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Fédéralisme canadien

Rétablir le principe fédéral

La place du Québec dans l'union sociale canadienne

Christian Dufour 29 janvier 2002

Cette étude a été traduite en anglais.

Dans cette étude, Christian Dufour analyse le contexte politique qui a mené à la signature de l’Entente-cadre sur l’union sociale (ECUS), en février 1999, les développements politiques récents sur la scène intergouvernementale ainsi que les possibilités de renouvellement de l’entente, dans la perspective du Québec. Il soutient que l’ECUS constitue la plus récente manifestation du blocage Canada-Québec qui date du rapatriement de la constitution canadienne, en 1982, sans le consentement du gouvernement du Québec. L’ECUS révèle de nouveau l’incapacité du système politique canadien à intégrer la vision spéci- fiquement québécoise du fédéralisme et du Canada. L’auteur considère que le pourrissement du problème québécois a des conséquences de plus en plus négatives sur l’ensemble du pays et qu’il constitue le plus grave problème auquel le Canada est confronté.

Bien que la conjoncture politique actuelle demeure défavorable à tout déblocage, l’auteur identifie certaines pistes susceptibles de mener à une dynamique nouvelle. Mais il est peu probable que ces facteurs conjoncturels règleront à eux seuls le fond du problème. Pour ce faire, dit-il, le reste du Canada, y compris le gouvernement fédéral, devra reconnaître la spécificité du Québec, dans le prolongement de la Déclaration de Calgary et de la motion sur la société distincte adoptée en décembre 1995, et en accepter les implications concrètes, que ce soit le droit de retrait, l’asymétrie, ou plus simplement le droit à la différence. Ce n’est qu’en tant que robuste société distincte que le Québec pourra participer de façon constructive au renforcement de l’union sociale cana- dienne et faire bénéficier le pays de son dynamisme. Mais surtout l’auteur insiste sur le fait qu’un principe fédéral fort suppose la séparation aussi bien que le partage de la souveraineté et que cet élément fondamental de séparation est vital pour le Québec.

De son côté, le Québec devra devenir un participant à part entière des relations intergouvernementales canadiennes : ce n’est pas parce qu’il n’a pas signé l’ECUS qu’il n’est pas dans le Canada, qu’il n’est pas dans la fédération et qu’il ne doit pas intervenir dans les applications sociales du fédéralisme. Particulièrement innovateur et dynamique en matière de politiques sociales au cours des dernières années, il jouit de la crédibilité nécessaire pour faire valoir ses vues de façon efficace dans les différents forums intergouvernementaux. Il devra aussi adapter ses positions constitutionnelles traditionnelles à la réalité de 2002 et prendre sérieusement en considération le fait que le partage des compétences n’implique pas des sphères d’action aussi étanches que par le passé.

En définitive, l’ECUS ne constitue pas pour le Canada le développe- ment historique que certains ont voulu y voir. Elle est trop conjoncturelle et comporte en outre de sérieuses lacunes et contradictions. De plus, parce que le Québec n’y souscrit pas, elle apparaît clairement déficiente comme élé- ment de construction d’un projet national canadien renouvelé.

Introduction

La rédaction de ce texte a été motivée par le dernier article de l’Entente-cadre sur l’union sociale (ECUS) dont ont convenu le gouvernement fédéral et ceux des territoires et de toutes les provinces à l’exception du Québec, le 4 février 1999. Cette clause prévoit qu’avant la fin de la troisième année de l’entente, « les gou- vernements entreprendront conjointement une évaluation complète de l’entente et de sa mise en œuvre, et ils feront, s’il y a lieu, les ajustements nécessaires à l’en- tente ». D’une manière plus large, six ans après le référendum québécois de 1995 et vingt ans après l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982, il s’agit d’une occasion de procéder à l’évaluation de certaines tendances lourdes de l’évolution du fédéralisme canadien et de leur signification pour le Québec.

Il n’est pas acquis qu’il y aura un véritable réexamen complet de l’ECUS : les parties pourraient se contenter de tenir une réunion au terme de laquelle l’entente serait déclarée « réexaminée », pour être aussitôt reconduite. Cela permettrait d’éviter une renégociation qui pourrait s’avérer difficile, entre autres pour Ottawa, et qui serait susceptible de remettre en cause les succès d’il y a trois ans, ne fussent- ils que formels. Paradoxalement, on peut penser qu’en fait, ce sont les graves lacunes de l’entente, dont il sera question plus loin, qui rendent improbables une réévaluation et une amélioration véritables. Cela serait sans doute plus plausible si l’accord disposait d’assises plus profondes que ce n’est le cas actuellement.

Même dans l’hypothèse où il y aurait effectivement révision de l’entente, la possibilité que le Québec y adhère à la faveur de ce processus apparaît actuelle- ment plus mince encore qu’elle ne l’était en février 1999. C’est que l’ECUS représente, au plan intergouvernemental, la plus récente version du vieux et pro- fond blocage Canada-Québec. Parce que le problème à résoudre est essentielle- ment politique, et non technique, l’analyse qui suit sera en grande partie poli- tique : en effet, s’il y a quelque chose de clair dans ce portrait embrouillé, c’est que l’on n’avancera à rien si l’on se berce d’illusions sur la nature réelle du pro- blème auquel on est confronté, surtout si l’on n’est même plus capable de sim- plement le « nommer ». Nous nous emploierons donc à rappeler quelques-unes de ses réalités incontournables.

Cela dit, dans un système fédéral canadien dont l’histoire a été rythmée par une succession de périodes de centralisation et de décentralisation, on ne peut totalement exclure que la détérioration graduelle de la relation Canada-Québec, à laquelle on assiste impuissants depuis des décennies, fasse place à un nouveau cycle où les aspects fonctionnels de cette même relation prendraient le dessus. Dans cet esprit, le présent texte essaiera de faire ressortir certaines pistes suscep- tibles de mener à un déblocage et de révéler des embryons de solutions. Il fera le point sur l’existence, la nature, les opportunités mais aussi sur les périls de la question Canada-Québec, telle qu’elle se manifeste dans le dossier de l’union sociale. On insistera enfin sur le fait que, en dépit des lacunes fondamentales de l’ECUS, le Québec ne peut rester un simple observateur des relations intergou- vernementales canadiennes dans le domaine social : ce n’est pas parce que le Québec n’a pas signé l’entente qu’il n’est pas dans le Canada, qu’il n’est pas dans la fédération et qu’il ne doit pas intervenir dans les applications sociales du fédéralisme.

De Saskatoon à l’ECUS : prise 3 du blocage politique Canada-Québec

On a pu espérer un moment que le dossier de l’union sociale allait permettre un certain déblocage de la relation Canada-Québec, lorsque Québec a adhéré au consensus provincial-territorial à l’occasion de la conférence annuelle des pre- miers ministres provinciaux au début d’août 1998 à Saskatoon1. Ce consensus sur les façons de collaborer au sein de l’union sociale canadienne répondait à la vision québécoise du fédéralisme, notamment parce qu’il incluait un droit de retrait. Jusque-là, Québec s’était contenté d’assister à titre de simple observateur aux réunions provinciales-territoriales, demeurant en retrait des discussions lancées par les provinces à la suite des coupures importantes dans le financement des programmes sociaux annoncées par Ottawa en 1995.

