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Diversité, immigration et intégration

Les immigrants d'origine maghrébine rencontrent des obstacles et de la discrimination sur le marché du travail québécois

Une question de perspective

Annick Lenoir-Achdjian, Sébastien Arcand, Denise Helly, Isabelle Drainville et Michèle Vatz Laaroussi 26 mars 2009

En accord avec les critères de sélection établis par le Québec, les données statistiques indiquent que la plupart des Marocains et des Algériens qui ont immigré dans cette province ont une bonne connaissance du français et un degré de scolarité élevé. Pourtant, le taux de chômage chez ces immigrants atteignait, en 2001, 17,5 p. 100 (pour les Marocains) et 27,2 p. 100 (pour les Algériens), tandis que la moyenne provinciale était de 8,2 p. 100. Chez les Marocains et les Algériens établis au Québec depuis cinq ans ou moins, les chiffres étaient respectivement de 33,6 p. 100 et de 35,4 p. 100.

Pourtant, ces immigrants ont été sélectionnés sur la base des qualités requises pour trouver un emploi. Comment, alors, expliquer la situation ? Cette étude a pour objectif d’explorer cette question, à partir de l’analyse des perceptions de cette réalité qu’ont des immi-grants maghrébins et des intervenants en emploi.

Les auteurs ont rencontré 22 chercheurs d’emploi maghrébins et 15 intervenants en emploi, à Montréal et à Sherbrooke. L’analyse des discours tenus lors des entre-vues permet d’établir trois zones de convergence dans l’interprétation que les uns et les autres font de la situa-tion. La première est reliée au fait que les immigrants ont de la difficulté à faire reconnaître leurs acquis : la scola -rité et l’expérience de travail obtenues à l’étranger sont faiblement reconnues par les employeurs. La deuxième tient à des faiblesses des Maghrébins relativement à des aspects importants pour le marché de l’emploi québécois : méconnaissance de l’anglais, manque d’expérience de tra-vail canadienne, absence d’un réseau professionnel, et, en plus, ils ne peuvent répondre rapidement aux conditions des ordres professionnels. La troisième est que les employeurs font preuve de discrimination.

Comme le démontrent les auteurs, les chercheurs d’em-ploi maghrébins et les intervenants analysent cette situation selon des filtres d’interprétation qui leur sont propres. Le discours des immigrants indique clairement que leurs attentes (améliorer rapidement leurs conditions de vie et leur situation professionnelle) conditionnent les perceptions qu’ils ont des démarches à faire et des difficultés qu’ils éprouvent. Dans le cas des intervenants, le filtre d’interpréta-tion est basé sur une approche d’intervention selon laquelle les chercheurs d’emploi peuvent et doivent agir de façon autonome. D’autres filtres expliquent aussi les perceptions des intervenants : l’ethnocentrisme (« la supériorité de la société québécoise est un fait »), le culturalisme (« les diffi-cultés des Maghrébins sont dues à certains aspects de leur culture ») et le féminisme (« les rapports entre les hommes et les femmes au Maghreb sont inégalitaires »).

Ces filtres produisent des écarts de compréhension impor-tants entre les deux groupes de répondants quant aux attentes et aux besoins des Maghrébins. Les Maghrébins considèrent qu’ils ont droit à un emploi et à un accompagnement indivi -dualisé, puisqu’ils ont été sélectionnés selon des critères liés à leurs compétences ; les intervenants considèrent plutôt les immigrants sur le même pied que les autres chercheurs d’em-ploi, et estiment qu’ils sont les premiers responsables des démarches à faire. Les Maghrébins ne s’interrogent donc pas d’abord sur ce qu’eux-mêmes pourraient faire pour intégrer le marché de l’emploi ; ils questionnent plutôt les critères à partir desquels ils ont été sélectionnés, le type d’aide qu’ils reçoivent et l’attitude des employeurs. Pour leur part, les intervenants croient que ce sont certaines caractéristiques propres aux Maghrébins qui expliquent leurs difficultés : leurs attentes irréalistes, la nécessaire mise à niveau de leur formation, leur manque d’expérience canadienne et leurs exigences liées à leur culture et à leurs pratiques religieuses.

Par ailleurs, les intervenants qui souhaiteraient avoir plus de moyens pour améliorer le soutien apporté aux immigrants et inciter des employeurs à les embaucher ont peu de marge de manœuvre. On peut alors considérer les filtres d’interprétation qui influencent leur perception comme des moyens de réduire le sentiment d’impuissance qu’ils éprouvent face à leur travail. Le problème, toute-fois, est que ces filtres, se superposant indirectement à la discrimination que peuvent subir les chercheurs d’emploi maghrébins, contribuent dans les faits à renforcer et à justifier la vulnérabilité des immigrants.

Mais, ajoutent les auteurs, si plusieurs intervenants adoptent une attitude fataliste ou passive face aux employeurs et renforcent ainsi l’exclusion et la discrimina-tion, d’autres tentent de trouver des outils pour réduire leur impuissance devant la discrimination. Par exemple, certains essaient d’amener les employeurs à réfléchir sur leurs préjugés face aux Maghrébins et à recentrer leur action sur leur besoin premier : l’embauche de travailleurs compétents. Ce type de stratégie repose sur un lien de confiance entre employeurs et intervenants, et reprend les éléments de base de toute intervention interculturelle. Les auteurs recomman-dent pour l’ensemble des intervenants une formation en intervention interculturelle. Cela pourrait contribuer à réduire la discrimination chez les employeurs, et donnerait un outil supplémentaire aux intervenants pour contrer leur sentiment d’impuissance et lutter contre la discrimination.

 

Introduction

Il est notoire que l’immigration au Canada a été pendant de nombreuses décennies essentiellement d’origine européenne. Ainsi, à la population autochtone et au premier peuplement français s’est ajoutée, à la suite de la Conquête britannique de 1760, une immigration venant principalement des îles britanniques (Angleterre, Écosse, Irlande) (Germain 1997)1. Par ailleurs, si les immigrants qui arrivent au Canada restent majoritairement d’origine européenne jusqu’aux années 1980, dès le XIXe siècle, certains immigrants viennent d’ailleurs. Ce sont par exemple des Chinois (Knowles 2000), des Arméniens, des Grecs et des Juifs qui arrivent de l’Empire ottoman (Daher 2003), ainsi que des Syriens, des Palestiniens, des Jordaniens et des Libanais qui viennent de ce que l’on appelait alors la Grande Syrie (Helly 2004a).

Cependant, les politiques d’immigration canadiennes qui, entre 1914 et 1948, restreignent de manière générale l’immigration et qui, depuis 1930 jusqu’aux années 1960, réduisent en particulier les possibilités d’installation au Canada de personnes d’origine non européenne contribuent à limiter l’accroissement démographique de ces dernières (Knowles 1997).

Mais, à la suite de l’abolition en 1962 de la politique d’immigration fondée sur la race et de l’introduction en 1967 de critères objectifs dans la sélection des immigrants (Labelle 1988), la proportion de nouveaux arrivants provenant de pays non européens s’accroît considérablement au cours des décennies suivantes.

C’est ainsi que le recensement canadien de 2006 avait dénombré plus de 200 origines ethniques différentes (Statistique Canada 2008a). Les Canadiens d’origine marocaine et algérienne représentaient alors respectivement 0,14 p. 100 et 0,9 p. 100 de la population. Par comparaison, au Québec seulement, ils constituaient respectivement 0,49 p. 100 et 0,34 p. 100 de la population (Statistique Canada 2008b, 2008c). Cependant, il est à noter que la quasi-totalité des immigrants au Canada originaires du Maroc et de l’Algérie résidaient au Québec (82,2 p. 100 et 89,6 p. 100 respectivement). Entre 1968 et 2008, on observe aussi une variabilité, selon les années, du nombre d’admissions au Québec de Marocains nés au Maroc et d’Algériens nés en Algérie2. Néanmoins, si nous comparons les données relatives aux années 1969 (respectivement 492 et 158 admissions), 1989 (1 031 et 430 admissions), 1999 (1 538 et 2 006 admissions)3  et 2008 (3 579 et 3 670 admissions) (MICC 2008)4, nous notons une réelle progression. C’est ainsi que si en 2001, le Maroc se classait au 10e rang des principaux pays d’origine de l’immigration au Québec et que l’Algérie occupait le 12e rang (Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration [MRCI] 2004), ces mêmes pays se trouvaient respectivement aux troisième et premier rangs en 2006 de même qu’en 20085.

Le recensement de 2001 montrait également qu’une proportion importante des Marocains (97,6 p. 100) et des Algériens (98,5 p. 100) qui résidaient au Québec parlaient français. Et, si certains disaient avoir une bonne connaissance du français uniquement (37,1 p. 100 et 48,4 p. 100), la plupart affirmaient parler les deux langues officielles du Canada (60,5 p. 100 et 50,1 p. 100)6. Par ailleurs, en 2001 toujours, 29,9 p. 100 des Marocains et 42,5 p. 100 des Algériens, âgés de 15 ans et plus, détenaient un diplôme universitaire, un taux beaucoup plus élevé que celui que l’on observait dans la population québécoise en général (14 p. 100) ou même dans la population immigrée dans son ensemble (21,8 100). Malgré cela, le taux de chômage de ces deux groupes d’immigrants, indépendamment du nombre d’années depuis lesquelles ils s’étaient installés au Québec, atteignait en 2001, 17,5 p. 100 chez les Marocains et 27,2 p. 100 chez les Algériens, tandis que la moyenne provinciale était alors de 8,2 p. 100. Quant à ceux qui s’étaient établis au Québec depuis cinq ans ou moins, ils connaissaient, à la même époque, un taux de chômage de 33,6 p. 100 (pour les Marocains) et de 35,4 p. 100 (pour les Algériens).

Considérant ces données sur la connaissance de la langue et le niveau d’éducation, comment expliquer que ces immigrants sont défavorisés sur le plan de l’insertion en emploi, alors qu’ils possèdent plusieurs des qualités requises pour s’intégrer au marché du tra-vail et qu’en outre, ils ont été sélectionnés sur la base de ces qualités par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec (MICC) ? Cette étude a pour objectif de répondre à cette question, à partir notamment de la perception qu’ont de cette si -tuation des chercheurs d’emploi d’origine maghrébine (marocaine et algérienne)7 et des intervenants qui tra-vaillent avec cette clientèle8.

L’objectif final est d’alimenter une réflexion sur les interventions auprès des chercheurs d’emploi d’origine maghrébine et non pas d’évaluer les programmes d’in-tervention destinés à la clientèle chercheuse d’emploi, ni la qualité des interventions effectuées auprès de la clientèle maghrébine. Par contre, cette étude insiste sur l’importance des perceptions qu’ont les immigrants maghrébins et les intervenants qui les accompagnent des difficultés vécues dans le processus d’insertion en emploi. Elle cherche ainsi à établir les éventuels écarts de compréhension (entre les immigrants et les inter-venants) des besoins des chercheurs d’emploi d’origine maghrébine et à saisir les attentes des uns et des autres quant aux façons de répondre à ces besoins dans le cadre de programmes de soutien en recherche d’emploi au Québec. Dans ce sens, cette étude ne vise pas non plus à établir si les besoins et les attentes exprimés sont véritablement justifiés ou non.

Pour ce faire, nous avons organisé le document de la manière suivante. Nous présentons d’abord le con-texte économique canadien et québécois dans lequel s’inscrit le processus de recherche d’emploi des nou-veaux arrivants. Puis, nous présentons brièvement le concept de discrimination. Nous exposons ensuite la méthodologie utilisée (cueillette et traitement des don-nées) et nous brossons un portrait des répondants qui ont participé à notre recherche. Nous enchaînons avec la présentation succincte des principaux résultats et la discussion ; nous analysons plus particulièrement, grâce à une approche sociocritique, les discours des chercheurs d’emploi et des intervenants, et nous étab-lissons les facteurs qui, selon eux, expliquent les échecs ou les difficultés éprouvées par les chercheurs d’emploi maghrébins durant leur parcours d’insertion profession-nelle. En conclusion, nous discutons des principaux constats qui ressortent de l’analyse des entrevues.

Les contextes canadien et québécois

Dans un contexte contemporain et occidental, caractérisé par le vieillissement de la popula-tion et par la baisse marquée de la fécondité, la sélection de travailleurs immigrants apparaît, pour plusieurs pays industrialisés, la solution la plus judi-cieuse pour contrer la pénurie de main-d’œuvre quali-fiée annoncée et ainsi demeurer compétitifs au plan international (Cotis 2003 ; Gingras et Roy 2000). En conséquence, alors que les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande rivalisent avec le Canada depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale afin d’attirer une main-d’œuvre jeune, dynamique, talentueuse et qua -lifiée (MRCI 2003)9, cette concurrence implique désor-mais aussi des pays européens, tels que la France, la Suède, la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne, qui, his-toriquement, ne se percevaient pas comme des pays d’immigration (Dumont et Lemaître 2005).

C’est pourquoi le Canada et le Québec organisent à l’étranger diverses activités de promotion dont l’objectif est « d’éveiller, chez les personnes susceptibles de satis-faire aux critères recherchés, l’intérêt pour une éven -tuelle migration vers le Québec » (MRCI 2003, p. 11). Or, en lien avec ces activités de promotion, les médias
(écrits ou audiovisuels), les différents intermédiaires
(tels les agences privées ou les consultants locaux) ou les agences consulaires contribuent à véhiculer une image qui décrit le Canada et le Québec comme des sociétés dont le niveau de vie est élevé et où l’activité économique est florissante, qui sont respectueuses de leurs citoyens et ouvertes à l’immigration, et qui va -lorisent la diversité culturelle et le dialogue interculturel (Chrétien 2003 ; Citoyenneté et Immigration Canada 2005 ; Coderre 2003). Comme le fait d’émigrer est un projet que l’on entreprend — face à des contraintes économiques ou politiques jugées sans issue — dans le but d’améliorer ses conditions de vie en allant s’établir dans une société perçue comme étant propice à l’at-teinte de cet objectif, cette image favorable contribue à créer chez les candidats à l’immigration des attentes particulières à l’égard de leur future intégration socio -économique. Le choix du Canada et du Québec comme lieu de destination s’inscrit ainsi pour plusieurs comme un moyen de réaliser le « rêve américain » ou, du moins, celui d’améliorer leur situation professionnelle (Aktouf 2006 ; Lenoir-Achdjian et al. 2008).

Cependant, la mondialisation des échanges de biens et services, qui induit la concurrence entre les pays industrialisés, les économies émergentes et les pays en voie de développement, transforme le marché de l’emploi local. Le travail à temps partiel ou à durée déterminée, la sous-traitance et le recours à des con-sultants sont désormais courants10 (Chevrier et Tremblay 2004 ; Zeytinoglu et al. 2004). Or, ces con-ditions d’emploi touchent directement une partie importante de la population. Ainsi, en 2004, 34 p. 100 de la population active canadienne n’avait accès qu’à ce genre d’emploi atypique (Townson et Hayes 2007). En 2004, 14,4 p. 100 de tous les travailleurs âgés de 16 à 64 ans avaient une faible rémunération (soit moins de 10 dollars de l’heure en dollars constants de 2001) ; mais, si 13,7 p. 100 des personnes nées au Canada vivaient cette situation, c’était le cas de 26,4 p. 100 des immigrants récents11 (Statistique Canada 2006).

