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Fédéralisme canadien

Les prérogatives du pouvoir dans les relations intergouvernementales

Alain Noël 14 novembre 2001

Cette étude a été traduite en anglais.

Le 4 février 1999, le gouvernement fédéral et tous les gouvernements des provinces et des territoires à l’exception du Québec signaient l’Entente-cadre sur l’union sociale canadienne (ECUS), dont l’une des clauses stipule explicitement la nécessité pour les gouvernements de mener conjointement une révision détail- lée de l’entente et d’y apporter les modifications appropriées avant la fin de sa troisième année d’application, en février 2002. C’est dans ce contexte que la présente étude réévalue l’ECUS et sa mise en œuvre, et réfléchit à sa signification dans le cadre plus large des relations intergouvernementales au Canada. Elle examine l’entente et les événements subséquents à la lumière de l’évolution his- torique de la fédération canadienne, et avance que l’ECUS n’a pas engendré une forme plus stable et institutionnalisée de fédéralisme fiscal, ni empêché le gou- vernement fédéral de mettre en place, de manière unilatérale, de nouvelles ini- tiatives dans des domaines de compétence provinciale. Force est de constater que la collaboration, si elle existe, demeure bien en deçà des attentes et de l’esprit même de l’entente.

L’auteur passe en revue les politiques et les instruments politiques empruntés par le gouvernement fédéral et conclut que le contrôle et la marge de manœuvre de ce dernier ont augmenté au cours des dernières années. Que ce soit en diminuant ses engagements financiers, en adoptant des programmes unilatéraux, le financement en bloc et per capita ou en remplaçant les programmes universels par des bénéfices sélectifs qui peuvent être remis en question d’un budget à l’autre, l’étude conclut que face aux citoyens comme aux gouverne- ments provinciaux et territoriaux, le gouvernement fédéral a privilégié des politiques qui minimisent ses engagements et lui laissent un maximum de latitude. Il en résulte, pour les personnes comme pour les gouvernements provinciaux, une insécurité accrue.

L’auteur avance que cette façon de faire n’est pas un signe de faiblesse et ne s’explique pas par une absence d’orientations claires. Elle traduit plutôt les prérogatives du pouvoir dont jouit Ottawa et découle d’une relation inégale entre les deux ordres de gouvernement, elle-même solidement ancrée dans un déséquilibre fiscal prononcé et croissant.

En conclusion, l’auteur invite les gouvernements provinciaux et territoriaux à modifier le cours des événements en profitant du processus de révision et de renouvellement de l’ECUS pour rebâtir une position commune et mettre de l’avant des propositions simples mais fermes, à l’instar de ce qu’ils ont fait avec l’accord sur la santé de septembre 2000. Une telle approche ne saurait être convaincante, cependant, sans un engagement explicite en faveur d’une plus grande autonomie des provinces. Les gouvernements provinciaux doivent réaffirmer leur compétence constitutionnelle en politique sociale et voir à ce que celle-ci soit reconnue par le gouvernement fédéral. Cette approche aurait aussi plus de chances de réussir si le gouvernement du Québec en était partie prenante. L’accord sur la santé indique qu’une participation active du Québec ne saurait être exclue.

Enfin, les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent également convaincre les citoyens qu’ils sont, autant que le gouvernement fédéral, des gouvernements canadiens, et qu’on peut leur faire confiance pour mettre de l’avant une gamme attrayante de politiques sociales. Une bonne façon d’amorcer la discussion serait de mettre en lumière les limites des orientations fédérales actuelles. La pauvreté et l’insécurité économique ont augmenté au Canada, les soins de santé sont une source universelle d’inquiétude, et l’éducation post-secondaire demeure sous-financée.

Introduction

Le 4 février 1999, le gouvernement fédéral et tous les gouvernements des provinces et des territoires à l’exception du Québec signaient l’Entente-cadre sur l’union sociale canadienne (ECUS), qui établissait la légitimité du pouvoir fédéral de dépenser dans plusieurs domaines de compétence provinciale et énonçait, avec plus ou moins de précision, les règles qui devaient encadrer les relations intergouvernementales en matière de politique sociale pour les années à venir. En soi, l’Entente-cadre marquait un tournant. Plusieurs observateurs associèrent également cette entente à un courant plus vaste et plus généralisé de collaboration intergouvernementale.

Aussi importante soit-elle, cette entente-cadre n’est qu’un document administratif qui, en principe, n’est valable que pour une période de trois ans et qui demeure incomplet à plusieurs égards. D’ailleurs, l’une des clauses stipule explicitement que les gouvernements doivent mener conjointement une révision détaillée de l’entente et de sa mise en œuvre, et y apporter les modifications appropriées avant la fin de sa troisième année d’application, en février 2002. Dans ce contexte, il semble opportun de réévaluer l’ECUS et sa mise en œuvre, et de réfléchir à sa signification dans le cadre plus large des relations intergouvernementales au Canada. Tel est l’objet de cette étude qui examine l’entente et les événements subséquents à la lumière de l’évolution historique de la fédération canadienne et qui avance que les tendances actuelles reposent sur une collaboration beaucoup moins étroite que ne le suggère le document. Pour évaluer le potentiel de renouvellement associé au processus de révision, il faut en effet aller au-delà du texte de l’Entente-cadre et prendre en compte les intérêts divergents des différents gouvernements et les conflits que l’ECUS a laissés en suspens.

Rappelons tout d’abord le point de vue le plus courant. Beaucoup d’observateurs jugent favorablement l’évolution récente des relations intergouvernementales au Canada, mais déplorent ce qu’ils considèrent comme une absence de vision à Ottawa et dans les provinces. Dans cette perspective, le fédéralisme canadien semble progresser vers une collaboration accrue, mais le fait de façon désorganisée et avec plus ou moins de cohérence. Le processus de collaboration lui-même apparaît comme une réussite, mais les politiques qui en résultent semblent aléatoires, mal intégrées et d’une valeur incertaine. D’où l’idée d’une orientation plus clairement exprimée, d’un « énoncé de mission » qui mettrait de l’avant des valeurs et des objectifs communs afin de guider le débat public et les relations intergouvernementales au cours des prochaines années1. L’ECUS de 1999 faisait bien état de principes et d’engagements à « travailler ensemble de plus près afin de répondre aux besoins des Canadiens », mais de toute évidence il ne s’agissait pas là d’un « énoncé de mission » très efficace2. À cet égard, le renouvellement de l’Ententecadre prévu pour février 2002 pourrait permettre de définir collectivement et d’institutionnaliser un « énoncé de mission » plus adéquat et plus significatif.

Il y a beaucoup de vrai dans cette interprétation. En effet, il n’y a pas de plan directeur ou de vision d’ensemble qui sous-tende les différents accords et arrangements qui ont défini les relations intergouvernementales et les politiques publiques ces dernières années. On semble régler les problèmes au cas par cas, lorsqu’ils deviennent pressants. Mais l’improvisation politique est peut-être la façon normale de gouverner, tant au Canada qu’ailleurs, et il peut fort bien en résulter des politiques cohérentes. Les musiciens de jazz savent bien que toute improvisation s’accomplit sur la base de trames préexistantes et à partir d’idées et d’orientations préalables, pour aboutir à une œuvre qui est largement non planifiée mais néanmoins cohérente. Les trames et les orientations ne sont peut-être pas explicites ou évidentes, mais elles n’en structurent pas moins la performance et lui donnent son sens.