Ceux qui ne connaissent pas le Québec, ou qui ont oublié pourquoi tant de Québécois attachés au Canada sont devenus souverainistes depuis trente ans, ne manqueront pas de tourner en ridicule l’adhésion du Québec à un tel con- sensus, basée sur le droit de retrait. Cette vision à courte vue passe à côté de l’essentiel : l’ouverture et la bonne volonté qu’ont toujours manifestées les Québécois à l’égard du Canada, dans la mesure où l’on respectait la vision qui motive leur adhésion à la Confédération canadienne. Si elle était advenue plus tôt, la participation du Québec aux discussions sur l’union sociale en aurait probablement changé la dynamique, amenant les autres provinces à penser davantage en termes de fédéralisme social que d’union sociale, augmentant les convergences possibles. Par ailleurs, en plus de constituer l’assise francophone de la dualité canadienne, le Québec est aussi une province-région du Canada. Sa participation aurait permis d’enrichir ce régionalisme qui s’est généralisé depuis trente ans à l’ensemble du Canada anglais, en Ontario ainsi que dans des provinces riches et puissantes comme l’Alberta et la Colombie-Britannique.

Pour revenir au consensus provincial-territorial de Saskatoon, il est égale- ment important de spécifier qu’il ne se limitait pas seulement au droit de retrait. On y parlait aussi des différentes façons de gérer les interdépendances en matière sociale et de promouvoir la collaboration en ce domaine; on y reconnaissait également que le gouvernement fédéral joue un rôle important au plan social, même si les gouvernements provinciaux demeurent les premiers responsables des programmes de base. L’entrée du Québec dans le front commun des provinces, fût-ce par le biais d’un droit de retrait réel et substantiel, l’aura amené à reconnaître davantage les implications canadiennes de ce dossier au Québec et à adapter sa position en conséquence.

Malheureusement, au début de février 1999, le front commun inter- provincial auquel avait adhéré le Québec après avoir fait des concessions inédites, s’est effondré en quelques heures2. Il est vrai que dans les mois qui avaient suivi cette adhésion, un élément avait considérablement affaibli la posi- tion de ce négociateur exceptionnel qu’était le premier ministre québécois Lucien Bouchard. Lors de la campagne électorale de l’automne 1998, ce dernier avait spécifiquement attiré l’attention des électeurs québécois sur l’importance de lui accorder un mandat fort pour être en mesure de négocier de façon efficace le dossier de l’union sociale, dans la foulée de l’adhésion du Québec au consensus de Saskatoon. Le Parti québécois (PQ) fut effectivement réélu avec une pluralité de sièges à l’Assemblée nationale mais avec un moins grand nombre de votes que le Parti libéral du Québec (PLQ), ce qui diminua la marge de manœuvre du pre- mier ministre québécois dans ce dossier, que ce soit par rapport à son propre parti ou à ses partenaires du fédéral et des autres provinces.

Il n’en reste pas moins que ce revirement politique intergouvernemental avait toutes les apparences et la réalité d’un lâchage du Québec par ses parte- naires provinciaux : une occasion manquée comme on en voit peu, qui aboutit à la conclusion à toute vapeur de l’ECUS entre le gouvernement fédéral et les autres provinces et territoires. L’opération confirma et accentua un blocage poli- tique Canada-Québec qui ne manque pas d’inquiéter à terme. Ce blocage remonte au rapatriement et à la modification substantielle de la constitution canadienne en 1982, sans le consentement du gouvernement du Québec. Il s’est approfondi durant la période 1987-1990, lors de la tentative avortée d’intégrer le Québec à cette constitution au plan politique, avec l’Accord du lac Meech3. Il s’est confirmé en 1999 avec l’ECUS.

Ces trois événements (la modification constitutionnelle en 1982, la quasi- modification constitutionnelle de 1987-1990, et l’entente de nature administra- tive de 1999) vont dans le même sens : ils manifestent l’incapacité structurelle du système politique canadien à incorporer son cœur historique et géopolitique québécois, de même que la vision spécifiquement québécoise du fédéralisme et du Canada. Le problème est que le reste du pays n’a jamais vraiment reconnu la légitimité de cette vision du fédéralisme canadien, et la présence d’un gouverne- ment québécois souverainiste lui sert maintenant de prétexte pour ne plus en tenir compte du tout. Mais le mouvement souverainiste québécois est également responsable de ce blocage, lui qui se refuse à jouer vraiment le jeu canadien et que le reste du Canada a tendance à identifier au Québec tout entier.

Au-delà de la substance, ces trois ententes sont aussi allées dans le même sens sur le plan du processus : dans les trois cas, des fronts communs inter- provinciaux incluant le Québec se sont finalement dissous, la « province française » se retrouvant isolée au sein du Canada. Les événements ayant entouré la conclusion de l’ECUS n’ont fait qu’augmenter la méfiance du Québec à l’égard des fronts communs interprovinciaux, qui était déjà forte depuis l’échec de l’Accord du lac Meech et le rapatriement de la constitution.

L’ECUS démontre, comme bien d’autres dossiers, que le système intergou- vernemental canadien est devenu considérablement biaisé contre le Québec et ses préoccupations spécifiques, et que ces dernières sont marginalisées comme jamais auparavant dans l’histoire du Canada.

Le fédéralisme et l’union sociale

Le Québec n’est qu’un partenaire sur 14 dans les discussions intergouvernemen- tales canadiennes. Il lui est très difficile d’y défendre et d’y imposer une vision qui, sur certains points fondamentaux, est différente de celle qui tend à prévaloir dans le reste du Canada.

La dualité canadienne n’existe plus que sur un plan linguistique formel qui ne coïncide pas avec la réalité québécoise. On refuse que le caractère distinct du Québec ait quelque conséquence pratique que ce soit. Le concept de l’égalité des provinces est devenu un dogme empêchant autant l’épanouissement du régiona- lisme que celui de la dualité. Le fait que l’opinion publique québécoise soit graduellement devenue sympathique à une forme d’indépendance du Québec, ce que le reste du pays perçoit comme une menace à la survie même du Canada, n’a évidemment rien fait pour améliorer la situation.

Il faut rappeler ces choses parce que le dossier de « l’unité nationale », comme on dit dans le reste du Canada, a été très présent dans les négociations ayant mené à la conclusion de l’ECUS, même si on ne l’avoue pas ouvertement. Dans la mesure où il a faussé de façon importante une grande partie des don- nées de l’affaire, il s’est agi là clairement d’un élément négatif. Cela s’est mani- festé dans la méfiance éprouvée à l’égard d’un premier ministre québécois perçu comme un négociateur hors pair et qui s’apprêtait à jouer le jeu intergouverne- mental canadien sans avoir renoncé à ses ambitions « séparatistes ». On peut aussi ajouter que, parce qu’elles sont plus homogènes que le Québec, les diverses parties du reste du Canada aspirent, consciemment ou non, à un régime davantage unitaire. Pour le Canada anglais, le principe de la souveraineté de chaque ordre de gouvernement dans son champ de compétence, l’un n’étant pas subordonné à l’autre, de même que la nécessité de champs de compétence séparés pour l’essentiel, a souvent moins d’importance que la coopération, la concertation et le partenariat entre les deux ordres de gouvernement. Dans cette perspective, un niveau de gouvernement national et senior doit œuvrer de con- cert avec un niveau de gouvernement provincial et junior dans des territoires juridictionnels qui se confondent de plus en plus. Il n’en demeure pas moins qu’en signant l’ECUS, les provinces ont cédé leur droit d’aînesse contre un plat de lentilles : nommément l’octroi par Ottawa d’un financement supplémentaire important dans le domaine de la santé.

Du côté d’Ottawa, l’une des principales motivations pour en arriver à une entente était de contrebalancer les forces qui poussaient à l’éclatement du pays. Il fallait renforcer l’identité canadienne et promouvoir l’unité nationale, en mon- trant aux Québécois que le fédéralisme canadien était capable de changer. Il est difficile d’imaginer approche plus mal adaptée au problème que l’on prétendait vouloir régler. On se faisait les promoteurs du changement, même quand il allait dans le sens contraire de ce que voulaient les Québécois et qu’il affaiblissait ce qui sera toujours pour eux un minimum vital : le maintien d’un principe fédéral fort, basé sur la souveraineté de chaque ordre de gouvernement dans son champ de compétence.

