Les Canadiens et les Canadiennes sont inquiets face à l’avenir de leur système de santé.
Deux choses les préoccupent en particulier : d’une part l’ambiguïté de leurs droits et, d’autre part, le transfert de certains coûts, qui passent du gouvernement aux individus. Les Canadiens, voyant que certains services sont retirés de l’hôpital pour être confiés à la collectivité et aux personnes, se demandent dans quelle mesure on a réduit la couverture offerte par l’assurance-maladie et quels services en ont été soustraits. Pourquoi les médicaments et les soins à domicile, assurés dans certaines provinces, ne le sont-ils pas dans d’autres ? Autant de questions fort légitimes.
Les Canadiens voient leur fardeau s’alourdir doublement : d’un côté par les soins
qu’ils doivent eux-même fournir aux membres de leurs familles, aux prises avec des maladies graves ou chroniques; d’un autre côté par le coût sans cesse croissant des médicaments, des soins à domicile et des soins de longue durée.
Cette perte de confiance tient à plusieurs causes. Mentionnons en particulier :
Ces inquiétudes mettent en lumière de véritables problèmes, auxquels il faut s’attaquer sans retard. L’anxiété des personnes inscrites sur une liste d’attente n’est pas le fruit de leur imagination. Les délais encourus pour un examen par résonance magnétique ou pour une radiothérapie sont bien réels. Et beaucoup de petites collectivités sont privées de ressources médicales.
On peut regrouper en quatre catégories les problèmes qu’éprouve notre système :
Au terme de presqu’une décennie de compressions budgétaires, les Canadiens ont réduit leurs attentes en matière de soins de santé : après avoir compté sur des soins d’une haute qualité, ils n’attendent désormais qu’un système répondant à des normes minimales.
Situation désolante, s’il en est. Les Canadiens appellent l’excellence à laquelle ils ont droit — et non la médiocrité.
Le paradoxe du système canadien de santé vient de ce qu’il constitue, par essence, un engagement du gouvernement fédéral à faire respecter des principes de base dans des services dont la gestion est de compétence provinciale ou territoriale, et dont le financement est partagé entre les deux paliers de gouvernement. L’important transfert de responsabilités financières, qui s’est effectué au cours de la dernière décennie entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ou territoriaux, a transformé les perspectives de l’un et des autres quant à leurs compétences respectives et quant à leur droit de définir comme ils l’entendent les programmes de soins de santé.
Pendant ce temps, le système s’est trouvé dépourvu d’objectifs précis et ne s’est pas senti tenu de rendre publiquement compte de sa gestion. Les principes qui ont présidé à la rédaction de la Loi canadienne sur la santé demeurent certes valides, mais ils ne font plus le poids quand il s’agit de s’attaquer aux réalités nouvelles et aux nouveaux défis que présente la fourniture des services de santé. Ces principes, du reste, ne peuvent pallier l’absence de stratégie et de planification à long terme, face aux pressions de plus en plus fortes que subit le système et aux besoins changeants des Canadiens en matière de santé.
S’il est un problème qui suscite de plus en plus de craintes chez les professionnels canadiens de la santé, c’est bien l’avenir des ressources humaines, dont la gestion et la planification ont connu beaucoup de ratés. Il est évident que certaines pénuries de personnel médical ou infirmier se retrouvent dans tous les pays. D’autres pénuries, toutefois, sont propres à notre pays et pourraient être évitées grâce à une meilleure planification de la formation professionnelle et à une meilleure gestion des ressources humaines. La rigidité de certaines conventions collectives gêne la restructuration et le recyclage de la main-d’œuvre. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres secteurs, l’incapacité de résoudre ces problèmes fait obstacle, dans le secteur de la santé, à la mise sur pied d’une main-d’œuvre plus efficace et à la création d’emplois plus gratifiants.
À l’échelle des provinces, et malgré la mise en place d’organismes régionaux dans la plupart de celles-ci, la structure décisionnelle demeure trop centralisée. Les organismes locaux ne jouissent pas de la souplesse et de la motivation nécessaires à une gestion efficace. S’en suit une paralysie du système, où beaucoup trop de décisions exigent l’intervention ministérielle.
Des conflits sourdent également entre les visées gouvernementales et celles du grand public. L’obligation pour les gouvernements de réduire leur déficit et le désir des citoyens contribuables de voir alléger leur fardeau fiscal ont conduit à des compressions dans tous les services gouvernementaux, y compris la santé.
L’assurance-maladie, telle que définie dans la Loi canadienne sur la santé, couvre les services fournis par les médecins et par les hôpitaux. Cependant, le transfert de certains services hospitaliers vers des organismes communautaires et vers les soins à domicile a réduit la gamme des services que couvrait le régime. À ce jour, les gouvernements n’ont résolu ce problème de discontinuité — ni dans le financement des services, ni dans leur prestation.
La qualité des services de santé exige aujourd’hui une complexe interrelation entre le patient et les professionnels de la santé ainsi qu’entre les différentes catégories de services : soins hospitaliers, soins à domicile, soins de longue durée, réadaptation et soins palliatifs.
Dans tous ces cas, la fourniture de bons soins au bon moment repose sur la qualité et l’efficacité des communications entre les personnes et entre les organismes et sur les systèmes de mise en commun de l’information.
Dans les faits, les Canadiens n’ont pas tous (que ce soit à l’intérieur d’une même province ou d’une province à l’autre) le même accès à cette gamme de services pour répondre à leurs besoins en matière de santé. D’une part, des obstacles surgissent entre les fournisseurs de soins, tantôt sur le plan de l’information et tantôt sur le plan de l’organisation; d’autre part, des contraintes financières viennent limiter la gamme des services assurés et en réduire l’accès.
Si toutes les provinces absorbent les coûts des médicaments pour les patients hospitalisés, peu d’entre elles assurent une couverture totale dans le cas des consultations externes ou dans celui de soins à domicile. Des témoignages recueillis dans diverses parties du Canada donnent à penser que d’énormes coûts ont été transférés aux patients; la masse des soins fournis à l’interne a décliné par rapport à la masse totale des soins. De même, la couverture des soins à domicile varie selon la région étudiée — ce qui, sur le plan des coûts et sur le plan de l’implication personnelle, alourdit les responsabilités des patients et de leurs familles.
Nous sommes à une époque où, pour le plus grand bien des professionnels de la santé comme pour celui du public en général, les découvertes cliniques et les progrès de la technologie de l’information élargissent les horizons du savoir. Cela pose un problème dont l’importance va grandissant : la relation entre la recherche et la prise de décisions, au sein du système de santé. Or, l’expérience permet de croire que la gestion des services est davantage façonnée par l’histoire et la politique que par les démonstrations empiriques.
Au XXIe siècle, la fourniture de soins d’une haute qualité suppose l’injection, massive et continuelle, de capitaux : d’abord dans les établissements et les équipements, pour offrir les soins de première ligne; puis dans les technologies du diagnostic et celles de l’information, pour soutenir ces soins. Or, en comparaison d’autres pays, le Canada accuse un grave retard dans les investissements dont a besoin son réseau. Le sous-financement est évident dans le domaine des installations et des technologies, particulièrement dans deux secteurs : celui du diagnostic par résonance magnétique d’une part et, d’autre part, celui des technologies d’information et de gestion. Notre système de santé est moins « branché » que notre système bancaire et que d’autres secteurs de notre économie.
La recherche médicale est, elle aussi, victime du sous-investissement. On l’a rescapée en partie par la création des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Reste que, comparativement à d’autres pays, le Canada occupe un rang peu élevé au chapitre des dépenses consacrées à la recherche sur la santé.
La stabilité, toutefois, n’est pas une simple question de financement. Le groupe que forment les ministres de la Santé, leurs sous-ministres et leurs hauts fonctionnaires exerce un leadership essentiel au sein du système canadien. Néanmoins, le roulement de personnel que l’on observe dans cette classe politique a réduit à moins de deux ans la durée moyenne de l’exercice dans le cas des ministres et des sous-ministres. Seuls, par conséquent, les premiers ministres peuvent pallier ce facteur d’instabilité. Au cours des quarante dernières années, le Canada a été bien servi par la stabilité et la longévité des ministres et des sous-ministres chargés du portefeuille des Finances. Les premiers ministres seraient donc bien avisés de pourvoir de façon aussi stable les deux postes correspondants, dans leurs ministères de la Santé. On devrait étudier la possibilité de confier aux sous-ministres des mandats de cinq ans, renouvelables. De même, les premiers ministres devraient s’efforcer de garder en poste leurs ministres de la Santé pendant cinq ans, à moins d’un revers électoral. Car la décennie de renouveau qu’appelle notre système exigera d’eux un leadership durable dans l’évaluation et la modernisation d’importants partenariats.
Le groupe de travail mis sur pied par l’IRPP pour étudier la situation du système canadien de soins de santé s’est penché sur une série de solutions possibles aux quatre grands défis que celui-ci doit affronter : l’excellence, l’imputabilité, le renouvellement des partenariats et la durabilité. Dans les articles qui suivent, nous développons notre pensée sur chacun de ces points. Avant d’examiner ceux-ci un à un, cependant, il nous paraît important d’évaluer d’abord les règles du jeu — actuelles et futures — en matière de santé, puis de souligner la nécessité, pour messieurs les premiers ministres et pour chacun des Canadiens et des Canadiennes, de jeter un regard neuf sur les politiques de la santé.
Depuis plus de 15 ans, le débat sur les soins de santé au Canada a pour cadre les cinq principes posés dans la Loi canadienne sur la santé, de 1984. Plus récemment, trois forces conjuguées — l’évolution des technologies, les nouvelles attentes du public et la crise financière des années 1990 — ont mis à dure épreuve ces principes. Qui plus est, bien des Canadiens estiment que les principes de la Loi canadienne sur la santé ne sont plus tout à fait respectés dans la fourniture des services de santé.
Universalité
Accessibilité
Intégralité
Transférabilité
Gestion publique
Ces principes ont bien servi les Canadiens au cours des années qui ont suivi la promulgation de la Loi de 1984, mais le temps est venu de les réinterpréter. Les attentes du public ont changé depuis 1984. Pourquoi n’aurions-nous pas le courage de réviser les anciennes règles et de moderniser notre système ? À quoi ressembleraient les nouvelles règles ?
Au fil des ans, notre système de santé a été marqué de conflits interminables et irritants qui ont opposé aux gouvernements provinciaux les groupes de fournisseurs de soins (médecins, syndicats de travailleurs de la santé). De même, le fédéral et les provinces se sont livré une longue et bruyante guerre sur le financement du système ainsi que sur leurs mérites et leurs manquements respectifs. Or, ces problèmes sont d’origine structurelle. Ils font partie des tensions, inhérentes au régime d’assurance-maladie, entre les fournisseurs et les payeurs comme entre les paliers de gouvernement. La mise en place d’une plus large gamme de principes n’éliminera certes pas les conflits, mais elle pourrait mener à un débat plus réfléchi. Et l’élargissement des principes permettrait peut-être au système de mieux répondre aux préoccupations des citoyens en ce qui concerne la rapidité et la qualité dans la fourniture des soins. Nous proposons donc plus bas un ensemble de règles qui, pensons-nous, vaudrait aux Canadiens la « bonification » de leur régime d’assurance-maladie.
L’universalité — Les Canadiens reconnaissent dans le principe d’universalité la priorité numéro 1 de leur système. L’universalité rend tout citoyen canadien admissible aux soins de santé. Souvent appelée « principe de solidarité » dans les pays européens, l’universalité signifie, au Canada, que tous les citoyens et la plupart des résidents sont assurés des services de santé jugés nécessaires. Du reste, la définition des « services de santé » a évolué au long des ans; elle comprend aujourd’hui les interventions professionnelles et hospitalières médicalement nécessaires, ainsi qu’un remboursement partiel pour l’achat des médicaments, des appareils médicaux et des soins à domicile.