L’interprétation proposée ici s’inspire de cette image. À l’opposé de ceux qui insistent sur la collaboration et l’incohérence caractérisant les relations intergouvernementales canadiennes, je mets plutôt l’accent sur le conflit et sur la cohérence des résultats. D’une certaine façon, il s’agit d’une question de degrés. La collaboration et le conflit sont les deux pôles d’un axe, tout comme le sont bien sûr la cohérence et l’incohérence. Le but n’est donc pas de nier l’existence de la collaboration ou la présence de confusion dans les politiques publiques, mais plutôt de souligner l’importance du pouvoir et des objectifs politiques dans les relations intergouvernementales. Il ne s’agit pas simplement d’offrir un point de vue différent. À mon avis, l’analyse présentée ici donne une représentation plus satisfaisante de la situation, une interprétation plus à même de rendre compte des difficultés actuelles et des avenues ouvertes ou non pour les années à venir.

L’analyse se déploie en trois temps. D’abord, après une brève mise en contexte, je présenterai plus systématiquement l’interprétation conventionnelle, qui met l’accent sur la collaboration et la nécessité d’un meilleur « énoncé de mission ». Il s’agit, plus précisément, de voir comment cette interprétation rend compte de l’évolution récente des relations intergouvernementales et comment elle présente le processus de révision en cours. Comme on le verra, ce diagnostic souffre d’importantes inexactitudes et ne permet pas d’aborder la révision en cours de façon très satisfaisante.

La deuxième partie propose une interprétation différente du fédéralisme de collaboration, qui met l’accent sur le conflit, le pouvoir et les prérogatives du pouvoir. L’argument avancé est simple et relativement classique. Il postule que, dans les relations intergouvernementales, les gouvernements défendent des intérêts et des choix de politiques publiques. Même lorsqu’ils demeurent implicites, le pouvoir et les objectifs politiques jouent un rôle clé et il faut les prendre en compte pour comprendre l’évolution récente du fédéralisme canadien. Même sans « énoncé de mission », les politiques sociales canadiennes des années 1990 ont changé de façon significative et assez systématique. Les arrangements financiers intergouvernementaux ont changé avec les années. De programmes à frais partagés assortis de conditions et de normes nationales, ils sont devenus des transferts en bloc à peu près répartis per capita et accompagnés d’indicateurs de résultats. En même temps, plusieurs des grands programmes pan-canadiens destinés aux personnes qui instauraient des droits sociaux plus ou moins universels ont été convertis en simples bénéfices sélectifs. Les politiques ont également évolué dans les provinces, mais pas toujours dans une même direction. En conséquence, un nouvel État-providence a commencé à prendre forme au Canada, mais cette évolution ne peut être simplement attribuée au désengagement financier des gouvernements ou à des réponses improvisées aux problèmes courants.

La dernière section traite des fondements politiques du fédéralisme de collaboration et suggère que les gouvernements provinciaux et territoriaux ont réduit leurs attentes et leurs demandes pour accepter l’ECUS. Ces gouvernements ont des conceptions très différentes du fédéralisme et des politiques sociales, et les chances qu’ils agissent de concert et avec détermination sont faibles. Mais ils pourraient encore infléchir la trajectoire empruntée en 1999. À cet égard, le Plan d’action pour le renouvellement du système de santé de septembre 2000 (l’accord sur la santé) est révélateur, car il montre le potentiel, et les limites, d’un positionnement plus ferme des provinces face au gouvernement fédéral3.

La conclusion intègre les différents éléments de l’argumentation, et évoque la question plus fondamentale de la démocratie et de la délibération démocratique dans une société fédérale.

Une collaboration sans objectifs ?

Trois dimensions interdépendantes caractérisent l’évolution du fédéralisme canadien : la structure des arrangements fiscaux, la nature des relations intergouvernementales et le type d’instruments de politique sociale privilégié par le gouvernement fédéral. Sur cette base, la plupart des spécialistes s’entendent pour parler de trois périodes distinctes : l’ère du fédéralisme coopératif, qui va des années 1950 au début des années 1960; l’ère du fédéralisme exécutif, qui débute dans les années 1960 et se termine au début des années 1990; et la période actuelle du fédéralisme de collaboration4. Les dates qui séparent chaque période ne sont qu’indicatives, parce que les transitions d’une époque à l’autre ont été longues et graduelles.

Entre la Seconde Guerre mondiale et le début des années 1960, le gouvernement fédéral est l’acteur dominant des relations intergouvernementales et c’est principalement lui qui définit les politiques sociales. Pendant la guerre, il avait occupé une grande partie des champs fiscaux et il ne s’en était retiré que partiellement après 19455. En 1955, dans un contexte d’expansion économique et d’essor de l’État-providence, Ottawa récolte encore plus des deux tiers des recettes fiscales (70 p. 100 du total, contre 16 p. 100 pour les provinces)6. Au départ, le gouvernement fédéral agit seul, souvent avec l’approbation des provinces, et il rejoint directement les Canadiens avec des programmes de sécurité du revenu plus ou moins universels. C’est ainsi que sont créées l’assurance-chômage en 1940, les allocations familiales en 1945, et les pensions de vieillesse en 19527. Par contre, au-delà de la sécurité du revenu — pour les soins de santé, l’enseignement post-secondaire, l’aide sociale et les services sociaux — l’approche directe s’avère beaucoup plus difficile. Les provinces ont des compétences constitutionnelles claires et des capacités administratives bien établies pour ces programmes axés sur les services. Dans plusieurs cas, pour les soins de santé notamment, les gouvernements provinciaux sont en fait la source des innovations les plus intéressantes8. Plutôt que de laisser aux provinces un espace fiscal qui leur permettrait de répondre à la croissance des demandes sociales, le gouvernement fédéral préfère établir des programmes à frais partagés ouverts mais conditionnels. Ces programmes, jumelés à des mécanismes de péréquation donnant aux provinces les plus pauvres les moyens d’offrir des services comparables, servent à promouvoir la mise en place de programmes à peu près semblables dans des domaines de compétence provinciale. Grâce à ces transferts et à ces conditions, Ottawa consolide sa mainmise sur les politiques sociales, face à des provinces dépendantes financièrement et souvent conservatrices sur le plan politique9. En 1961, les transferts aux provinces sont devenus très largement conditionnels et ils comptent pour environ 30 p. 100 des revenus provinciaux10. La domination fiscale du gouvernement fédéral se traduit par des relations intergouvernementales relativement paisibles, où les programmes à frais partagés sont définis discrètement et en collaboration par les spécialistes des ministères sectoriels concernés. Comme le partage des frais est l’instrument privilégié, les deux parties doivent s’entendre sur la configuration spécifique et la gestion de chaque programme social. Les « mandarins du pouvoir » fédéral, célébrés par l’historien Jack Granatstein, apparaissent comme les figures emblématiques de toute cette période11.

Dans les années 1960, les capacités et les ambitions des provinces se développent et l’atmosphère sereine du fédéralisme coopératif cède graduellement la place au climat plus contentieux du fédéralisme exécutif. Ce nouveau mode de fonctionnement accorde un rôle central aux premiers ministres et donne lieu à des négociations politiques majeures, très justement décrites par Richard Simeon comme une forme de « diplomatie » fédérale-provinciale12. La situation fiscale relative des provinces s’améliore. En 1975, celles-ci récoltent 34 p. 100 des recettes fiscales totales (comparativement à 16 p. 100 en 1955), alors que le gouvernement fédéral n’en perçoit plus que 55 p. 100 (contre 70 p. 100 vingt ans plus tôt). Par rapport au produit intérieur brut, les revenus totaux des gouvernements ont aussi augmenté (de 22 p. 100 en 1955 à 29 p. 100 en 1975), ce qui renforce la capacité de tous les gouvernements de concevoir et de mettre en œuvre de nouveaux programmes13.