Afin d’évaluer la pauvreté, Statistique Canada privilégie les mesures statistiques de « seuil de faible revenu » et de « mesure de faible revenu » qui établis-sent le seuil en deçà duquel un ménage doit affecter à des besoins essentiels (se nourrir, se loger, se vêtir) une portion importante de ses revenus (20 p. 100 ou plus) et supérieure à la moyenne nationale (Giles 2004). En 2004, c’était le cas de 21,5 p. 100 des immi-grants récents, comparativement à 9,3 p. 100 pour les Canadiens nés au pays (Fleury 2007). Parmi ces immi-grants récents, le groupe le plus à risque était celui des Arabes12 (34 p. 100), devant les Asiatiques
(29,4 p. 100) et les Noirs (19,9 p. 100). Fleury note aussi que les immigrants arrivés dans les années 1990 étaient plus nombreux à avoir un faible revenu que les Canadiens nés au pays et les immigrants installés ici depuis plus longtemps. Boudarbat et Boulet (2007) signalent que l’écart salarial entre les immigrants des années 1990 et ceux des années 1960 à l’entrée sur le marché du travail était aussi élevé que 27 p. 100.

D’autres chercheurs relèvent pour leur part que certains immigrants récents (peu importe leur origine) accèdent difficilement au marché du travail, sont sur-représentés dans certains secteurs (transformation, fabrication, restauration, hébergement) et sous-représentés dans d’autres (finance, administration, enseignement) (Bureau de liaison université-milieu 2004 ; Germain et al. 2005).

Plusieurs études, enfin, décrivent les multiples obstacles à l’embauche auxquels doivent faire face les immigrants récents. Notons, par exemple : une maîtrise parfois insuffisante du français (Chicha et Charest 2008) ; la méconnaissance de l’anglais
(Renaud et Martin 2006) ; les difficultés à faire recon-naître les diplômes et les titres de compétences acquis à l’étranger (Renaud et Martin 2006), notamment s’ils ont été obtenus dans un pays dit en développe-ment (Akbari 1999, dans Chicha et Charest 2008,
p. 10) ou si la reconnaissance de ces diplômes est réglementée par un ordre professionnel (Chicha et Charest 2008) ; l’absence de reconnaissance, par les employeurs, des expériences de travail acquises à l’étranger et le manque d’expérience de travail au Canada (Boudarbat et Boulet 2007 ; Schellenberg et Maheux 2007) ; les critères de sélection, divers tests à l’embauche (psychométriques ou de personnalité) et la pratique de recrutement des entreprises par le bouche à oreille (Chicha 1998, dans Chicha et Charest 2008, p. 13) ; la difficulté de concilier travail et famille pour diverses raisons (méconnaissance du fonctionnement du système de garderies publiques, horaires atypiques ou trop rigides, méconnaissance du système de transport urbain et interurbain). Il est également à noter que de nombreux immigrants des années 1990 ou 2000 avaient une formation en lien avec un secteur en repli au Canada après 2000 (fabri-cation de matériel informatique et périphérique, auto-mobile, transformation, services informatiques et transport aérien) (Cross 2006).

Tous les nouveaux arrivants, quels que soient leur niveau de scolarité ou leur groupe d’âge, éprouvent des difficultés à obtenir un emploi correspondant à leurs compétences au cours des premiers mois de leur séjour au Québec, affirment Renaud et al. (2002). Ces auteurs insistent toutefois sur le fait qu’il importe de distinguer entre certains groupes d’immigrants récents qui éprouvent des difficultés à entrer sur le marché du travail au début de leur séjour — mais qui, avec le temps, rejoignent la moyenne des personnes nées au Canada en matière d’emploi —, et ceux dont les difficultés perdurent. Ainsi, parmi les travailleurs sélectionnés arrivés au Québec en 1989 et interrogés à plusieurs reprises entre 1990 et 2000, les Maghrébins, les Asiatiques de l’Ouest, les Moyen-Orientaux et les Européens de l’Est (y compris de l’ex-URSS) avaient plus de difficultés que les autres à trouver un emploi au début de leur séjour13. Cependant, après 10 ans au Québec, les personnes originaires du Vietnam, de l’Amérique du Sud et des Caraïbes (à l’exclusion d’Haïti) restaient toujours désavantagées.

Comme la région d’origine semble le seul critère qui rend l’accès à un emploi qualifié plus difficile pour certains groupes, de nombreux chercheurs affirment qu’il existe une discrimination à leur égard (Boudarbat et Boulet 2007 ; Germain et al. 2005 ; Helly 2004a, 2004b)14 ou que, tout au moins, l’hypothèse de la discrimination doit être envisagée pour expliquer ces difficultés (Picot et Hou 2003 ; Renaud et al. 2002). Le MICC (2006) émet aussi cette hypothèse, qui, en plus de s’appli-quer à certains groupes d’immigrants, pourrait expliquer les difficultés qu’éprouvent les membres des minorités visibles ou religieuses, qu’ils soient immigrants ou non15.

Les chercheurs s’entendent également pour affirmer que les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont induit au Québec un climat propice au renforce-ment de pratiques discriminatoires envers les Arabo-musulmans16 (Girard-Hurtubise 2002 ; Helly 2004a, 2004b ; Vatz Laaroussi 2002). D’une part, nous avons assisté à un raffermissement des préjugés associant islam, islamisme et terrorisme, intégrisme religieux et intégrisme politique, islam et rigidité culturelle, islamisme et antiaméricanisme ; d’autre part, nous avons vu s’installer une opposition entre le monde musulman — perçu comme un espace où l’on prône la domination de la religion sur la sphère politique ainsi que celle des hommes sur les femmes — et l’Occident— qui valorise la séparation de l’État et de la religion, et l’égalité entre les sexes (Helly 2002, 2006 ; Marhraoui 2005). Cette représentation négative de l’is-lam expliquerait donc en partie les problèmes vécus par les Arabo-musulmans (ou des personnes perçues comme telles) sur le marché de l’emploi canadien. Nous précisons « en partie », puisque les événements du 11 septembre 2001, en influençant l’ensemble des économies occidentales, ont contribué à augmenter les difficultés d’insertion de tous les nouveaux venus sur le marché du travail de ces pays, c’est-à-dire à la fois les immigrants et les jeunes nés dans ces pays
(Renaud et Goldmann 2004). Par ailleurs, la couver-ture médiatique des conflits au Proche-Orient et au Moyen-Orient, de la guerre en Irak (depuis 2003) et des tensions entourant le principe des accommode-ments raisonnables au Québec (en 2007) a contribué à maintenir et à renforcer les stéréotypes négatifs liés aux immigrants en général, et au monde arabo-musulman et au Maghreb en particulier (Marhraoui 2005 ; Oueslati et al. 2006)17.

Deux questions se posent alors : 1. Selon la percep-tion des Maghrébins eux-mêmes et des intervenants qui travaillent avec cette clientèle, la discrimination de la part des employeurs constitue-t-elle un facteur expli-catif des difficultés vécues par les chercheurs d’emploi maghrébins ? Si c’est le cas, comment les uns et les autres analysent-ils la situation ? Si ce n’est pas le cas, quels sont alors à leur avis les facteurs explicatifs de leurs difficultés ? 2. En quoi les services de soutien en recherche d’emploi permettent-ils, selon les chercheurs d’emploi maghrébins et les intervenants qui travaillent avec cette clientèle, de contourner ou de limiter les obstacles ?

Qu’est-ce que la discrimination ?

Dans son sens strict, le terme « discrimination » désigne des disparités de traitement directe-ment fondées sur des critères comme l’ori -gine, la religion, le sexe. Il s’agit d’une négation de l’égalité telle que définie dans les lois. Si elle s’opère parfois de manière consciente, dans l’intention de nuire, comme c’est le cas quand les critères d’exclu-sion sont énoncés clairement (discrimination directe), elle peut aussi se présenter sous une forme plus sub-tile et insidieuse (discrimination indirecte) (Bosset 2005 ; Noël 2004).

Par ailleurs, la discrimination systémique en emploi, telle que la définit Chicha-Pontbriand (1989) « est une situation d’inégalité cumulative et dynamique résultant de l’interaction, sur le marché du travail, de pratiques, de décisions ou de comportements, individuels ou institutionnels, ayant des effets préjudiciables, voulus ou non, sur les membres de groupes visés par l’arti-cle 10 de la Charte » (p. 85). En fait, la discrimination systémique peut être présente indépendamment de la bonne foi des acteurs concernés. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
(CDPDJ) a aussi donné, plus récemment, une définition de la discrimination systémique : « La discrimination [systémique] est formée d’un ensemble cohérent de représentations sociales, de préjugés, d’attitudes, de pratiques individuelles et institutionnalisées, qui se renforcent et s’alimentent mutuellement dans un mou-vement circulaire » (Eid 2006, p. 59).

C’est pourquoi, à l’instar de Noël (2004) et de Helly (2004a, 2004c), nous pensons que l’analyse de discours, de pratiques, de décisions ou de comportements dans le cadre de l’intervention en emploi ne peut qu’être fructueuse, dans la mesure où elle permettra de mettre au jour certains stéréotypes et préjugés qui pourraient contribuer, même sans que les gens s’en rendent compte, à perpétuer la discrimination systémique.

L’organisation des services destinés aux chercheurs d’emploi

Sur la base de l’Accord Canada-Québec (1991), le Québec est l’unique responsable des services d’accueil et d’intégration des immigrants qui s’installent sur son territoire (MRCI 2003)18. En con-séquence, les personnes nouvellement arrivées au Québec amorcent souvent leurs démarches de recherche d’emploi par une activité structurée appelée « semaine d’intégration », dispensée par le MICC, ou par un autre organisme subventionné par ce ministère, et visant à donner une connaissance de base de la société québé-coise (histoire, culture, marché du travail, organismes de réglementation des professions et des métiers). Cette activité est d’ailleurs une condition sine qua non pour plusieurs organismes de soutien en recherche d’emploi pour que les immigrants puissent bénéficier de leurs services. En outre, le MICC possède un service d’accueil qui répond aux besoins liés à l’installation, et conclut à cet effet des ententes avec des organismes communau-taires partenaires dans le cadre du Programme d’ac-compagnement des nouveaux arrivants. Cela permet de compléter la préparation à la réalité socioéconomique québécoise et de soutenir les démarches d’intégration, entre autres grâce à des cours de français.

Par ailleurs, depuis le 1er avril 1998, Emploi-Québec est l’organisme responsable de la mise en œuvre et de la gestion aux niveaux national, régional et local des mesures et des services relevant du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) dans les domaines de la main-d’œuvre et de l’emploi (Emploi-Québec 2006). Il est aussi, depuis cette date, responsable de la prestation de services publics d’emploi. Pour réaliser son mandat, Emploi-Québec a créé des Centres locaux d’emploi
(CLE), qui non seulement offrent diverses activités et services, mais qui portent également la responsabilité d’agencer les ressources et de gérer le budget disponible pour les services d’emploi sur leur territoire. Emploi-Québec fait aussi appel à diverses ressources externes, grâce à des ententes de services ou à des contrats à durée déterminée : entités parapubliques (les Carrefours jeunesse-emploi [CJE] et les établissements d’enseigne-ment), organismes de développement économique (les Centre locaux de développement, entre autres), et orga -nismes communautaires voués au développement de la main-d’œuvre et à l’emploi ou à l’insertion sociale et professionnelle (Emploi-Québec 2006). Plus spécifique-ment, tous ces organismes offrent deux types principaux d’activités : la préparation à l’emploi (telles les forma-tions d’appoint, les informations relatives au marché du travail, la francisation) et des services d’aide à l’insertion en emploi (comme préparer un curriculum vitæ, passer une entrevue d’embauche, participer à des ateliers de recherche d’emploi, obtenir des stages professionnels). De fait, en accord avec les valeurs mises de l’avant par Emploi-Québec (autonomie et intégration sociale par le travail), l’intégration au marché du travail, et idéalement la rétention en emploi, constitue l’objectif principal de ces activités.

La collecte des données

La prise de contact avec les répondants s’est effectuée grâce à la collaboration du MICC et de divers organismes de soutien en recherche d’emploi (CLE, organismes communautaires). Nous avons recrutés les immigrants sur la base des carac-téristiques suivantes : ils devaient avoir été sélection-nés dans leur pays d’origine (Maroc, Algérie) comme travailleurs qualifiés ; être arrivés au Canada après les événements du 11 septembre 2001 ; être âgés de 25 à 40 ans, afin d’éviter les biais liés à la représentation négative des travailleurs âgés (Brosseau 2002 ; Schellenberg 2004) ; maîtriser le français parlé et écrit ; posséder un niveau de scolarité post -secondaire ; et participer activement à un programme d’insertion en emploi. Bref, ils devaient correspondre à l’immigrant type sélectionné à l’étranger par Immigration Québec. Quant aux intervenants, il n’y avait qu’un seul critère de sélection : ils devaient tra-vailler avec une clientèle maghrébine et, plus large-ment, immigrante.

Les entretiens semi-directifs, d’une durée moyenne d’une heure et demie, ont eu lieu de mai 2004 à jan-vier 200519 à Montréal (25 personnes)20 et à Sherbrooke (12 personnes)21. Nous avons ainsi inter-rogé 22 chercheurs d’emploi maghrébins (10 du Maroc, 12 de l’Algérie) de même que 15 intervenants travaillant auprès de cette clientèle — au MICC (5 per-sonnes), dans un CLE (5 personnes) ou dans un autre organisme de soutien en recherche d’emploi et sub-ventionné par Emploi-Québec (5 personnes)22.

S’inscrivant dans une démarche de recherche exploratoire et qualitative, les entrevues avec les chercheurs d’emploi d’origine maghrébine avaient deux buts précis : retracer le parcours migratoire de ces personnes et leur trajectoire professionnelle dans leur pays d’origine et au Québec ; et recueillir leur expérience des mesures gouvernementales d’insertion en emploi (attentes face aux programmes auxquels ils ont eu accès, appréciation des services, obstacles, résultats des démarches). Les entrevues avec les inter-venants, pour leur part, devaient nous permettre de prendre connaissance du contenu des différents pro-grammes, des stratégies utilisées et des obstacles qui pouvaient se présenter au cours de leur travail avec cette population particulière.

En lien avec le cadre d’analyse privilégié qui emprunte à la théorie du constructivisme, nous avons adopté comme a priori l’idée que les acteurs donnent un sens aux événements et que ce sens conditionne le regard qu’ils portent sur leur situation. C’est pourquoi les données que nous avons recueillies sont considérées de facto comme la réalité telle que perçue par nos répondants23. Ce principe a été mis en application à l’aide d’une analyse de contenu thématique24.

De la codification à l’analyse : une démarche exploratoire

Pour les fins de l’analyse, nous avons codifié les pas-sages retenus en fonction de leur référence aux théma-tiques de la recherche d’emploi et de l’intervention en emploi. Par la suite, nous avons mis ces codifications en relation, pour en arriver à une deuxième codifica-tion plus complexe et plus apte, d’une part, à faire ressortir les attentes des Maghrébins en lien avec le projet de trouver un emploi, et, d’autre part, à mettre en lumière les perceptions qu’avaient les différents répondants des obstacles auxquels les Maghrébins doivent faire face au cours de leurs démarches.