Le fédéralisme est un système qui prévoit le partage mais aussi la sépara- tion de la souveraineté entre deux ordres de gouvernement, chacun étant sou- verain dans ses champs de compétence. Son objectif est de régir des collectivités à la fois semblables et différentes, et de leur permettre de cohabiter paisiblement. La nature même du principe fédéral implique un élément fondamental de sépa- ration, ce qui a toujours été vital pour le Québec. C’est pourquoi il importe de ne pas confondre fédéralisme avec subsidiarité, partenariat ou décentralisation, comme c’est trop souvent le cas. Ces notions ont des qualités indéniables, mais elles s’appliquent autant à un régime unitaire de gouvernement qu’à un système fédéral. Ce dernier est basé sur la coopération certes, mais aussi sur l’existence de visions et de collectivités différentes, et qui ont le droit de le rester. Dans la mesure où il tient à conserver le Québec, le Canada doit maintenir un principe fédéral fort.

En fait, si le Canada est un système fédéral, c’est pour beaucoup à cause du Québec. Il est facile de comprendre pourquoi le gouvernement du Québec, seul gouvernement canadien à être contrôlé par une majorité de francophones, a toujours tenu plus que le reste du Canada à un principe fédéral fort. Par ailleurs, depuis l’accession au pouvoir du PQ, en 1976, jusqu’au référendum de 1995, en passant par l’échec de l’Accord du lac Meech en 1990, c’est le retrait de facto du Québec du système qui est en partie responsable de l’affaiblissement du principe fédéral au pays.

Dans son aveuglement au sujet du Québec, le gouvernement fédéral a adopté une approche qui ne tenait pas compte du fait qu’une union sociale mal faite, élaborée artificiellement dans le but de contrer les « séparatistes », loin de régler le problème actuel, l’empirerait. Répétons-le : ce n’est pas tant l’existence des souverainistes québécois qui est en cause, qu’une intégration de plus en plus mauvaise du Québec et de sa majorité francophone au sein du Canada. Une union sociale réalisée sans tenir compte de la vision spécifiquement québécoise du fédéralisme canadien empire le problème plutôt que de le régler. Il y a là un parallèle à faire avec l’enchâssement en 1982 de la Charte des droits et libertés : en dépit du fait que les uns et les autres partageaient la plupart des mêmes valeurs, le processus a séparé les Québécois et les autres Canadiens parce que la spécificité et le consentement québécois avaient été mis de côté.

Au surplus, un accord artificiel dans le dossier de l’union sociale, non seulement aliène davantage le Québec au sein du Canada, mais aussi des com- posantes du Canada anglais — en particulier dans l’Ouest — qui ne partagent pas totalement la vision fédérale en ces domaines. Comme nous le verrons plus loin, il y a potentiellement des éléments positifs qui découlent de cette situation.

L’Entente-cadre sur l’union sociale

Au-delà du blocage politique qui perdure, quelles sont les conséquences de l’Entente-cadre elle-même, au Québec tout d’abord et dans le reste du Canada ? D’entrée de jeu, disons un mot sur les dispositions de l’entente ayant trait à la mobilité, qui n’apparaissent pas compatibles avec le maintien d’un principe fédéral fort à la canadienne. Par définition, l’existence de deux ordres de gouverne- ment, chacun étant souverain dans son champ de compétence, fait qu’on exerce la souveraineté étatique d’une façon parfois différente. Pourtant, il est de plus en plus tentant de considérer chaque différence comme une entrave inacceptable à la mobilité des citoyens ou comme une disparité à corriger par rapport à une norme nationale canadienne. Indépendamment de l’objectif d’éliminer les barrières inutiles, ce qui est louable en soi, les dispositions de l’ECUS sur la mobilité auraient pour effet de multiplier de façon irréaliste les engagements globaux, en plus d’af- fecter de nombreux programmes où il existe des différences importantes entre le Québec et les autres provinces. Comme le dit bien Claude Ryan : « [on peut douter] qu’en des matières aussi directement reliées à son caractère distinct, le Québec soit disposé à aliéner au profit d’une autorité externe sa compétence cons- titutionnelle en matière d’éducation, de santé et de services sociaux »4.

En ce qui a trait au reste de l’entente, on a affaire à une production typique du fédéralisme exécutif de type technique et bureaucratique5. L’entente est axée sur l’amélioration des processus intergouvernementaux, et non pas sur les ques- tions de substance ou de contenu; elle porte sur des thèmes qui sont le plus sou- vent discutés à huis-clos et ne concernent ni n’intéressent directement le public. Cela rend plutôt surréaliste la prétention selon laquelle l’entente mettrait en place « des mécanismes pour permettre aux Canadiens de participer à l’élaboration des priorités sociales et d’examiner les résultats obtenus à cet égard »6. Cela rend également difficile de connaître les tractations intergouvernementales qui se sont déroulées depuis trois ans autour de l’union sociale proprement dite.

Même dans une optique fédéraliste, il était inimaginable que le Québec adhère à cette entente sans un reniement politique profond et malsain, comme en a convenu à regret le leader libéral québécois Jean Charest, pourtant favorable au départ à la conclusion d’une telle entente. C’est également l’avis d’André Burelle, l’ancien conseiller des gouvernements Trudeau et Mulroney, selon qui l’ECUS équivalait à une mise en tutelle des provinces, ainsi que de plusieurs autres experts7.

Mais, indépendamment du Québec, l’ECUS souffre de lacunes majeures. Elle ne constitue pas pour le Canada le développement historique que certains ont voulu y voir. Cela peut paraître étrange, mais ces lacunes sont particulière- ment bien décrites par un chercheur canadien-anglais renommé, Harvey Lazar, qui est aussi l’un des principaux partisans de l’Entente8. Qui plus est, Lazar fait ressortir les nombreuses contradictions qui sont au cœur de l’ECUS : différends sur l’interprétation à lui donner, sur son caractère plus ou moins formel, sur ce qu’implique le souci de l’implication des citoyens et de la collaboration inter- gouvernementale et sur la vision d’avenir qu’elle porte pour le Canada. Bref, il s’agit de différends sur la nature même de l’Entente-cadre. Force est de constater que cela dépasse de beaucoup les tensions créatrices et les contradictions qui sont inhérentes à toute action politique, surtout si l’on garde en mémoire que cer- tains des signataires — on pense ici aux premiers ministres Klein et Harris — se sont faits élire à partir de plates-formes idéologiques de droite qui se situaient à des années-lumières des valeurs sociales véhiculées par Ottawa.

En fait, on est en face de contradictions si fondamentales sur des points si importants qu’on peut légitimement se demander s’il s’agit d’une véritable entente et sur quoi elle porte en réalité. Par contre, les raisons de l’entente sont claires. Manifestement, des éléments puissants mais conjoncturels ont joué au Canada anglais : l’urgence d’obtenir des fonds supplémentaires d’Ottawa, jointe à une réaction nationaliste contre le gouvernement « séparatiste » québécois. Mais plus on réfléchit, plus cette entente apparaît conjoncturelle, lacunaire et pétrie de contradictions.

