: F. Leslie Seidle (Institut de recherche en politiques publiques)

David E. Smith (Université Ryerson)

Ratna Omidvar (Sénat du Canada)

Jean-François Godbout (Université de Montréal)

Séance 2 : L’impact sur le processus législatif et les relations avec la Chambre des communes

Cette séance portera sur les questions suivantes :

  • Quelle est l’incidence d’un Sénat plus indépendant sur le processus législatif ?
  • Dans quelle mesure un Sénat plus actif est-il compatible avec les principes d’un gouvernement formé sur le modèle de Westminster, en ce qui touche notamment la primauté d’une Chambre des communes élue ?
  • Le Sénat devrait-il jouer un rôle particulier dans l’examen de certains aspects des lois et des politiques publiques ? Le cas échéant, quels seraient ces aspects ?
  • Quelles sont les conséquences potentielles d’une indépendance accrue des sénateurs sur le rôle des députés et le mandat des comités de la ­Chambre des communes ?

Panel d’experts

Modératrice: Heather Scoffield (La Presse canadienne)

Paul Thomas (Université du Manitoba)

Gary William O’Brien (ancien greffier du Sénat)

Pause

Séance 3 : L’impact sur l’élaboration des politiques et les relations avec le gouvernement

Cette séance, complémentaire de la précédente, traitera des questions suivantes :

  • Dans quelle mesure le renouvellement en cours transforme-t-il les processus d’élaboration des lois et politiques gouvernementales ?
  • Les comités sénatoriaux doivent-ils se montrer plus actifs dans des domaines comme l’étude des grands enjeux politiques et la révision des mesures et programmes gouvernementaux ? Le cas échéant, selon quelle démarche ?
  • Le renouvellement du Sénat a-t-il modifié l’approche des intervenants et acteurs politiques externes à l’égard du processus législatif ?

Panel d’experts

Modérateur: Yaroslav Baran (Earnscliffe)

Emmett Macfarlane (Université de Waterloo)

Elizabeth Roscoe (H+K Strategies Canada)

Discours de Karina Gould, ministre des Institutions démocratiques

Séance 4 : La représentation régionale

Cette séance traitera de l’impact des récentes modifications au rôle du Sénat sur la représentation des intérêts régionaux et abordera les questions suivantes :

  • Quels seraient les avantages et les inconvénients de la mise sur pied de caucus régionaux au sein du Sénat ?
  • Certaines modifications au mandat et à la composition des comités sénatoriaux permettraient-elles de renforcer le rôle de représentation régionale du Sénat ?
  • Comment ce rôle se rattacherait-il aux autres aspects de la mission et des
    responsabilités du Sénat ?

Panel d’experts

Modératrice: Elizabeth Goodyear-Grant (Université Queen’s)

Hugh Segal (Massey College)

Nadia Verrelli (Université Laurentienne)

Séance 5 : Synthèse et prochaines étapes

Les participants seront invités à réfléchir à toute autre modification susceptible de renforcer la légitimité du Sénat et sa contribution aux processus politiques et législatifs. Le panel sera invité à commenter certains des enjeux soulevés pendant la rencontre et à aborder les questions suivantes :

  • La plus grande attention accordée aux critères de mérite et de diversité dans le nouveau processus de sélection vient-elle renforcer la légitimité du Sénat ?
  • Quelle est l’incidence de la transition en cours sur l’obligation des sénateurs de rendre des comptes ?
  • Quelles autres modifications pourrait-on envisager sans en revenir aux pourparlers constitutionnels multilatéraux ?
  • Le renouvellement actuel du Sénat pourrait-il favoriser l’adoption d’une réforme plus fondamentale ? Le cas échéant, que faudrait-il faire pour franchir cette étape ?