Les liens entre les codes ont été établis en fonction d’adéquations significatives (liens de causalité non déterministes) qui peuvent exister entre des segments d’entrevues. Par exemple, si une personne souligne qu’elle est venue s’installer au Canada dans le but d’améliorer ses conditions de vie et que, plus loin, elle affirme tenir à son domaine de formation, nous avons relié la volonté d’améliorer ses conditions de vie au désir de se trouver un emploi dans un domaine corres -pondant à sa formation. Ce lien peut être transposé à d’autres segments d’entrevue qui, par exemple, font état de la difficulté à obtenir un premier emploi. Nous avons procédé ainsi pour chacune des entrevues réalisées, avec les Maghrébins et avec les intervenants. Par la suite, nous avons mis ces entrevues en relation, en fonction des adéquations significatives que nous avions établies.

Le portrait des Maghrébins rencontrés

Les Maghrébins que nous avons interviewés étaient majoritairement de sexe masculin ; ils étaient
17 hommes et 5 femmes. (Leur portrait complet est reproduit aux tableaux A1 à A7 de l’annexe A.)
Quatre d’entre eux résidaient au Québec depuis plus de 3 ans (leur arrivée datant de l’automne de 2001 ou de l’hiver de 2002), 6 personnes en étaient à leur troisième année de séjour (ici depuis 2 années entières) et 12 étaient arrivées depuis moins de 9 mois. Il s’agissait donc uniquement d’immigrants récents. Pour les fins de l’analyse, nous avons donc créé deux groupes sur la base du moment où ils étaient arrivés ici : depuis plus de 1 an (10 personnes), et depuis moins de 1 an (12 personnes).

Il s’agissait de personnes hautement qualifiées, puisque 5 d’entre elles détenaient un diplôme d’études de premier cycle (licence)25, 10 avaient un diplôme d’études de deuxième cycle (master)26 et une possédait un diplôme de troisième cycle ; 6 person-nes détenaient un diplôme d’études techniques. Les Algériens étaient les plus qualifiés : 10 sur 12 possé-daient un diplôme d’études supérieures, compara-tivement à 6 sur 10 pour les Marocains. Ces diplômes avaient été obtenus en électronique et informatique (7 personnes), en génie (5), en admi -nistration, finance et comptabilité (3), en santé et biologie (3), en agriculture ou en agronomie (2) et en sciences humaines (2) (voir tableau A1 dans l’an-nexe A). Notons que ce sont des domaines qui étaient tous en repli au Québec au moment où ces personnes sont arrivées.

Si la majorité des immigrants avaient étudié dans leur pays d’origine, 5 avaient obtenu leur diplôme hors du Maghreb (2 en Belgique, 2 en France et 1 en Ukraine).

Au moment où nous les avons rencontrés, presque tous ces répondants (19 sur 22) avaient déposé une demande d’équivalence de diplômes ; 15 avaient alors obtenu une réponse à cette demande. Trois détenteurs d’une licence et 2 déten-teurs d’un diplôme d’études techniques, donc un tiers des demandeurs d’équivalence, avaient obtenu une reconnaissance exacte de leur diplôme. Les autres n’avaient obtenu qu’une équivalence à la baisse. Parmi ces derniers, 4 avaient obtenu une équivalence correspondant à un diplôme d’un niveau inférieur à celui qu’ils avaient acquis dans leur pays d’origine ; les 6 autres avaient obtenu la reconnaissance d’un degré de scolarité inférieur à celui qui est nécessaire pour obtenir un diplôme inférieur à celui qu’ils avaient acquis dans leur pays d’origine (par exemple, une scolarité de baccalauréat incomplète pour un détenteur d’un master).

Le Québec, comme les autres provinces cana -diennes, accorde un rôle important aux ordres profes-sionnels et aux organismes réglementant certains métiers, dont la mission est de valider les compétences de leurs membres et de surveiller leur pratique. Des 22 chercheurs d’emploi que nous avons rencontrés, au moins 15 détenaient une formation reliée à une pro-fession ou à un métier réglementés au Québec.

À l’exception de 1 personne, tous les Maghrébins interrogés possédaient au moment de leur immigra-tion une expérience de travail variant de 1 à 10 ans. Neuf d’entre eux avaient une expérience de 5 à 7 ans, 5 une expérience de 9 à 10 ans. Dans 17 cas, cette expérience de travail était en relation directe avec la formation technique ou universitaire acquise.

Le portrait des intervenants rencontrés

Des intervenants que nous avons rencontrés, 8 étaient de sexe féminin et 7 de sexe masculin. (Leur portrait com-plet est reproduit aux tableaux B1 à B4 à l’annexe B.)

La quasi-totalité d’entre eux (13 personnes) était née au Québec. Au moment de la rencontre, 6 inter-venants parmi les 15 possédaient une expérience de travail à l’étranger (dont les 2 nés hors du Québec).

Ces intervenants étaient hautement qualifiés, puisque 11 d’entre eux possédaient un diplôme uni-versitaire (4 détenaient une maîtrise, 7 un baccalau-réat). Des 4 autres, 1 avait un certificat et 3 détenaient un diplôme d’études secondaires. Les diplômes univer-sitaires avaient été obtenus en éducation (5 person-nes, dont 4 en orientation), en sciences sociales
(5 personnes ) et en administration (1 personne).

Du point de vue de l’expérience professionnelle, nous avons réparti ces intervenants en 5 groupes : une expérience de 1 à 4 ans (1 personne) ; une expérience de 5 à 9 ans (3 personnes) ; une expérience de 10 à 14 ans (1 personne) ; une expérience de 15 à 19 ans (3 personnes) ; et une expérience de 20 ans ou plus
(7 personnes). Ainsi, 67 p. 100 d’entre eux travaillaient avec une clientèle immigrante depuis plus de 15 ans, et 73 p. 100 depuis plus de 10 ans. C’étaient donc dans l’ensemble des gens expérimentés.

Les thèmes marquants des discours comparés des Maghrébins et des intervenants

Comme nous l’avons mentionné plus haut, les entrevues devaient nous permettre de recueil-lir les perceptions qu’ont les chercheurs d’em-ploi maghrébins et les intervenants qui travaillent avec cette clientèle des difficultés que pose l’intégra-tion au marché du travail québécois. Trois grands thèmes récurrents sont ressortis du discours comparé des deux catégories de répondants : le projet migra-toire, l’expérience de recherche d’emploi et les ser -vices d’aide à l’insertion en emploi.

Le projet migratoire

Tous les Maghrébins rencontrés nous ont dit qu’ils avaient émigré afin d’améliorer leurs conditions de vie et, plus particulièrement, leur situation professionnelle :

Pour avoir une meilleure situation de vie, un meilleur boulot, faire des études ici, puis avancer dans ma carrière. (Nouredine, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un diplôme technique en informatique, au Québec depuis 3 ¹? ans.)

Dans ce sens, le choix du Canada est relié à  l’image de ce pays qu’ils avaient : riche, industrialisé, multiculturel, et où il n’y a pas de discrimination —bref, un lieu où l’on peut réussir professionnellement et réaliser le « rêve américain » :

J’ai choisi le Canada à cause de cette multi-ethnicité. Le Canada est très connu pour rechercher des gens de tous les niveaux  d’éducation, de tous les niveaux sociaux. C’est un pays qui veut m’accueillir, et moi je veux bien essayer de voir si je peux m’inté-grer et réussir. Je pouvais m’installer à Paris et vivre à Paris, mais j’ai choisi le Canada. C’est l’Amérique. C’est un petit peu le rêve américain. C’est ce qui m’a motivé, à vrai dire. (Karim, Montréalais d’origine algéri-enne, détenteur d’une licence en médecine vétérinaire, au Québec depuis 9 mois.)

Le choix subséquent du Québec reflète pour sa part la volonté commune de réaliser ce « rêve américain » en français :

Comme au Québec, ça parle français, je suis arrivée à l’endroit où je peux m’adapter facilement. (Noor, Sherbrookoise d’origine algérienne, détentrice d’un master en génie civil, au Québec depuis 6 mois.)

Ce projet d’une réussite à l’américaine est bien com-pris par les intervenants. Toutefois, plusieurs expliquent la déception qu’ils perçoivent chez les Maghrébins quand ceux-ci réalisent que l’image qu’ils avaient du Québec et sur laquelle ils avaient basé leur projet migratoire est faussée. Selon les intervenants, cette image induirait chez les Maghrébins deux attentes : vivre uniquement en français, et améliorer rapidement leur sort au plan socioéconomique. Cette représentation du Québec entraînerait alors deux difficultés pour les nouveaux arrivants d’origine maghrébine : l’une est liée à leur méconnaissance de l’anglais (nécessaire pour intégrer le marché du travail), l’autre repose sur le refus d’envisager le projet migratoire comme un long proces-sus, puisqu’il s’inscrit dans un contexte sociodémo-graphique particulier lié à la nécessite de remplacer petit à petit la main-d’œuvre vieillissante :

On parle du français, mais l’anglais à Montréal, c’est une réalité. Alors, ce n’est pas évident pour des Maghrébins de parler anglais. Ils voient le Québec comme un îlot francophone. Ils ont l’impression qu’il y a des frontières tout le tour et que c’est un peu comme le rapport qu’ils ont avec la France. Alors, ils ont  l’impression qu’on vit ici en français et qu’on peut tout faire en français. Mais quand tu regardes la carte un peu… Ils n’ont pas cherché trop loin. […] Moi, j’essaie de leur expliquer que l’immigration, c’est un processus. Nous, on les a sélectionnés. Eux, ils ont compris qu’en arrivant, ou très peu de temps après leur arrivée, ils seraient capables de faire ce qu’ils voulaient faire. Mais il n’y a aucun pays au monde qui va atten-dre à la dernière minute pour sélectionner ses futurs travailleurs. Ils le comprennent sûrement, mais ils ne l’acceptent pas, ils sont obligés d’at-tendre que l’emploi passe à un moment donné. S’ils sont ici, c’est parce qu’un jour ils vont rem-placer quelqu’un qui n’est peut-être pas parti encore. C’est comme ça. Le temps, la notion de temps… « Vous m’avez sélectionné à l’étranger, je viens ici, tout m’est dû. » Non, il n’y a rien de dû, tu peux t’en retourner. Dans le fond, la société va continuer à fonctionner pareil. Et on n’a pas intérêt non plus à faire venir… [il s’arrête]. (Luc, intervenant à Montréal, détenteur d’un baccalau-réat en sciences sociales, 20 ans d’expérience.)

La recherche d’emploi

Le processus d’insertion en emploi apparaît pour les chercheurs d’emploi maghrébins interrogés comme un véritable parcours du combattant. De fait, 19 d’entre eux considèrent que leur expérience de recherche d’em-ploi depuis leur arrivée est assez décevante. En effet, si la majorité d’entre eux avait réussi au moment de l’en-tretien à décrocher au moins une entrevue auprès d’un employeur potentiel, la plupart n’avait pas dépassé le stade de la première sélection :

Vous savez, le pire, depuis mon arrivée à Montréal, j’ai décroché trois entrevues… Trois entrevues… (Noha, Montréalaise d’origine marocaine, détentrice d’un master en informa-tique, au Québec depuis 3 ans.)
Remarque, après 2 ans et demi [de recherche d’emploi], vous m’avez rencontré dans un Centre local d’emploi. Je suis en train de rechercher un emploi, toujours. (Medhi, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un master en finance et comptabilité, au Québec depuis 3 ans.)

De tous les Maghrébins interviewés, 13 n’avaient jamais occupé un emploi au Québec (9 parmi eux n’y résidant que depuis 1 an ou moins, et les 4 autres depuis 2, 3 ou 4 ans). Des 9 répondants restants,
1 avait obtenu, depuis son arrivée, un diplôme tech-nique dans un secteur autre que celui de sa formation initiale et occupait depuis peu un emploi lié à ce diplôme, 1 autre cumulait les petits emplois tempo-raires, 2 travaillaient sur appel dans un domaine non lié à leur formation, 5 n’avaient occupé qu’un seul emploi depuis leur arrivée (et seulement durant une période allant de 1 jour à 8 mois). Néanmoins, parmi ces derniers, 3 voyaient un lien entre leur formation et l’emploi occupé, alors que 2 avaient choisi de démissionner d’un emploi jugé incompatible avec leur formation. Enfin, tous ceux qui avaient travaillé avaient été payés au salaire minimum.

Parmi les difficultés éprouvées au cours de leur recherche d’emploi, les répondants nomment la diffi-culté à faire reconnaître leurs diplômes par les ordres professionnels ou les organismes réglementant certains métiers, qu’ils perçoivent comme des corporations qui les disqualifient de façon délibérée. Ils soulignent aussi que les employeurs ne reconnaissent pas leurs équiva-lences, puisqu’ils préfèrent nettement s’appuyer sur l’expérience de travail canadienne pour évaluer les compétences27. En ce qui concerne ces deux aspects, les répondants en viennent à penser qu’il existe une réelle contradiction entre les politiques de sélection, qui va -lorisent les diplômes, et la réalité du marché de l’em-ploi, qui remet ceux-ci en question :

Moi, je pensais venir au Canada et trouver un travail directement, sans équivalences, sans refaire les études. (Fatima, Montréalaise d’origine algérienne, détentrice d’une licence en kinésithérapie, au Québec depuis 3 ans.)

Ces procédures-là, quand je viens ici, c’est comme si tu devais refaire toute ta carrière. Tes compétences ne sont pas intéressantes ici. Chez ces gens-là, ces ordres-là, la seule chose qu’ils veulent dire, c’est : « Reviens en arrière, redeviens pas compétent. » (Amin, Montréalais d’origine marocaine, détenteur d’un diplôme technique en électronique, au Québec depuis 2 ¹? ans.)

Je dirais que l’équivalence, ça ne nous apporte rien. Absolument rien. Disons que, selon moi, il y a un double message. C’est-à-dire que les politiciens reconnaissent les diplômes, reconnaissent les efforts qu’on fait, la qualité des titres. Mais, d’un autre côté, les hommes d’affaires et le public de façon générale ne reconnaissent pas les diplômes, la compétence, la nature de la formation. Bien que j’aie l’équivalence, ils ne la reconnaissent pas. (Mohamed, Sherbrookois d’origine maro-caine, détenteur d’une licence en administra-tion des affaires, au Québec depuis 3 ¹? ans.)

Un autre élément difficile pour les Maghrébins interrogés est le fait que souvent, quand ils postulent, les employeurs ne leur donnent pas de réponse ; les chercheurs d’emploi éprouvent alors un sentiment d’impuissance parce qu’ils n’arrivent pas à « décoder » les critères d’embauche :

Parfois j’ai passé des entrevues. Comme ça, quand je suis sorti des entrevues, je me suis dit : « Ça, c’est sûr à 90 p. 100, j’aurai ce travail-là. » Mais après une semaine, deux semaines, un mois, je n’ai pas eu de réponse. À chaque fois, c’est la même chose. Ce n’est pas la compétence, ce ne sont pas les études, ce sont d’autres critères… (Amin, Montréalais d’origine maro-caine, détenteur d’un diplôme technique en électronique, au Québec depuis 2 ¹? ans.)