L’entente est biaisée en faveur d’Ottawa et, dans sa forme actuelle, ne peut resteindre de manière significative les interventions du gouvernement fédéral dans le domaine social, bien que c’eut été l’objectif premier des provinces lorsqu’elles ont enclenché entre elles le processus de négociations. Si l’on ajoute que la nouvelle dynamique politique qui s’est installée compromet les assises politiques de l’entente, en particulier dans l’Ouest du pays, il faut se réjouir qu’elle ne soit qu’un document administratif sans véritable portée juridique et que le Québec ne l’ait pas signé.

L’évolution des relations Canada-Québec

D’entrée de jeu, disons que rien de ce qui est arrivé depuis 1999 ne permet de penser que la décision du Québec de ne pas adhérer à l’ECUS fût une erreur. Au contraire, plus les années passent, plus il appert que c’était la seule option possi- ble. Déjà difficile après ce troisième largage consécutif du Québec par les autres provinces, la situation a encore empiré depuis un an en raison de deux facteurs politiques majeurs, le premier à Ottawa et le second à Québec. Par contre, une lueur d’espoir se lève peut-être à l’Ouest.

À Ottawa, on pense tout d’abord à la réélection triomphale en novembre 2000 du gouvernement libéral de M. Jean Chrétien qui a obtenu une majorité de voix au Québec9. Cela renforce une attitude de fermeture à l’égard de la question québécoise, que l’on a plus que jamais tendance à considérer comme réglée. Que le Parti libéral du Canada (PLC) ait obtenu plus de voix que le Bloc québécois (BQ) au Québec, deux ans après que le PLQ ait obtenu plus de suf- frages que son adversaire péquiste, confirme pour la plupart des acteurs fédéraux la justesse des politiques et attitudes du gouvernement Chrétien à l’égard du Québec, y compris dans le dossier de l’union sociale. Cela dit, il faut souligner que le premier ministre Jean Chrétien, peut-être la personnalité poli- tique la plus souvent perçue comme étant le principal obstacle à la normalisa- tion de la relation Canada-Québec, en est probablement à son dernier mandat : on peut anticiper son départ d’ici deux ou trois ans.

À Québec, la démission soudaine et inattendue, au début de janvier 2001, du premier ministre québécois Lucien Bouchard a peut-être pavé la voie à un renouvellement de l’autre partie du personnel politique historiquement liée au blocage Canada-Québec. Dans un premier temps, cela a cependant entraîné le durcissement du discours du gouvernement du Parti québécois. Celui-ci s’est replié sur son option souverainiste de base, sous la direction du nouveau premier ministre Bernard Landry qui a annoncé son intention de faire une promotion plus agressive de la souveraineté du Québec.

Toutefois, on ne peut totalement exclure que M. Landry ne soit un autre exemple de « l’effet Nixon »10 : après une première phase de retour aux sources souverainistes, le réaliste en Bernard Landry jouera peut-être le jeu canadien de façon plus efficace que ses prédécesseurs péquistes, dans un contexte où la réa- lisation de la souveraineté du Québec devient objectivement très improbable.

À l’automne 2000, le ministre québécois délégué aux Affaires intergou- vernementales canadiennes, Joseph Facal, avait affirmé que les deux dossiers importants pour le Québec au plan intergouvernemental étaient l’union sociale et le déséquilibre fiscal. Le fait qu’il ait été reconduit dans ses fonctions dans le nouveau gouvernement Landry, le 9 mars 2001, ne laissait pas vraiment présager de changement à ce sujet. Cela est devenu encore plus clair le 9 mai 2001 lorsque M. Landry a annoncé la constitution d’une commission d’étude portant spéci- fiquement sur le déséquilibre fiscal entre les deux ordres de gouvernement. Présidé par l’ancien ministre libéral Yves Séguin, la commission doit rendre son rapport public en février 2002.

Le désir de Québec de participer plus activement s’est également manifesté lors de la Conférence annuelle des premiers ministres provinciaux d’août 2001 à Victoria, où cette question du déséquilibre fiscal figurait parmi les principaux sujets à l’ordre du jour à l’instigation du premier ministre ontarien Mike Harris. Étonnamment, celui-ci a bénéficié d’un appui articulé du Premier ministre Bernard Lord du Nouveau-Brunswick, une province qui tend habituellement à appuyer le gouvernement fédéral. À cette conférence, le Premier ministre Bernard Landry a prêché les vertus d’un transfert de points d’impôt pour assurer une source permanente de revenus, à la hauteur des besoins provinciaux gran- dissant en santé, et ses collègues des autres provinces ont accepté d’explorer plus avant cette avenue. Par la voix de trois ministres seniors — Paul Martin, Allan Rock et Stéphane Dion —, le gouvernement fédéral a toutefois fermement con- testé l’existence même d’un déséquilibre fiscal au pays. Notons en passant, et cela est assez révélateur, qu’on n’a aucunement fait mention de l’ECUS au cours de cette conférence, alors qu’un des principaux sujets à l’ordre du jour — le finance- ment des soins de santé au pays — y était clairement lié.

Fait majeur, le départ du leader charismatique qu’était Lucien Bouchard, augmente beaucoup les chances que le Parti libéral de Jean Charest soit porté au pouvoir à Québec d’ici deux ans. Cette éventualité serait d’autant plus plausible si le Premier ministre Bernard Landry s’avérait incapable d’assumer l’échec pro- bable de son offensive souverainiste. Un changement de gouvernement aug- menterait immédiatement la crédibilité du Québec au plan intergouvernemental dans le reste du Canada, sans cependant que le problème Canada-Québec, qui n’est pas une invention souverainiste, ne soit résolu pour autant. Autrement dit, la conjoncture politique actuelle, extrêmement défavorable à tout déblocage, est susceptible de changer assez rapidement, sans que cela ne règle de façon ma- gique le fond du problème.

Dans le reste du Canada, notons un développement à première vue mal- heureux pour l’Ouest, mais peut-être positif par rapport au problème Canada- Québec : les résultats de l’élection fédérale de l’automne 2000 ont révélé l’inca- pacité de l’Alliance canadienne, et de ce qu’elle représente pour l’Ouest, d’obtenir un appui important à l’est du Manitoba. Ce parti s’est avéré incapable de s’af- firmer comme une alternative crédible au PLC. Depuis le printemps 2001, le désarroi au sein de l’Alliance canadienne et la démission forcée de son chef, Stockwell Day, jointe à la grande difficulté à réorganiser la droite canadienne autour du Parti progressiste-conservateur de Joe Clark, consacre dans les faits l’existence d’un seul parti de gouvernement au pays, le Parti libéral11.

Rappelons que c’est la création d’un parti souverainiste œuvrant à l’échelle fédérale qui a enclenché ce processus, il y a une dizaine d’années. On se sou- viendra qu’immédiatement après l’échec de l’Accord du lac Meech en 1990, Lucien Bouchard, alors ministre conservateur fédéral, a créé le Bloc québécois, une naissance par essence menaçante pour le reste du pays. En retour, cela a sys- tématiquement nourri la montée d’un autre parti régional dans l’Ouest, le Parti réformiste devenu Alliance canadienne12. Onze ans plus tard, on se retrouve en régime de parti unique à Ottawa : dans les faits, le PLC représente la seule for- mation capable de prendre le pouvoir, avec les conséquences malsaines que cela implique à tous les points de vue. Une fois disparue la contrainte pour son parti de remporter la prochaine élection, il n’existe plus vraiment de limites aux pou- voirs du premier ministre, déjà très importants dans un système de gouverne- ment de type Westminster comme le nôtre.

Jusqu’à présent, les députés du Bloc québécois sont restés à l’écart d’un processus que la création de leur parti a pourtant enclenché. Cette inertie des souverainistes siégeant à Ottawa est d’autant plus regrettable qu’on est peut-être en face d’une opportunité historique qui ne se représentera pas de sitôt, et qui résulte de l’accentuation de la vieille aliénation de l’Ouest. Cette aliénation a des causes et une dynamique qui lui sont propres, mais son accentuation résulte aussi de la non-intégration politique du Québec et du nationalisme québécois au sein du Canada.