Avec le temps, le gouvernement fédéral devient de plus en plus préoccupé par la croissance des coûts, l’absence de contrôle et la faible visibilité politique qu’il tire des programmes à frais partagés. De leur côté, les gouvernements provinciaux s’inquiètent aussi de ces programmes, qui sont coûteux et complexes et qui entrent en conflit avec leurs priorités. En 1965, à la suggestion du Québec et après de longues négociations, le gouvernement fédéral offre à tout gouvernement provincial désireux de concevoir et de mettre en œuvre ses propres programmes sociaux un droit de retrait assorti d’un abattement fiscal applicable à l’impôt fédéral sur le revenu des particuliers. Seul le Québec se prévaut de l’offre14.

La transition définitive entre les programmes à frais partagés et le financement en bloc intervient en 1977, avec l’adoption du Financement des programmes établis (FPE), qui vient régler bon nombre des problèmes liés au partage des frais tout en évitant d’aller plus loin dans la voie du droit de retrait15. Aux prises avec des déficits croissants et des engagements de politique sociale sur lesquelles il n’a guère de contrôle, le gouvernement fédéral concède des points d’impôt additionnels (et péréquatés), et combine les transferts pour la santé et l’éducation post-secondaire. En échange d’un contrôle réduit, Ottawa obtient la fin du partage automatique de tous les frais. Au départ, plusieurs provinces se réjouissent de la flexibilité qui vient avec les points d’impôt et le financement en bloc16. Cependant, elles réalisent rapidement qu’avec le FPE le gouvernement fédéral a abandonné son engagement à financer des programmes sociaux dont les coûts sont déjà élevés et en croissance rapide. Pour les soins de santé, cette approche n’empêche même pas Ottawa d’imposer ses conditions. Avec la Loi canadienne sur la santé, adoptée en 1984 pour prévenir l’introduction de tickets modérateurs et la surfacturation, les normes fédérales deviennent en fait plus spécifiques et plus strictement contrôlées qu’auparavant17.

Aucun gouvernement ne sort clairement vainqueur ou perdant des conflits de cette période. La fédération, par contre, a changé18. Les gouvernements provinciaux ont gagné en autonomie fiscale et sont devenus plus ambitieux; le gouvernement fédéral a appris à se méfier d’engagements financiers sur lesquels il n’exerce aucun contrôle, et a remplacé la logique des frais partagés par celle du financement en bloc; et le développement des politiques sociales est dorénavant guidé par la réduction plutôt que par l’expansion des dépenses. Au terme de cette période, au début des années 1990, les dépenses ont été réduites ou plafonnées dans la plupart des secteurs, y compris celui des programmes de sécurité du revenu sous la responsabilité directe du gouvernement fédéral19. Au-delà des politiques sociales, sur la scène constitutionnelle notamment, le fédéralisme exécutif a également transformé le pays, en produisant une nouvelle constitution et une charte des droits, mais aussi des divisions politiques plus profondes que jamais, dans la foulée de l’échec des accords du lac Meech et de Charlottetown.

Une nouvelle période commence avec l’élection d’un gouvernement libéral en 1993. Au départ, il n’est pas question ni de fédéralisme de collaboration, ni d’union sociale20. Le nouveau gouvernement annonce tout de même la fin des grandes réformes constitutionnelles et amorce un processus de renouvellement des politiques sociales, sous la direction de Lloyd Axworthy, ministre du Développement des ressources humaines. En outre, fait plus significatif encore, la lutte au déficit devient la priorité absolue. L’assainissement des finances publiques est le principal objectif qui sous-tend l’introduction, dans le budget de 1995, du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS). Ce nouveau transfert complète la démarche amorcée avec le FPE en combinant tous les grands transferts fédéraux pour la santé, l’éducation post-secondaire, l’aide sociale et les services sociaux en un seul transfert en bloc, beaucoup plus modeste et un peu moins conditionnel. Certains ont avancé qu’avec le TCSPS presque tous les transferts aux provinces étaient devenus pratiquement inconditionnels21. Rappelons cependant que les normes de résidence relatives à l’aide sociale et la Loi canadienne sur la santé étaient toujours en vigueur22. Il est plus juste de dire que l’introduction du TCSPS a marqué la fin des programmes à frais partagés comme instrument majeur des politiques publiques au Canada23. En abolissant le Régime d’assistance publique du Canada (RAPC), le gouvernement fédéral éliminait le dernier grand programme de transfert avec frais partagés et normes nationales. Avec le temps, les normes associées au RAPC étaient devenues minimales et peu contraignantes24. L’importance du changement venait surtout de l’abandon définitif de l’engagement déjà chancelant du gouvernement fédéral à partager le coût des dépenses associées à l’aide sociale25. Les derniers vestiges du FPE et du RAPC ont été effacés avec le budget de février 1999, qui établissait les droits futurs au TCSPS sur une base per capita, sans tenir compte des besoins comme on le faisait avec le RAPC. Les transferts en espèces du TCSPS effectuent encore une certaine redistribution entre les provinces car ils tiennent compte de la valeur, qui varie d’une province à l’autre, des points d’impôt concédés en 197726. Il n’en reste pas moins que les transferts aux provinces n’ont dorénavant presque aucun lien avec les besoins sociaux, et sont beaucoup moins importants que dans le passé27. Entre 1992-1993 et 1998-1999, les transferts en espèces aux provinces ont chuté de 32 p. 100, alors que les dépenses provinciales pour les services sociaux, l’éducation et la santé augmentaient de 12 p. 10028. Alors qu’ils comptaient pour 22 p. 100 des revenus provinciaux en 1971, les transferts fédéraux en espèces n’en représentaient plus que 13 p. 100 en 199929.

D’un point de vue strictement fiscal, on pourrait croire que nous traversons présentement une période de décentralisation30. Les gouvernements provinciaux comptent de plus en plus sur leurs propres revenus. Selon toute apparence, ils peuvent aussi dépenser la plus grande part des transferts comme bon leur semble, car ils ont moins de normes et de conditions à respecter qu’auparavant. Les négociations fédérales-provinciales ne portent plus sur des normes ou des contrôles fédéraux, mais sur des indicateurs de performance comparables et des procédures favorisant l’imputabilité. Cependant, la logique à l’œuvre n’est pas si simple. En effet, le pouvoir fédéral de dépenser est un instrument puissant, même lorsqu’il est utilisé dans le sens inverse, en marche arrière31. C’est d’ailleurs l’utilisation massive par le gouvernement fédéral de son pouvoir « de dépenser moins » qui a amené les provinces à s’unir pour repenser l’union sociale. Afin de prévenir d’autres changements imprévisibles et unilatéraux aux transferts fédéraux et aux programmes sociaux, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont lancé, en 1996, le processus de l’union sociale. Comme plusieurs autres, j’ai soutenu ailleurs que ces gouvernements n’avaient pas obtenu beaucoup, à cet égard, en signant l’ECUS32. Les évaluations plus positives admettent que l’entente n’impose que des contraintes minimes au pouvoir fédéral de dépenser, mais soutiennent qu’auparavant, il n’y en avait tout simplement aucune. Selon ce point de vue optimiste, l’ECUS pourrait déboucher sur une nouvelle façon de gérer les relations intergouvernementales, et seul le temps dira si elle favorisera véritablement la collaboration au sein de la fédération canadienne33.