Ils soulignent également le manque de confiance en leurs compétences qu’ils perçoivent de la part des employeurs ; ce manque de confiance se traduisant par une série d’exigences qu’ils jugent peu appro-priées à leur situation d’immigrants récents (avoir une expérience de travail canadienne ou être bilingues, entre autres). Ces exigences sont alors vues comme autant d’obstacles mis délibérément en place par les employeurs de manière à justifier leur élimination du processus d’embauche :

Lorsqu’on dit qu’il faut être parfaitement bilingue, même si le poste est dans une zone parfaitement francophone, ils savent bien que je ne parle pas anglais. (Karim, Mont -réalais d’origine algérienne, détenteur d’une licence en médecine vétérinaire, au Québec depuis 9 mois.)
Je suis déçu de dire ça. Parce qu’aucun employeur ne m’a donné l’occasion de tra-vailler ici. Il y a trois prétextes majeurs – je dis bien prétextes : ou bien l’expérience cana-dienne, le bilinguisme ou bien un diplôme canadien. Si tu remplis les trois conditions, c’est rare, vraiment rare. Tu as un diplôme canadien, tu as de l’expérience canadienne, tu dois aussi parler l’anglais « fluently » ou bien mieux que ta langue maternelle. Donc je n’ai jamais eu un emploi dans ce pays-là. (Medhi, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un master en finance et comptabilité, au Québec depuis 3 ans.)

Les intervenants relèvent eux aussi une certaine inadéquation entre les critères de sélection des immi-grants en général — et des Maghrébins en particulier— et les besoins du marché du travail québécois. Ils constatent, entre autres, une sursco     larisation généralisée (maîtrise ou doctorat) des chercheurs d’emploi maghrébins, alors que les employeurs avec lesquels ils font affaire recherchent plutôt de bons techniciens, voire des ouvriers. En outre, quelques-uns dénoncent le mode de sélection à l’immigration basé sur la formation, qui, selon eux est une aberra-tion, puisque plusieurs diplômes décernés par cer-tains établissements d’enseignement à l’étranger, ou la formation reliée à l’obtention de ces diplômes, ne sont pas reconnus au Québec. Le principe même de ce mode de sélection viendrait donc renforcer chez les Maghrébins, selon ces intervenants, des attentes élevées en matière d’emploi :

Ce qu’on sélectionne, ce sont des gens plus scolarisés. Il n’y a personne qui n’a pas de baccalauréat. Ça, c’est sûr. Les Maghrébins, les Algériens plus que les Marocains, sont majoritairement assez scolarisés ; et, comme ces gens-là sont très scolarisés, la marche est de plus en plus haute. Ils ont des attentes à la mesure de leur scolarité. C’est aussi simple que ça. (Luc, intervenant à Montréal, déten-teur d’un baccalauréat en sciences sociales, 20 ans d’expérience.)

Les intervenants qui ont participé au processus de sélection de candidats à l’étranger affirment cepen-dant que rares sont les immigrants récents pour lesquels la présence des ordres professionnels et des organismes réglementant certains métiers est vrai-ment une surprise. Notamment parce que tous les candidats sélectionnés et dont la profession ou le métier est réglementé au Québec doivent signer un formulaire attestant qu’ils ont reçu de l’information relative à ces structures :

De plus en plus, les gens savent qu’il y a des ordres professionnels. Des fois, il y en a qui vont nous dire : « Mais pourquoi vous ne nous l’avez pas dit avant ? » On l’a dit à l’en-trevue de sélection ; ça, là-dessus, on a des preuves, on leur fait signer des papiers… Mais c’est sûr que, bon, il y en a peut-être qui ne l’ont vraiment pas compris. (Paul, intervenant à Montréal, détenteur d’un bac-calauréat en éducation préscolaire et pri-maire, 32 ans d’expérience.)

Par ailleurs, tous les répondants affirment l’importance de l’équivalence des diplômes, puisque le document qui confirme cette équivalence permet aux employeurs potentiels de s’assurer que le niveau de scolarité d’un can-didat correspond bien à leurs besoins. Par contre, les intervenants, à l’instar des Maghrébins, rapportent aussi le fait que les employeurs tiennent relativement peu compte des équivalences. Plusieurs intervenants expli -quent ce phénomène par le fait que, bien souvent, les immigrants doivent mettre leurs compétences à niveau, ne serait-ce que pour arrimer leur formation au contexte québécois. Or, les employeurs, s’appuyant sur une logique de rentabilité et d’efficacité, refuseraient d’engager un immigrant récent, puisque cela exigerait d’investir temps et argent, et ils privilégieraient le choix d’une personne déjà parfaitement adaptée à leurs besoins :

L’employeur aussi, souvent, c’est le modèle nord-américain, il n’a pas de temps à inves -tir. […] Il a peur de devoir investir plus dans l’immigrant, alors qu’un Québécois, ça va aller beaucoup plus vite. Il y a cette résis-tance-là. (Marc, intervenant à Sherbrooke, détenteur d’un certificat en administration, 29 ans d’expérience.)

Certains intervenants relèvent également le manque de concordance entre la volonté politique du Québec de protéger le français — en favorisant l’immigration de candidats francophones ou maîtrisant la langue française— et la réalité du marché de l’emploi québécois, où la connaissance de l’anglais est nécessaire. Plusieurs ques-tionnent donc la décision de sélectionner plus d’immi-grants dans certains bassins géographiques sous prétexte de protéger la langue française, puisque, disent-ils, cela réduit la diversité des caractéristiques d’une cohorte d’immigrants donnée et, par le fait même, accroît le nombre de personnes rencontrant les mêmes difficultés :

On les choisit pour le français, mais s’ils ne parlent pas anglais, ils ont de la difficulté à se trouver de l’emploi. Surtout pour des gens qui sont scolarisés. Un journalier d’entrepôt, même s’il ne parle pas anglais, ce n’est pas grave, il va se trouver quelque chose. Mais quand on arrive avec des gens qui cherchent des postes de direction et qui ne parlent pas un mot d’anglais… Donc, ils se retrouvent déconnectés de ce qu’ils cherchaient. Comme ils ne con-naissent pas un mot d’anglais généralement, c’est sûr qu’ils se font refuser partout. Donc, au niveau du bilinguisme du Québec…, même si la Délégation québécoise… Je ne sais pas si elle en parle… (Hélène, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études profession-nelles du secondaire, 30 ans d’expérience.)

C’est juste qu’il y a un problème de sélection dans le Maghreb. Il y a trop de Maghrébins qui veulent venir ici. (Marc, intervenant à Sherbrooke, détenteur d’un certificat en administration, 29 ans d’expérience.)

L’aide à l’insertion en emploi

En général, les Maghrébins que nous avons interrogés ont commencé leur recherche d’emploi dès leur arrivée au Québec, parfois même avant de s’y installer. Mais, après quelques jours ou quelques semaines, lorsque leurs démarches se sont avérées infructueuses, ils ont demandé de l’aide auprès d’un organisme de soutien en recherche d’emploi. Ils s’attendaient alors à ce que l’or-ganisme leur ouvre des portes, soit en les mettant en contact avec un réseau professionnel, soit en établis-sant pour eux des contacts avec des employeurs poten-tiels. Or, déplorent-ils, ce n’est pas le cas :

Je comptais surtout sur eux pour avoir un petit réseau [professionnel]. Je pensais qu’ils pou-vaient m’aider dans ce sens auprès de l’Ordre, auprès des confrères, qu’ils allaient peut-être me donner un coup de pouce, soit par l’orien-tation soit par d’autres mesures ; que ce soit pour un emploi provisoire, ou un truc comme ça. Mais rien n’a été fait dans ce sens. (Karim, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’une licence en médecine vétérinaire, au Québec depuis 9 mois.)

Pourquoi ne pas me faciliter la tâche pour avoir des stages et, après, avoir cette expéri-ence canadienne dont on nous parle sou -vent ? (Sofiane, Montréalais d’origine marocaine, détenteur d’un diplôme d’études approfondies [DEA]28 en sociologie, au Québec depuis 7 mois.)

Plusieurs Maghrébins regrettent ainsi qu’une approche très utilisée, l’intervention de groupe, ne contribue pas à la construction d’un réseau profes-sionnel utile, notamment, disent-ils, parce que les profils très différents des participants ne permettent pas une formation axée sur les besoins particuliers d’un métier ou d’une profession. Ils se plaignent aussi des offres d’emploi qu’on leur fait, parce qu’ils con-sidèrent que ces offres sont une négation de leur identité professionnelle et de leur projet d’améliorer leur situation économique par la migration :

Normalement, une fois qu’on est immigrant reçu, au niveau du CLE, il faudrait nous aider à trouver un emploi dans un secteur proche, connexe tout simplement. D’accord, je suis médecin vétérinaire, mais je peux travailler chez Jean Coutu ou dans telle ou telle phar-macie. Comme ça, la personne va au moins se sentir à l’aise dans sa tête. Ce n’est pas lui proposer de travailler comme journalier dans une boucherie ou de travailler dans une usine de viande en Alberta, ou un truc comme ça.(Karim, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’une licence en médecine vétéri-naire, au Québec depuis 9 mois.)

Toutefois, si les Maghrébins rencontrés sont cri-tiques face à l’aide qu’ils ont reçue, ils reconnaissent l’implication des intervenants et la volonté de ces derniers à les aider. Ce qu’ils déplorent, c’est le manque de concertation entre les divers organismes, ce qui les amène à disperser leurs énergies. Ils ont l’impression de gaspiller du temps dans des démar ches qui deviennent inutiles, puisqu’elles se répètent régulièrement d’un organisme à l’autre, alors qu’on ne répond pas, pensent-ils, à certains de leurs besoins :

Parfois, je vois qu’il y a beaucoup d’orga -nismes et un manque de concertation…Chaque organisme essaie de tirer profit [du gouvernement] pour sauvegarder ses acquis, pour sauvegarder les postes qu’il a.
(Mohamed, Sherbrookois d’origine maro-caine, détenteur d’une licence en administra-tion des affaires, au Québec depuis 3 ¹? ans.)

Les intervenants interrogés se disent conscients des critiques que font en général les immigrants quand ils commencent une formation à la préparation ou à l’inté-gration au marché du travail québécois ; mais, insistent-ils, les services d’aide offerts sont habituellement fort appréciés par la suite, lorsque les participants prennent conscience de leurs retombées positives potentielles, ne serait-ce qu’en termes de soutien moral :

Cette session-là, elle est précieuse pour eux autres. On ne soupçonne pas, des fois, com-ment les paroles qu’on va dire vont être portées pendant des années, et j’en ai des témoignages. Ils nous l’ont dit à la fin de la semaine : « Là, vous nous avez donné un élan. » Demain matin, ils vont aller à l’Ordre des ingénieurs, car ils ont entendu de la bouche d’un ingénieur égyptien qui a vécu le processus d’immigration et qui a réussi [que c’était possible]… (Paul, intervenant à Montréal, détenteur d’un bac-calauréat en éducation préscolaire et primaire, 32 ans d’expérience.)

Ça les sécurise davantage et ça fait baisser un peu la tension de se dire aussi que d’autres sphères de votre vie sont très importantes avant d’intégrer le marché de l’emploi. Moi, je pense que c’est bien accepté, oui. (Marie, inter-venante à Montréal, détentrice d’une maîtrise en sciences sociales, 16 ans d’expérience.)

Par ailleurs, les intervenants se disent sensibles à la frustration de leur clientèle maghrébine. Ils com-prennent que les nombreuses difficultés qui retardent l’insertion en emploi entraînent du découragement —surtout lorsque le retour au Maghreb est impossible :

Ils ne peuvent pas retourner, parce que c’est l’échec total. Tu es allé en Amérique où tout le monde peut réussir et tu n’as pas réussi ?Ils ne peuvent pas retourner. Ils vont rester, quitte à… De misère, ils vont rester. (Hélène, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études professionnelles du se -condaire, 30 ans d’expérience.)

Je sens vraiment leur colère quand ils sont super frustrés. Ils sont très affectés émotive-ment. Quand tu vois un homme pleurer, un Marocain, ça c’est rare, mais c’est parce qu’ils sont vraiment à bout. Ils ne savent plus quoi faire. Ils n’ont même plus d’argent pour retourner dans leur pays. (Sophie, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en éducation [orientation], 9 ans d’expérience.)

Des filtres d’interprétation qui créent des obstacles ?

La similarité des discours des chercheurs d’emploi maghrébins et des intervenants permettent d’établir trois zones de convergence dans l’inter-prétation que les uns et les autres font des difficultés qu’affrontent les Maghrébins ayant recours aux orga -nismes de soutien en emploi. L’une est liée au fait que les immigrants n’arrivent pas facilement à faire recon-naître leur valeur sur le plan professionnel : la scolarité et l’expérience de travail acquises à l’étranger sont faiblement reconnues au Québec, et faire partie d’un réseau social de gens de même origine n’aide pas à trouver un emploi. Une deuxième tient à des faiblesses dans des domaines très utiles sur le marché de l’emploi québécois : méconnaissance de l’anglais, manque d’ex-périence de travail canadienne, absence d’un réseau professionnel, peu de compétences en recherche d’em-ploi, et ignorance du fonctionnement du marché du tra-vail local, qui limitent à court terme la possibilité de trouver un emploi. En plus, ils ne peuvent répondre rapidement aux conditions des ordres professionnels et d’organismes réglementant certains métiers. La troi -sième tient au fait que les employeurs font preuve de discrimination :

Je ne sais pas… Est-ce que c’est à cause de mon nom ? (Jamel, Montréalais d’origine marocaine, détenteur d’un diplôme technique en électronique industrielle, au Québec depuis 3 mois.)
On leur demande fréquemment en entrevue, par exemple : « Que pensez-vous du terro -risme ? Que pensez-vous de Ben Laden ? Que pensez-vous du 11 septembre ? » (Germain, intervenant à Sherbrooke, détenteur d’une maîtrise en éducation [orientation], 3 ans d’expérience au Québec.)

Et, même en usine, j’ai beaucoup de difficulté à les placer depuis le 11 septembre. Je vais contacter des entreprises. Les gens vont me dire : « Envoie-moi n’importe quelle culture, mais pas des Arabes. » Je pense qu’ils croient qu’ils sont tous terroristes. Il y a vraiment un très grand préjugé contre ces person-nes. Les gens n’ont pas confiance. (Sophie, inter-venante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en éducation [orientation], 9 ans d’expérience.)

Cependant, face à ces difficultés admises par tous, chacun en vient à analyser la situation selon des filtres d’interprétation qui lui sont propres. Le discours des chercheurs d’emploi maghrébins montre très clairement que les attentes qui sont liées à leur décision d’immigrer au Québec conditionnent les perceptions des démarches à faire et des difficultés éprouvées en matière de recherche d’emploi. Dans le cas des intervenants, on remarque que ce filtre est basé sur un paradigme d’in-tervention, le fonctionna lisme humaniste, qui repose sur l’idée que les clients ont la capacité de se guider eux-mêmes et d’agir de façon autonome. Considérant les difficultés des Maghrébins et leurs attentes face à l’aide dont ils ont besoin, les intervenants viennent alors à percevoir cette clientèle comme étant limitée par des « carences » en termes de capital humain.