À certains égards, le carcan provincialiste dans lequel s’est lui-même emprisonné le Canada anglais pour ne pas avoir à reconnaître la spécificité québécoise, se retourne contre lui13. Il a rendu exagérément provinciale, dans le sens étroit du mot, la culture politique canadienne, tout en empêchant l’énergie spécifiquement régionale de l’Atlantique et de l’Ouest de s’exprimer sur le plan institutionnel et politique.

À la fin des années 1970, l’aliénation régionale, celle de l’Ouest en particulier, était apparue à la Commission Pepin-Robarts comme l’autre grand problème poli- tique canadien, avec la question du Québec. Vingt-cinq ans après que le Premier ministre Trudeau ait relégué le rapport Pepin-Robarts aux oubliettes, cette aliénation est plus profonde que jamais, comme le manifeste cet élément nouveau : au lieu de viser une augmentation de pouvoir à Ottawa par le biais d’une réforme du Sénat ou d’un gouvernement dominé par l’Alliance canadienne, certains représentants crédi- bles de l’Ouest aspirent maintenant à la formation de pouvoirs provinciaux forts, notamment en Alberta ou en Colombie-Britannique. Des personnalités albertaines présentent comme modèle le Québec de la Révolution tranquille, avec son « Maître chez nous », sa Caisse de dépôt et sa Régie des rentes14.

On assiste peut-être au retour de la convergence d’intérêts Québec-Ouest qui donna deux mandats politiques forts au gouvernement conservateur de Brian Mulroney entre 1984 et 1993, lui permettant de conclure une entente de libre- échange avec les États-Unis et de presque réussir à réintégrer le Québec parmi les signataires de la constitution du Canada avec l’Accord du lac Meech. Mais il y a un élément fondamentalement nouveau et positif : la montée d’une dynamique favorable au droit de retrait en partie analogue aux revendications historiques québécoises, en particulier en Alberta. La reconduction pour un troisième man- dat de M. Ralph Klein au poste de premier ministre, en mars 2001, n’a certaine- ment pas endigué cette dynamique en Alberta. Cela est susceptible de faciliter une asymétrie constitutionnelle qui s’appliquerait au Québec et à certaines autres grosses provinces15.

Il faut enfin noter les récents changements de personnel politique dans plusieurs provinces : Lorne Calvert est devenu premier ministre de la Saskatchewan en janvier 2001, suivi du libéral Roger Grimes à Terre-Neuve en février 2001, alors que le libéral Gordon Campbell de Colombie-Britannique accédait au pouvoir en juin 2001. À la Conférence annuelle des premiers ministres provinciaux de l’été 2001, on a senti certaines conséquences de ces changements, comme l’appui apporté au premier ministre ontarien Mike Harris sur la question du déséquilibre fiscal par le nouveau premier ministre de la Colombie-Britannique. Ralph Klein, quant à lui, reste à la tête d’un gou- vernement conservateur dont la vision sociale diffère substantiellement de celle d’Ottawa. Toutefois, le départ de Mike Harris, annoncé en octobre 2001, pave peut-être la voie à une certaine revalorisation de l’État et de l’administration publique en Ontario. Le Québec étant toujours affecté par ce qui se passe dans cette province, une telle évolution, qui permettrait de réduire l’écart entre la vision et les valeurs des deux voisines, ne saurait être que bienvenue.

Les développements intergouvernementaux depuis la conclusion de l’ECUS

Il n’est pas facile d’identifier et encore moins de porter un jugement rigoureux sur les développements reliés à l’ECUS qui se sont produits au plan intergou- vernemental canadien depuis sa signature. Un certain nombre de points ressor- tent néanmoins. Tout d’abord, le Conseil ministériel pour le renouveau des politiques sociales, l’organe formellement responsable de la mise en œuvre de l’entente, a piétiné sur un certain nombre de sujets, surtout en ce qui con- cerne les problématiques intéressant les provinces, telles que les mécanismes de prévention et de règlement des différends, ainsi que le suivi et l’évaluation de l’Entente. Le Conseil ministériel ne s’est réuni qu’à trois occasions depuis la conclusion de l’ECUS et, de façon assez révélatrice, pas une seule fois depuis la conclusion en septembre 2000 de l’Accord sur la santé.

Notons également que dans une lettre de cinq pages que le premier mi- nistre Gordon Campbell de la Colombie-Britannique a adressée le 30 août 2001 au Premier ministre Chrétien pour l’informer des résultats de la Conférence annuelle des premiers ministre provinciaux, il ne fait pas une seule fois mention de l’ECUS. Par contre, M. Campbell a plusieurs fois fait référence à la réunion des premiers ministres de septembre 2000, notamment pour s’informer des suites qu’Ottawa entendait donner à son intention d’élaborer avec les provinces un mécanisme de résolution des conflits dans le domaine de la santé. En novembre 2001, le ministre de la santé Allan Rock déclarait à ce propos qu’Ottawa n’en- tendait aucunement se départir en tout ou en partie de son pouvoir exclusif d’in- terpréter et de faire appliquer la Loi canadienne sur la santé16.

Par ailleurs, on se souviendra qu’à l’occasion de la réunion fédérale-provin- ciale de septembre 2000, l’alliance politique entre les premiers ministres des deux plus grandes provinces canadiennes, le Québec et l’Ontario, fut détermi- nante, forçant en grande partie la main d’Ottawa en ce qui concerne les condi- tions fédérales rattachées aux fonds supplémentaires en santé. Ce fut la démons- tration qu’en dépit du contexte politique et constitutionnel résultant, entre autres, de la Loi constitutionnelle de 1982, la géopolitique canadienne incorpo- rait encore un vieux Canada fondamental, et qu’il était très difficile d’imposer quoi que ce soit aux anciens Haut et Bas-Canada lorsqu’ils étaient ligués ensem- ble. Il s’agit d’un facteur important.

On a davantage senti l’impact de l’ECUS dans les forums sectoriels, comme celui des ministres des Services sociaux, et dans certaines initiatives sectorielles comme les plans d’action sur la santé et sur le développement de la petite enfance, qui découlaient d’ententes intervenues le 11 septembre 2000.

Fort d’une entente-cadre qui lui donne une nouvelle légitimité dans le domaine social, en particulier par la claire reconnaissance sans précédent de son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral semble attacher moins d’importance aux travaux du Conseil ministériel pour le renouveau des politiques sociales qu’aux forums sectoriels. On peut penser que cela n’est pas étranger au fait que ce sont des représentants des organismes centraux des provinces qui siègent à ce Conseil, et qu’ils sont plus susceptibles de vouloir revenir en arrière sur certaines concessions provinciales que les représentants des ministères provinciaux sectoriels.

Quand il ne favorise pas des actions unilatérales, Ottawa semble vouloir miser davantage sur les forums sectoriels où siègent des ministres et des fonc- tionnaires provinciaux plus techniciens. Ceux-ci sont plus enclins à accepter le leadership d’Ottawa dans le domaine, comme à l’époque du fédéralisme coopératif et des programmes à frais partagés qui ont dominé l’après-guerre, de 1945 jusque dans les années 1960. À terme, Ottawa semble viser un cadre de reddition de comptes homogène d’un océan à l’autre, de même qu’une harmo- nisation des normes d’évaluation. Cela dit, même dans ces forums sectoriels, cer- tains représentants des grosses provinces auraient tendance à freiner le zèle fédéral qu’ils ne partagent pas entièrement ou dont ils se méfient.