L’accessibilité — Une autre des caractéristiques fondamentales du système canadien demeure l’accessibilité des soins, en fonction des besoins de la personne plutôt qu’en fonction de sa capacité de payer. D’ailleurs, devant l’apparition de listes d’attente pour l’obtention de services essentiels, on est en train de redéfinir graduellement l’accessibilité, qui devient « l’accès, en temps opportun, aux services dont le patient a besoin ». Qu’est-ce, en fait, qu’un temps d’attente raisonnable pour l’obtention d’un service ? Dans notre vaste pays, l’accessibilité revêt également une dimension géographique. Quels services faut-il offrir, et dans quelles régions ? Et comment absorber les coûts de déplacement du patient, lorsque les services dont il a besoin ne sont pas disponibles sur place ?
L’intégralité — Les soins médicaux ne se réduisent plus de nos jours aux soins hospitaliers. Dans un monde où la pharmacothérapie et les médecines parallèles gagnent sans cesse en efficacité, nous avons l’occasion de redéfinir au complet le contenu du « panier ». Un système canadien qui engloberait les soins à domicile et les médicaments pourrait, plus justement que notre système actuel, se réclamer du principe d’« intégralité ».
La transférabilité — La transférabilité demeure un principe praticable dans notre système. Dans la réalité, toutefois, il convient d’en renforcer l’application, parfois inégale. Les citoyens ne se retrouvent guère parmi les règles en vigueur hors de leur province de résidence, et certaines provinces ne sont pas toujours rapides à rembourser les patients. Comme les Canadiens sont de plus en plus « branchés sur le village global », il y a lieu d’envisager le rétablissement d’une couverture minimale pour ceux qui voyagent à l’étranger.
La gestion publique — Notre système de santé a certes besoin d’orientations, de politiques générales et de normes de services émanant du secteur public; mais il n’a pas, d’office, besoin d’être géré par une administration publique. Que serait un juste dosage entre le public et le privé ? Dans le nouveau contexte, comment faut-il interpréter la notion de « gestion publique » ? Des organismes régionaux ont vu le jour dans neuf provinces, et des établissements hôpitaliers à sites multiples surgissent un peu partout au Canada. Ces organismes de santé, responsables de leur gestion devant la population, délèguent au secteur privé plusieurs de leurs fonctions. Dans les secteurs non-cliniques (buanderie, services alimentaires, entretien des immeubles), ce procédé a suscité la controverse, particulièrement auprès des instances syndicales. En ce qui touche les secteurs proprement cliniques, le public demeure réticent face à l’insertion d’un secteur à but lucratif dans la prestation des soins de santé. En Alberta, par exemple, la Loi 11 a suscité remous et controverses dans l’opinion publique. Même si l’on a jugé le projet conforme en tous points à la notion de « gestion publique » telle que définie dans la Loi canadienne sur la santé, sa sanction a ouvert un débat sur cette définition, que l’on a opposée à celle de gestion privée.
La qualité — Nous avons besoin de nouvelles règles, qui fassent de la qualité des services un aspect fondamental et mesurable des soins offerts. Dans notre esprit, l’idée de qualité porte non seulement sur la façon dont sont fournis les services, mais aussi sur leur adéquation aux besoins du patient et aux résultats que celui-ci en obtient. La qualité des services devra aussi se comparer avantageusement aux normes en vigueur dans les autres pays.
L’imputabilité — Le système de santé doit être transparent et responsable, aussi bien aux yeux du grand public qu’à ceux des gouvernements, en tout ce qui concerne les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus. Le domaine de la santé publique doit être rigoureusement balisé, si l’on veut en protéger le financement et en assurer l’imputabilité.
Ces nouvelles règles du jeu répondent aux préoccupations du public, à l’évolution des technologies et à la nouvelle configuration des soins de santé en ce XXIe siècle. Un régime d’assurance-maladie, tel un organisme vivant, doit conserver ses meilleurs acquis tout en se conformant aux nouvelles exigences de la population à desservir.
Une fâcheuse réalité se manifeste dans les relations fédérales-provinciales chaque fois que l’on aborde les politiques de santé : c’et que souvent les bonnes idées se perdent dans le feu des discussions. On n’a qu’à penser aux débats actuels, où les manchettes proclament hors de question un régime pancanadien de soins à domicile ou d’assurance-médicaments. À la limite, grâce au veto de diverses provinces, il ne resterait plus sur la table que la fixation des sommes
à recevoir au titre du Transfert social canadien (le TSC). Un tel scénario, propre à satisfaire les tenants de « l’entente à tout prix », qui souvent tiennent le haut du pavé dans les négociations complexes, desservirait les Canadiens. La classe politique est capable d’un plus fort leadership, d’une plus large vision des choses.
Une autre méthode consisterait à convenir d’abord d’une perspective commune. C’est ainsi que, en politiques de la santé, la plupart des gouvernements ont énoncé ces derniers mois des principes généraux qui, d’une province à l’autre, se ressemblent beaucoup. Toutes mettent l’accent sur la prévention et le bien-être. Chacun des énoncés prévoit aussi la modernisation des services. Il appartient aux chefs politiques de traduire ces énoncés généraux en de vigoureux systèmes de santé. Les Canadiens sont gravement préoccupés de ce que, faute d’un tel renouvellement, leurs services de santé ne répondront plus à leurs besoins.
La conclusion d’une nouvelle entente, inspirée des énoncés que nous venons de mentionner et destinée à remplacer le régime actuel d’assurance-maladie, sera certes ardue; mais elle satisfera beaucoup mieux aux besoins futurs que ne le ferait un simple accord financier. L’entente finale exigera une longue négociation, elle-même précédée d’un accord-cadre; mais nos gouvernements ont déjà réussi, dans un processus à plusieurs étapes, à se donner un cadre de négociation avant de chercher à s’entendre sur les détails. Un tel processus, transparent aux yeux du public, pourrait en fait nous conduire à des choix plus éclairés et à des résultats plus probants.
Un rigoureux respect du cadre adopté et une démarche résolue vers la réforme complète du système de santé représenteraient une avancée irrésistible. Les ministres de la Santé et leurs hauts fonctionnaires pourraient ensuite en peaufiner les détails et faire régulièrement rapport aux premiers ministres. En 12 ou 18 mois, nos gouvernements mettraient ainsi au point un plan de longue haleine pour la réforme de la santé.
Au cours de cette démarche, l’adoption d’un cadre de référence permettrait à l’ensemble des gouvernements d’établir un consensus, y compris sur les principaux domaines à réformer et sur les mandats à confier aux participants. La traduction de ce consensus en de nouveaux programmes détaillés pourrait demander de longues négociations. Toutefois, un bon point de départ consisterait à reconnaître la nécessité d’élargir l’éventail des services assurés. L’adhésion à un objectif commun, à certains principes de base ainsi qu’à un échéancier clairement défini pour les négociations constituerait, elle aussi, une première étape majeure vers le renouvellement de l’assurance-maladie.
Le Canada peut et doit exceller en matière de santé. L’excellence de nos soins et l’universalité de leur accès nous ont valu une réputation mondiale. Saurons-nous y faire honneur et remodeler la réalité de notre régime ?
Le Canada est un vaste pays, de plus en plus divers — et fier de cette diversité. Mais celle-ci a un prix. Dans les soins de santé comme dans tout autre service public, l’application d’une règle uniforme pour tout le pays ne peut produire que de piètres résultats. Certes, l’équité et la solidarité exigent le respect de certains principes fondés sur des valeurs et des attentes communes à tous les citoyens. Mais on peut satisfaire à tous ces impératifs en confiant, pour un service donné, la responsabilité et l’autorité à l’institution publique qui soit en même temps la plus proche de la population à desservir et la mieux placée pour fournir ce service. C’est le principe de subsidiarité.
La Loi canadienne sur la santé exige que les régimes d’assurance-maladie soient administrés par les gouvernements provinciaux ou territoriaux et qu’ils soient fournis, sans but lucratif, par des administrations publiques. En pratique, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont beaucoup élargi le sens de l’expression « administration publique ». Il est vrai que dans neuf provinces sur dix, la gestion des soins de santé a été dévolue à des administrations régionales ou locales. Et en Ontario, seule province qui fasse exception, il existe tout de même un certain degré de décentralisation sous la forme d’établissements hospitaliers à sites multiples.
Cependant, trop de décisions importantes se prennent encore au seul niveau des ministères provinciaux responsables de la santé. Les fournisseurs de soins, tout comme le public en général, estiment frustrant un processus où les décisions — prises en haut lieu, loin du terrain d’action et hors du temps — sont soumises à des règles et à des règlements tatillons. La moindre réaffectation des ressources doit être approuvée par les autorités supérieures. L’achat d’un appareil à résonance magnétique, l’ouverture d’une nouvelle clinique ou l’utilisation des ressources nécessaires pour dispenser des soins de santé dont a besoin une communauté donnée : tout cela exige la signature du ministre, signature qui se fait attendre et parfois ne vient jamais. Chez les décideurs locaux, cette situation a miné le moral et le dévouement, naguère si solides et toujours aussi essentiels aux prestataires. Elle a également sapé, au sein de la population, la crédibilité des responsables et des gestionnaires locaux.
Pour assurer l’avenir de notre système de santé, nous devons renouer avec la décentralisation et l’autonomie, faire appel aux autorités locales et régionales. Nous devons confier à celles-ci non seulement la gestion et le fonctionnement des services de santé dont la population a besoin sur place, mais aussi leur conférer l’autorité nécessaire à cette fin.
Ces objectifs seront plus faciles à atteindre le jour où chaque palier de gouvernement aura une idée précise de son rôle en matière de santé. On pourrait, par exemple, distinguer et clarifier comme suit les responsabilités de chacun.
Par l’expression « organismes de santé », nous entendons ici des organismes locaux, communautaires ou régionaux voués à la gestion des régimes de soins de santé. Ces organismes, composés de délégués (élus ou nommés) représentant une population d’au moins 100 000 personnes1, devraient assumer les tâches suivantes :
Les gouvernements provinciaux et territoriaux devraient, pour leur part :
Quant au gouvernement fédéral, il devrait :
En recommandant cette clarification des responsabilités et des compétences dans le domaine de la santé, nous n’entendons établir aucune hiérarchie entre les rôles des divers gouvernements. Nous cherchons plutôt à définir et à différencier leurs rôles respectifs afin que tout citoyen à la recherche de soins de santé, de même que la collectivité à laquelle il appartient, sachent clairement les responsabilités de chacun en ces matières.
Il s’agit de faire en sorte que le régime canadien de soins de santé puisse relever les défis du XXIe siècle. Pour y arriver, le moyen le plus sûr et le plus puissant consiste à transférer vers des organismes de santé régionaux les responsabilités et les pouvoirs actuellement confiés aux ministères provinciaux ou territoriaux dans la gestion et l’exploitation des services de santé. Si nous voulons continuer de satisfaire les besoins des Canadiens en la matière, nous devons intégrer en un seul organisme de gestion, local ou régional, la myriade de services et de programmes actuellement offerts; ainsi, et ainsi seulement, pourrons-nous en rehausser l’efficacité et la pertinence.
Cette prise en charge par des organismes de santé présente plusieurs avantages :
Si la plupart des provinces ont mis en place depuis plusieurs années une telle dévolution partielle, l’ampleur de celle-ci varie grandement d’une province à l’autre. Sur le plan démographique, les régions où l’on a procédé à la dévolution sont les unes minuscules (comme à l’Île du Prince-Édouard), les autres très vastes (comme dans le cas de la « Capital Health Authority » en Alberta). Sur le plan géographique, il peut s’agir de territoires densément peuplés, de régions rurales à la population clairsemée, ou encore de régions éloignées.