Un peu de temps a quand même passé depuis la signature de l’ECUS, et les premières indications ne nous permettent pas de conclure que nous nous dirigeons vers une plus grande collaboration. Prenons d’abord l’évolution des transferts. Depuis deux ans, dans un contexte marqué par d’importants surplus et des élections fédérales anticipées, les transferts aux provinces ont augmenté de façon significative et une partie du terrain perdu avec l’introduction du TCSPS a été regagnée. La façon dont ce retournement a été réalisé est cependant révélatrice. En effet, une part importante de l’augmentation des transferts a pris la forme de versements ponctuels, conditionnels et accordés à des fins spécifiques, pour les soins de santé, la petite enfance ou l’éducation post-secondaire34. Ces fonds ne sont pas liés aux dépenses provinciales réelles et leur niveau n’est pas déterminé en fonction d’une formule de croissance connue et mutuellement acceptée. Accordés unilatéralement et sans véritable consultation préalable, ces fonds supplémentaires sont souvent désignés à des fins spécifiques et laissent les provinces sans influence et sans prévisibilité. Depuis l’adoption de l’ECUS, en ce qui concerne les transferts à tout le moins, le contrôle a primé sur la collaboration35.

Lorsqu’on prend en considération d’autres domaines des relations intergouvernementales, le tableau apparaît un peu plus complexe. Il y a des cas où la collaboration semble possible, comme celui des politiques relatives à l’enfance ou aux personnes handicapées, mais il y a aussi plusieurs autres domaines où l’unilatéralisme fédéral prévaut. En effet, plusieurs initiatives fédérales importantes ont été simplement annoncées lors d’un discours du budget. Ce fut le cas en ce qui concerne les soins de santé (dépenses pour la réforme des systèmes de prestation des services, pour l’information sur la santé, pour la recherche et l’innovation en santé, ou pour promouvoir la bonne nutrition pré-natale), l’éducation post-secondaire (Fondation canadienne pour l’innovation, Chaires de recherche du Canada), la politique familiale (amélioration des dispositions de l’assuranceemploi relatives aux prestations parentales) et l’initiative fédérale pour les sansabri36. L’intervention directe dans des domaines de compétence provinciale demeure toujours une option attrayante pour le gouvernement fédéral. Quand elle apparaît possible, et que les enjeux politiques et financiers sont importants, cette approche l’emporte sur la collaboration37. Comme le note Geoffrey Hale dans un article sur les derniers budgets : « la majorité des nouveaux engagements financiers sont réalisés dans des domaines directement sous le contrôle du gouvernement fédéral et du ministère des Finances »38. Hale fait surtout référence aux nouveaux instruments directs comme la Prestation fiscale canadienne pour enfants et les prestations parentales de l’assurance-emploi. Mais on pourrait en dire autant des transferts ponctuels et ciblés, qui constituent, de fait, de nouveaux instruments du fédéralisme fiscal.

En résumé, le fédéralisme de collaboration et l’ECUS n’ont pas engendré une forme plus stable et institutionnalisée de fédéralisme fiscal et n’ont pas empêché le gouvernement fédéral d’agir de façon unilatérale dans les principaux domaines de compétence provinciale. Au contraire, ils ont ouvert la voie à de nouveaux instruments de politique publique qui augmentent le contrôle ou la marge de manœuvre du gouvernement fédéral. C’est pourquoi certains observateurs ont préconisé l’adoption d’un énoncé de mission. À la lumière du bilan présenté ici, qu’ils acceptent largement, ceux qui continuent d’envisager l’ECUS avec optimisme sont tentés d’expliquer les lacunes de la collaboration par une absence de vision. Cette interprétation est, bien sûr, en accord avec la représentation courante du gouvernement Chrétien, qui ne serait motivé que par des considérations pragmatiques et immédiates39. Plus encore, l’idée d’un meilleur « énoncé de mission » permet d’excuser la plupart des difficultés qui minent le fédéralisme de collaboration en les attribuant à un manque de perspective ou de bonne volonté. Et si on pouvait expliquer ces difficultés ? S’il ne s’agissait pas d’anomalies, mais plutôt du résultat de décisions logiques, conformes à une approche cohérente des relations intergouvernementales ? C’est l’hypothèse que je propose d’examiner dans la prochaine section.

Suivre ou ne pas suivre les règles

Qu’il s’agisse d’États sur la scène internationale, de syndicats et d’employeurs dans les relations industrielles, ou de parties prenantes aux relations intergouvernementales, les acteurs sociaux créent des règles et des institutions afin de réduire l’incertitude. Le but n’est pas d’éliminer les conflits, qui sont inhérents aux relations qu’entretiennent les acteurs, mais plutôt de les encadrer. Plus précisément, chaque acteur vise à lier ses opposants ou ses partenaires à des compromis qui ont été acceptés dans le feu de l’action ou à des engagements qui ont été pris sur une base réciproque et à institutionnaliser ces accords pour le long terme. Par exemple, les États cèdent un peu de leur souveraineté lorsqu’ils acceptent une entente de libre-échange avec leurs voisins. Les syndicats et les employeurs conviennent de règles durables en signant des conventions collectives. Il en va de même pour les relations intergouvernementales : il n’y aurait aucune raison de conclure des accords s’ils n’obligeaient pas les différents acteurs à accepter certaines formes de contraintes. Dans une fédération, les relations sont par définition inégales. Au-delà des différences de taille et de pouvoir, communes en relations internationales, il y a aussi une différence de nature entre les gouvernements centraux et les entités fédérées. Cette particularité n’affecte cependant pas la logique générale présentée ici. On ne trouve en effet aucune situation où les acteurs sociaux sont parfaitement équivalents, alors qu’il y a un très grand nombre de cas où les différences entre les parties en présence sont majeures et fondamentales.

Les institutions sont importantes parce qu’elles imposent des contraintes aux acteurs sociaux. Mais ces contraintes institutionnelles ne touchent pas nécessairement tous les acteurs également. Dans une relation inégale, elles peuvent s’avérer plus lourdes pour la partie la plus faible. Selon Michel Crozier et Erhard Friedberg, le pouvoir est précisément fonction de la capacité d’un acteur de maintenir l’incertitude, de tenir les autres dans le doute et d’éviter tout engagement ferme40. Crozier et Friedberg identifient sans aucun doute un aspect fondamental du comportement stratégique. Dans les relations intergouvernementales canadiennes, par exemple, les gouvernements cherchent habituellement à « maximiser leur liberté d’action et à minimiser les contraintes externes, fiscales ou réglementaires »41. Ces auteurs n’accordent cependant pas suffisamment d’importance aux idées et aux institutions. Les règles institutionnelles, en particulier, sont souvent adoptées pour limiter le pouvoir, et certains arrangements peuvent très bien s’avérer plus contraignants pour ceux qui dominent. Les conventions collectives, par exemple, contraignent les employeurs plus que les travailleurs. C’est justement leur but : égaliser les chances et limiter l’énorme pouvoir dont disposent les employeurs dans un marché du travail non réglementé. De la même façon, dans les relations intergouvernementales, des règles institutionnelles efficaces devraient contraindre davantage le gouvernement fédéral, l’acteur le moins susceptible de demander de telles contraintes. Au Canada, le processus de l’union sociale a été initié précisément pour circonscrire le pouvoir qu’a le gouvernement fédéral de changer les règles du jeu à sa guise. Au bout du compte, Ottawa a signé l’ECUS parce que l’entente mettait fin à un long débat sans compromettre véritablement sa liberté ou sa capacité de contrôle. En plus, l’entente offrait des gains pour le gouvernement fédéral, comme la reconnaissance de son pouvoir de dépenser, la légitimation de ses objectifs pan-canadiens, et l’adoption de nouvelles règles concernant la mobilité42.