Quelques pistes d’avenir

On s’inquiète à juste titre des conséquences négatives sur la dynamique politique canadienne de la non-intégration du Québec à la constitution de 1982 et, plus récemment, de la non-participation du Québec à l’union sociale canadienne. De fait, la mauvaise intégration politique du Québec au sein du Canada nuit au bon fonctionnement de la démocratie canadienne — comme en fait foi le résultat des dernières élections fédérales — et a des effets pervers sur l’ensemble du système intergouvernemental. La conclusion trop rapide et artificielle de l’ECUS en fait justement partie.

Néanmoins, le principal problème du système politique canadien étant d’ignorer systématiquement le fait national québécois, la non-ratification de cette entente par le Québec, outre qu’elle soit parfaitement défendable et légitime dans une optique fédéraliste, pourrait paradoxalement servir de levier pour amener le reste du pays à reconnaître davantage la réalité québécoise. Car en plus d’être problématique par rapport aux intérêts de certaines provinces, l’Entente-cadre apparaît clairement déficiente comme élément de construction d’un projet national canadien renouvelé, parce que le Québec n’y souscrit pas17.

Claude Ryan attire l’attention sur trois avenues générales de solution que l’on pourrait résumer de la façon suivante : une décentralisation poussée en faveur de toutes les provinces, dans l’esprit du programme de l’Alliance cana- dienne; le retour à un type de fédéralisme plus classique, préconisé entre autres par André Burelle, axé sur la reconnaissance claire et un respect rigoureux des champs de compétence propres à chacun et sur une règle de codécision dans les affaires d’intérêt commun; et enfin, la reconnaissance claire et efficace de la spé- cificité du Québec au sein du Canada18. J’ai attiré pour ma part l’attention sur les deux dernières avenues — l’affirmation d’une robuste société distincte québé- coise au sein du Canada et le raffermissement du principe fédéral19.

À l’heure actuelle, force est de constater que toutes ces avenues semblent bloquées et qu’il est illusoire de penser que l’une ou l’autre pourrait être sérieuse- ment envisagée à l’occasion d’une renégociation de l’ECUS. Mais, comme on l’a dit, ce contexte est susceptible de changer et il importe de se préparer mentale- ment en conséquence.

Paradoxalement, la non-adhésion du Québec à un accord administratif (qui ne le lie ni au plan politique ni au plan constitutionnel) lui donne plus de pouvoir — en fait, une marge de manœuvre plus grande — que la non-ratifica- tion de la Loi constitutionnelle de 1982 qui s’applique en tous points à « la belle province ». Cet avantage se maintiendra dans la seule mesure où le Québec adoptera une attitude dynamique et pro-active sur le plan intergouvernemental canadien dans le domaine social, et ne se limitera pas à faire acte de présence.

Au cours des dernières décennies, le Québec s’est montré exceptionnelle- ment innovateur et dynamique dans le secteur social. Cela lui donne la crédibi- lité nécessaire pour faire valoir ses vues de façon efficace dans les différents forums intergouvernementaux20. En cela, il y a là une différence fondamentale avec la période d’avant la Révolution tranquille. Entre 1945 et 1960, le Québec se plaignait des incursions d’Ottawa dans ses champs de compétence, tout comme aujourd’hui, mais était incapable d’occuper lui-même de façon dynamique les secteurs en question.

Cela dit, le Québec devrait travailler à adapter ses positions constitutionnelles traditionnelles à la réalité de la société distincte québécoise de 2002 et prendre sérieusement en considération le fait que l’étanchéité des compé- tences n’est plus aussi complète que par le passé. En effet, même si la vision québécoise du fédéralisme demeure pertinente a bien des égards, elle a vieilli par rapport à d’autres. Par exemple, le refus total par principe de l’implication fédérale dans les domaines de compétence provinciale fait trop abstraction de la réalité des cinquante dernières années, où le pouvoir fédéral de dépenser s’est exercé dans les faits en sol québécois, et avec des conséquences qui ne furent pas toujours négatives pour les citoyens. Que l’on pense à l’action de la Société centrale d’hypothèque et de logement (SCHL) en matière d’habitation dans les années de l’après-guerre. En retour de la constitutionnalisation de l’Accord du lac Meech, le Québec aurait reconnu de meilleure grâce l’existence de cette réalité.

Il devrait toutefois se garder d’adhérer à l’ECUS tant que ne lui sera pas reconnu un véritable droit de retrait avec compensation financière, condition sine qua non pour qu’il puisse jouer de façon efficace le jeu canadien. Cette recom- mandation s’adresse tout particulièrement à un éventuel gouvernement libéral qui pourrait être tenté d’adhérer à rabais à l’entente actuelle; à terme, cela ne ferait que rendre le problème encore plus insoluble.

La plus récente position du PLQ sur cette entente est exprimée en détails dans le rapport du Comité spécial du parti sur l’avenir politique et constitution- nel de la société québécoise. On y parle de la nécessité de bonifier une entente qui comporte par ailleurs de multiples lacunes et imprécisions principalement sur la durée du préavis de mise en œuvre de nouveaux programmes fédéraux pan-canadiens et le mode de consultation des provinces à cette fin, la limitation du pouvoir fédéral en matière de dépenses directes et unilatérales aux particuliers ou organismes et en matière de transfert aux provinces, la mobilité des Canadiens, le mécanisme des plaintes, les rôles et responsabilités respectifs du fédéral et des provinces dans les secteurs visés par l’entente, ainsi que la méthode de prévention et de règlement des différends. En ce qui a trait aux mesures les plus problématiques pour le Québec, celles qui concernent l’imputabilité face au public, l’évaluation des provinces, l’identification des pratiques exemplaires et l’élaboration d’indicateurs comparables pour mesurer les résultats, les Libéraux sont d’avis que les mesures prévues dans l’ECUS semblent prometteuses mais qu’on aurait intérêt à s’inspirer de la formulation employée dans l’Accord sur la santé de septembre 2000. Ils estiment toutefois que « …c’est essentiellement aux provinces que doit revenir la responsabilité de s’entendre sur des mécanismes permettant d’élaborer la convergence nécessaire lorsque sont en cause des domaines relevant des compétences provinciales 21».

Le ton résolument optimiste de ce rapport, qui conclut que le dossier de l’union sociale continuera d’évoluer et que l’Entente elle-même doit encore « être expérimentée et bonifiée », apparaît artificiel. Il serait illusoire de penser que l’ECUS a achoppé sur des questions techniques faciles à régler, notamment sur la façon d’aménager un droit de retrait efficace. Au contraire, tout indique que le refus fédéral d’accorder un droit de retrait au Québec correspond à quelque chose de plus profond, lié au vieux blocage Canada-Québec.

Sur le plan de la stratégie, il faudrait faire ressortir les liens entre les deux principaux problèmes structurels auxquels est confronté le Canada22, et que l’on est en train d’oublier : le nationalisme québécois et l’aliénation de l’Ouest. À cet égard, le Québec devrait tirer les leçons de l’effondrement des trois grands consensus interprovinciaux auxquels il s’était joint, et du succès de son alliance avec l’Ontario en septembre 2000, et miser plutôt sur des alliances conjoncturelles ou ponctuelles avec une ou plusieurs provinces qui ont les moyens et la motivation nécessaires pour s’opposer aux visées centralisatrices d’Ottawa.