À ce jour, pourtant, la décentralisation en faveur d’organismes régionaux n’a pas encore produit ses meilleurs fruits en ce qui concerne la satisfaction du public, ou l’utilisation efficace des ressources, ou encore le recrutement et la rétention des fournisseurs de services. Cela vient en partie de ce que, dans aucune province, ces organismes régionaux ne se sont vu confier pouvoir et responsabilité sur l’ensemble des services et des soins de santé. Ainsi, tous les gouvernements provinciaux se réservent encore la décision finale dans la négociation et le versement des salaires des médecins — facteur pourtant déterminant dans la gestion de bien d’autres composantes du système. De même, la plupart des provinces soumettent encore à une administration centrale les services d’oncologie et de santé mentale — tout comme, d’ailleurs, les programmes d’assurance-médicaments. Les organismes régionaux, ainsi privés du contrôle nécessaire sur plusieurs secteurs névralgiques du système de santé qui leur était confié, n’ont pu donner leur pleine mesure ni transformer la situation.
Dans la gestion et l’exploitation des services courants, la redistribution des pouvoirs et des responsabilités n’a de sens que si on la mène à son terme. Une dévolution incomplète perpétue les chevauchements et les doubles emplois, les ratés dont les patients sont victimes, la fragmentation et la discontinuité observées dans les services. Jusqu’à ce jour, l’évaluation des résultats obtenus grâce à la régionalisation s’est trouvée brouillée, en bonne partie, par l’absence de normes communes sur des aspects fondamentaux : nature du « repérage » et des rencontres entre l’utilisateur et le fournisseur, évaluation des diagnostics, mesure des résultats, etc. Il nous manque encore les systèmes qui nous permettraient de colliger efficacement l’information sur la santé, de l’emmagasiner, la mesurer, l’analyser et la diffuser.
Pour être efficace, toute dévolution de pouvoirs et de responsabilités devra s’appliquer à des populations assez nombreuses pour justifier les risques financiers qu’implique la fourniture de la gamme complète des services (à l’exception des services hautement spécialisés, où l’obligation d’excellence appelle soit la centralisation, soit la mise en commun pour deux ou plusieurs régions). Par contre, la population desservie ne doit être trop nombreuse si l’on veut que s’établisse une véritable relation de responsabilité ou de « partenariat » entre utilisateurs et fournisseurs des services. Le personnel de l’organisme régional doit être facilement accessible et se tenir responsable, face à la population, de la qualité des services.
Il convient de le rappeler : c’est grâce à l’initiative et à l’engagement des gens que sont nés nos établissements de santé, nos hôpitaux et nos services de santé publique — et ce, bien avant la mise sur pied de l’actuel régime d’assurance-maladie. Il nous faut donc
restaurer parmi nous cet esprit d’initiative locale, si nous voulons relancer notre système de soins de santé.
Notes
Pour revitaliser notre système de santé, nous devons conférer à tous ses échelons un plus haut degré de responsable et d’imputabilité. Chaque décideur, au sein du réseau, devrait connaître avec précision ses rôles et ses responsabilités et répondre de ses décisions. Pour y arriver, il faut démêler l’écheveau complexe que constitue l’actuel réseau décisionnel, en redistribuant les rôles entre les différentes instances : organismes de santé locaux ou régionaux (que nous appellerons simplement ici « organismes de santé »), gouvernement fédéral et gouvernements provinciaux; nous avons traité, dans le précédent article, de cette clarification des rôles. Toutefois, nous devrons également définir avec précision les mécanismes grâce auxquels les décideurs, en matière de santé, deviendront responsables de leurs décisions entre eux et devant le public canadien1.
Le système canadien de santé est unique au monde en ce qu’il englobe tous les citoyens, qu’il assure à tous la fourniture de soins hospitaliers et médicaux et qu’il écarte généralement la possibilité d’obtenir, dans un secteur privé complémentaire, des soins plus rapides ou de meilleure qualité. Riches ou pauvres, par conséquent, tous les électeurs et électrices du pays ont intérêt à sauvegarder ce régime. Par ailleurs, chaque gouvernement provincial, par son ministère de la Santé, gère actuellement son propre système. Le principal mécanisme d’imputabilité des services passe donc par la boîte de scrutin. Ce mécanisme offre certes aux gouvernements un moyen de répondre de leur rendement global dans ce domaine; mais il n’accroît en rien leur imputabilité face à la multitude de décisions prises au jour le jour pour assurer l’équité et l’efficacité du système. Il y a peu de chances que, lors d’une élection provinciale, Monsieur et Madame Toulemonde modifient leur vote sous pré-texte que leur hôpital local n’ait pas modernisé ses systèmes informatiques, que l’on y ait abusé de la fourniture de médicaments ou qu’un gynécologue y ait pratiqué un nombre excessif de césariennes. Pour assurer l’imputabilité de ces multiples décisions, il faut mettre en place d’autres mécanismes.
La responsabilité de la gestion quotidienne du système doit être largement confiée aux « organismes de santé » dont nous avons parlé plus haut — et cela pour les raisons suivantes,
Les provinces doivent conserver leur rôle de superviseurs et de régulateurs des organismes de santé. Elles doivent cependant déléguer à d’autres les responsabilités de la gestion quotidienne. Cela dit, les expériences effectuées ailleurs dans le monde nous enseignent que la dévolution, à elle seule, ne garantit pas un réel changement. Il faut y ajouter des mesures propres à responsabiliser les personnes et les organismes à qui l’on délègue. Quelle structure donner au système pour que les organismes de santé reçoivent tous les stimulants et tous les outils dont ils ont besoin pour bien servir le public ? Ces organismes doivent devenir de véritables agents de changement pour le mieux, et non pas constituer un nouveau palier bureaucratique.
On doit, en particulier, déléguer les responsabilités budgétaires pour un large éventail de soins de santé. Aucun des organismes de santé actuellement en place au pays ne dispose des budgets nécessaires pour assurer l’ensemble des services de santé (médicaments, services hospitaliers, soins médicaux, etc.); ces organismes ne peuvent donc prendre de décisions qui soient à la hauteur des besoins. Les organismes de santé ont également besoin de la souplesse nécessaire assurer la prestation des meilleurs services : soit par le réseau hospitalier public, soit par le biais de fournisseurs à but lucratif, soit par la mise sur pied de nouveaux mécanismes de remboursement aux médecins de famille.
Les organismes de santé devraient répondre, devant les autorités provinciales, des résultats qu’ils obtiennent en regard d’objectifs mesurables et de normes de service — qu’ils auront eux-mêmes définis de concert avec la province. Chaque organisme de santé devrait viser à l’excellence, et à rien de moins. Les méthodes utilisées pour quantifier leurs progrès devraient refléter avant tout cet objectif. Or, cet objectif doit, selon nous, se traduire sur trois plans : le court, le moyen terme et le long terme. Ainsi, au cours de la prochaine année, l’Alberta peu négocier avec un ou plusieurs organismes régionaux la mise sur pied d’un réseau de télésanté pour mieux desservir les régions rurales, ou pour réduire le temps d’attente (de deux mois à un mois, par exemple, en radio-oncologie). Cette même province peut également négocier avec ses organismes régionaux une entente visant à réduire en cinq ans le taux de mortalité infantile chez les autochtones, pour le ramener à la moyenne pancanadienne. De sorte que les organismes régionaux, tout en demeurant responsables à la province quant aux résultats obtenus, jouiraient d’une large autonomie quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ceux-ci. Quant à leur financement, il devrait être fonction de la mesure dans laquelle chacun atteint les objectifs fixés par le gouvernement. Les organismes seraient tenus de faire rapport de leurs activités, publiquement et semestriellement. Ces rapports, déposés à l’assemblée législative de la province ou du territoire, feraient chaque année l’objet d’une vérification.
On devrait rendre publics les objectifs de rendement et les normes de fonctionnement assignés aux organismes de santé : textes des lois et des règlements concernés, ententes intervenues en matière de rendement Pour les gouvernements comme pour le public desservi, le contrôle des résultats serait facilité d’autant. Du reste, les objectifs étant clairement énoncés et publiquement connus, les organismes et le gouvernement auraient mauvaise grâce à les oublier ou à les récuser devant la population. Reste la question, difficile, de savoir quels objectifs énoncer et quel poids relatif reconnaître à chacun d’eux.
À ce sujet on peut apprendre énormément de l’expérience acquise par la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande, pays qui ont implanté, au cours de la dernière décennie, des ententes sur l’établissement d’objectifs et sur l’évaluation du rendement dans le domaine de la santé. Plutôt que de chercher à réinventer la roue, mettons à profit les leçons des autres pays.
Dûment stimulés à prendre les meilleures décisions possibles, les organismes de santé créeraient sans doute un éventail de services novateurs, grâce à des ententes qu’ils passeraient avec des fournisseurs de soins. Il s’agit d’instaurer, dans tout le réseau régional de la santé, un climat propice à l’esprit d’initiative et au bon rendement. À cette fin et partout où la chose est possible, le financement devrait suivre l’utilisateur des soins et laisser à ce dernier le choix du fournisseur ou de l’établissement.
Nous souhaiterions par exemple voir naître des projets pilotes en médecine de première ligne, grâce à une dévolution plus poussée des responsabilités budgétaires vers des groupes de médecins de famille et d’infirmières ou infirmiers communautaires. On pourrait s’inspirer en cela d’expériences effectuées au Royaume-Uni, comme les « GP Fundholding Initiatives » et les « Primary Care Trusts ». Les organismes de santé pourraient financer de tels groupes par le biais de versements ajustés au risque et proportionnels au nombre de bénéficiaires inscrits. À l’aide des fonds ainsi alloués, le groupe assumerait pour chacun de ses patients le financement d’un large éventail de services : soins de base, médicaments, diagnostics, et même peut-être certaines chirurgies non-urgentes. Le patient, s’il n’est pas satisfait du groupe médical ou infirmier qu’il a choisi, passer à un autre groupe; il emporte alors avec lui sa part de financement public ajusté au risque. Ce système présente, selon nous, l’avantage de hausser l’imputabilité des fournisseurs de soins, en offrant au patient un choix à l’intérieur d’un même régime de santé émargeant aux fonds publics. Convenablement installé, un tel système pourrait devenir un puissant outil d’amélioration.
Évidemment, pour implanter l’offre d’un libre choix au sein d’un système financé par l’État, il resterait à surmonter un certain nombre de problèmes : l’« écrémage » de la clientèle, l’absence de concurrence du côté de l’offre, les failles dans l’information dont le consommateur dispose pour effectuer un choix judicieux, et ainsi de suite. Mais ce ne sont pas là des problèmes insurmontables pour l’ingéniosité humaine et, là encore, l’expérience acquise ailleurs peut nous servir. L’importance de ces problèmes varie d’ailleurs considérablement, selon les marchés ou les régions à desservir. Ainsi, par-delà les expériences à tenter dans le domaine des soins de première ligne, il y aurait lieu d’explorer les mérites d’un programme de bons applicables aux soins à domicile — secteur où la concurrence ne manque pas en matière d’offre.
Les organismes de santé doivent être responsables non seulement vis-à-vis de leur gouvernement provincial, mais aussi bien vis-à-vis des personnes qu’ils servent au sein de leur collectivité. Certes, il n’existe pas de solution magique pour rehausser à cet égard le niveau d’imputabilité; mais il convient d’étudier un certain nombre d’avenues.
Une charte des droits du patient — On devrait obliger les organismes de santé à publier et diffuser une déclaration énonçant les droits du patients, ses attentes et ses responsabilités en ce qui touche les soins de santé, leur qualité et la rapidité de leur prestation. Ces Chartes des droits du patient, promulguées par les gouvernements provinciaux après consultation avec les organismes de santé, devraient mentionner les noms et numéros de téléphones de personnes avec qui le patient puisse communiquer s’il s’estime insatisfait ou lésé dans tel ou tel droit que lui confère la Charte. De leur côté, les organismes de santé devraient être tenus de déposer un rapport annuel sur la façon dont leurs hôpitaux et les autres fournisseurs de services s’acquittent de leurs responsabilités au regard de la Charte.2
Un ombudsman des soins de santé — De même que chaque établissement et chaque organismes de santé devraient mettre en place un mécanisme de résolution des plaintes et des conflits, de même chaque province devrait envisager la création d’un poste d’ombudsman en matière de soins de santé. Cette personne verrait au respect de la Charte des droits du patient; elle entendrait les réclamations des patients sur tous les aspects des services de santé financés à même les fonds publics (qu’il s’agisse de gestes posés par les fournisseurs de soins ou par les organismes de santé); et elle aurait le pouvoir d’ordonner quand il y a lieu le redressement de la situation.