Le filtre d’interprétation chez les Maghrébins : les attentes face à l’immigration

Les Maghrébins que nous avons interrogés ont décidé de quitter leur pays afin d’améliorer leur sort au plan économique. Ils ont choisi de venir s’installer au Québec pour réaliser le « rêve américain » en français. Ils ont été acceptés comme résidents permanents sur la base, entre autres, de leur formation et de leur expérience profes -sionnelles, et ils sont arrivés, dans les deux tiers des cas (15 personnes sur 22), persuadés qu’ils auraient facilement et rapidement accès à un emploi. Devant des difficultés inattendues ou plus importantes que prévues, et qui les placent dans une position de grande vul -nérabilité, plusieurs (et surtout ceux qui sont ici depuis moins de un an), frustrés et déçus, affirment que la réalité qu’ils vivent est très différente de celle qu’on leur avait présentée au départ ; ils croient alors que les agents d’immigration les ont délibérément induits en erreur en leur donnant des informations fausses ou incomplètes29 :

L’agent m’a dit : « Tu trouveras du travail. En informatique, il y a du travail. Toi, dès que tu arriveras, surtout si tu connais les logiciels, c’est sûr que tu as du travail. » Je pensais que j’arriverais et qu’après deux ou trois semaines, je commencerais à travailler. Mais mal-heureusement, ce n’est pas ce qui est arrivé.
(Anouar, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un master en génie informatique, au Québec depuis 6 mois.)

Ce qui m’a attiré au Canada, c’était la publicité des intermédiaires ; mais je ne savais pas qu’elle était un peu fausse. Ils disent : « Tu n’auras pas de problèmes à trouver un emploi. Tu as des qualifications qui peuvent t’ouvrir les portes au Canada. Tu parles français, tu es francophone, tu peux facilement t’intégrer dans la société québécoise. » Moi, pendant ce temps-là, je ne vais pas prendre un avion pour vérifier et revenir. (Amin, Montréalais d’origine marocaine, détenteur d’un diplôme technique en électronique, au Québec depuis 2 ¹? ans.)

Comme on a retenu leur candidature à l’immigration sur la base de leurs qualifications professionnelles, les chercheurs d’emploi maghrébins rencontrés trouvent paradoxal qu’une fois qu’ils sont installés ici, leurs diplômes ne sont pas reconnus intégralement par le MICC, les ordres professionnels ou les organismes régle-mentant certains métiers. Par conséquent, plusieurs interprètent les difficultés à faire reconnaître leurs acquis comme le résultat d’une politique appliquée par le gouvernement. Certains vont jusqu’à penser que celle-ci vise carrément à les déqualifier en discréditant leur formation, ce qui montre bien leur frustration devant cette situation. Sans compter que, selon les chercheurs d’emploi, cette politique contredit le principe même de la sélection, effectuée pour leur donner accès à un emploi relié à leurs compétences :

J’ai demandé mes équivalences, mais, là aussi, il y avait bien des problèmes. Tout le temps, tu négocies. C’est comme quand tu veux vendre quelque chose. Tout le temps, l’agent essaie de minimiser les choses. Par exemple, moi, il ne m’a même pas donné ma valeur. Malgré tout, j’ai accepté pour tra-vailler. Moi, j’ai étudié cinq ans comme tech-nicien. Un diplôme de deux ans et un diplôme de trois ans. Je n’ai jamais imaginé que, pour cinq ans, Emploi-Québec me don-nerait 1 000 heures d’expérience. [Mais] Pour un diplôme ici, au Québec, une année [d’études] vaut 1 100 heures. C’est quoi, ça ?Il n’y a pas d’études dans notre pays ? Quand j’ai eu mes équivalences, j’ai pensé que j’avais ouvert la première porte. Mais, quand tu ouvres la première porte, tu trouves d’autres portes qui sont fermées. Si j’ai encore 8 000 heures de cours, je peux passer l’examen et avoir une carte qui ouvre les portes de l’emploi. Mais moi, j’ai déjà cinq ans d’études plus dix ans de travail. (Amin, Montréalais d’origine marocaine, détenteur d’un diplôme technique en électronique, au Québec depuis 2 ¹? ans.)

En outre, la résistance à les embaucher qu’ils perçoivent chez les employeurs amène ces immi-grants, surtout s’ils sont nouvellement arrivés, non pas à analyser de possibles lacunes qui les empêchent de trouver un emploi, mais plutôt à questionner le processus de sélection à l’immigration, et à en déduire qu’il n’est pas arrimé aux besoins du marché de l’emploi québécois :

Dans le domaine de la technologie, il y a du travail. Ici, tout le monde court pour faire la formation en infirmerie, et les technologues immigrants sont au chômage. Il y a un petit peu un décalage. (Anouar, Montréalais d’ori -gine algérienne, détenteur d’un master en génie informatique, au Québec depuis 6 mois.)
Moi, j’ai cru à l’époque que ces critères avaient été établis sur la base de besoins réels pour le terrain québécois. Or, en arrivant ici, je vois qu’il n’y a aucune concordance. Il ne faut pas faire venir ici la crème des entre -prises, des cadres compétents, et puis tu les envoies travailler dans des entrepôts, mettre une palette sur une autre palette. Non.
(Medhi, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un master en finance et compta -bilité, au Québec depuis 3 ans.)

La majorité des Maghrébins rencontrés expliquent alors que leurs difficultés sont dues au fait que la population québécoise en général ne comprend pas les bienfaits que l’immigration apporte au Québec aux plans social et économique :

J’étais dans un bar, parce que j’aime bien boire un petit coup. Donc, j’étais dans un bar pour prendre une bière. J’étais au comptoir, comme ça. Il y avait un Noir, qui est venu me parler. Il m’a dit : « Tu es un Africain, je suis un Africain, donc on peut discuter. » Bon, je n’ai pas pu discuter avec les gens [d’ici], mais j’aurais aimé quand même les connaître. Les gens ne savent pas pourquoi nous sommes venus ici. Nous ne sommes pas des immi-grants qui avons fui la guerre ou quelque chose comme ça ; nous sommes des immi-grants indépendants. Il y a des conditions, il y a une sélection très sévère, très rigoureuse pour nous admettre ici, mais, d’un autre côté, les entrepreneurs ne sont pas ouverts. (Mohamed, Sherbrookois d’origine marocaine, détenteur d’une licence en administration des affaires, au Québec depuis 3 ¹? ans.)

Ici, je n’ai pas beaucoup de chances. Parce que, ici, je crois, selon mes convictions per-sonnelles, que c’est une société un petit peu fermée. Sincèrement, vous êtes très très fer-més. (Karim, Montréalais d’origine algéri-enne, détenteur d’une licence en médecine vétérinaire, au Québec depuis 9 mois.)

Enfin, les Maghrébins interrogés critiquent également la forme d’aide à la recherche d’emploi qu’on leur offre.
Premièrement, s’appuyant sur la façon dont ils ont été sélectionnés à l’étranger et sur le fait que, en tant qu’im-migrants récents, ils ne connaissent pas bien le marché du travail québécois, ils s’attendaient à ce que les orga -nismes de soutien en recherche d’emploi leur trouvent un travail correspondant à leurs compétences ou, du moins, qu’on leur indique les emplois disponibles. Or, on leur demande plutôt d’être proac tifs, de faire eux-mêmes les démarches et d’adopter un comportement en recherche d’emploi auquel ils n’adhèrent pas :

On est livrés à nous-mêmes. Cherche-toi un travail, cherche toi-même… Je m’attendais à ce qu’on m’aide personnellement, qu’on m’offre des mesures d’accompagnement pour me faciliter la chose, pour faciliter la recherche d’emploi. On me demande de faire du porte-à-porte [pour trouver un emploi], mais je ne peux pas faire du porte-à-porte, moi ! (Karim, Montréalais d’origine algéri-enne, détenteur d’une licence en médecine vétérinaire, au Québec depuis 9 mois.)

Deuxièmement, ils n’acceptent pas que les inter-venants leur présentent l’insertion en emploi comme un processus à long terme. Patience et persévérance sont deux notions clés pour les intervenants, alors que leur projet à eux repose sur la notion d’urgence :

Moi, je suis jaloux. Je voudrais bien vivre comme ça, être avec ma femme dans une belle maison, le luxe et tout ça. Bien travailler et…Ça, c’est notre but. Mais je ne sais pas quand est-ce qu’on va arriver à ça. Est-ce que c’est dans une année ou bien dans 10 ans ? Si c’est dans 10 ans, c’est un petit peu trop, parce qu’on aura 50 ans. J’ai un ami qui est de notre région, qui a travaillé dans la santé, justement. Maintenant, il habite dans une très belle maison avec sa femme et tout. Il m’a dit : « Il te faut 10 ans pour être comme ça. » Normalement, non ; normalement, ce n’est pas ça. Normalement, on vient, on s’installe, une année après, on peut se permettre ça. Pourquoi lui, il s’est permis ça ? Tout le monde se permet ça. Pourquoi pas nous ? (Abdelaziz, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un diplôme technique en agronomie, au Québec depuis 1 mois.)

Troisièmement, les Maghrébins rencontrés rejet-tent ce que les intervenants appellent la « nécessaire déqualification professionnelle » qu’implique toute migration. Pour les Maghrébins, ce n’est qu’une façon de légitimer le fait qu’on leur propose des emplois qui ne correspondent pas à leur formation. Ils insistent pour leur part sur leur identité profes-sionnelle et sur leur volonté de faire progresser leur carrière (qui était à la base de leur décision d’immi-grer ici). Ils sont donc prêts à accepter un emploi de niveau inférieur seulement si c’est dans leur champ de compétences (un emploi de technicien en atten-dant d’obtenir le titre d’ingénieur, par exemple). L’écart qu’ils voient entre l’objectif que poursuivent des organismes de soutien en recherche d’emploi et leurs propres attentes (insertion professionnelle) en amène donc plusieurs à penser que ces organismes confortent la discrimination qu’ils vivent sur le marché de l’emploi, ou encore qu’ils sont impuis-sants à réagir à cette discrimination (à cause d’un manque de ressources, de l’absence d’arrimage entre les divers organismes, ou de la discordance de l’aide offerte et de leurs besoins) :

C’est ça vraiment qui [m’a déçue]… C’est un mélange de tout… Ils ne prennent pas en con-sidération que vous appartenez à une caté-gorie de travail. Non. C’est tout le monde, c’est tous les immigrants qui viennent là, et, quand la formation commence, c’est tout le monde qui peut s’inscrire et commencer. Donc, on y trouve des secrétaires, des jour-naliers qui n’ont aucun diplôme. C’est-à-dire qu’ils ont un secondaire 2, un secondaire 4, comme on dit ici. D’autres ont un diplôme supérieur, ils ont fait l’université. Il y a des économistes, il y a des agronomes. C’est un amalgame. Moi, j’ai pensé qu’ils allaient faire cette sortie [la visite d’employeurs] pour, par exemple, me montrer les endroits exacts [où postuler] et que par la suite je pourrais les appeler et frapper à la porte si c’est possible. Et, pour les chimistes, faire la visite des endroits où on trouve des laboratoires ou des entreprises qui travaillent en chimie, quelque chose [comme ça]. On a visité Domtar, l’usine de papier. Ils nous ont montré les machines, les procédures… Mais je me suis rendu compte que cette visite ne m’a rien rapporté. Une compagnie de papier et le travail d’aménagement… Il n’y a rien d’aménagement ! (Noor, Sherbrookoise d’o-rigine algérienne, détentrice d’un master en génie civil, au Québec depuis 6 mois.)

J’ai trouvé que c’était un peu une formation sur le tas, que ça ne prenait pas en considéra-tion les besoins de chacun et le profil de cha-cun. J’ai trouvé ça déplorable. On ne peut pas mélanger un technicien à un ingénieur, à un docteur dans une même formation pour recherche d’emploi. Si j’ai un doctorat, je veux exercer dans mon domaine. Si j’ai un diplôme de technicien, je veux travailler dans mon domaine. C’est ça, l’idée. Mais toutes ces formations-là pour trouver une job d’ouvrier payé au salaire minimum et croire que le monde va être satisfait, va être stable… Moi, je m’excuse, je ne trouve pas que c’est fort.
(Rachad, Sherbrookois d’origine marocaine, détenteur d’un diplôme technique en agricul-ture, au Québec depuis 3 ¹? ans.)

Si les Maghrébins insistent sur leur volonté de rester dans leur domaine et d’y trouver un jour un emploi, leur cheminement semble suivre une spirale qui les éloigne peu à peu de leurs objectifs. Comme ils  n’arrivent pas à trouver un emploi correspondant à leurs compétences, et qu’ils persistent à vouloir attein-dre cet objectif, plusieurs en viennent à considé rer leur migration comme un processus négatif :

On peut reculer et avancer ensuite. Mais moi, je recule tout le temps. (Amin, Montréalais d’orig-ine marocaine, détenteur d’un diplôme technique en électronique, au Québec depuis 2 ¹? ans.)

Ces derniers vivent donc la migration comme une fracture entre le temps « d’avant », idéalisé, et le temps « d’après », marqué par la frustration et la déception :

Moi, en Algérie, j’étais cadre financier, et puis j’ai eu le poste aussi, avant de venir ici, en quittant l’Algérie, j’ai eu le titre de chef de département régional à la Banque nationale d’Algérie. J’étais le plus jeune cadre supérieur de la Banque nationale nommé par le prési-dent-directeur général. J’avais un très bon poste, franchement. Je percevais un bon salaire, un très bon salaire, même. Et ici, bon…(Medhi, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un master en finance et comptabi -lité, au Québec depuis 3 ans.)

Plusieurs affirment ainsi que, tout bien considéré, s’ils avaient pu prévoir les difficultés qui les attendaient, ils ne seraient jamais venus s’installer au Québec :

Quelqu’un qui a une carrière, qui a un cabinet, des années d’expérience, qui vient au Québec et qui trouve qu’il y a les ordres [profession-nels] sur lesquels on n’a pas tellement insisté avant la migration, qu’il y a des restrictions…Tout ça, ça joue. Il y a beaucoup de person-nes qui auraient changé d’avis. (Sélim, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un doctorat en génie chimique, au Québec depuis 4 ¹? ans.)

Pour beaucoup de Maghrébins, l’échec de l’immigra-tion ne peut s’expliquer que par le fait que les gou-vernements canadien et québécois les ont « abandonnés ». Selon eux, étant donné le type de pro-motion que ces gouvernements font à l’étranger et parce qu’ils établissent des critères de sélection restrictifs, le Canada et le Québec accordent implicitement aux immi-grants sélectionnés un droit au travail. Or, affirment les Maghrébins, ces mêmes gouvernements ne sensibilisent pas assez les employeurs ni les ordres professionnels ou les organismes réglementant certains métiers aux avan-tages de l’immigration. De ce fait, soutiennent-ils, les gouvernements se déchargent de leur engagement envers les immigrants, de leur responsabilité à veiller à ce qu’ils trouvent un emploi corres pondant à leurs com-pétences. Pour leur part, les Maghrébins qui sont arrivés depuis au moins deux ans ont plutôt tendance à lier leurs difficultés à la discrimination dont ils se disent vic-times de la part des employeurs. Ils considèrent alors que les gouvernements canadien et québécois n’agissent pas assez efficacement pour les protéger des pratiques discriminatoires. Ils pensent donc, eux aussi, que ces gouvernements renient leur responsabilité.