Panel d’experts

Modérateur: Graham Fox (Institut de recherche en politiques publiques)

Raymonde Saint-Germain (Sénat du Canada)

Jennifer Wallner (Université d’Ottawa)

Jason VandenBeukel (Université de Toronto)

Mot de la fin

Graham Fox (Institut de recherche en politiques publiques)

Annexe B

Liste des participants à la table ronde

  • David J. Anderson, directeur exécutif, Gouvernance publique et institutions démocratiques, Institut sur la gouvernance
  • Étienne Arnoux Hébert, adjoint de recherche parlementaire, Bureau de la sénatrice Raymonde Saint-Germain, Sénat du Canada
  • Yaroslav Baran, partenaire, Earnscliffe
  • Joshua Bath, analyste, Institutions démocratiques, Bureau du Conseil privé
  • Aengus Bridgman, doctorant, Université McGill
  • Rosemarie Brisson, conseillère principale en politiques, Bureau du sénateur Peter Harder, Sénat du Canada
  • Eric Costen, directeur général de la stratégie politique, Santé Canada
  • Graham Fox, président et chef de la direction, Institut de recherche en politiques publiques
  • Jean-François Godbout, professeur, Département de sciences politiques, et directeur, Centre d’études et de recherches internationales (CÉRIUM), Université de Montréal
  • Elizabeth Goodyear-Grant, directrice, Institut des relations intergouvernementales, et professeure agrégée, Département d’études politiques, Université Queen’s
  • Karina Gould, ministre canadienne des Institutions démocratiques
  • Peter Harder, sénateur, Sénat du Canada
  • Rob Jamieson, chef de Cabinet, Institutions démocratiques, gouvernement du Canada
  • Leonard Kuchar, chef de Cabinet, Bureau du sénateur Joseph Day, Sénat du Canada
  • Emmett Macfarlane, professeur agrégé, Département de sciences politiques, Université de Waterloo
  • Ian McCowan, sous-secrétaire de Cabinet, Bureau du Conseil privé
  • Éric-Antoine Menard, directeur des Affaires parlementaires, représentant gouvernemental (sénateur Peter Harder), Sénat du Canada
  • Errol P. Mendes, professeur titulaire, Faculté de droit, Université d’Ottawa
  • Gary William O’Brien, ancien greffier du Sénat et des Parlements
  • Ratna Omidvar, sénatrice, Sénat du Canada
  • Christopher Reed, conseiller aux affaires parlementaires de Stephen Greene, Sénat du Canada
  • Elizabeth Roscoe, vice-présidente principale et chef nationale des services professionnels, H+K Strategies ; membre du conseil d’administration de l’IRPP
  • Raymonde Saint-Germain, sénatrice, Sénat du Canada
  • Heather Scoffield, leader organisationnelle, spécialiste des communications et des politiques publiques, chef de bureau d’Ottawa, La Presse canadienne
  • Hugh Segal, directeur, Massey College, Université de Toronto
  • Leslie Seidle, directeur de recherche, Fédéralisme, Institut de recherche en politiques publiques
  • Dale Smith, journaliste indépendant et auteur
  • David E. Smith, professeur émérite invité, Université Ryerson
  • Allen Sutherland, sous-secrétaire de Cabinet, Bureau du Conseil privé
  • Mohy-Dean Tabbara, chercheur, Institut de recherche en politiques publiques
  • Paul Thomas, professeur émérite, Département d’études politiques, Université du Manitoba
  • Jason VandenBeukel, doctorant, Département de sciences politiques, Université de Toronto
  • Marie Vastel, correspondante parlementaire à Ottawa, Le Devoir
  • Nadia Verrelli, professeure adjointe, Département de sciences politiques, Université Laurentienne
  • Jennifer Wallner, professeure agrégée, Département d’études politiques, Université d’Ottawa
  • Maia Welbourne, sous-ministre adjointe, Équipe de travail interministérielle sur l’Examen des processus environnementaux et réglementaires, Environnement et Changement climatique Canada et Ressources naturelles Canada
  • Aaron Wherry, journaliste, bureau de la Colline du Parlement, CBC
  • Laurie Wright, sous-ministre adjointe principale, Secteur des politiques, Justice Canada

Note : Chacun des leaders de parti politique ou de groupe représenté au Sénat avait été invité à participer à la table ronde.