Cela apparaît parfaitement cohérent avec la logique des conflits et des institutions présentée ici. Dans le cas du fédéralisme fiscal, la volonté fédérale de maximiser le contrôle et de demeurer libre de toute contrainte institutionnelle est évidente43. Il est vrai qu’avec le TCSPS, une grande part des transferts fédéraux aux provinces est devenue formellement inconditionnelle. La composition implicite (ou notionnelle) de ces transferts est cependant révélatrice des priorités fédérales. En 1999-2000, la composante du TCSPS allouée aux soins de santé a pour la première fois dépassé la part réservée à l’aide sociale, et l’écart est susceptible de croître avec le temps44. Des augmentations de transferts ponctuelles et ciblées ont été consenties pour la santé, la petite enfance et l’éducation post-secondaire, mais pas pour l’aide sociale et les services sociaux45. La Loi canadienne sur la santé continue de s’appliquer à tous les transferts affectés, de façon explicite ou notionnelle, à la santé. Les principes de cette loi sont très généraux et largement acceptés, même par les gouvernements provinciaux. Il n’en demeure pas moins que, pour les soins de santé, la situation qui prévaut après l’adoption du TCSPS et de l’ECUS est essentiellement la même qu’en 1984. Le gouvernement fédéral n’a manifesté aucune ouverture à la possibilité d’une interprétation conjointe ou d’une mise en œuvre commune des principes de la Loi sur la santé46. Pendant la campagne électorale de 2000, l’intérêt soudain pour les cliniques privées de l’Alberta et du Québec a bien montré le manque de constance et le caractère arbitraire de la supervision fédérale. Au-delà de la Loi canadienne sur la santé, le caractère ponctuel des hausses de transferts rend difficiles la planification à long terme et l’introduction de réformes, et interfère dans la définition des priorités de chaque province47. Au fil des années, la contribution fédérale aux dépenses de santé des provinces a chuté de 27 p. 100 du total en 1977-1978 à moins de 15 p. 100 aujourd’hui. Pendant ce temps, les dépenses de santé des provinces n’ont cessé d’augmenter, au point de représenter près de 40 p. 100 des dépenses de programmes dans plusieurs provinces en 1999-200048. Dans certains cas, le coût de la santé risque, à terme, de compromettre tout l’équilibre financier49. Avec des règles du jeu inchangées, l’incertitude associée aux changements ponctuels des transferts, et l’ambition fédérale réaffirmée de gouverner ce secteur sans apporter un soutien financier adéquat, les gouvernements provinciaux font face à une situation de plus en plus difficile en santé. Plus généralement, le déséquilibre fiscal entre le gouvernement fédéral et les provinces s’est accentué et devrait s’aggraver encore dans les prochaines années puisque Ottawa occupe une part dominante des champs fiscaux qui croissent le plus vite, alors que les dépenses qui augmentent le plus rapidement relèvent de la compétence des provinces50. Malgré ces tendances fiscales qui permettraient au gouvernement fédéral de prendre des engagements financiers plus fermes, on cherche en vain dans les transferts la stabilité et la prévisibilité que l’on attendrait d’un fédéralisme de collaboration.

Un tableau semblable pourrait être brossé pour d’autres aspects des relations intergouvernementales, où les politiques fédérales unilatérales sont tout simplement trop nombreuses pour être vues comme des exceptions. Au contraire, la collaboration a surtout réussi dans les domaines où, auparavant, le pouvoir fédéral de dépenser jouait un rôle peu significatif et où il y avait moins de modèles hiérarchiques, de normes et de contrôles pré-établis. C’était le cas de la Prestation nationale pour enfants, des politiques pour les personnes handicapées et, dans une moindre mesure, de la formation de la main-d’œuvre51. Ailleurs, les politiques unilatérales ont prévalu. Dans les secteurs de dépenses centraux que sont la santé et l’éducation post-secondaire, plusieurs initiatives fédérales semblent, en fait, motivées par la volonté de contourner les provinces. Pour l’aide sociale et les services sociaux, on a plutôt semblé chercher à remplacer des dépenses invisibles et impopulaires par d’autres, plus perceptibles et plus rentables politiquement. Le gouvernement fédéral préfère apporter son soutien aux enfants plutôt qu’aux adultes sans emploi, aux familles à revenus faibles ou moyens plutôt qu’aux pauvres, aux nouvelles initiatives d’aide aux sans-abri plutôt qu’à des services sociaux établis et peu attrayants52. Quant aux nouvelles prestations parentales associées à l’assurance-emploi, il est difficile d’y voir autre chose qu’une volonté de devancer et d’empêcher le projet déjà annoncé, et très populaire, du gouvernement du Québec, qui visait à récupérer les fonds réservés à cet effet pour améliorer la couverture et les avantages destinés aux parents. Jean Chrétien l’a d’ailleurs avoué sans ambages : « Ils sont en retard », a-t-il dit, « ce n’est pas de ma faute »53. À Ottawa, il y a bien quelque chose qui ressemble à un « énoncé de mission », mais celui-ci n’est pas particulièrement axé sur la collaboration.

Le recours à un nouvel instrument de politiques comme les transferts ponctuels et ciblés est évidemment conforme à ce tableau. L’ECUS ne restreint aucunement les options du gouvernement fédéral dans le domaine des transferts, et les politiques mises en œuvre depuis février 1999 indiquent qu’il y a maintenant moins de contraintes limitant les choix d’Ottawa. Par définition, des transferts ponctuels demeurent moins structurés et moins prévisibles qu’un financement en bloc53. Fait intéressant, on pourrait en dire autant des rapports entre le gouvernement fédéral et les citoyens. Auparavant, les programmes fédéraux destinés aux particuliers établissaient des droits, en fonction par exemple de l’âge, de la situation familiale ou économique, ou des cotisations antérieures de la personne. Dans les années 1990, la plupart de ces programmes sont devenus au moins partiellement ciblés en fonction du revenu. Ce fut le cas pour les programmes destinés aux personnes âgées et aux enfants, mais aussi pour l’assurance-emploi55. Une telle approche présente des avantages, puisqu’elle permet au gouvernement de mieux cibler en fonction des besoins56. Mais elle comporte aussi des risques. La pauvreté et l’insécurité économique ont augmenté au Canada dans les années 1990, et cette évolution est dans une large mesure attribuable à la transformation des programmes de sécurité du revenu57. La Prestation fiscale canadienne pour enfants elle-même n’est peut-être pas un instrument aussi utile qu’on le pensait pour prévenir la pauvreté58. Au-delà de l’impact de ces différents programmes, qui sont d’ailleurs susceptibles de changer avec le temps, la transformation de mesures comprises comme des droits à des bénéfices sélectifs soulève d’importantes questions, parce qu’on remplace des droits sociaux institutionnalisés par des avantages plus précaires, qui risquent d’être modifiés d’un budget à l’autre, souvent sans même un débat public préalable. De plus, les avantages fiscaux ont tendance à être obscurs, techniques et difficile à évaluer, et ils se prêtent mal aux délibérations publiques, ce qui facilite les politiques d’austérité à la dérobée59. Le gouvernement fédéral privilégie donc des politiques qui minimisent ses engagements et lui laissent un maximum de latitude face aux citoyens tout comme aux gouvernements provinciaux et territoriaux. Il en résulte une insécurité accrue, pour les personnes comme pour les gouvernements provinciaux. Une fois de plus, le modèle est limpide et cohérent. Cependant, il ne correspond pas aux promesses de collaboration institutionnalisée contenues dans l’ECUS.