L’élection des membres des organismes de santé — L’élection des membres des organismes de santé pourrait elle aussi resserrer le lien de responsabilité qui unit ces derniers aux patients — pourvu que l’on prenne au sérieux le processus électoral et que la structure de celui-ci ne se prête pas à la monopolisation par certains groupes d’intérêt. En outre, devant la nécessité de confier la gestion de ces organismes à un personnel hautement expérimenté, il conviendrait qu’une partie de leur conseil d’administration fût composée de personnes élues, les autres étant nommées par le gouvernement.
L’obligation de consulter — L’instauration d’un authentique processus de consultation auprès de la clientèle desservie contribuerait lui aussi à la qualité des décisions et des priorités qu’assument les organismes de santé, qui ainsi refléteront mieux les valeurs locales. La consultation devrait s’effectuer en priorité auprès des citoyens plutôt qu’auprès des groupes d’intérêt. Les ententes de rendement conclues avec la province ou le territoire pourraient stipuler l’obligation de faire rapport sur ces consultations de même que sur les plans stratégiques mis en place pour répondre aux préoccupations locales.
Les fournisseurs de services se situent au centre même de notre système de santé. Il faut donc absolument veiller à ce qu’ils s’acquittent de leurs rôles avec un sens élevé de l’éthique et avec professionnalisme. Ces fournisseurs répondront de leurs actes devant les organismes de santé. Il est tout aussi essentiel d’établir des mécanismes de responsabilisation directe entre ces fournisseurs et les bénéficiaires. Parmi les moyens dont on dispose pour généraliser cette culture de la responsabilité, mentionnons l’auto-réglementation (que chaque profession de la santé pratique en son sein pour assurer le respect de son code de déontologie et de ses standards professionnels), ainsi que l’effet dissuasif des sanctions que les tribunaux peuvent imposer aux contrevenants. Nous recommandons néanmoins l’adoption d’une loi capable de protéger les personnes qui osent dénoncer les pratiques ou les décisions contraires aux normes exigées, quel que soit l’auteur de l’abus dénoncé : fournisseur extérieur, établissement hospitaliser ou organisme de santé. Des hôpitaux de Montréal nous montrent la voie à suivre, lorsqu’ils obligent l’établissement et son personnel à dévoiler au patient tout erreur ou toute pratique malvenue.
Notes
De nombreuses tendances récemment observées dans notre système de soins de santé illustrent l’émergence d’un nouveau besoin : celui de définir avec précision — et d’appliquer avec rigueur — des normes qui permettent d’évaluer la qualité des services fournis à chaque patient. La hausse constante du niveau de culture générale au sein de la population et l’accès de plus en plus facile à l’information sur la santé incitent les patients et leurs familles à consulter méthodiquement des professionnels de la santé — et même à s’auto-diagnostiquer. On dispose maintenant de méthodes rigoureuses non seulement pour l’évaluation des médicaments, mais aussi pour celle des techniques médicales et chirurgicales. Et l’on peut désormais recourir à toutes ces méthodes de façon systématique plutôt que de s’en remettre, comme autrefois, au hasard. C’est la première fois que, dans l’ensemble, nous possédons de tels outils pour améliorer les soins fournis aux patients et la qualité de nos services de santé.
L’insatisfaction du public à l’égard du réseau canadien de la santé a suscité un intérêt marqué pour la formulation d’un engagement explicite, sous forme d’une Charte des droits du patient, à l’égard des droits et des responsabilités de tous les utilisateurs de notre système. Ce concept a été accueilli tantôt avec enthousiasme et tantôt avec une bonne dose de scepticisme. Les grandes déclarations de principes n’ont pas, par elles-mêmes, le pouvoir de transformer les valeurs et le comportement de tous les acteurs du système. Ce genre d’énoncés, loin de coller aux réalités pratiques que vivent les patients, ne produit généralement que de belles paroles offertes en pâture à l’opinion publique.
Une Charte des droits du patient peut et doit contenir davantage. Convenablement définie, elle peut constituer, de la part de la société, un véritable engagement à respecter des normes élevées quant à la qualité des soins fournis à chaque citoyen. Évidemment, l’élaboration d’une telle charte ne se fait pas en un instant. Les exigences en sont nombreuses — et difficiles à satisfaire. Mais les avantages qu’elle présente nous dictent de nous y attaquer. Il faut voir dans son élaboration un exercice en constante évolution : la création d’un système axé sur l’excellence. Il s’agit d’une nouvelle frontière à dépasser, d’un avenir meilleur à inventer.
Les cinq principes qui sous-tendent le régime canadien d’assurance-maladie ne peuvent, malgré leur importance sur le plan national, engendrer dans les services le niveau de qualité qu’exige une Charte des droits du patient. Ces cinq principes ne font qu’énoncer les préalables à la participation financière du fédéral aux dépenses qu’entraînent les programmes provinciaux. Une Charte des droits du patient ferait plutôt référence aux droits reconnus aux patients en vertu de ces programmes. Les cinq principes inscrits dans la Loi canadienne sur la santé appellent des précisions au niveau de la personne du patient.
Afin que les droits reconnus aux patients soient adaptés à la situation particulière de chaque province, il importe également que de telles chartes soient promulguées à l’échelle provinciale — sans quoi elles ne pourraient conférer transparence et imputabilité aux programmes provinciaux.
Pour être efficace, une Charte des droits du patient doit reposer sur les quatre bases suivantes :
Plusieurs provinces ont déjà introduit certains de ces éléments dans leur système de soins de santé. Certaines ont formulé des déclarations statutaires quant aux droits généraux du patient; d’autres ont mis en place une procédure d’appel. Ces initiatives constituent certes un bon point de départ, mais il reste beaucoup à faire.
D’abord et par-dessus tout, les organismes de soins de santé doivent transformer leur propre culture interne. Depuis plusieurs décennies, les soins de base sont financés presque exclusivement à même les fonds publics, et les compressions budgétaires ont conduit les organismes concernés à se conformer de plus en plus au modèle hiérarchico-bureaucratique. Les établissements communautaires — comme, par exemple, les hôpitaux créés bien avant la mise en place de l’assurance-maladie — ont vu décliner leur influence. La relation patient–médecin s’est relâchée. Le gouvernement — et les Canadiens — doivent comprendre que le succès des soins de santé, et particulièrement celui des soins de santé à but non lucratif, repose sur l’initiative et les institutions de la société civile. Or, cet esprit d’initiative a peine à se développer dans une structure administrative trop centralisée.
Les organismes bureaucratiques — privés ou publics — n’ont jamais été à l’aise dans la fourniture de services personnels de qualité. La formule du « payeur unique », inhérente à notre système de soins de base, constitue un quasi-monopole confié aux provinces. Celles-ci doivent donc véritablement offrir aux patients un moyen de dépasser le choix limité offert par le monopole public. Elles devraient faire quelque place aux primes et aux sanctions. Aux fournisseurs de soins, elles devraient laisser quelque marge de manœuvre dans leur gestion ainsi que la possibilité d’offrir à leurs patients de véritables choix. Grâce à cette nouvelle latitude, les gestionnaires seraient plus efficaces. Et, les patients étant placés devant d’authentiques choix, le système répondrait mieux aux besoins de ceux qu’il a mission de servir.
La mise en place d’une Charte des droits du patient aurait pour effet de réorienter les soins de santé vers le patient lui-même et vers la qualité des services dans toutes les communautés. L’accent portant désormais sur les résultats obtenus par le patient plutôt que sur les processus mis en œuvre, on renverserait la tendance actuelle : la centralisation de la prise de décisions et la standardisation des pratiques à l’échelle d’une province feraient place à un système de gestion régional, assez souple pour s’adapter aux besoins de chaque région et de chaque patient.
À juste titre, les questions entourant la qualité des services a attiré l’attention des médias et alimenté les inquiétudes du public. La promulgation d’une Charte des droits du patient, en formulant l’engagement de redresser la situation, contribuerait à restaurer la confiance du public et à réorienter les ressources. Citons ici quelques exemples.
Une Charte des droits du patient aurait l’avantage d’évaluer la qualité du professionnel à partir de l’expérience qu’il a des patients au sein du système, plutôt qu’à partir de données globales. Car, si importantes que soient la prévention de la maladie et la promotion de la santé, la Charte vise d’abord à protéger les droits des individus, et non ceux d’une collectivité considérée globalement.
Plusieurs arguments plaident en faveur de chartes provinciales qui, au moins à leurs débuts, se limiteraient à quelques éléments clés. Une Charte des droits du patient se heurterait forcément au scepticisme que la majorité des citoyens professent à l’égard des déclarations publiques de bonnes intentions. Pour être de quelque utilité, une telle charte exigera de substantiels investissements au cours de sa conception et de sa mise en œuvre.
On serait aussi mal avisé d’accorder des mandats qui couvriraient l’ensemble des soins de santé offerts aux individus. Chaque année, les contacts entre patients et professionnels de la santé se comptent par centaines de millions. La plupart sont de nature routinière (comme la consultation d’un médecin pour un mal de gorge) et ont généralement lieu dans un contexte qui assure au patient une protection raisonnable. Ajoutons que la notion de responsabilité juridique ne constitue pas un vain concept. Reste que, s’il fallait définir les droits précis de chacun dans un domaine aussi vaste, il faudrait s’intéresser à une foule de détails qui rendraient la tâche impossible.
La promulgation de Chartes des droits du patient exigera des gouvernements la hausse de leurs investissements dans le système de soins de santé. La définition des mandats respectifs ne suffira pas à améliorer la situation actuelle : il faudra investir plus massivement, pour que le système puisse honorer les engagements contractés en vertu des Chartes. On s’entend aujourd’hui pour reconnaître la nécessité d’investissements substantiels.
Ainsi, pour assurer la fourniture des services en temps opportun là où les besoins sont imprévisibles et fluctuent de jour en jour, le système devrait offrir une certaine capacité excédentaire. Cette surcapacité doit être d’autant plus forte que les variations sont plus larges et que la durée d’attente tolérable est plus courte. De plus, si l’on veut que le consentement éclairé du patient devienne plus qu’un geste sans conséquence, il faudra consacrer de plus fortes sommes à l’éducation du public et aux systèmes d’information. Enfin, la définition et l’imposition de normes minimales signifient la mise au rancart des équipements et des installations de qualité inférieure : il faudra remplacer certains de ceux-ci et en moderniser d’autres; maintenir en poste les professionnels de la santé et, dans l’intervalle et peut-être indéfiniment, payer le transfert de patients vers des services de qualité supérieure lorsque la situation l’exige.
Faute de consacrer des sommes nouvelles à la solution de ces problèmes, on rendrait vaine l’élaboration d’une Charte des droits du patient : on ne ferait qu’élargir le gouffre qui sépare la promesse et la réalité, et l’on risquerait de gonfler le nombre des litiges dont seraient saisis les tribunaux. Du reste, la contestation judiciaire est chose coûteuse, accessible seulement à ceux qui peuvent en payer le prix.
Mais, mise à part la contestation judiciaire, quelles solutions s’offrent aux patients ?
L’expression « administration publique » constitue l’un des traits qui définissent le régime canadien de soins de santé. La voie politique est donc toute désignée pour l’application d’un tel régime. On peut cependant mettre en doute la possibilité d’en venir à une Charte des droits du patient par un mécanisme comme la « période de questions », inscrite dans la tradition de nos parlements fédéral et provinciaux. Au Canada, cette avenue est bloquée, en particulier, par la confusion qui règne dans l’esprit des citoyens quant aux rôles respectifs du fédéral et des provinces en matière santé.