Ce sentiment d’abandon, que partagent pratique-ment la totalité des répondants, conduit plusieurs à croire que si leur intégration en emploi repose unique-ment sur leurs efforts personnels et pas aussi sur une politique sociale forte, certains domaines resteront fer-més aux immigrants malgré tous leurs efforts pour s’adapter. Ils s’interrogent donc sur la place que la société québécoise est prête à leur accorder :

Il n’y a pas eu suffisamment de réflexion de la part du gouvernement pour essayer de trouver des solutions. Car ce n’est pas possi-ble, les ordres [professionnels] ne protègent pas leurs professions, ils se protègent eux-mêmes. Or, c’est la fonction du gouverne-ment de protéger les personnes, d’éviter que ce qui a un objectif noble ne soit utilisé dans un but malsain. Ça nuit au Canada et ça démoralise les immigrants. (Sélim, Montréalais d’origine algérienne, détenteur d’un doctorat en génie chimique, au Québec depuis 4 ¹? ans.)

Je sais ce qui les intéresse, c’est notre progéni-ture. (Nouredine, Montréalais d’origine algéri-enne, détenteur d’un diplôme technique en informatique, au Québec depuis 3 ¹? ans.)

Même s’il y a un travail, on te met tous les bâtons dans les roues pour que tu ne passes pas. Même s’il y a un travail, ce n’est pas pour nous. L’obtention de ce diplôme, est-ce que ça va résoudre le problème ? Ou bien le problème de tête arabe, tête noire, ça sera toujours présent ? (Medhi, Montréalais d’origine algéri-enne, détenteur d’un master en finance et comptabilité, au Québec depuis 3 ans.)

Les filtres d’interprétation chez les intervenants

Les trajectoires personnelles et universitaires des intervenants semblent influencer leur lecture de la situation des immigrants, de même que les moda -lités d’intervention qu’ils privilégient. On remarque ainsi que les personnes formées en relation d’aide accordent une grande importance au fait de soutenir les chercheurs d’emploi au cours de leurs démarches, et qu’elles leur apportent ce soutien en se basant sur une approche écosystémique, c’est-à-dire qui prend en compte les divers aspects de leur vie (familiale, professionnelle, sociale). Les inter-venants qui ont une formation en orientation se perçoivent plutôt comme des médiateurs entre le marché de l’emploi et les chercheurs d’emploi (à informer) ou les employeurs (à sensibiliser). Enfin, ceux qui ont une formation en administration publique se voient comme des agents de l’État chargés de « gérer » des programmes et d’appliquer des mesures.

Par ailleurs, on constate également que les inter-venants qui ont eux-mêmes immigré au Québec insis-tent sur l’importance d’accompagner les personnes immigrantes dans leurs démarches, et qu’ils sont aussi particulièrement sensibles à la discrimination que ces dernières peuvent subir. Pour leur part, ceux qui ont déjà vécu à l’étranger, habituellement dans le cadre de leur travail, cherchent à soutenir moralement leurs clients tout en faisant simultanément un travail de sensibilisation auprès des employeurs. Enfin, les inter-venants sans aucune expérience de vie à l’étranger désirent pour leur part outiller les chercheurs d’emploi immigrants en les éduquant.

Toutefois, malgré ces parcours différents et ces diverses perceptions de leur travail, on note plusieurs similitudes. D’une part, les intervenants se reconnais-sent un mandat commun, celui d’aider les immigrants à intégrer le marché du travail. D’autre part, bien que la couleur que prend ce mandat dépende de leur employeur respectif (MICC, Emploi-Québec, organismes parapublics ou communautaires), il semble bien que l’explication des difficultés vécues par les Maghrébins, de même que les stratégies et les approches que les intervenants favorisent pour les soutenir soient sem-blables d’un milieu à un autre. En effet, pratiquement tous les intervenants rencontrés perçoivent les Maghrébins comme des personnes attentistes, qui éprouvent de la difficulté à interagir avec les autres (notamment avec leurs supérieurs quand ce sont des femmes) et qui ont des exigences élevées face à leur intégration au marché de emploi. En outre, pratique-ment tous les intervenants privilégient une interven-tion visant à développer une démarche proactive et autonome dans la recherche d’emploi.

Le paradigme sur lequel s’appuie le programme d’insertion en emploi

Il importe ici d’insister sur le fait que les intervenants que nous avons rencontrés sont des gens compétents, qui, pour la plupart, ont une grande expérience de travail auprès des immigrants. Ils connaissent très bien la réalité du marché de l’emploi québécois. Tous souhaitent sincèrement soutenir leur clientèle dans ses démarches d’insertion en emploi. Néanmoins, on remarque aussi qu’en dépit de cette réelle empathie, les explications que plusieurs des intervenants four-nissent, devant les difficultés éprouvées par les chercheurs d’emploi maghrébins, reposent sur la per-ception que ces difficultés sont liées aux individus. Par ailleurs, ce point de vue n’est pas le résultat du hasard, puisque le travail d’insertion en emploi auprès des immigrants est fondé sur le fonctionna -lisme humaniste, qui accorde une grande importance à la responsabilisation et à l’autonomie des clients. Il s’agit aussi du paradigme sur lequel se fonde la plani-fication des services d’aide à l’emploi offerts par Emploi-Québec. En effet, l’emploi étant considéré comme un vecteur essentiel d’intégration sociale, Emploi-Québec propose des services visant à permet-tre aux chercheurs d’emploi d’être rapidement fonc-tionnels sur le marché de l’emploi et autonomes dans leurs démarches de recherche d’emploi.

Ainsi, les intervenants que nous avons rencontrés analysent le succès ou l’échec de l’insertion en emploi des immigrants en général — et des Maghrébins en particulier — en fonction de la capacité individuelle des chercheurs d’emploi à approcher le marché de l’emploi et à mettre en valeur leurs compétences :

L’autre chose, c’est qu’on peut faire de la recherche d’emploi de toutes sortes de manières. Est-ce qu’elle est faite systématique-ment avec quelque chose où on a des chances ?Parce que moi, je pose aussi la question : « Sur tous les envois [de curriculum vitae] que vous avez faits, est-ce que vous avez obtenu des entre-vues ? » Si la réponse est non au bout de six mois, il y a des questions à se poser. Est-ce que c’est un manque de formation ou un manque de formation d’appoint ? Est-ce que c’est le CV qui est mal fait ? Des fois, c’est l’outil pour se faire connaître qui fait que ça donne l’effet contraire de ce qu’on voudrait. (Pierre, intervenant à Montréal, détenteur d’un baccalauréat en sciences sociales, 15 ans d’expérience.)

Mais moi, je pense que ce groupe-là a souvent une attitude plus revendicatrice au niveau de l’intégration. Bon, eux, ils ont tant de prières à faire par jour, il faut qu’ils déroulent leur tapis. Ils ont le ramadan, ils ont toutes sortes d’af-faires… Donc, les gens ont tendance à porter haut leurs revendications et à bien mettre en évidence leurs différences. Et ça, ce n’est peut-être pas bon pour l’intégration. J’ai une cliente que j’ai adorée ; c’est une femme d’Algérie. Elle est venue de Montréal, en prospection dans la région. Elle a dit : « Je veux faire des démar -ches une heure ou deux avec toi. J’ai confiance que ça va aboutir. » Elle a réussi à obtenir des rendez-vous ; trois ou quatre rendez-vous. Il y a deux employeurs qui l’ont rappelée là-dessus. Ils l’ont embauchée. Donc, tu vois ? C’est l’atti-tude. Elle n’est pas voilée, elle n’est pas toute pognée… C’est parce qu’elle ressemble plus à des gens d’ici. (Élise, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en sciences sociales, 18 ans d’expérience.)

Le fait que les Maghrébins connaissent souvent mal l’objectif des services d’aide à l’emploi est aussi une source de réelle frustration pour les intervenants. Persuadés que le rôle de ces derniers est de leur trouver un emploi, les chercheurs d’emploi maghrébins, selon les intervenants, ne comprennent pas le travail de recherche d’emploi qui leur est proposé (apprendre à faire un curriculum vitae, à contacter des employeurs, à passer une entrevue). De plus, selon les intervenants, les Maghrébins admettent avec difficulté le démarchage qu’on leur demande de faire. Les intervenants, qui favorisent l’autonomie et la responsabilisation individuelle, accepteraient mal d’être associés à des agents de placement. C’est pourquoi l’attente qu’expriment les Maghrébins face à un accompagnement individualisé est comprise par la majorité des intervenants comme une demande de prise en charge :

Il y a des attentes ; des attentes qui sont vraiment culturelles. Quand ils arrivent ici, ils prennent pour acquis… : « Vous m’avez accueilli. Vous m’avez dit qu’il y avait de bonnes possibilités, [donc] trouvez-moi un emploi. » Il y a toute une dynamique d’attente et de dépendance. On part de loin. Mais notre approche d’intervention est tout à fait différente. Nous, on veut développer l’autonomie du client parce qu’on pense que c’est gagnant. (Lysanne, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études professionnelles du secondaire, 31 ans d’expérience.)

Il y a des attentes ; des attentes qui sont vraiment culturelles. Quand ils arrivent ici, ils prennent pour acquis… : « Vous m’avez accueilli. Vous m’avez dit qu’il y avait de bonnes possibilités, [donc] trouvez-moi un emploi. » Il y a toute une dynamique d’attente et de dépendance. On part de loin. Mais notre approche d’intervention est tout à fait différente. Nous, on veut développer l’autonomie du client parce qu’on pense que c’est gagnant. (Lysanne, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études professionnelles du secondaire, 31 ans d’expérience.)

Les différentes approches d’intervention

Bien que les notions de responsabilisation et d’autonomie soient au cœur de l’intervention, il existe tout de même des différences d’interprétation chez les intervenants, et celles-ci ont un impact sur l’approche qu’ils utilisent.

La majorité de ceux qui travaillent pour le MICC ou un CLE adhèrent à une approche axée sur le développement de l’autonomie. Comme ils perçoivent chez les Maghrébins un manque sur ce plan, ils se donnent comme mandat d’élaborer un projet éducatif, qui, concrètement, se traduit par le fait de guider les chercheurs d’emploi dans leurs différentes démarches, en les conseillant, par exemple, sur les pistes à privilégier et les façons d’établir des contacts :

Donc, ce que moi j’essaie de faire comprendre à cette personne-là, c’est que c’est vrai que l’employeur doit le faire [doit s’ouvrir], que l’État est là pour pousser un petit peu sur cette ouverture-là, mais que veut, veut pas, le gros de la job, c’est lui qui l’a. Il va être obligé de faire beaucoup plus d’efforts que l’employeur pour aller le rencontrer. Ça veut dire qu’il va devoir développer son autonomie et, dans certains cas, ce n’est pas développer, mais c’est découvrir ce que c’est l’autonomie. Alors, des fois, il faut que je leur dise : « Je le ferai pas à ta place. Je t’ai donné les outils, c’est à toi à faire le reste. » (Luc, intervenant à Montréal, détenteur d’un baccalauréat en sciences sociales, 20 ans d’expérience.)

D’autres intervenants — essentiellement ceux qui travaillent dans des organismes communautaires — favorisent une intervention qui repose sur la capacité d’action des immigrants, sur leurs forces et leurs ressources, et l’avenir professionnel de ces derniers est au cœur de leur travail. Ils favorisent ainsi, disent-ils, une relation égalitaire avec les immigrants. Ils leur offrent un accompagnement individualisé, en fonction du projet professionnel de chacun, afin de trouver le meilleur emploi possible. Ils cherchent à les aider à briser les barrières de la discrimination, et à leur permettre d’utiliser les forces qu’ils ont développées au cours du processus d’immigration (débrouillardise et motivation) comme leviers dans leur intégration au marché du travail. Néanmoins, cette approche reste rare, et elle est contestée par d’autres intervenants :

Mais il y a la manière de travailler qui n’est pas la même. Ça, ça a posé beaucoup de problèmes au fil des années. Ça a été très dur. Moi, je suis très isolée ici, pour être bien honnête. Il y a une personne qui travaillait ici et qui a dit : « Nous, on leur apprend à pêcher, et elle leur pêche le poisson. » Moi,

j’ai des clients très autonomes, ils ne sont pas tous à ma remorque… Les gens, quand ils sentent que tu travailles avec eux, pour eux, même si c’est dur, ils s’accrochent. C’est quand ils se sentent tout seuls qu’ils décrochent. (Élise, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en sciences sociales, 18 ans d’expérience.)

Les différences dans les objectifs

À cette première différence importante dans l’intervention s’en ajoute une deuxième qui oppose deux objectifs : l’insertion en emploi et l’insertion professionnelle.

De fait, la moitié des intervenants qui travaillent dans un CLE ou dans un CJE que nous avons interviewés (3 sur 6) disent fonder leur intervention sur la situation des Québécois, qui eux aussi éprouvent des difficultés à s’intégrer au marché de l’emploi, surtout lorsqu’ils sont jeunes et sans expérience de travail.

Ces exemples, expliquent-ils, leur permettent d’insister sur la réalité commune à tous les chercheurs d’emploi, celle de devoir commencer au bas de l’échelle, grâce à de petits emplois précaires, mal rémunérés, qui ne nécessitent que peu de formation et aucune compétence particulière, mais qui permettent d’acquérir de l’expérience canadienne, essentielle pour accéder à des emplois mieux rémunérés.

Mais les Québécois, c’est la même chose ! Les jeunes, ils font le guichet emploi, ils regardent dans le journal et ils reviennent bredouilles. (Caroline, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’une maîtrise en éducation [orientation], 5 ans d’expérience.)

Moi je leur dis toujours : « Ce n’est pas parce que tu acceptes un emploi qui est en deçà de tes qualifications que tu seras toujours dans cet emploi. Il faut plutôt voir ça comme une période de transition et d’apprentissage pour le milieu du travail québécois. Après, tu vas avoir de l’expérience ici et ça sera plus facile de te trouver un travail dans ton domaine, parce que les employeurs auront plus confiance pour t’embaucher si tu as fait tes preuves. » (Julie, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en éducation [orientation], 12 ans d’expérience.)

Les autres intervenants interviewés qui travaillent dans un organisme communautaire (3 sur 6) favorisent pour leur part une insertion sur le marché de l’emploi qui respecte, dans la mesure du possible, le champ de compétences professionnelles des chercheurs d’emploi, une insertion, donc, qui ne devrait pas entraîner, du moins à long terme, une déqualification importante. Ce respect du projet professionnel des nouveaux arrivants est justifié, affirment-ils, parce que la déqualification professionnelle

a un effet sur la santé mentale (risques de dépression ou de perte d’estime de soi) ; de plus, ces intervenants sont convaincus que l’intégration des immigrants au marché de l’emploi (donc la reconnaissance de leur apport social et économique) profite à la société en général. Néanmoins, ces intervenants reconnaissent aussi que parfois, pour certains clients, favoriser l’insertion en emploi au détriment de l’insertion professionnelle est une question de survie :

Si on accepte cinq postes différents pour lesquels [on n’est pas qualifiés]… bref, n’importe quoi, on s’éloigne encore de notre compétence parce qu’on a une longue absence du marché du travail dans le domaine pour lequel on est qualifiés. Souvent, ça, ça arrive. (Lysanne, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études professionnelles du secondaire, 31 ans d’expérience.)