S’ajuster à une coopération sous-optimale

Si la situation est à ce point insatisfaisante, pourquoi l’ensemble des provinces et des territoires à l’exception du Québec a-t-il accepté de signer l’Entente-cadre ? Pourquoi tous ces gouvernements participent-ils si consciencieusement à un processus de collaboration concernant toute une gamme de politiques sociales (du développement de la petite enfance aux prestations et services pour les personnes handicapées, en passant par le logement et les politiques liées au marché du travail) ? Plusieurs explications peuvent être avancées pour rendre compte de cette attitude. On a souvent associé la signature de l’ECUS à l’offre fédérale d’une augmentation et d’une reconfiguration du TCSPS sur une nouvelle base per capita. Bien que leur pertinence ne fasse aucun doute, ces incitations financières n’expliquent pas tout. Les provinces pouvaient de toute façon s’attendre à de nouveaux investissements. D’ailleurs, une pure logique d’incitation financière ne peut expliquer que les gouvernements des provinces et territoires aient participé aussi activement à tous les efforts de collaboration. Personne n’a forcé ces gouvernements à signer l’ECUS. L’Entente-cadre demeurait bien en deçà de leur position initiale commune, mais elle intégrait quand même certaines de leurs demandes, même dans une forme diluée. En outre, elle institutionnalisait une vision pan-canadienne que ces gouvernements, et leurs électorats, jugeaient valable60.

L’ECUS a tout simplement consolidé une évolution déjà en cours, du fait des politiques fiscales et sociales du gouvernement fédéral. Les initiatives provinciales-territoriales sur l’union sociale ne sont pas nées d’un profond désir de collaborer. Elles constituaient d’abord et avant tout des réactions contre le TCSPS et la réduction des transferts en espèces qui en découlait. Les provinces et les territoires souhaitaient circonscrire le pouvoir fédéral de dépenser, de manière à mieux refléter la décroissance et le manque de fiabilité des transferts en provenance d’Ottawa. Le gouvernement du Québec réagissait aussi à une situation changeante. Il s’est joint aux autres gouvernements provinciaux après que ceuxci aient adopté, avec Ottawa, la Prestation nationale pour enfants. Dans les deux cas, on cherchait à définir de nouvelles règles non pas pour modifier le statu quo mais plutôt parce que celui-ci avait déjà changé. Cette séquence indique bien le mécanisme causal qui est en jeu. Les gouvernements provinciaux et territoriaux agissaient davantage pour se protéger que pour transformer la fédération.

La collaboration (ou la coopération, pour employer le vocabulaire conventionnel des sciences sociales) n’empêche aucunement le conflit. Comme on l’a vu plus haut, la coopération est une forme régulée et institutionnalisée du conflit. Des structures stables de coopération émergent lorsque les acteurs sociaux acceptent d’adopter des contraintes mutuelles. Lorsque cela se produit, le résultat s’avère souvent positif pour chacun des participants. La coopération, cependant, n’est pas toujours bénéfique. Il peut très bien y avoir des situations sous-optimales qui créent des gagnants mais aussi des perdants. Cette possibilité est rarement évoquée en sciences sociales, parce que la coopération y est le plus souvent considérée comme un bien public. On présume que les acteurs sociaux font face à un problème d’action collective, qu’ils ne peuvent résoudre que par la coopération. Dans cette perspective, même lorsqu’elle est imposée par une puissance hégémonique, la coopération apparaît profitable à tous. Dans un ouvrage récent sur les relations internationales, Lloyd Gruber note que dans certains cas la coopération peut être préjudiciable, au moins pour certains acteurs. L’argument est simple. Il repose sur l’idée, souvent négligée dans les explications fondées sur les choix rationnels, que certains acteurs préfèrent ne pas coopérer, parce qu’il veulent conserver leur autonomie ou que leurs préférences diffèrent de celles du groupe dominant. Ils en viennent malgré tout à le faire lorsque des acteurs plus puissants vont de l’avant et modifient les choix possibles. Selon Gruber, quand le maintien du statu quo cesse d’être une option réaliste, les acteurs peuvent finir par choisir un résultat qu’ils auraient autrement rejeté61. Dans un article sur l’ECUS, Christopher Dunn cite un ministre des Affaires municipales de la Colombie-Britannique qui traduisait parfaitement cette idée, il y a 35 ans, à l’occasion d’un discours sur un nouveau système de districts régionaux : « Ou bien vous obtiendrez ce que vous désirez », disait-il à son auditoire, « ou alors vous finirez par désirer ce que vous obtenez »62.

La difficulté d’évaluer les préférences des acteurs sociaux est notoire. Au mieux, les préférences peuvent être inférées à partir des choix et, quand les acteurs sociaux décident de coopérer, il est toujours risqué de prétendre qu’ils auraient préféré ne pas le faire. Cela étant dit, on peut quand même voir comment les préférences peuvent être modifiées et adaptées au fur et à mesure en analysant le déroulement d’un processus comme celui des négociations sur l’union sociale.

Pour le gouvernement du Québec, une telle évolution ne fait aucun doute. À Saskatoon, en août 1998, le gouvernement Bouchard a fait des compromis sur des principes explicitement établis dans les mois précédents, et il l’a fait précisément parce que le statu quo n’existait plus63. De même, pour adhérer en septembre 2000 à l’accord sur la santé, ce même gouvernement a dû accepter certains termes de l’ECUS qu’il avait auparavant rejetés, avec par contre une clause solide sur la division des pouvoirs. L’analyse n’est pas aussi simple pour les autres gouvernements provinciaux, mais ceux-ci ont à coup sûr réduit leurs attentes et leurs demandes. Comme nous l’avons vu, les gouvernements provinciaux ont réagi après coup à une situation changeante, et ils ont surtout demandé à être consultés et impliqués pour tout changement à venir. En principe, l’ECUS a répondu, au moins partiellement, à ces préoccupations. Mais en quelques mois, ces modestes acquis ont été annulés par une série d’initiatives fédérales unilatérales concernant les transferts, les sans-abri et les soins de santé. En tenant compte de leur préférence fondamentale pour la coopération, des attentes de leurs électorats et des transferts supplémentaires qu’ils ont reçus, les gouvernements provinciaux ont essentiellement ajusté leurs attentes à la baisse plutôt que de maintenir leurs positions initiales. Ils ont décidé de « désirer ce qu’ils obtenaient ».

En somme, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont accepté l’ECUS et le fédéralisme de collaboration pour deux raisons : parce qu’ils ne demandaient pas autant d’autonomie et de marge de manœuvre que le gouvernement du Québec et parce qu’ils ont fini par considérer les options définies par le gouvernement fédéral comme étant les seules possibles. Deux lectures peuvent être faites de cette évolution. L’une suggère que les provinces ont été dominées par un acteur plus puissant, capable de définir et d’imposer les règles du jeu. L’autre insiste plus sur la concordance de vues entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et présente le gouvernement du Québec comme une victime de ce que Gruber appelle une « coalition activiste » forte. Les deux interprétations se complètent : les provinces n’ont pas été capables d’imposer de réelles contraintes au gouvernement fédéral, mais elles ont également participé avec Ottawa à la définition d’un résultat final sous-optimal, en laissant à l’écart le seul gouvernement fidèle à la position commune initiale. Autrement dit, les gouvernements des provinces et territoires n’ont pas atteint leurs objectifs initiaux mais ils se sont rapidement adaptés à une nouvelle situation qu’ils estimaient inévitable, peu dommageable et même utile à certains égards.