Le mécanisme qui conviendrait le mieux au redressement des situations litigieuses serait simple et relativement peu coûteux : il s’agirait d’une procédure d’appel, située au niveau local et provincial et axée, peut-être, sur un ombudsman. Le rôle de celui-ci serait de veiller à ce que le système de santé respecte les principes qui fondent le régime d’assurance-maladie ainsi que les droits impartis aux patients en vertu des chartes provinciales.
Bref, une Charte des droits du patient constituerait un nouvel et important mécanisme de responsabilisation, propre à améliorer les services de santé.
Bien que la santé soit de compétence provinciale, le gouvernement fédéral est impliqué dans ce domaine depuis plus de 50 ans. La « Conférence de la reconstruction », que Mackenzie King présida en 1945, fut pour le gouvernement fédéral l’occasion d’offrir son concours à un programme pancanadien et universel de soins de santé. Par la suite, le fédéral adopta les lois qui allaient former la base de notre actuel régime de santé : la Loi sur l’assurance-hospitalisation et les services diagnostiques (1957); puis la Loi sur les soins médicaux (1966), elle-même remplacée en 1984 par la Loi canadienne sur la santé. À quelques exceptions près, cependant, les provinces demeurent les premières responsables dans la planification et l’administration des services de santé au pays. Ce sont elles également, qui fournissent la part du lion dans le financement de ces services.
Ce partenariat fédéral-provincial, qui avait assez bien servi les Canadiens, s’est constamment détérioré durant les dernières décennies, au point de perdre son efficacité. Les Canadiens assistent presque quotidiennement aux querelles, enfantines et stériles, que les deux paliers de gouvernement se livrent sur la question de savoir quand et pour quoi chacun d’eux a versé telles ou telles sommes.
Pendant ce temps, le système de santé doit affronter de lourds défis. Les Canadiens ont vu s’éroder leur droit à des services de santé qu’ils paient fort cher. Il est donc urgent d’instaurer un nouveau partenariat. Nous reconnaissons, certes, qu’une fédération sera toujours le théâtre de tensions et de conflits, mais il nous faut concevoir des mécanismes qui faciliteront la collaboration entre gouvernements dans la fourniture de soins de santé d’une haute qualité à tous les citoyens et citoyennes de ce pays.
La première règle consiste pour l’un et l’autre niveaux de gouvernement à se reconnaître responsables, devant les citoyens, des sommes engagées. Il ne s’agit pas simplement pour chacun — nous tenons à le dire — d’obtenir un certain crédit politique pour sa participation au financement d’un service public essentiel. Il existe, sous-jacent à cette question, un principe de gouverne que nous formulerons comme suit et qui rend absolument essentielle cette forme d’imputabilité : chaque citoyen a droit à une communication claire et directe avec tous les paliers de gouvernement — et ce non seulement quant aux services qu’il reçoit, mais aussi quant à tous les services financés à même les fonds publics. Il importe donc que les gouvernements fédéral et provinciaux puissent rendre pleinement compte de la façon dont ils dépensent l’argent des contribuables dans le secteur de la santé.
Une seconde règle consiste à optimiser l’efficacité et la fonctionnalité du système. La question se pose comme ceci : quel palier de gouvernement peut le mieux servir le bien commun en ce XXIe siècle, au milieu des changements structurels que connaissent les systèmes de santé ? Si l’on tient que le domaine de la santé relève de la compétence des provinces et que le rôle naturel du gouvernement fédéral en est un de soutien, de « facilitateur », il convient de redéfinir les rôles et les responsabilités de chacun ainsi que les modalités de leur interaction.
La recherche de l’efficacité et de la fonctionnalité optimales nous conduit à poser les questions suivantes :
Le premier objectif à atteindre dans le domaine de la santé, c’est l’excellence. Toutes les décisions prises par les divers paliers de gouvernement devraient l’être dans cette optique.
Dispenser à tous les Canadiens des soins de santé d’une haute qualité, édifier un système axé sur l’excellence : tout cela, évidemment, exige un partenariat fédéral-provincial « en meilleure santé » que ne l’est actuellement le nôtre.
Les Canadiens, de même que tous les gouvernements de leur pays, ont maintes fois exprimé leur accord sur les valeurs de base qu’expriment les cinq grands principes de la Loi canadienne sur la santé :
Les provinces, même si elles souscrivent toutes aux principes qui sous-tendent la Loi canadienne sur la santé, dénoncent vigoureusement l’ingérence — présumée et parfois réelle — d’Ottawa dans leur gestion du régime. D’autre part, le ministère fédéral de la Santé manifeste une frustration croissante dans les efforts qu’il déploie pour appliquer les principes que nous venons d’énumérer.
La Loi canadienne sur la santé a réussi à éliminer complètement les frais exigés des patients : facturation supplémentaire imposée par les médecins, frais aux usagers imposés par les établissements. Au cours de la dernière décennie, toutefois, elle n’a pas réussi a relever les défis — nouveaux, subtils et complexes — qu’affrontait le régime. Si des mécanismes quasi automatiques ont suffi dans le passé à colmater les failles simples et évidentes que comportait la Loi, seuls des changements complexes, de longue haleine et de nature hautement politique permettront de relever les nouveaux défis.
Au-delà des conflits d’idéologies politiques, trois causes principales expliquent cet état de fait : premièrement, une décennie de compressions budgétaires unilatérales, de la part du fédéral, dans les paiements de transfert aux provinces; deuxièmement, une certaine confusion dans l’interprétation des cinq principes qui fondent le système canadien de soins de santé; et, troisièmement, l’intrusion du gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale.
Il est indéniable que le gouvernement fédéral peut et doit s’engager à assurer au système de santé la stabilité du financement. Afin de mieux assumer sa responsabilité à l’égard des contribuables, le gouvernement fédéral devrait proposer une nouvelle loi fiscale qui établirait une claire distinction entre les fonds (points d’impôts, paiements en espèces) transférés aux provinces au titre des soins de santé, d’une part, et d’autre part les fonds consacrés aux autres services sociaux. Il s’agit, en quelque sorte, de créer un second transfert canadien uniquement pour la santé. On assainirait les relations entre les gouvernements, en écartant définitivement du débat la question de l’équation et des points d’impôts « perdus » par Ottawa au bénéfice des provinces. Les prochains transferts ne devraient s’effectuer que sous forme d’argent comptant.
Pour faciliter la redéfinition du système de santé, Ottawa et les provinces devraient, peut-être avec la participation des citoyens, réinterpréter chacun des cinq grands principes qui ont servi de fondement au système. De plus, on devrait dresser une liste de ce qui est permis et de ce qui n’est pas permis en vertu de ces principes. Car le flou qui entoure actuellement les définitions explique en bonne partie pourquoi les provinces, tout en respectant les paramètres de la Loi canadienne sur la santé, exécutent de diverses façons les services que celle-ci leur confie. Le fédéral et les provinces devraient, en particulier, s’attaquer à la définition du principe d’« administration publique ». Quelle devrait être la relation entre le secteur public et le secteur privé au sein de notre système de santé ?
La tâche de redéfinition est certes immense et demandera une bonne dose de courage politique. Mais nos gouvernants se doivent de l’entreprendre. Les principes, une fois clairement redéfinis, devront être diffusés largement et dans un langage simple.
Bien des Canadiens (citoyens, administrateurs, professionnels de la santé) aimeraient que, à ces cinq principes, on en ajoute deux autres — celui de qualité et celui d’imputabilité —, afin de créer un système véritablement moderne. À plus longue échéance, la Loi canadienne sur la santé devrait être soumise au contrôle d’un Conseil national de la santé, indépendant des pouvoirs politiques et dont les membres seraient nommés conjointement par Ottawa et par les provinces. Ce Conseil aurait pour tâches, par exemple, de présenter des rapports détaillés sur le rendement du système de santé, y compris sur l’état de santé des Canadiens ainsi que sur le respect des principes qui fondent l’assurance-maladie et les Chartes provinciales des droits du patient. Le rôle du Conseil pourrait être confié à des organismes existants, tels que l’Institut canadien d’information sur la santé ou les Instituts de recherche en santé du Canada.
Compte tenu du rôle prépondérant des provinces dans le financement et le fonctionnement du système de santé, le gouvernement fédéral doit y tenir un rôle d’« entremetteur » ou de « courtier » entre les provinces. En garantissant à celles-ci la stabilité du financement, le gouvernement fédéral leur permettrait de mieux prévoir les besoins de leurs régimes. Grâce à une nouvelle interprétation des principes qui sous-tendent le régime pancanadien (et auxquels toutes les provinces auront adhéré), grâce aussi à l’indépendance du Conseil national de la santé face aux pouvoirs politiques, le fédéral serait également en meilleure position pour faire respecter les principes de la Loi canadienne sur la santé. Certes, le fédéral peut toujours user de mesures coercitives pour assurer le respect de sa Loi, mais il serait bien avisé de ne le faire qu’en dernier recours, la négociation et la médiation demeurant ses instruments privilégiés.
Cette tâche revêt une importance capitale, si l’on veut assurer aux Canadiens un système de santé efficace, équitable et universel. L’harmonisation de 13 programmes provinciaux en constante évolution exigera une vigilance de tous les instants. Le gouvernement fédéral, après avoir réduit de façon draconienne au cours des dernières décennies sa participation aux dépenses totales de la santé, devra faire preuve d’imagination pour concevoir des mécanismes qui lui conserveront un rôle efficace, à l’échelle du pays. Tâche ardue, mais tâche essentielle.
Les soins à domicile et l’assurance-médicaments constituent les deux secteurs prioritaires. Car la multiplication des chirurgies d’un jour et l’abrègement des hospitalisations ont mis en lumière la nécessité d’assurer la continuité dans les services et les programmes de soins à domicile. Ceux-ci doivent devenir équitables, accessibles à tous les Canadiens, et faire partie intégrante du système d’assurance-maladie. Certes, on a vu naître dans tous les coins du pays un large éventail de soins à domicile — avec ou sans but lucratif, dans le secteur privé ou dans le secteur public. En ce qui concerne le droit et l’accès réel à ces services, on observe toutefois, entre les régions, des disparités tout simplement intolérables. Les soins à domicile exigent des gouvernements un financement nouveau, un cadre politique en bonne et due forme, ainsi que des mécanismes propres à responsabiliser les acteurs de ce domaine.
Il existe plusieurs façons de soulager les Canadiens du fardeau de plus en plus lourd que représentent les coûts des médicaments. À cet égard, le modèle en vigueur au Québec mérite examen. Posons en principe qu’un système pancanadien d’assurance-médicaments devra être universel, équitable et efficace. Une autre solution consisterait à mieux standardiser et harmoniser les différents régimes provinciaux, de les soumettre à des normes pan-canadiennes négociées entre les divers gouvernements. C’est ensemble que ces gouvernements doivent planifier et financer pour ce secteur un régime garantissant une couverture plus large et plus équitable.
Une chose va de soi : les sommes nécessaires à la création de nouveaux programmes comme ceux que nous venons d’esquisser ne devront être prélevées ni sur les fonds impartis aux services de base, ni sur les fonds destinés à absorber les hausses dues à l’inflation économique ou aux changements démographiques.
Les soins de longue durée — qui constituent eux aussi un secteur essentiel des services personnels et institutionnels — posent un problème distinct. Compte tenu du vieillissement de la population, ce problème devient urgent et exige des investissements massifs, dont on ne sait pas si les gouvernements pourront les assumer. Les Canadiens auraient tout avantage à ce que l’on étudiât diverses solutions. Nous pensons en particulier au modèle allemand, où les soins de longue durée sont financés à l’aide de cotisations versées pendant la vie active.
Notre système de santé ne pourra satisfaire aux critères d’excellence et d’intégration sans le recours massif à deux facteurs : d’une part, les technologies de l’information (connexions de base, standardisation et conversion des dossiers, développement des logiciels, formation du personnel, etc.); d’autre part, les technologies médicales de pointe. En conséquence, nous recommandons d’envisager la création d’un fonds mixte, fédéral-provincial, pour le financement des technologies de la santé. Ce fonds constituerait une source de capitaux d’investissement, et l’on pourrait réévaluer son rôle après ses dix premières années d’existence.