Si on parle de quelqu’un qui a fait des études, s’il veut accepter un métier sousqualifié, ça peut prendre encore moins de temps que s’il cherche dans son domaine. Parce que le plus difficile quand les immigrants viennent, ce n’est pas de trouver un emploi, c’est de trouver un bon emploi selon leurs compétences et, surtout, de le garder. Mais, malheureusement, selon la situation familiale, parce qu’on a de jeunes enfants, il faut avoir de l’argent rapidement. Donc ils prennent le premier emploi qui vient pour résoudre les problèmes financiers. Mais au bout de trois semaines, un mois, on se rend compte que finalement, ce n’était pas le meilleur choix. (Germain, intervenant à Sherbrooke, détenteur d’une maîtrise en éducation [orientation], 3 ans d’expérience au Québec.)

Les  différences  dans  la  perception  des  difficultés

Enfin, une troisième différence apparaît — entre les intervenants qui ont une expérience de travail à l’étranger et ceux qui n’en n’ont pas. Ces derniers voient habituellement leurs clients comme un groupe de personnes qui sont exclues du marché de l’emploi en raison de certains manques. En outre, pour ces intervenants, quand les difficultés de certains Maghrébins à se trouver un emploi perdurent malgré l’aide apportée, les problèmes sont alors perçus comme un produit de caractéristiques associées à la culture des Maghrébins (religion, attitudes, valeurs) qui limiteraient leur capacité d’adaptation :

Moi, mes amis, je les ai souvent rencontrés dans des beuveries pas possibles. Ils [les Maghrébins] ne boivent pas, alors ils sont limités dans les réseaux. Ils se ramassent tous dans les Van Houtte, et là ils prennent du café. J’ai rien contre, mais, encore là, je me demande comment on va faire pour les rencontrer ? Moi, je ne vais pas dans les mosquées. (Luc, intervenant à Montréal, détenteur d’un baccalauréat en sciences sociales, 20 ans d’expérience.)

Ces mêmes intervenants vont parfois plus loin : ces « manques » qu’ils perçoivent justifieraient dans certaines circonstances la discrimination dont font preuve certains employeurs, puisqu’elle serait suscitée par les comportements des chercheurs d’emploi eux-mêmes :

Ils vont s’absenter parce qu’ils ont des choses à faire au niveau religieux. Ça, ça cause des problèmes des fois chez des employeurs. Probablement qu’il y en a qui doivent avoir de la difficulté à se trouver un emploi par rapport à l’attitude. (Ghyslaine, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études secondaires, 20 ans d’expérience.)

Par contre, les intervenants qui ont déjà travaillé à l’étranger se font beaucoup plus nuancés et dénoncent les attitudes discriminatoires des employeurs :

Mais il y a moyen de faire des arrangements comme ça, pour, par exemple, changer son horaire de travail. L’employeur peut avoir ces ouvertures-là pour justement faciliter la vie à quelqu’un qui fait le ramadan. Mais ça, ce n’est pas des choses qui se font automatiquement. Il faut qu’il y ait plus de collaboration, de communication finalement. Souvent, c’est un problème de communication. (François, intervenant à Sherbrooke, détenteur d’un baccalauréat en sciences sociales, 28 ans d’expérience.)

Les employeurs demeurent les moins bien sensibilisés. Et, quand on n’est pas sensibilisés aux réalités, on a tendance à homogénéiser la clientèle. Une anecdote : on a appelé un employeur, il a dit : « J’ai eu une mauvaise expérience avec une personne immigrante. Parlez-m’en même plus. Ne m’envoyez plus de CV. » Moi, ma réaction, c’est de dire : « Est-ce que vous avez déjà vécu des mauvaises expériences avec des gens du Québec ? Est-ce que vous avez arrêté pour cela d’embaucher de la main-d’œuvre québécoise ? » Et, là, si l’employeur est ouvert, on va même en rire. (Élise, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en sciences sociales, 18 ans d’expérience.)

Les employeurs choisissent les candidats. Le chapeau le plus vendu, c’est : « Ils n’ont pas d’expérience québécoise ; pour ça, je les embauche pas. » Pour moi, tout ça, ce sont des excuses. Il n’est pas assez fou pour dire : « Bon, finalement, merci pour votre entrevue. Je ne vous embauche pas parce que vous êtes maghrébin. » (Germain, intervenant à Sherbrooke, détenteur d’une maîtrise en éducation [orientation], 3 ans d’expérience).

L’approche commune

Qu’ils aient ou non une expérience de travail à l’étranger, tous les intervenants réagissent sensiblement de la même façon devant la relative impuissance qu’ils éprouvent à modifier le regard stéréotypé des employeurs face à leurs clients. L’approche qu’ils utilisent alors pour aider les Maghrébins s’inscrit dans le courant de la thérapie sociale : les chercheurs d’emploi seraient des personnes inadaptées au marché de l’emploi québécois en raison de leur formation, de leur comportement ou de leur culture en général. Les intervenants tentent donc d’amener les clients à prendre conscience de la nécessité de changer, de s’adapter à leur nouvelle réalité afin de trouver leur place dans la société — et ainsi de diminuer la souffrance liée à l’inadaptation. La majorité des intervenants privilégient alors un travail individuel, pour amener les chercheurs d’emploi à prendre conscience des raisons pour lesquelles ils ont choisi de quitter leur pays et de s’installer ici. Par le fait même, ils travaillent également à responsabiliser les immigrants face à un choix qu’ils ont fait librement et qui entraîne certaines difficultés (dont l’habituelle déqualification, que l’on espère temporaire). Ils insistent aussi sur la responsabilité qui leur incombe dans la transformation de l’image négative que les employeurs ont des immigrants, qui les freine dans leur recherche d’emploi :

Il y en a beaucoup qui sont déçus à ce niveau-là. Ils nous disent presque qu’on est allés les chercher, mais dans le fond, c’est eux qui ont fait la demande. (Hélène, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études professionnelles du  secondaire, 30 ans d’expérience.)

Compte tenu qu’il y a la Charte des droits qui permet de pratiquer sa religion, qu’il n’y a pas de discrimination à cause de cela, on ne peut pas se permettre de dire… Peut-être dans une rencontre individuelle, une personne dont on peut ressentir l’ouverture, elle a fait beaucoup de recherche d’emploi et que ça n’a pas fonctionné, on peut lui suggérer cette réflexion-là : « As-tu pensé que ça [ta tenue vestimentaire, ton attitude, tes revendications religieuses] pouvait avoir une incidence sur ta recherche d’emploi ? » (Paul, intervenant à Montréal, détenteur d’un baccalauréat en éducation préscolaire et primaire, 32 ans d’expérience.)

S’ils posent carrément la question : « Est-ce qu’on est désavantagés par rapport aux autres depuis le 11 septembre ? » Malheureusement, je suis obligée de dire oui. Mais, si vous, comme Marocains, vous avez une belle attitude d’ouverture, vous respectez les valeurs d’ici, le milieu du travail, vous êtes ouverts, là, ça va changer l’image… Vous êtes tous représentants de votre pays, vous êtes un ambassadeur, c’est votre responsabilité. On ne peut pas tricher, c’est la vérité. (Ghyslaine, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études secondaires, 20 ans d’expérience.)

D’autres filtres d’interprétation chez les intervenants

On le voit, l’organisation et le contenu des interventions, qui repose sur la philosophie de l’autonomie et de la responsabilisation individuelle, permettent aux intervenants d’évacuer les dimensions macrosociologiques — par exemple, le contexte politique mondial et ses répercussions sur les économies locales et sur les interactions entre individus de groupes religieux ou ethniques différents— qui peuvent expliquer certaines difficultés auxquelles les chercheurs d’emploi maghrébins font face. Ce contexte contribue aussi à créer d’autres filtres d’interprétation chez les intervenants : l’ethnocentrisme (la supériorité de la société québécoise n’est pratiquement jamais remise en question par les intervenants que nous avons rencontrés)30, le culturalisme (les difficultés des Maghrébins sont presque toujours expliquées à partir de leur culture)31 et le féminisme (puisque les rapports entre les hommes et les femmes du Maghreb sont perçus comme étant profondément inégalitaires). Comme, de plus, plusieurs intervenants connaissent mal les mondes musulman, arabe et maghrébin, ces trois filtres influencent beaucoup l’interprétation qu’ils font de la réalité de leurs clients.

L’ethnocentrisme

Pratiquement tous les intervenants interrogés (13 sur 15) –  les exceptions étant les intervenants nés à l’étranger — font une interprétation de la réalité qui est marquée par l’ethnocentrisme.

C’est pourquoi ils ont une vision plutôt misérabiliste du Maghreb (système d’éducation peu performant, société peu avancée au plan technologique et offrant peu d’occasions en emploi). Cette image amène les intervenants à expliquer les problèmes de leur clientèle maghrébine par un « manque de savoir-faire », qui serait dû à une formation déficiente (comparée à celle qui est offerte au Québec), à une expérience de travail incertaine (en raison du chômage systémique qui touche le Maghreb) et à l’absence de transférabilité des compétences (notamment parce que, en Amérique du Nord beaucoup plus qu’au Maghreb, l’organisation du travail serait nettement plus orientée vers la performance et la rentabilité). Sur cette base, certains intervenants en viennent même à légitimer la nonreconnaissance des diplômes et des titres des immigrants ou à justifier que les employeurs n’accordent que peu de valeur, voire aucune, aux équivalences qui sont obtenues :

L’autre problème, c’est qu’il y a un décalage entre la formation reçue et l’expérience pratique… Et qu’est-ce qu’un employeur attend ici ? Ce n’est pas la même chose [entre là-bas et ici]. Il y a des domaines, comme je te disais, où c’est plus facile, mais quand tu tombes dans des questions administratives… On ne gère pas nos banques, on ne fait pas ça de la même façon… Ce n’est pas pareil… Remarque, ce n’est pas pareil non plus parce que quand t’arrives avec un diplôme d’ici et que t’arrives là-bas, tu es presque un roi. Ils disent que nous, on ne reconnaît pas leur scolarité, moi je leur donne comme exemple :

« Si j’allais dans votre pays, j’aurais sans doute à apprendre quelque chose. » Ils me donnent la réponse, ils me disent : « Non, parce que la formation au Canada, c’est très très bien coté chez nous. » Alors, là, ils ont une partie de la réponse. Notre système d’éducation, on a beau dire n’importe quoi contre, il est bon. O.K. ? Le système nordaméricain en général. Le leur, ce n’est pas qu’il est mauvais, mais c’est très conceptuel, c’est très théorique, pas beaucoup de pratique, et, ici, c’est ce que l’employeur demande. (Luc, intervenant à Montréal, détenteur d’un baccalauréat en sciences sociales, 20 ans d’expérience.)

D’autres en viennent aussi à considérer que le fait que les Maghrébins s’attendent à faire progresser rapidement leur carrière en arrivant ici correspond à des attentes irréalistes, démesurées et décalées par rapport à la « réalité » de l’immigration, qui entraîne « inévitablement » une déqualification et une baisse de salaire :

Si un de nos ingénieurs va au Maghreb, c’est parce qu’il n’y a personne sur place qui peut le faire. Tandis qu’eux arrivent ici sans emploi… Ils ont fait une demande et on les a acceptés. C’est eux qui ont demandé à venir, et ils espèrent avoir le tapis rouge. (Hélène, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études professionnelles du secondaire, 30 ans d’expérience.)

Le culturalisme

Par ailleurs, plusieurs intervenants expliquent aussi les difficultés des Maghrébins par l’écart important qu’ils disent observer entre la culture des Québécois et celle des Maghrébins :

Le Québec les choisit au niveau de la langue, mais finalement, culturellement, on est très différents. (Hélène, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études professionnelles du secondaire, 30 ans d’expérience.)

Les caractéristiques « culturelles » des Maghrébins contribueraient, affirment certains intervenants, à effrayer les employeurs. Ces derniers craindraient le fanatisme religieux, de possibles attaques terroristes contre leur entreprise, ou encore d’éventuelles poursuites liées au non-respect des règles de sécurité dans les usines (un voile qui se coince dans une machine, par exemple). Ils se méfieraient des coûts qu’entraîneraient des demandes d’accommodements raisonnables (l’aménagement d’un lieu de prière, la modification des horaires de travail pendant le ramadan, les demandes de congé pour les fêtes religieuses non chrétiennes).

Enfin, ils appréhenderaient les réactions négatives de leurs employés et de leurs clients, ce qui nécessiterait un travail de sensibilisation, et donc un investissement financier, du temps et de l’énergie. Autrement dit, les employeurs, selon certains intervenants, verraient dès le départ les chercheurs d’emploi maghrébins comme une source de problèmes potentiels.

Et, même quand ils dénoncent les attitudes discriminatoires des employeurs, plusieurs des intervenants expliquent les difficultés des Maghrébins par un « manque de savoir-être » : les arguments sont alors d’ordre culturel, mais aussi religieux. La plupart des intervenants voient en effet les Maghrébins comme un groupe « difficile » ; ce seraient globalement des gens peu ouverts aux compromis, surtout en matière de pratiques religieuses (refus de retirer le voile, par exemple).

Je dirais qu’ils voient surtout les différences, les écarts avec leur culture avec les femmes. C’est la tenue vestimentaire des femmes, c’est l’autonomie des femmes, l’incidence sur les mariages. Ils peuvent avoir une femme patron ; alors, on leur dit : « Réfléchissez déjà à ça. Estce que vous allez accepter un emploi où ça va être une femme votre supérieur ? Ça peut arriver ici. Peut-être même qu’elle va avoir un diplôme moins élevé que vous, mais elle dirige. » Alors, voir que ces femmes-là ont des postes, voir qu’elles ont accès à des professions réglementées autant que les hommes, qu’elles ont une autonomie financière, ont peu d’enfants… Tout ça fait peur. Les femmes, ici, sont fortes. Oui, elles ont leur place et ça, c’est difficile. (Paul, intervenant à Montréal, détenteur d’un baccalauréat en éducation préscolaire et primaire, 32 ans d’expérience.)

Quand c’est le temps du ramadan, il y a des gens qui, c’est sûr, au niveau de la nourriture, sont plus limités. Il y en a qui ressentent des malaises. Des fois, c’est le temps de la prière, des choses comme ça. Alors, c’est sûr… On a eu des employeurs qui nous appelaient pour qu’on explique à nos clients qu’ici, ça ne se fait pas. Les employeurs demandent d’être productifs. Ils [les Maghrébins] ont de la difficulté à s’adapter. (Sophie, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en éducation [orientation], 9 ans d’expérience.)

Le féminisme

La représentation négative de l’islam que se font les intervenants et leur méconnaissance manifeste de l’Afrique du Nord semblent beaucoup influencer leur façon d’intervenir auprès des hommes et des femmes maghrébins.

Les intervenants — surtout s’ils n’ont pas d’expérience de travail à l’étranger — perçoivent les Maghrébines comme étant opprimées par leur mari et croient que cette oppression est cautionnée par l’islam. La preuve, disent-ils, c’est que les femmes sont fréquemment accompagnées par leur mari quand elles viennent chercher de l’aide, qu’elles sont maintenues dans le statut de « mère » au détriment de celui de « chercheuse d’emploi » et qu’elles se voient obligées de manifester des signes d’appartenance religieuse qui limitent leurs possibilités de trouver un emploi, ce qui contribue à leur exclusion.