REMERCIEMENTS

L’IRPP remercie les présentateurs et experts ayant participé à la table ronde de leur contribution précieuse aux échanges. Bien que l’IRPP ait assumé la plus grande part des frais reliés à l’organisation de la rencontre et à la préparation du rapport, il est reconnaissant du soutien financier apporté par le Bureau du Conseil privé du Canada et le Centre pour l’étude de la citoyenneté démocratique de l’Université McGill. Le rapport a été préparé par F. Leslie Seidle (directeur de recherche, Évolution de la communauté fédérale canadienne, IRPP) et Mohy-Dean Tabbara (chercheur, IRPP), en collaboration avec Graham Fox (président, IRPP). Tout en ayant grandement bénéficié de l’apport des participants, ce document ne traduit pas nécessairement chacun des avis exprimés. La responsabilité du rapport incombe par conséquent à l’IRPP.

Pour citer ce rapport :

Institut de recherche en politiques publiques (IRPP), 2019. Le renouvellement du Sénat du Canada : poursuivredans quelle voie ?, Rapport IRPP, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques. DOI : https://doi.org/10.26070/9tnq-bw26

Ce rapport est une traduction de Renewal of the Canadian Senate: Where to from Here?.

Si vous désirez obtenir de plus amples renseignements sur nos publications, veuillez nous contacter à l’adresse irpp@nullirpp.org. Pour recevoir l’infolettre mensuelle de l’IRPP par courriel, vous pouvez vous abonner

sur le site Web à irpp.org/fr.

Le renouvellement du Sénat marque un progrès mais doit s’accompagner d’autres changements

Montréal – Trois ans après la mise en œuvre du nouveau processus de sélection des sénateurs, un rapport de l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) examine les changements qu’il a occasionnés et les prochaines étapes à envisager.

Ottawa annonçait en décembre 2015 la création d’un processus de sélection non partisan et la mise sur pied du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat, chargé de recommander des candidats parmi les Canadiens qui ont manifesté leur intérêt en soumettant une demande. Presque tous les sénateurs nommés depuis mars 2016 en vertu de ce processus se sont joints au nouveau Groupe des sénateurs indépendants, dont les membres occupent aujourd’hui 54 des 105 sièges de la seconde chambre.

Le rapport fait la synthèse des discussions d’une table ronde de l’IRPP sur les effets de ce renouvellement, qui a réuni en septembre 2018 de nombreux experts, représentants du Sénat et hauts fonctionnaires fédéraux.

La majorité de ces participants ont convenu que le Sénat actuel exerce ses fonctions de révision législative encore plus efficacement que par le passé. Et bien qu’il propose des modifications plus nombreuses aux projets de loi gouvernementaux, il le fait généralement en conformité avec le principe de déférence envers la Chambre des communes.

Plusieurs ont aussi noté que le processus de nomination ouvert a contribué à diversifier la composition du Sénat, qui comptait 44 p. 100 de femmes et 11 p. 100 d’Autochtones au moment de la table ronde.

Certes, le nouveau processus ne repose sur aucune base législative et pourrait être invalidé par un futur gouvernement, mais aucun des participants n’a proposé de relancer les négociations intergouvernementales sur une réforme constitutionnelle du Sénat.

« Selon un consensus particulièrement clair, les nouvelles règles constituent une amélioration mais doivent s’accompagner d’autres changements, notamment pour refléter l’influence moindre des lignes de parti sur l’organisation du Sénat », note Graham Fox, président et chef de la direction de l’IRPP. À cet effet, on trouvera dans le rapport de nombreuses propositions de participants.

On peut télécharger le rapport Renouvellement du Sénat du Canada : poursuivre dans quelle voie ? sur le site de l’Institut.


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