Les produits pharmaceutiques font aujourd’hui partie intégrante des soins de santé. Au cours du XXe siècle, leur création et l’expansion de leur usage ont transformé l’état de santé de populations dans toutes les parties du monde. La pharmacothérapie représente une part de plus en plus considérable du système de santé, à tous les stades de celui-ci : soins de base, urgence, soins intensifs, consultations externes, soins à domicile et soins de longue durée — sans parler des traitements que les patients appliquent eux-mêmes. La technologie pharmaceutique, malgré l’argent et le temps qu’elle exige, ne cesse de progresser dans tous les secteurs de la médecine. Jumelée à la génotechnologie qui en est encore à ses balbutiements, la technologie pharmaceutique continuera, au XXIe siècle, de transformer les soins de santé.
La recherche, la production, la mise en marché et la distribution des médicaments sont dominées par des firmes multinationales, dont certaines sont bien implantées au Canada. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres secteurs du système de santé, les stratégies de mise en marché qu’adoptent les entreprises pharmaceutiques et la concurrence à laquelle elles se livrent entre elles ont d’énormes conséquences sur la distribution et l’usage des médicaments. Les entreprises mettent de plus en plus l’accent sur le choix offert au consommateur et sur l’accessibilité des médicaments; la commercialisation des nouveaux médicaments cible de plus en plus le consommateur tout autant que le médecin.
Comme c’est le cas dans d’autres pays industrialisés, le coût moyen des thérapies pharmaceutiques, de même que les coûts totaux liés à la consommation de médicaments (avec ou sans ordonnance), ont grimpé en flèche au Canada ces dernières années. En fait, de tous les secteurs de la santé, ce sont les soins pharmacologiques qui ont connu la croissance la plus rapide. Au Canada, leurs coûts dépassent actuellement les sommes consacrées aux services fournis par les médecins.
La croissance observée dans la consommation de médicaments a constitué un important facteur de changement dans les autres secteurs du système. Elle a rendu possibles bon nombre de consultations externes et de chirurgies d’un jour, réduisant ainsi radicalement les besoins en matière de lits d’hôpitaux. Elle a également permis la « désinstitutionnalisation » des patients en psychiatrie.
Même devenue composante essentielle du système, la pharmacothérapie n’a pas pour autant été reconnue « service médical pleinement nécessaire », au sein du régime canadien d’assurance-maladie. L’équité et l’accessibilité sont sources de préoccupation depuis des années, et le sentiment d’injustice grandit au fur et à mesure qu’augmentent la fréquence et les coûts des thérapies pharmaceutiques; mais celles-ci ne sont toujours pas reconnues parmi les services qu’assume le régime public.
Autre question importante : la nécessité d’une gestion plus efficace des médicaments, pour éviter à la fois la surconsommation de ceux-ci et la non-application des ordonnances par les patients. Il faut également veiller à ce que tous les consommateurs (établissements de santé, individus, régimes d’assurances) sachent contenir dans des limites raisonnables les coûts des médicaments. Or, toutes ces questions recoupent le problème du réseau de programmes d’assurances — les uns publics, les autres privés — qui financent les ordonnances pharmaceutiques. Au Canada, les individus, les employeurs et les gouvernements provinciaux se partagent à parts à peu près égales les coûts des produits pharmaceutiques.
Enfin, une réforme de l’assurance-médicaments pourrait contribuer à démêler le fouillis qui règne dans le financement du système canadien de santé.
Parmi les pays membres de l’OCDE, le Canada et les États-Unis se distinguent en ce qu’ils ne se sont pas dotés d’un programme complet d’assurance-médicaments desservant l’ensemble du territoire. Dans plusieurs pays (Australie, Danemark, France, Grande-Bretagne, Italie, Norvège, Nouvelle-Zélande, Suède et Pays-Bas, par exemple), les programmes nationaux offrent une couverture complète à la population presque entière. Aucun régime national, cependant, ne rembourse aux patients la totalité des frais encourus. Certains pays y parviennent presque : les Pays-Bas et la Grande-Bretagne remboursent à 90 p. 100. Mais la norme prend la forme d’une participation à peu près égale du régime et du patient : 54 p. 100 pour l’État en France, par example, et 50 p. 100 en Australie. Dans l’ensemble du Canada, environ le quart de la population émarge à des programmes publics d’assurance-médicaments, qui paient 48 p. 100 de la facture totale.
Ainsi donc, les Canadiens sont assurés par une mosaïque de régimes, les uns privés et les autres publics. Le gouvernement fédéral assume la totalité des coûts pour les autochtones inscrits, pour le personnel des armées, pour les anciens combattants et pour les détenus. Quant aux provinces et aux territoires, ils assurent pleine compensation aux prestataires de l’aide sociale et couvrent à différents degrés les aînés. En ce qui touche ces derniers, on observe entre les provinces des écarts qui peuvent aller du simple au décuple dans les coûts réclamés aux patients pour les paiements partagés ou pour les frais d’utilisateur. On a tendance, dans les régimes provinciaux, à couvrir une plus grande portion des coûts d’achat quand il s’agit de médicaments destinés au traitement de certaines maladies comme le sida, le cancer ou la fibrose kystique; mais on constate là aussi des écarts considérables entre les provinces.
Bien des Canadiens actifs sur le marché du travail émargent partiellement non pas à un régime public d’assurance-médicaments, mais à des régimes privés, financés le plus souvent à même les salaires, c’est-à-dire par les cotisations de l’employeur et celles de l’employé. Il s’ensuit que les employés à temps partiel et les travailleurs autonomes ne bénéficient généralement d’aucune couverture, tandis que ceux qui profitent d’un régime d’assurances doivent payer celui-ci au prix fort. Bref, un gouffre sépare les besoins en matière d’assurance-médicaments et les indemnisations fournies par les assureurs.
Dans tout le Canada, les coûts imposés aux patients sont allés croissant, sous la poussée de deux facteurs : d’une part, certains soins ont été retirés des établissements hospitaliers, où les médicaments sont gratuits; d’autre part, on a instauré de nouvelles politiques pour endiguer les dépenses. Ce transfert de coûts, peut-être bénéfique pour les établissements de santé, contrevient aux principes d’équité et d’accessibilité pour les consommateurs. Or les médicaments, de plus en plus importants dans les thérapies, deviennent de plus en lourds financièrement pour chacun des Canadiens.
La multiplication des régimes d’assurance-médicaments et des règlements correspondants gêne, dans tout le pays, la recherche d’une solution globale au problème de la croissance des coûts; elle fait également obstacle à l’élaboration de stratégies efficaces pour améliorer l’usage des médicaments. Il faudra une approche suffisamment musclée, tant au niveau des achats qu’au niveau de la réglementation, pour faire contrepoids aux grandes entreprises pharmaceutiques.
On pense aussi à d’autres stratégies propres à limiter les coûts, comme l’imposition de prix réduits et l’achat par quantités massives. L’une et l’autre seront sans doute plus efficaces si elles sont pratiquées par de plus gros acheteurs individuels. Certaines provinces ont récemment instauré un système de prix de référence, où tous les médicaments efficaces relevant d’une même catégorie (l’arthrite, par exemple) sont soumis à une étude comparative, quelque caractéristique qu’elles aient en commun sur le plan pharmacologique; seul le médicament présentant le meilleur rapport qualité-prix devient admissible au remboursement. D’autres observateurs ont proposé un registre pancanadien de médicaments, c’est-à-dire un procédé unique servant à déterminer quel médicament sera couvert par le programme d’assurance et lequel ne le sera pas.
Un système de gestion de la demande constitue un autre moyen de maîtriser le coût des médicaments ainsi que l’efficacité de leur usage. L’important, c’est d’établir un lien avec la réforme des soins de base : bien arrimé aux soins de base, un régime d’assurance peut garantir l’accessibilité tout en favorisant l’usage rationnel des médicaments et le contrôle de leurs coûts. Cette méthode, déjà en vigueur en Grande-Bretagne, est actuellement à l’essai aux Pays-Bas.
Le Canada devra tôt ou tard s’attaquer au problème de l’assurance-médicaments. Chose certaine, l’évolution des technologies pharmaceutiques apportera au système des changements profonds : quant à l’étendue des soins offerts dans les établissements, quant au rôle du consommateur-patient et quant à la demande de services. Trois tâches principales sont apparues, auxquelles les gouvernements devront s’attaquer :
À notre avis, le maintien de la situation actuelle ne permettrait ni de contrôler efficacement les coûts, ni d’éviter que s’élargissent les disparités actuelles en matière d’équité et d’accessibilité.
Avant d’imposer une perspective pancanadienne en matière d’assurance-médicaments, il faudra d’abord résoudre de sérieux problèmes organisationnels. Entre autres, il faudra régler la question de la retenue obligatoire à la source dans les régimes d’assurances des entreprises; créer, pour la mise à jour obligatoire des registres de médicaments, un mécanisme adapté aux besoins et aux circonstances; surveiller le rapport qualité-prix; veiller, enfin, à réduire le fardeau financier du consommateur. L’expérience du Québec nous fournit d’utiles leçons pour la création d’un régime d’assurance-médicaments qui soit universel et pancanadien.
On veillera également à ce que les régimes d’assurance-médicaments répondent aux objectifs assignés à la réforme des soins de base et que, en particulier, les médecins se montrent plus sensibles aux coûts et aux avantages de chacun des médicaments offerts à la consommation.
Lors de l’implantation de l’assurance-hospitalisation et de l’assurance médicale, les employés et les individus avaient conservé certaines responsabilités financières — bien avant la possibilité d’une participation plus active du système public. Notre objectif n’est pas de transférer le fardeau des consommateurs aux contribuables. Il consiste plutôt à répartir de façon nettement plus équitable le fardeau qui pèse actuellement sur le consommateur.
Certes, le coût total des médicaments continuera de croître au Canada; mais l’important est de le distribuer plus équitablement. La mise en place d’un régime uniquement fédéral constituerait peut-être une mesure trop radicale, dans l’état actuel des relations fédérales-provinciales. Cela nous ramène à une seconde option : l’application de normes pancanadiennes, auxquelles devraient souscrire tous les régimes provinciaux d’assurance-médicaments. De toutes les normes, celle de l’universalité doit primer : le régime doit assurer tous les Canadiens.
Le partage des coûts entre les patients et les gouvernements deviendrait le même dans tout le pays. On pourrait privilégie l’établissement de cotisations, auxquelles s’ajouterait un mécanisme de partage des coûts. Les employeurs poursuivraient leur contribution aux coûts des médicaments.
Quels que soient les détails du modèle retenu, le gouvernement fédéral devra absolument y investir de nouveaux fonds, pour rendre accessible à tous les Canadiens l’achat des médicaments dont ceux-ci ont besoin.
Au moment où leurs gouvernements amorcent le débat sur les moyens de réformer le système de santé, les Canadiens devraient les presser de se donner pour objectifs, en cette matière, les normes d’excellence les plus exigeantes qui soient au monde. Actuellement, notre système tient trop souvent pour acceptables des résultats ne répondant qu’ à des normes minimales d’efficacité : son rendement n’est pas à la hauteur de ses possibilités.
Les Canadiens soucieux d’efficacité se refusent à vanter d’aussi piètres résultats. En tant que pays, nous pouvons et nous devons faire mieux. La plupart des Canadiens croient encore possible d’atteindre l’excellence dans un système public. La santé constituant aux yeux de tous le bien le plus précieux, l’excellence dans le régime de soins doit être plus qu’un vœu : un but.