Bien sûr, on pense spontanément aux grosses provinces comme l’Ontario, l’Alberta ou la Colombie-Britannique. Il faudrait profiter au maximum de la nou- velle dynamique plus favorable au droit de retrait que l’on sent dans l’Ouest pour faire la promotion d’un fédéralisme asymétrique qui aurait l’avantage d’aider à la solution du problème québécois et de l’aliénation de l’Ouest tout à la fois. Cela dit, l’exceptionnelle prestation du premier ministre du Nouveau-Brunswick dans le dossier du déséquilibre fiscal lors de la conférence de Victoria d’août 2001 rappelle que le Québec n’a pas intérêt à exclure qui que ce soit a priori. En fait, le dossier de l’union sociale révèle bien combien la relation Canada-Québec est complexe. Ainsi, si la convergence entre le Québec et une région comme l’Ouest est réelle et poten- tiellement féconde, elle n’est évidemment pas totale. Par exemple, le gouvernement québécois a conservé pour l’essentiel une vision sociale-démocrate qui est beau- coup plus populaire au Québec que dans le reste du Canada. Les Québécois n’éprouvent donc pas autant le besoin d’un contrepoids fédéral d’esprit social- démocrate dans le domaine social que certains Albertains ou Ontariens. Autre exemple : au plan de la richesse par habitant, le Québec est dans une situation mitoyenne entre les petites provinces de l’Atlantique, largement subventionnées par Ottawa, et les grosses provinces riches qui se trouvent à l’ouest de l’Outaouais. Il a intérêt à ce qu’Ottawa garde un rôle dans la redistribution de la richesse au Canada et ne peut donc pas appuyer la demande de redistribution des transferts fédéraux en matière sociale sur une simple base per capita. Le Québec recevant comme elles des montants appréciables du gouvernement fédéral, l’appui des petites provinces pourrait donc lui être utile. L’essentiel est d’être présent, souple et dynamique, en ne se berçant d’aucune illusion sur la solidité de ces alliances.

Mais, si nécessaires soient-elles, ces dernières ne régleront jamais tout pour le Québec. Ce dernier existe en lui-même et il doit lui être possible de faire par- fois bande à part, sans que cela ne soit perçu comme une aberration à corriger ou un manque de loyauté à l’égard du Canada.

Dans cet esprit, il faudrait amener les gouvernements, de même que l’opinion publique en général, à reconnaître que, sans qu’on ne s’en rende compte, le système intergouvernemental canadien est devenu structurellement biaisé contre le Québec et ses préoccupations spécifiques. Qu’on considère comme valide une entente intergouvernementale qui n’a pas été signée par la seule province compor- tant une majorité de francophones le démontre assez clairement.

L’idée est de rappeler aux Canadiens l’existence et la pertinence d’une vision spécifiquement québécoise du Canada. Comme on l’a dit, ce rappel n’ex- clut pas le besoin de s’adapter à un contexte où les compétences constitution- nelles ne sont plus aussi étanches que par le passé. D’ailleurs, cette conception particulière n’a pas empêché Québec d’harmoniser ses politiques avec celles des autres provinces canadiennes. Mais il faut faire comprendre que l’abandon par le Canada d’un principe fédéral fort, joint au refus de reconnaître les conséquences concrètes de l’existence de la société distincte québécoise, ne laisse d’autre pos- sibilité réaliste que le pourrissement graduel du problème québécois au sein du Canada, avec des conséquences négatives pour tout le pays.

Pour sa part, le Québec devrait exprimer sa volonté de collaborer de bonne foi avec les autres provinces et le gouvernement fédéral dans le domaine social, dans la mesure où seront mis en place des mécanismes permettant de tenir concrètement compte de son caractère distinct en ce domaine, dans le prolongement de la Déclaration de Calgary et de l’adoption de la motion sur la société distincte par la Chambre des communes en décembre 1995. Par exem- ple, les gouvernements des autres provinces auraient dû reconnaître que la demande québécoise de retrait dans le dossier des Bourses des Millénaire découlait du fait que le Québec constitue clairement une société distincte en matière d’éducation et ils auraient dû appuyer la demande québécoise de se retirer de ce programme23.

Enfin, il faudrait travailler pour que, dans la foulée de la Conférence des premiers ministres d’août 2001, on continue de considérer comme prioritaire le déséquilibre croissant entre les sources de revenus du gouvernement fédéral et ses responsabilités constitutionnelles par rapport à celles des provinces, déséquilibre qui menace à terme l’existence d’un principe fédéral fort au Canada.

Conclusion

Depuis le référendum québécois de 1995, la tendance lourde du système poli- tique et intergouvernemental canadien est d’ignorer sinon de nier, contre toute évidence, l’existence même d’un problème québécois au sein du Canada. Pourtant, dans ce jeu de l’autruche réside peut-être un grand danger pour l’avenir du pays. Cette négation du problème semble être devenue la norme dans les cer- cles de pouvoir à Ottawa, mais aussi dans les milieux intellectuels canadiens- anglais. Or, il n’y a pas de solution sans problème : on s’empêche ainsi de puiser, pendant qu’il en est encore temps, dans l’énergie qui découle de la décision d’af- fronter un problème.

Il faut dire aux Canadiens qu’un processus politique incapable d’intégrer les préoccupations de tous les gouvernements successifs de la seule province contrôlée par une majorité francophone, qui abrite le peuple fondateur sur le plan de la construction de l’identité canadienne, et qui renferme encore le quart de la population du Canada, est nécessairement vicié. L’aliénation de plus en plus évidente de la majorité francophone québécoise au sein du Canada demeure le problème le plus important auquel le pays est confronté. C’est un problème qui devrait préoccuper au plus haut point les citoyens et les responsables politiques du Canada.

Même ceux qui réalisent encore qu’il existe un problème Canada-Québec ne semblent plus viser la réconciliation historique du Québec et du reste du Canada, mais la totale défaite de ces « séparatistes » dont ils se sont convaincus qu’ils constituent le seul vrai problème du pays. Ils semblent dire que les fran- cophones qui ont voté majoritairement Oui au référendum de 1995 ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Cette conception tient pour l’essentiel de la pensée magique. À sa façon, elle est aussi irréaliste que l’idéologie souverainiste dont elle est le pendant exact. Ces chimères fédéralistes ne tiennent pas compte du phénomène national québécois qui est une réalité enracinée dans l’histoire du Canada et qui ne disparaîtra pas simplement parce qu’elle ne peut s’exprimer de façon positive. Une nation ne meurt pas comme cela, surtout dans un contexte de mondialisation fortement marqué par l’exacerbation des phénomènes identi- taires. Une des règles d’airain de l’histoire des peuples est que plus on essaie de nier un phénomène national, plus on le stimule, même si ce n’est évidemment pas de la bonne façon.

La priorité doit être de mieux informer l’opinion publique canadienne- anglaise sur cette question, d’attirer son attention sur la dynamique des phénomènes nationaux et sur le fait qu’une aliénation aussi profonde et aussi documentée que celle de la majorité francophone québécoise ne disparaîtra pas avec la défaite des souverainistes, mais détruira plutôt le pays de l’intérieur. À l’instar des autres identités nationales, l’identité québécoise a besoin pour rester ouverte que l’on respecte certains points de référence qui lui sont propres, comme la claire prédominance du français, sans exclusion de l’anglais. L’essentiel, et il faut le dire avec force, c’est que le pourrissement du problème québécois au sein du Canada a des conséquences de plus en plus négatives sur l’ensemble du pays, et qu’il constitue aujourd’hui un danger encore plus grand que celui de la rupture du Québec d’avec le Canada. Dans la mesure où la souveraineté devient moins un projet politique fonctionnel qu’un rêve irréalisable, et que les pro- blèmes et frustrations découlant du mauvais arrimage Canada-Québec aug- mentent sans perspective de solution, le danger de dérapage de certains indi- vidus est possible. Il faut tout faire pour éviter une possible irlandisation de la question du Québec au sein du Canada24.