Cette évolution des préférences explique pourquoi les gouvernements des provinces et des territoires ont accepté l’ECUS et sont demeurés parties prenantes au fédéralisme de collaboration même si, comme on l’a vu, ces arrangements institutionnels laissaient plus de pouvoir et de contrôle que souhaité au gouvernement fédéral.

Conclusion

Le gouvernement canadien n’a pas besoin d’un « énoncé de mission ». Ses politiques sociales et intergouvernementales peuvent sembler improvisées, inconstantes ou imprévisibles, mais cela n’a rien d’un signe de faiblesse ou d’une absence d’orientations claires. Le maintien de l’incertitude est une prérogative du pouvoir. Plus que jamais, à Ottawa, le pouvoir politique est centralisé autour du premier ministre, qui gouverne par « sursauts d’énergie », réagissant de façon plus ou moins cohérente au problème du jour64. « Parfois », ironisait Jean Chrétien quelques jours avant la signature de l’ECUS, « le lundi, j’ai envie de donner plus d’argent aux provinces, mais pas le mardi »65. Malgré toute cette incertitude, un modèle cohérent de relations intergouvernementales est apparent, dans les pratiques du fédéralisme fiscal, dans l’élaboration des politiques fédérales, et dans le choix des instruments privilégiés de politiques publiques.

Le fédéralisme fiscal de la fin des années 1990 a été marqué non seulement par le déclin des transferts sociaux, mais aussi par leur transformation. Les transferts pour la santé, l’éducation post-secondaire, et l’aide sociale et les services sociaux ont été réduits de manière draconienne après 1995, pour être rétablis graduellement, mais seulement en partie, après le budget de 1999. Plus fondamentalement, ces années ont donné lieu à une transition vers un financement en bloc avec des droits établis per capita (ce qui détache la contribution fiscale d’Ottawa des besoins sociaux des provinces), à l’ascension, parmi les priorités fédérales, des soins de santé et de l’éducation post-secondaire au détriment de l’aide sociale et des services sociaux, et à l’introduction de transferts ponctuels et ciblés. Ces changements ont eu plusieurs conséquences. D’abord, ils ont créé de nouveaux types d’iniquités et ont accru la vulnérabilité des petites provinces. Si la règle des droits per capita s’était appliquée en 1998, Ottawa aurait accordé 4,4 fois plus d’argent pour un prestataire de l’aide sociale habitant en Alberta que pour un prestataire vivant à Terre-Neuve66. Deuxièmement, la croissance relative des transferts liés à la santé a accru la portée de la Loi canadienne sur la santé comme instrument fédéral de surveillance de la gestion des soins et des services reliés à la santé. Troisièmement, l’utilisation de transferts ponctuels a encore augmenté l’incertitude quant au financement pour les années à venir. L’unilatéralisme fédéral s’est également maintenu en force dans d’autres domaines des relations intergouvernementales, soit pour contourner les provinces dans des secteurs comme les soins de santé et l’éducation post-secondaire, soit pour imposer la présence d’Ottawa dans un secteur donné tout en lui en assurant une plus grande visibilité. Enfin, les nouveaux instruments de politiques privilégiés par le gouvernement fédéral ont tous en commun d’être flexible et d’assurer son contrôle. Même les mesures destinées aux personnes se dessinent de cette façon : au cours des années, les programmes universels ont graduellement été remplacés par des bénéfices sélectifs. Les droits sociaux ont souvent cédé la place à des avantages fiscaux qui peuvent être remis en question d’un budget à l’autre.

Sauf pour le gouvernement du Québec, qui est forcément pénalisé par sa position marginale et son manque d’influence sur le processus en cours, les gouvernements provinciaux et territoriaux ont ajusté leurs attentes et leurs demandes à la baisse. Ils ont accepté les préceptes de ce qu’on appelle à Ottawa le fédéralisme de collaboration, et s’en tiennent depuis à une attitude défensive, où se mêlent la revendication infructueuse de relations plus prévisibles et les tentatives de participer à l’élaboration conjointe des politiques. En ce qui concerne les citoyens, ils sont généralement peu informés de questions qui leur apparaissent obscures et sont mal couvertes par les médias. Dans ce contexte, l’idée de formuler un nouvel « énoncé de mission » est peu susceptible d’avoir un impact. Ce n’est pas un manque de vision qui est responsable de cette situation, mais plutôt une relation inégale, elle-même solidement ancrée dans un déséquilibre fiscal prononcé et croissant entre les deux ordres de gouvernement.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient modifier le cours des événements s’ils profitaient du processus de révision et de renouvellement de l’ECUS pour rebâtir une position commune et mettre de l’avant des propositions simples mais fermes. Une augmentation des transferts sociaux et le redressement du déséquilibre fiscal constituent de toute évidence des points de ralliement. Tout comme la volonté de donner un sens à l’engagement de l’ECUS assurant « un financement stable et durable des programmes sociaux ». Cependant, une telle approche ne saurait être convaincante sans un engagement explicite en faveur d’une plus grande autonomie des provinces et d’une flexibilité accrue dans les domaines centraux couverts par le TCSPS. Les gouvernements provinciaux doivent réaffirmer leur compétence constitutionnelle en politique sociale et voir à ce que celle-ci soit reconnue par le gouvernement fédéral. Cette approche aurait aussi plus de chances de réussir si le gouvernement du Québec en était partie prenante. C’est peut-être beaucoup demander, mais l’accord sur la santé de septembre 2000 indique qu’une participation active du Québec est possible.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent également convaincre les citoyens qu’ils sont, autant que le gouvernement fédéral, des gouvernements canadiens, et qu’on peut leur faire confiance pour mettre de l’avant une gamme attrayante de politiques sociales. Bien sûr, cela se traduirait de façon fort différente selon les provinces, car les préférences des citoyens ne sont pas les mêmes à travers tout le pays et la demande de programmes sociaux varie probablement d’une région à l’autre. Une bonne façon d’amorcer la discussion serait d’exposer les limites des orientations fédérales actuelles. La pauvreté et l’insécurité économique ont augmenté au Canada, les soins de santé sont une source universelle d’inquiétude, et l’éducation postsecondaire demeure sous-financée. Tout en se proclamant champion de « l’investissement social », le gouvernement fédéral prend peu de risques et s’engage rarement67. Ce gouvernement « n’investit » pas dans les personnes et les programmes sociaux : il cible et dépense, pour une fin précise, un budget à la fois. Cette approche, plus ou moins prévisible et en général unilatérale, correspond mal à l’idée que l’on peut se faire d’une union sociale. Ces choix et ces orientations doivent être soumis au débat public, non pas au moyen d’une procédure superficielle d’implication des citoyens, mais plutôt à la faveur d’une délibération démocratique large et ouverte.

Une première version de cette étude a été présentée, en anglais, au colloque de l’IRPP « Retour sur l’entente-cadre : une nouvelle union sociale pour 2002 ? », tenu à Montréal les 22 et 23 mars 2001. Je remer- cie les participants au colloque, ainsi que Charles Blattberg, Sarah Fortin, Peter Graefe, Andrée Lajoie, Harvey Lazar et France St-Hilaire pour leurs commentaires et leurs suggestions fort utiles.