Les cinq principes qui fondent la Loi canadienne sur la santé expriment les valeurs que les Canadiens privilégient et le soutien qu’ils apportent à un régime financé à même les fonds publics. Aucun de ces principes, toutefois, ne fait explicitement référence à la qualité. On trouverait certes ailleurs au monde plusieurs systèmes de santé qui, inférieurs au nôtre, satisferaient quand même aux cinq principes qu’énonce la Loi canadienne sur la santé. Mais les Canadiens au fait de ces questions rejetteraient à juste titre de tels systèmes, qui ne respectent pas les normes d’excellence et de qualité. Ces questions de qualité et d’excellence qui englobent les notions d’adéquation aux besoins et de fourniture en temps opportun — revêtent aux yeux de tous les Canadiens une grande importance et une extrême Il devrait en être de même pour les gouvernements, chargés d’entretenir et de raffermir la confiance publique à l’égard du système.
Alors que nos gouvernements tentent d’améliorer notre système de soins de santé, nous devons avoir pour principal objectif l’application des normes internationales les plus exigeantes en ce domaine. De tous nos programmes sociaux, notre système public de soins de santé nous est le plus cher, érigé en symbole des valeurs que nous professons. Et la plus sûre sauvegarde de ces valeurs réside dans la ferme résolution d’appliquer les normes d’excellence mondialement reconnues.
Fleuron des programmes sociaux canadiens, notre système de soins de santé a tout ce qu’il faut pour projeter l’image d’un pays voué à l’excellence et soucieux de la qualité de vie de ses citoyens. Ainsi le Canada pourra-t-il rester en tête du palmarès quant à l’indice de développement attribué par les Nations unies. Ainsi, également, pourra-t-il améliorer sa posi-tion sur l’échelle de l’Organisation mondiale de la santé quant à la qualité générale des soins de santé (échelle où il occupe déjà le septième rang).
Pour atteindre à l’excellence, nos gouvernements fédéral et provinciaux doivent coordonner leurs efforts. Le rôle du fédéral devrait être celui d’un facilitateur, d’un catalyseur, chargé de dégager des consensus et de coordonner les efforts. Deux tâches lui incombent, dont il doit s’acquitter en partenariat avec les provinces : premièrement, fournir les infrastructures nécessaires au discernement et à l’application des références internationales; deuxièmement, financer des projets pilotes qui permettront d’explorer et d’évaluer divers moyens à mettre en œuvre pour offrir des soins de santé d’excellente qualité et répondant aux besoins de la population. Ces projets pilotes serviraient alors de modèles, que les provinces pourraient appliquer à l’ensemble du système.
Nous entrevoyons ainsi une stratégie conjointe, qui pousserait tous les gouvernements à :
Les soins de santé constituent dans l’économie canadienne l’un des plus vastes bassins d’emplois. Ce système, financé à même les fonds publics, contribue largement à la santé de la population en général — et en particulier à la santé de la main-d’œuvre, essentielle à notre prospérité. Aux industries canadiennes, ce système apporte aussi un avantage compétitif, en réduisant considérablement les contributions des employeurs aux différents régimes d’assurance-maladie dont bénéficient les employés.
Les Canadiens investissent de façon massive et continue dans leur système de santé, au rythme de 80 milliards de dollars par année. La meilleure stratégie pour rentabiliser ces investissements consisterait à développer l’exportation de services de santé et de gestions de ces services, ainsi qu’à accroître notre production de biens et de services issus du secteur de la santé. Nous estimons réaliste de fixer à ce secteur industriel un objectif de 20 p. 100, soit 16 milliards de dollars annuellement.
Parmi les sous-secteurs les plus prometteurs, on compte :
Les services de fourniture de soins;
L’objectif d’excellence ne doit nous inspirer aucune crainte. Nous possédons l’expertise nécessaire. Ce dont nous avons besoin pour réaliser nos ambitions, c’est le leadership, c’est un engagement collectif.
Plusieurs pays se tournent vers le Canada pour s’inspirer de son leadership en matière de services de soins de santé. Peut-être le temps est-il venu pour nous d’observer les expériences d’autres pays et d’en tirer quelques leçons.
Au cours des années 1990, notre pays, comme la plupart des membres de l’OCDE, s’est imposé un régime de compression des dépenses publiques dans le domaine des soins de santé, ce qui n’a pas manque de susciter dans la population de sérieuses préoccupations quant aux niveaux de financement de ce secteur. Dans 24 pays membres de l’OCDE, la croissance moyenne des dépenses réelles par habitant au chapitre de la santé, après avoir connu dans les années 1980 une hausse annuelle moyenne de 4 p. 100, a chuté à 2,6 p 100 entre 1990 et 1997. Ce ralentissement s’est traduit par un déclin de la participation publique à l’ensemble des dépenses liées aux soins de santé : la moyenne à ce chapitre est passée de 75,7 p. 100 à 74,7 p. 100 entre 1990 et 1997. Les conséquences de ces compressions ont alarmé l’opinion publique. Celle-ci, au cours d’un sondage effectué récemment dans 17 pays (dont 11 membres de l’OCDE), a appuyé des hausses d’investissements publics dans le domaine de la santé, par des majorités substantielles allant de 68 p. 100 en Allemagne à 91 p. 100 en Grande-Bretagne. L’appui à l’augmentation des dépenses était inversement proportionnel aux variations que la participation publique avait connues durant la précédente décennie : il était généralement plus élevé dans les pays où cette participation avait le plus décliné.
Au Canada, ces tendances ont été particulièrement marquées. Durant la période 1990-1997, il était l’un des quatre seuls pays parmi 24 membres de l’OCDE a avoir enregistré une baisse réelle des dépenses publiques en matière de santé; l’évolution moyenne annuelle des dépenses publiques réelles au cours de cette période se chiffrant à (– 0,4) p. 100. La participation publique aux dépenses totales de la santé est passée de 74,6 p. 100 en 1990 à 69,8 p 100 en 1997. L’opinion publique en a été ébranlée. Des cinq pays sondés entre 1988 et 1998, les Canadiens ont enregistré la baisse la plus substantielle dans la proportion de gens qui estimaient valable le fonctionnement de leur système de santé et qui ne souhaitaient pour celui-ci que des « changements mineurs » : cette proportion était passée de 56 p. 100 en 1988, à 20 p. 100 en 1998.
Au Canada, les effets de la contraction du secteur public ont été amplifiés par la conception même du système canadien. Cas unique parmi les membres de l’OCDE, le financement des soins de santé au Canada incombe, selon des critères sectoriels, soit à l’administration publique, soit au secteur privé. Les services hospitaliers et médicaux sont couverts en vertu d’un système universel de « payeur unique du premier dollar », tandis que d’autres biens et services sont soumis à des méthodes de financement mixtes et diverses, où le financement privé joue un grand rôle.
Ce partage sectoriel entre financement public et financement privé fait contraste avec d’autres systèmes, où le financement privé prend l’une ou l’autre des formes suivantes : soit un système de co-paiements appliqués aux services assurés par un régime public; soit un système parallèle au système public; soit une protection pour les groupes inadmissibles à l’assurance publique. Puisqu’au Canada les services hospitaliers et médicaux incombent exclusivement à un régime public, ce sont ces secteurs qui ont été particulièrement éprouvés par les compressions gouvernementales. Et, comme l’on voyait traditionnellement dans ces services la pierre angulaire du système, les contraintes financières ont d’autant plus amplifié la perte de confiance publique à l’égard de celui-ci.
Si pendant les années 1990 le Canada a pratiqué une retenue fiscale plus rigoureuse que ne l’ont fait la plupart des autres pays membres de l’OCDE, il s’est abstenu d’adopter le genre de réformes instaurées dans d’autres pays en matière de santé publique. Mise à part la régionalisation des structures décisionnelles des hôpitaux (effectuée dans toutes les provinces sauf en Ontario), le Canada n’a guère modifié ses structures quant à la fourniture des soins de santé ou à leur financement. Dans l’intervalle, d’autres pays ont procédé à une multitude de modifications, que l’on peut classer sous quatre chefs : la concurrence, la motivation des fournisseurs, l’imputabilité et l’intégration.
Bon nombre de pays, notamment la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande, ont tenté d’introduire des éléments de concurrence dans leur réseau hospitalier, à propriété et à gestion publiques : ils ont distingué au sein de leur hiérarchie les « acheteurs » et les « fournisseurs ». Des « acheteurs », ils ont exigé qu’ils se procurent les services chez les « fournisseurs »; de ces derniers, ils ont exigé qu’ils se soumettent au jeu de la concurrence pour obtenir ces contrats. Ces « marchés internes » restaient quand même financés par le secteur public. Ces réformes permettaient également aux fournisseurs privés de soumissionner pour l’obtention de contrats publics.
Dans d’autres pays, on a encouragé la concurrence entre assureurs, à l’intérieur d’un cadre de couverture universelle. L’exemple le plus probant a sans doute été le projet de « concurrence ordonnée » soumis par le gouvernement Clinton aux États-Unis, puis rejeté. Mais l’Allemagne et les Pays-Bas ont également choisi d’introduire dans leurs systèmes d’assurance sociale cette notion de « concurrence ordonnée », en modifiant les structures réglementaires pour permettre aux Fonds d’assurance sociale de se livrer concurrence entre eux (et de concurrencer les assureurs privés, dans le cas des Pays-Bas).
Bilan : L’effet réel de ces réformes fondées sur la notion de concurrence a été moins concluant qu’on ne l’avait prévu à l’origine. Les « marchés internes » en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande ont conduit à des négociations plus explicites entre les « acheteurs publics » et les « fournisseurs de soins de santé »; mais, alors que les réseaux établis ont persévéré dans le processus d’implantation, la concurrence entre les fournisseurs est demeurée limitée. On a accordé trop peu d’attention à l’imputabilité des organismes responsables des achats. Quant à la « concurrence ordonnée » entre les assureurs, elle s’est trouvée limitée, elle aussi, par la laborieuse mise en place de mécanismes d’ajustement des risques — bien que, particulièrement en Allemagne, on ait enregistré des progrès à ce chapitre.
Implications pour le Canada : Les structures sur lesquelles on a greffé les réformes inspirées du principe de concurrence étaient assez différentes de celles qui ont cours au Canada. En Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande, on avait au point de départ un système où l’État possédait et gérait les hôpitaux; la décision de transformer ceux-ci en entités distinctes, indépendantes des autorités de financement, représentait peut-être une transition vers le système en vigueur au Canada. Quant à la concurrence entre les assureurs, pratiquée en Allemagne et aux Pays-Bas, elle s’appuie sur le modèle des Fonds d’assurance sociale multiples, financés par les contributions obligatoires de l’employeur et de l’employé. Ce modèle, en vigueur dans plusieurs pays européens depuis la fin du XIXe siècle, fait contraste avec les systèmes en honneur au Canada et dans d’autres pays, où le « payeur unique » est financé à même la recette fiscale générale. Ces réformes ne sont donc pas directement transposables dans le contexte canadien. Il y a néanmoins des leçons à tirer de la réforme fondée sur la concurrence : les négociations « acheteurs-fournisseurs » ont montré les mérites potentiels d’ententes plus explicites, qui poussent les acheteurs à plus de raffinement et les fournisseurs à plus de transparence. Le rapport valeur-prix, la qualité et l’accessibilité s’en trouvent améliorés. Et les progrès réalisés dans les formules d’ajustement des risques, élaborées pour faciliter la concurrence entre assureurs, peut s’adapter à d’autres formes de financement public.
Les réformes fondées sur la notion de concurrence visaient à inciter à plus d’efficacité les acheteurs aussi bien que les fournisseurs. Mais elles ne constituaient pas le seul type de réformes axées sur cet objectif. Une autre visait à étendre le rôle d’« agence » des médecins, en fournissant à ceux-ci des budgets fixes, où ils pourraient puiser pour acheter des biens et des services à l’intention de leurs patients. Les omnipraticiens britanniques qui ont choisi de devenir ainsi « détenteurs de fonds » ont reçu des budgets qui leur permettaient d’acheter pour leurs patients une gamme de services hospitaliers et communautaires, tout en réinvestissant dans leur pratique les économies ainsi réalisées. En Allemagne, on a octroyé à des associations régionales de médecins des budgets pour l’achat de médicaments sur ordonnance.