Dans ce contexte, ce serait un progrès de cesser d’ignorer systématique- ment le problème, comme on le fait actuellement, et d’être capable de le con- fronter davantage, même s’il n’y a pas de solution immédiate en vue. Or l’ECUS présente à tout le moins l’avantage de faire ressortir le problème dans un système qui le nie, en raison même de la clarté avec laquelle il manifeste ce blocage à l’é- gard du Québec.

Mais l’ECUS n’a clairement plus l’importance historique qu’on a pu un moment lui accorder. Elle en aura encore moins dans l’avenir, si le Québec décide de s’impliquer activement et adopte une attitude dynamique sur la scène inter- gouvernementale. À ce titre, l’Accord sur la santé pourrait bien être un bon point de départ pour la discussion. Il a été approuvé par le premier ministre québécois de même que par le chef du PLQ, sous la réserve qu’il appartient aux provinces de s’entendre sur les mécanismes de convergence dans les domaines de compé- tence provinciale. Certains indices permettent de penser que le Québec pourrait faire en sorte que l’ECUS, sans jamais être formellement abolie, tombe en pra- tique en désuétude.

Le Québec est différent des autres provinces, et pas seulement en paroles. La société québécoise aura d’autant plus tendance à rester en retrait et à essayer de se retirer du Canada qu’elle ne sera pas reconnue et traitée comme tel. C’est la con- dition de sa participation positive et véritablement égale au jeu canadien. Ce n’est qu’en tant que robuste société distincte que le Québec pourra participer de façon efficace au renforcement de l’union sociale canadienne et faire bénéficier le pays du dynamisme qui est propre au nationalisme québécois.

  1. Je me permets à cet égard de rappeler le rapport commandé au début de juillet 1998 au soussigné par le Secrétariat aux Affaires intergouvernementales cana- diennes du Québec « sur le projet d’Union sociale en regard de la vision québécoise du fédéralisme canadien ». J’y analysais, entre autres, les conséquences positives potentielles d’une éventuelle adhésion du Québec au consensus interprovincial, adhésion que je recommandais en fin de rapport. Dufour (1998).
  2. À ce propos, voir Noël (2000, p. 19).
  3. Cet accord, dont le contenu était on ne peut plus raisonnable dans le contexte canadien, avait pourtant été convenu dans des conditions en principe idéales : le gouvernement québécois de l’époque était fédéraliste; le gouvernement fédéral était ouvert à la spécificité québécoise; on était dans une période de prospérité incitant à la générosité et à l’ouverture.
  4. Ryan (2000, p. 249). Sur la question de la mobilité voir aussi l’étude de Frémont (2000).
  5. Le fédéralisme exécutif désigne ce sys- tème spécifiquement canadien de con- férences et d’ententes fédérales-provin- ciales et interprovinciales, à tous les niveaux et dans la plupart des secteurs d’activités, qui a fini par constituer un lieu de pouvoir important au Canada.
  6. Voir à ce sujet l’éclairante analyse de Susan Phillips (2001). Mme Philips y exprime son scepticisme sur la portée et les chances de mise en œuvre des dis- positions de l’entente relatives à la par- ticipation des citoyens, notant que leur succès dépend pour une bonne part des subventions d’Ottawa à des groupes de citoyens dont les préoccupations ont, par définition, plus de chances de rejoindre les siennes que celles des provinces. De façon plus incisive, Gibbins (2001) parle d’une victoire décisive de l’intergouvernementalisme sur le populisme.
  7. Burelle (1999). Voir aussi Gagnon (2000), Noël (2000), Frémont (2000), Binette (2000) et Ryan (2000).
  8. Voir Lazar (2000a) et Lazar (2000b).
  9. Le Bloc québécois souverainiste a cependant continué d’obtenir la majorité des suffrages des francophones québécois.
  10. Il fallait quelqu’un d’aussi marqué à droite que Richard Nixon, avec sa crédi- bilité anticommuniste à toute épreuve, pour être capable d’être le premier prési- dent américain à aller en Chine rouge.
  11. Selon Massicotte (2001), étant donné l’alignement actuel des partis politiques, notre système électoral empêchera longtemps encore toute alternance à la tête du gouvernement fédéral. Ce sys- tème nuit à l’unité canadienne en accen- tuant les variations régionales dans la représentation des différents partis, notre pays semblant ainsi plus polarisé qu’il ne l’est en réalité. S’il estime qu’un système électoral de type proportionnel au niveau fédéral comporterait plus d’avan- tages que d’inconvénients, Massicotte conclut cependant à l’improbabilité d’une telle évolution dans un avenir prévisible.
  12. L’existence du Parti réformiste a précédé de peu celle du Bloc québécois. Ce sont toute- fois les rapides succès de ce dernier, qui firent du parti souverainiste l’Opposition officielle à Ottawa, à la grande indignation des Canadiens anglais, qui permirent au Reform Party d’aspirer au statut de parti national.
  13. Voir Dufour (2000a, p. 139).
  14. Voir la lettre au premier ministre Ralph Klein de Harper et al. (2001). Roger Gibbins (2001) fait bien ressortir cette nouvelle dynamique et le fait qu’elle compromet les assises politiques de l’ECUS dans l’Ouest du pays.
  15. Au sujet de cette nouvelle dynamique, voir aussi Spector (2001).
  16. « Rock rules out independent medicare referee » (2001).
  17. Cela ressortait de plusieurs interventions lors d’une conférence sur le thème de l’union sociale intitulée « Perspectives and Directions : The Social Union Framework Agreement » organisée par le Saskatchewan Institute of Public Policy (SIPP) à l’Université de Regina, les 3 et 4 février 2000.
  18. Ryan (2000).
  19. Voir Dufour (1998), de même que Dufour (2000b).
  20. Ce dynamisme québécois en matière sociale est bien rendu dans Noël (1997, p. 263). Voir aussi Vaillancourt (2002).
  21. Parti libéral du Québec (2001, p. 102).
  22. Les problématiques autochtone et multi-culturelle ne sont pas de nature struc- turelle, dans le sens où l’entendait le rap- port Pepin-Robarts.
  23. C’est essentiellement pour ne pas pénaliser les étudiants québécois que le Québec a finalement conclu avec Ottawa une entente avec laquelle il doit vivre mais qui n’a rien réglé de fondamental dans ce dossier.
  24. À cet égard, voir Dufour (1998, p. 20) et Dufour (2000b, p. 76-79).

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Né en 1949 à Chicoutimi, Christian Dufour est avocat. Il fait présentement de la recherche et enseigne à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) à Montréal. C’est un conférencier et un analyste recherché sur les thèmes du fédéralisme canadien, des relations Québec-Canada, des questions identitaires et des grandes réformes de l’État.

Après avoir été assistant du Protecteur du citoyen pendant trois ans, il est entré en 1975 à l’emploi de l’administration publique québécoise où il a travail- lé une douzaine d’années dans le domaine des relations fédérales-provinciales et de l’immigration. Au secrétariat aux Affaires intergouvernementales canadiennes (SAIC), il a été, entre autres, adjoint exécutif au sous-ministre et directeur de la planification et de la recherche. De 1987 à 1992, il a enseigné au département de science politique de l’université Laval. Durant cette période, il a également été responsable, à l’Institut de recherche en politiques publiques, de projets de recherche sur le nationalisme québécois et le concept de société distincte.

M. Dufour est l’auteur de Le défi québécois (1989), La rupture tranquille (1992) et Lettre aux souverainistes québécois et aux fédéralistes canadiens qui sont restés fidèles au Québec (2000). Il a également contribué à plusieurs ouvrages col- lectifs et signé plusieurs articles dans les revues spécialisées et les journaux.