  1. Lazar (2000a, p. 5); Courchene (2001, p. 154); Maxwell (2001).
  2. Gouvernement du Canada et gouverne- ments des provinces et territoires (1999, p. 1). Reproduit dans Gagnon (2000).
  3. Réunion des premiers ministres (2000).
  4. Le terme « collaboration » est utilisé ici parce qu’il s’agit de l’expression conventionnelle; cet usage n’implique pas que les relations intergouvernementales soient harmonieuses ou véritablement fondées sur la collaboration. Il en va de même pour les notions de fédéralisme coopératif et exécutif. À ce propos, voir Noël (2000a).
  5. Perry (1997, p. 28-69).
  6. Bird et Chen (1998, p. 56).
  7. Lazar (2000a, p. 8).
  8. Pal (1985, p. 8). Des subventions fédérales directes aux universités ont été établies en 1951, mais elles ont été ouvertement contestées par le gouverne- ment du Québec et ont aussi posé des problèmes à Ottawa, qui ne savait trop comment traiter les institutions intermé- diaires ou techniques, comme les CEGEPs québécois par exemple. Ces subventions ont finalement été supprimées en 1966, et remplacées par des points d’impôt et des transferts en espèces que le gouverne- ment fédéral a concédées aux provinces. Dupré et al. (1973, p. 21-25); Hobson et St-Hilaire (1994, p. 30-31).
  9. Banting (1995, p. 298).
  10. Bird et Chen (1998, p. 66).
  11. Granatstein (1982).
  12. Simeon (1972).
  13. Bird et Chen (1998, p. 56).
  14. En 1966, le Régime des rentes du Québec est également créé, en parallèle avec le Régime de pensions du Canada. Hobson et St-Hilaire (1994, p. 27-33); Perry (1997, p. 210-217).
  15. McRoberts (1997, p. 40-42 et 141-142).
  16. Bird et Chen (1998, p. 67).
  17. Maioni (1999, p. 100).
  18. Milne (1986).
  19. Prince (1999, p. 166-174).
  20. L’Accord de Charlottetown, en 1992, faisait référence à une « union économique et sociale », mais cette idée a été laissée de côté immédiatement après le référen- dum. Voir Noël (1998, p. 27).
  21. Bird et Chen (1998, p. 67).
  22. Boucher et Vermaeten (2000, p. 132).
  23. Le partage des frais existe toujours dans plusieurs petits programmes de transferts. Certains de ces programmes sont très petits et très locaux (en 1987-1988, l’accord Canada-Manitoba sur la réparation des dom- mages au territoire provincial causés par les castors d’un parc national portait sur 20 000 $). En tout, on compte néanmoins plus de 100 petits programmes de transferts, dont tous n’impliquent pas un partage des frais, et qui totalisent environ 15 p. 100 des trans- ferts fédéraux aux provinces. Voir Vaillancourt (2000, p. 196 et 208).
  24. Boychuk (1996, p. 16).
  25. Chancelant parce que, à partir de 1990-1991, la croissance annuelle du finance- ment du RAPC a été limitée à 5 p. 100 pour les provinces non admissibles à la péréquation (l’Alberta, la Colombie- Britannique et l’Ontario). En 1995-1996, soit un an avant l’entrée en vigueur du TCSPS, les transferts liés au RAPC ont aussi été gelés au niveau de l’année précé- dente, pour toutes les provinces. Boucher et Vermaeten (2000, p. 136).
  26. Boucher et Vermaeten (2000, p. 137).
  27. Coulombe et Mérette (2000, p. 340-355).
  28. Mes calculs. Sources : Hobson et St-Hilaire (2000, p. 176); Treff et Perry (1997, p. 9:9, 10:3 et 11:2); Treff et Perry (2001, p. 9:10, 10:4 et 11:2).
  29. Si on considère comme des transferts les revenus provinciaux découlant des points d’impôt concédés en 1977, la part des transferts dans les revenus des provinces a tout de même baissé de 24 p. 100 en 1971 à 19 p. 100 en 1999. Lazar (2000a, p. 14).
  30. Lazar (2000a, p. 16); Pal (1999, p. 10).
  31. Cameron et Simeon (2000, p. 75).
  32. Noël (2000b, p. 24-29); Noël (2000a). Voir aussi les autres chapitres de l’ouvrage de Gagnon, de même que Robson et Schwanen (1999); Richards (1999, p. 5-10); Dunn (2000, p. 50-51).
  33. Lazar (2000b, p. 108 et 115); Lazar (2000a, p. 15); Courchene (2001, p. 95); Cameron et Simeon (2000, p. 80); Maxwell (2001, p. 9).
  34. Ministres de la Santé des provinces et ter- ritoires (2000, p. 9-10); Hobson et St-Hilaire (2000, p. 177).
  35. Hale (2000, p. 72); Hale (2001, p. 36- 38); Robson (2001, p. 20).
  36. Conseil provincial/territorial sur la refonte des politiques sociales (2000).
  37. Lazar (2000b, p. 122); Courchene (2001, p. 272-274).
  38. Hale (2000, p. 87). Notre traduction.
  39. Voir Greenspon et Wilson-Smith (1996), et les diverses contributions sur l’héritage de Jean Chrétien dans Options politiques (novembre 2000).
  40. Crozier et Friedberg (1977, p. 69-70). Il peut être intéressant de signaler, dans le contexte des relations intergouvernemen- tales canadiennes, que Stéphane Dion a déjà critiqué Crozier, son mentor, pour avoir négligé l’importance des menaces crédibles dans les rapports de pouvoir. Dans certains cas, avançait Dion, le pouvoir ne dépend pas du maintien de l’incertitude mais bien de « l’utilisation efficace de la menace ». Dion (1982, p. 94-96).
  41. Cameron et Simeon (2000, p. 86). Notre traduction.
  42. Lazar (2000b, p. 114-115).
  43. Hale (2000, p. 59-94).
  44. Hobson et St-Hilaire (2000, p. 176).
  45. Hobson et St-Hilaire (2000, p. 177); Courchene (2000, p. 18); Boychuk (2001, p. 126-127).
  46. Lazar (1998a, p. 118-121); Maioni (2000, p. 39-40).
  47. Robson (2001, p. 20); Corriveau (2001, p. A1).
  48. C’était le cas en Nouvelle-Écosse, en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan. La moyenne canadienne s’établissait à 36 p. 100. Institut canadien d’information sur la santé (2000).
  49. Ministres de la Santé des provinces et ter- ritoires (2000, p. 3); Courchene (2001, p. 188-189).
  50. Ruggeri (2000); Commission sur le déséquilibre fiscal (2001).
  51. Lazar (1998a, p. 110-131; Lazar (1998b, p. 33).
  52. Boychuk (2001, p. 126).
  53. Jean Chrétien est cité dans Toupin (2000, p. B1).
  54. Robson (2001, p. 19-20).
  55. Myles et Pierson (1997, p. 448-449).
  56. Battle (1999, p. 1219-1257); Battle (2001, p. 183-229).
  57. Osberg (2000); Osberg et Sharpe (2001); Heisz, Jackson et Picot (2001, p. 247-272).
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Alain Noël est professeur titulaire au département de science politique de l’Université de Montréal et directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur les transformations économiques et sociales (CRITÈRES), également à l’Université de Montréal. Il est aussi membre du Conseil consultatif de l’Institut des relations intergouvernementales de l’Université Queen’s, à Kingston en Ontario. M. Noël est l’auteur de plusieurs études sur les politiques sociales et le fédéralisme, au Québec et au Canada, ainsi qu’en perspective comparée.  Ces travaux ont été publiés dans différents ouvrages et revues, incluant l’American Political Science Review, International Organization, Comparative Political Studies, la Revue française des affaires sociales, et la Revue canadienne de science politique. Au cours des dernières années, M. Noël a aussi agi à titre d’expert pour le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes du gouvernement du Québec et pour le ministère québécois de l’Emploi et de la Solidarité. Il est présentement membre de la Commission sur le déséquilibre fiscal, mise sur pied au printemps 2001 par le gouvernement du Québec.