Bilan : De toutes les réformes introduites au cours des années 1990 pour mieux motiver les fournisseurs, les plus réussies ont consisté à « internaliser » les coûts de fonctionnement de groupes de médecins. L’expérience britannique du « Fundholding », qui a conduit une majorité de médecins à y participer volontairement, s’étend maintenant à tous, sous la forme des « Primary Care Commissionning Groups ». En Allemagne, les budgets régionaux consacrés aux médicaments d’ordonnance ont limité le taux d’accroissement du poste « médicaments » par rapport aux dépenses totales de la santé — même si d’autres facteurs ont contribué à la hausse des prix des médicaments dans le système.
Implications pour le Canada : Le succès de l’expérience britannique du « Fundholding » comporte d’importantes implications pour la réforme des soins de première ligne au Canada. Son attrait, aussi bien pour les patients que pour les médecins, vient de ce qu’il permet aux omnipraticiens de prendre au profit de leurs patients plusieurs décisions d’achats. L’attrait de cette mesure a été mis en lumière par la façon dont, facultative à l’origine, elle a vite gagné des adeptes pour devenir ensuite universelle et, enfin, obligatoire. Le processus d’universalisation exigera certes une vigilance minutieuse, mais l’expérience britannique permet de croire que le Canada pourrait accélérer considérablement la mise en place de projets pilotes pour la réforme de ses soins de première ligne.
Plusieurs pays ont instauré des politiques visant à accroître le niveau d’imputabilité des acheteurs et des fournisseurs de soins de santé (ou des deux à la fois) — en modifiant les structures de décision ou les structures d’information, ou les unes et les autres. En Grande-Bretagne par exemple, dans le cadre de la direction clinique (ou « clinical governance ») établie en 1997, les cadres supérieurs des « fournisseurs fiduciaires » sont tenus formellement responsables de la qualité des soins accordés aux patients. Chaque fiducie hospitalière voit sa fourniture de services évaluée au regard de divers critères quantitatifs dûment publiés. À l’échelle nationale, un organisme — « The National Institute of Clinical Excellence » — se livre à une évaluation technique et à l’élaboration de normes cliniques.
Bilan : Plusieurs méthodes visant à accroître l’imputabilité en sont à l’étape du développement et ne sont pas encore totalement implantées, éprouvées et évaluées. À ce jour, les indices de rendement ont été surtout orientés vers l’évaluation des « procédures » (comme les temps d’attente), plutôt que vers l’évaluation des « résultats ». L’implantation de régimes d’évaluation du rendement est encore gênée par la difficulté d’appliquer, à la vérification des différents dosages, une méthode transparente et compréhensible aux yeux du grand public. Néanmoins, la tendance vers des mécanismes d’imputabilité fondés sur l’information a toutes chances de se poursuivre et de s’accélérer dans la plupart des pays.
Implications pour le Canada : Le Canada, dans la mesure où il saura combler certaines graves lacunes dont il souffre actuellement, aura tout d’un chef de file dans les efforts déployés sur le plan international pour améliorer les mécanismes d’imputabilité fondés sur l’information. Il a déjà mis en place d’importants éléments de ces mécanismes : vastes bases de données, générées à des fins administratives par les programmes provinciaux d’assurance-maladie et par les cadres hospitaliers; capacité analytique en pleine croissance, grâce à des centres d’excellence en recherche médicale universitaires et à des organismes comme l’Institut canadien d’information sur la santé et la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé. Toutefois, ces organismes en sont encore à l’étape du démarrage et appellent une période de développement. Il reste encore à combler des déficiences considérables, particulièrement dans les soins de base et dans les soins communautaires. La normalisation des données constitue également une question fondamentale. Et, peut être plus important que tout, il reste beaucoup à faire dans la création d’un cadre cohérent, inspiré du modèle des Comptes nationaux, pour guider la cueillette et l’interprétation des données. À cette étape, seulement, nous serons en mesure de transformer en un savoir utilisable l’information que nous avons rassemblée.
Intégrer au système de traitements de pointe les soins de longue durée et les soins de base tout en assurant aux patients un haut niveau de qualité : voilà un épineux problème, auquel sont confrontés tous les pays. Les obstacles budgétaires et organisationnels qui s’opposent à l’intégration varient d’un pays à l’autre, selon la façon dont ont évolué les structures de fourniture et de financement des soins. Entre les niveaux de soins comme entre les types de soins, aucun pays n’a réussi à établir des rapports qui soient libres de tout obstacle. Comme on l’a souligné récemment au cours d’un colloque dont la revue Health Affairs a rendu compte, tous les pays sont à la recherche d’un équilibre à établir entre la famille, le marché et l’État pour parvenir à cette intégration. Deux réformes dignes de mention sont celles de l’Allemagne et du Japon. Ces pays ont adopté, en matière de soins de longue durée, des programmes universels qui s’appuient sur le même mode de financement que l’assurance sociale, par prélèvements sur le salaire des employés.
Bilan : La réforme allemande, et plus particulièrement celle du Japon, sont trop récentes et n’ont donc pas encore été évaluées. Mais elles méritent examen. Par des moyens différents, toutes deux tentent d’équilibrer coordination et universalité tout en offrant au consommateur un certain choix. L’Allemagne, par exemple, prévoit une « option en argent », que les bénéficiaires peuvent toucher pour rembourser les membres de leur famille qui leur fournissent des soins; les coûts de ce système semblent bien contrôlés. Au Japon, l’expérience passée fait craindre une flambée des prix.
Implications pour le Canada : L’expérience allemande, qui a influencé la réforme japonaise, soulève également d’importantes questions pour le Canada. Notre pays devrait-il envisager, pour les soins de longue durée, une forme de couverture universelle dont la source de financement serait à la fois distincte de l’assurance-maladie et des régimes publics de retraite ?
Pour conclure, avouons qu’un regard sur l’expérience des autres pays permet de situer en perspective le sentiment de crise qu’on éprouve devant l’état du système canadien de santé. Les compressions des années 1990 ont été particulièrement prononcées au Canada et alarmantes pour les Canadiens; mais nous vivons encore sur la même planète que les autres pays industrialisés. Les gouvernements canadiens, qui voient aujourd’hui la possibilité de réinvestissments, peuvent donc s’inspirer des expériences étrangères. Certes, aucune réforme ne se prête à une transposition directe, aucune ne peut s’enraciner et prospérer dans un contexte différent de celui où elle est née. Néanmoins, l’expérience d’autres pays nous mon tre que l’on peut avec profit, par exemple, concentrer ses efforts sur le changement des motivations qui animent les fournisseurs, particulièrement quand il s’agit de groupes de médecins; ou sur le renouvellement des structures financières, qui faciliterait l’intégration des soins chroniques et des soins de longue durée.
Les membres du groupe de travail de l’IRPP sur les politiques de santé sont :
Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de 1976 à 1984, Monique Bégin a été doyenne de la faculté des sciences de la santé à l’Université d’Ottawa de 1990 à 1997, avant d’être nommée professeure émérite. Sociologue de formation, Monique Bégin est maintenant professeure invitée au programme d’administration de la santé de l’Université d’Ottawa.
Michael Decter est économiste, auteur et conférencier sur les enjeux liés aux politiques de santé. Il préside actuellement l’Institut canadien d’information sur la santé. Il a été sous- ministre de la Santé de l’Ontario et Secrétaire du cabinet dans le gouvernement manitobain.
Colleen Flood est professeure adjointe à l’école de droit de la University of Toronto et est affiliée à la School of Health Services Administration. Son domaine d’expertise inclut les aspects juridiques, économiques et politiques des systèmes de santé. Elle s’intéresse également aux problèmes d’imputabilité en matière de politiques de santé et de gouverne des organismes régionaux de la santé. Tout récemment, Mme. Flood a publié International Health Care Reform: A Legal, Economic and Political Analysis (Routledge, 2000).
De 1971 à 1981, Claude Forget a occupé divers postes au gouvernement du Québec. Il a d’abord été sous-ministre adjoint à la Santé et a ultérieurement siégé à l’Assemblée nationale comme député et ministre de la Santé. Depuis 1982, il est actif dans le secteur privé comme expert-conseil et chef d’entreprise. En 1998, lui et son épouse, Monique Jérôme-Forget, ont publié l’ouvrage Qui est maître à bord ?, dans lequel ils proposent une refonte majeure du financement et de l’organisation du régime de santé canadien.
Henry Friesen est président du conseil d’administration de Genome Canada et jusqu’en juillet 2000, il était président du Conseil de recherches médicales du Canada. À ce titre, M. Friesen a grandement contribué à changer la culture d’entreprise de cette organisation et a piloté sa transformation en une nouvelle entité, le Conseil canadien de recherches sur la santé. Entre 1973 et 1992, il a été professeur et chef du département de physiologie à la University of Manitoba.
Maureen Quigley dirige la firme Maureen Quigley and Associates Inc. qui offre des services de soutien aux processus de planification et de changements et se spécialise plus spécifiquement dans la restructuration des services de santé et dans l’élaboration des politiques de santé. Elle a collaboré étroitement avec le gouvernement ontarien et plusieurs autres organismes ontariens impliqués dans tous les domaines de la santé. Mme. Quigley a aussi occupé des postes de haute responsabilité politique au gouvernement de l’Ontario et à la Communauté urbaine de Toronto.
Maintenant à la retraite, Duncan Sinclair a présidé les travaux de la Commission de restructura- tion des services de santé de l’Ontario. Ayant longtemps enseigné à la Queen’s University, Duncan Sinclair a occupé un certain nombre de postes administratifs de haute responsabilité, dont celui de vice-recteur des sciences de la santé et de doyen de la faculté de médecine. M. Sinclair a également siégé à plusieurs conseils, commissions et comités, y compris le Forum national sur la santé et le Conseil du premier ministre sur la santé, le bien-être et la justice sociale.
Carolyn Tuohy est professeure de science politique à la University of Toronto. Elle enseigne la politique publique comparée, et fait de la recherche en ce domaine, en portant une attention plus particulière aux politiques sociales. Mme. Tuohy a siégé à diverses commissions gouverne- mentales au Canada. Elle est actuellement membre du conseil de recherches de l’Institut canadien des recherches avancées, et vice-rectrice à la University of Toronto. Son ouvrage le plus récent s’intitule Accidental Logics: the Dynamics of Change in the Health Care Arena in the United States, Britain and Canada ( Oxford University Press,1999).
For immediate distribution – Thursday, September 7, 2000
Montreal – The Institute for Research on Public Policy (IRPP) today will release the report of its Task Force on Health Policy. Chaired by Michael Decter, the Task Force was convened in the late spring to study, beyond the narrow issue of funding, specific reforms to give Canadians a public healthcare system that is truly the very best it can be.
In eight short policy papers, the IRPP Task Force on Health Policy tackles issues such as excellence and accountability in health care, a disentanglement of the roles and responsibilities of each level of governance, a return to local initiative, and a renewed focus on serving the needs of individual patients. Task Force members recommend the following priorities for First Ministers to consider:
In presenting their report to First Ministers, members of the IRPP Task Force on Health Policy aim to outline issues that merit the attention of decision-makers, consider potential challenges and benefits of certain proposals for reform, and encourage an informed public debate on the future of Medicare.
“The improvement of health care services is not a short-term or a once-in-a-while event,” noted Task Force Chairman Michael Decter. “ Modernizing health services must be an ongoing part of how modern societies move forward.”
Members of the IRPP Task Force on Health Policy are:
The report, along with a letter from Task Force members addressed to first ministers, was sent to first ministers, ministers of health and deputy ministers of health earlier today.
IRPP President Hugh Segal was impressed with the recommendations made by the Task Force.
“It is quite an honour for IRPP to have individuals of such talent and experience commit to our process of finding innovative ways to fix Medicare,” Segal said. “I am confident that their contribution will enrich the public debate on healthcare
reform.”
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Founded in 1972, IRPP is an independent, national, nonprofit organization whose mission is to improve public policy in Canada by generating research, providing insight and sparking debate that will contribute to the public policy decisionmaking process and strengthen the quality of the public policy decisions made by Canadian governments, citizens, institutions and organizations.