Quand je parle de femmes et de femmes arabes, je pense beaucoup aux femmes musulmanes. Les valeurs familiales ne sont pas les mêmes, le rapport entre le mari et la femme est différent. Quand on voit une femme musulmane arriver au CLE, souvent son mari est avec elle. Même dans l’intervention, souvent on est obligés de demander à monsieur de rester dans la salle d’attente parce qu’on veut parler à madame. Donc, ça m’est déjà arrivé de demander à monsieur de me laisser avec madame, parce que c’est lui qui répondait. Il disait : « Elle est trop gênée. » (Lysanne, intervenante à Montréal, détentrice d’un diplôme d’études professionnelles du secondaire, 31 ans d’expérience.)

À partir de cette perception, les intervenants (surtout s’il s’agit de femmes) se donnent pour mission d’aider les femmes maghrébines à se libérer de leur carcan. L’accès à l’emploi devient un pas important dans le développement de l’autonomie financière (bris de la domination masculine) et de l’autonomie sociale (bris de la domination communautaire) :

Parce que moi, ce n’est pas rare que j’ai des clientes qui sont marocaines, elles viennent toujours avec leur conjoint, et c’est toujours leur conjoint qui va parler pour elle. Des fois, c’est très difficile pour moi qui est très féministe. Des fois, je suis obligée de demander à l’homme de sortir parce que ça vient trop me chercher dans mes valeurs. (Sophie, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en éducation [orientation], 9 ans d’expérience.)

Or, comme les hommes, nombre de femmes maghrébines ont des attentes professionnelles et vivent des difficultés face au marché de l’emploi. Mais, quand certaines insistent sur les signes d’appartenance à leur religion, les intervenants considèrent alors qu’elles sont incapables de s’adapter et, par conséquent, qu’elles sont en partie responsables, au même titre que les hommes, de leurs difficultés :

Pour les femmes qui portent le voile, c’est aussi un obstacle, car ce n’est pas toujours bien accepté dans les milieux de travail. Et c’est quelque chose que les femmes ne laisseront pas tomber. Un jour, j’ai fait remarquer à une dame que le fait qu’elle porte le foulard islamique pouvait être une entrave à ce qu’elle se trouve un emploi, elle m’a dit que, sous aucune considération, elle ne cesserait de porter le voile, que c’était trop important pour elle. (Julie, intervenante à Sherbrooke, détentrice d’un baccalauréat en éducation [orientation], 12 ans d’expérience.)

Conclusion

Plusieurs constats émergent de la comparaison des discours respectifs des immigrants maghrébins en recherche d’emploi et des inter-venants qui les soutiennent dans ce processus.

Premièrement, on ne peut que relever une perception que toutes les personnes que nous avons rencontrées partagent : les chercheurs d’emploi maghrébins sont surscolarisés, mais ne connaissent pas suffisamment l’anglais, ont besoin de mettre leurs connaissances à niveau et ne possèdent pas de réseaux professionnels. Tous, également, conviennent des difficultés qu’ont les Maghrébins à faire reconnaître par les employeurs québécois leurs diplômes et leur expérience de travail acquis à l’étranger. Plusieurs nous ont aussi parlé des barrières qui existent quand les chercheurs d’emploi veulent se joindre à un ordre professionnel ou pratiquer un métier réglementé. De plus, tous les intervenants interrogés voient un lien de cause à effet entre les événements du 11 septembre 2001 et les difficultés croissantes des immigrants originaires du Maghreb en matière d’emploi.

Deuxièmement, si l’objectif des immigrants maghrébins est de trouver un emploi le plus rapidement possible, et que les intervenants qui les accompagnent affirment travailler dans le but d’atteindre cet objectif, on remarque cependant que les deux groupes ont une perception différente de la situation. Alors que les Maghrébins considèrent qu’ils ont droit à un emploi du fait qu’ils ont été sélectionnés selon des critères liés à leurs compétences, les intervenants croient pour leur part que ces chercheurs d’emploi ont les mêmes droits que les chercheurs d’emploi nés au Québec, et que, par conséquent, ils ne peuvent leur accorder une quelconque priorité. Les Maghrébins pensent qu’il faudrait mettre en place plus de mesures pour faciliter leur intégration au marché de l’emploi (comme un accès plus facile à des stages, et plus d’accompagnement dans la recherche d’emploi) ; les intervenants, de leur côté, estiment que les démarches en recherche d’emploi sont d’abord la responsabilité des chercheurs d’emploi. Ces deux conceptions — l’État, selon la première, est le garant du droit au travail ; les individus, selon la seconde, doivent être les premiers à prendre en charge leur recherche d’emploi entraînent nécessairement des façons différentes de voir les services d’aide à l’emploi.

Les Maghrébins souhaiteraient recevoir un soutien plus concret et un accompagnement individualisé qui tiendrait compte du fait qu’ils sont immigrants et nouvellement arrivés, ce qui, pensent-ils, leur permettrait d’entrer directement et plus rapidement en contact avec des employeurs et leur faciliterait les liens avec les ordres professionnels et les organismes réglementant certains métiers. Les chercheurs d’emploi maghrébins ne questionnent donc pas « l’éducation » à la recherche d’emploi, qui leur apparaît utile, mais l’accent qui est mis sur cet aspect, au détriment, croient-ils, de l’accès aux stages, du développement d’un réseau professionnel et de contacts avec les employeurs potentiels, entre autres.

Les intervenants, de leur côté, cherchent avant tout à outiller leurs clients pour développer leurs capacités en recherche d’emploi et leur permettre d’intégrer le marché du travail de façon durable. Comme la recherche d’emploi ne se fait pas de la même façon au Maghreb et au Québec, ils insistent sur l’importance de bien connaître le fonctionnement du marché du travail québécois (modes de recrutement, modes d’interactions, normes du travail). De plus, comme les stages, les rencontres avec des employeurs potentiels et les visites d’entreprise sont des activités largement tributaires de la bonne volonté des employeurs, les intervenants doivent bien sûr concevoir des stratégies créatives pour attirer ces derniers. Mais ils misent également sur le fait que les chercheurs d’emploi doivent s’adapter aux besoins et aux attentes des employeurs (mise à niveau, formations complémentaires, apprentissage des codes de communication propres au Québec).

Ces attentes qu’ont les Maghrébins face à l’aide à l’emploi expliquent qu’ils ne s’interrogent pas d’abord sur ce qu’eux-mêmes pourraient faire pour intégrer le marché de l’emploi ; ils questionnent plutôt les critères de sélection à l’immigration à partir desquels ils ont été choisis et affirment que l’attitude des employeurs est la cause de leurs difficultés. Les intervenants, de leur côté, pensent que ces difficultés sont dues à divers éléments qui caractérisent les Maghrébins (leurs attentes, leur formation, qui demande une mise à niveau, et leurs exigences liées à leur culture et à leurs pratiques religieuses). Enfin, une autre source d’incompréhension tient au fait que, pour les Maghrébins, immigrer au Québec doit entraîner rapidement une amélioration de leur situation professionnelle ; si cette amélioration tarde à se concrétiser, ils considèrent alors que leur décision de venir s’installer ici est un échec. Les intervenants, pour leur part, croient que tous les nouveaux arrivants sur le marché du travail (les Québécois comme les immigrants) doivent d’abord faire leurs preuves avant d’espérer faire progresser leur carrière ; c’est pourquoi, certains croient utile de proposer aux immigrants maghrébins des emplois qui ne correspondent pas nécessairement aux attentes de ceux-ci, cette déqualification n’étant probablement que temporaire. C’est aussi pourquoi ils jugent les attentes des chercheurs d’emploi irréalistes.

Troisièmement, si tous les intervenants que nous avons rencontrés fondent principalement leur intervention sur l’autonomie et la responsabilisation des chercheurs d’emploi, les modèles d’intervention qu’ils adoptent comportent des différences. Les modèles varient à la fois en fonction du type d’organisme pour lequel les intervenants travaillent (le développement de l’autonomie et la responsabilitation au MICC et dans les CLE, et le soutien valorisant les forces et les ressources des chercheurs d’emploi dans les organismes communautaires), et selon qu’ils sont nés ou non au Québec et qu’ils aient ou non une expérience de travail à l’étranger. De fait, les intervenants qui sont nés au Québec et qui n’ont jamais travaillé à l’étranger connaissent mal le Maghreb et le monde arabo-musulman, et ont une moins grande sensibilité à la réalité des immigrants ; ils ont ainsi plus tendance à percevoir de façon négative l’attitude des chercheurs d’emploi maghrébins, et à établir un lien de cause à effet entre certaines caractéristiques qu’ils jugent « personnelles » (comme la passivité) et les difficultés à intégrer le marché de l’emploi.

Quatrièmement, les chercheurs d’emploi maghrébins et les intervenants s’accordent à dire que les difficultés des premiers à intégrer le marché du travail sont liées à la fois à l’information qui est donnée à l’étranger aux candidats à l’immigration et à la méconnaissance qu’ont les immigrants du marché du travail québécois et du type de démarches à faire, au Québec, pour trouver un emploi.

Selon les chercheurs d’emploi maghrébins, leurs difficultés reposent sur une « tromperie » dont ils auraient été les victimes au moment de la sélection, sur la discrimination qu’ils subissent de la part des employeurs et sur la fermeture de la population québécoise face à eux ; les intervenants leur répondent alors qu’ils doivent assumer le choix qu’ils ont fait d’immigrer au Québec avec toutes les conséquences que cela peut avoir, évacuant par le fait même (tout au moins c’est ainsi que les immigrants le perçoivent) les dimensions macrosociologiques liées à l’immigration. De même, quand les Maghrébins se plaignent du peu d’accompagnement que leur offrent les intervenants, ces derniers répondent habituellement que les chercheurs d’emploi doivent au contraire faire preuve de plus d’autonomie.

Or, ces notions d’autonomie et de responsabilisation sont dénoncées par divers auteurs (Deniger 1996 ; Ninacs 1997 ; René et al. 1999, 2001). Comme elles s’appuient sur le principe selon lequel les immigrants doivent assumer les conséquences de leurs choix (ici, le choix de venir au Québec), elles permettent de minimiser l’impact du contexte socioéconomique dans l’explication des difficultés que vivent les immigrants. De manière corollaire, ces notions sous-entendent que les chercheurs d’emploi prennent des décisions irréfléchies qui entraînent des difficultés subséquentes. Ces notions contribuent ainsi à les placer en situation d’infériorité et de dépendance face aux intervenants. Les auteurs questionnent également la façon dont on utilise parfois ces deux notions d’autonomie et de responsabilisation quand on présuppose que les immigrants devraient normalement être autonomes avant d’immigrer et que, ensuite, on interprète certains de leurs comportements comme étant le résultat d’un manque d’autonomie ou de responsabilité ; cet état de « dépendance » que l’on perçoit chez eux induit non seulement un regard critique à leur endroit, mais aussi de très grands doutes quant à l’efficacité ou à la pertinence des démarches que les immigrants auraient entreprises sans le soutien des services d’aide à l’emploi. Ces deux notions contribuent ainsi à diviser les chercheurs d’emploi immigrants en deux catégories : ceux qui réussissent à se trouver un emploi (parce qu’ils sont autonomes et responsables) et ceux qui échouent (parce qu’ils ne le sont pas).

Cinquièmement, tous les intervenants insistent sur un fait : même s’ils voulaient améliorer les conditions dans lesquelles ils font leur travail ou modifier certaines structures (par exemple, pour favoriser une plus grande concertation entre les divers organismes de soutien en recherche d’emploi), leur marge de manœuvre est limitée parce que ces aspects relèvent de décideurs supérieurs. Ils soulignent également qu’ils n’ont aucun pouvoir pour inciter les employeurs à embaucher les chercheurs d’emploi. En outre, quand des employeurs agissent de manière discriminatoire, ils n’ont aucun moyen pour agir, parce que cette discrimination se fait de manière indirecte et implicite (des exigences inutilement élevées, par exemple). De plus, comme leur travail se fait en partenariat avec des employeurs, en cas de discrimination directe, ils se trouvent alors dans une position inconfortable : dénoncer la situation, et fragiliser ce partenariat, ou laisser faire, pour pouvoir continuer à leur proposer des candidats pour les postes à combler. C’est pourquoi les filtres d’interprétation dont nous avons parlé — l’ethnocentrisme, le culturalisme et le féminisme —, à travers lesquels les intervenants construisent leur perception des Maghrébins, et les difficultés de ceux-ci doivent aussi être vus comme des moyens de réduire le sentiment d’impuissance qu’ils éprouvent dans l’accomplissement de leur mandat (intégrer les immigrants au marché du travail), mais aussi face à la mission qu’ils se sont donnée (aider, soutenir, informer, éduquer ces immigrants).

Cependant, les filtres d’interprétation propres aux intervenants se superposent indirectement aux discriminations que subissent les Maghrébins au cours de leur recherche d’emploi, puisqu’ils contribuent, dans les faits, à renforcer, voire à justifier, la vulnérabilité des immigrants. Cela se fait évidemment de façon involontaire chez les intervenants, puisqu’ils souhaitent sincèrement soutenir leurs clients.

C’est ce qu’explique Eid (2006, p. 33) quand il affirme, selon la perspective systémique, que « la discrimination cesse d’être tributaire d’une intention discriminatoire inscrite dans une attitude, une pratique ou une loi spécifique, mais elle est également nourrie par des schèmes mentaux collectifs et une culture institutionnelle diffuse dont les effets sont cumulatifs ». Ainsi, même si les intervenants que nous avons rencontrés ont une réelle volonté de bien faire leur travail, on ne peut pas uniquement tenir compte de leurs intentions pour évaluer s’il y a, ou non, discrimination. L’analyse des discours des intervenants nous permet de constater que les arguments rationnels que la majorité d’entre eux utilisent et qui ont pour résultat de légitimer la réticence des employeurs à embaucher des Maghrébins (pour des raisons de rentabilité et d’efficacité) semblent être un signe que l’exclusion et la discrimination sont des phénomènes qui se renforcent mutuellement. Toutefois, considérant la faible taille de notre échantillon humain, nous ne sommes pas en mesure de présumer de l’existence de ces filtres chez tous les intervenants en emploi œuvrant auprès de ces chercheurs d’emploi. Par contre, les résultats obtenus laissent tout de même entrevoir la possible présence d’une discrimination systémique.

Néanmoins, si plusieurs intervenants en viennent à adopter une position fataliste lorsqu’ils parlent des employeurs (« on ne peut pas les obliger ») ou passive (« c’est leur droit ») et renforcent ainsi l’exclusion et la discrimination, d’autres intervenants, conscients de ce danger, sont à la recherche d’outils qui leur permettraient de réduire leur impuissance devant la discrimination. Certains tentent ainsi d’amener les employeurs à réfléchir sur leur perception négative des chercheurs d’emploi maghrébins et à prendre conscience que ces immigrants, comme tout groupe, se compose d’individus aux qualités et aux compétences diversifiées, l’objectif étant de les amener à recentrer leur action sur leur besoin premier : l’embauche de travailleurs compétents.

Cette stratégie semble porteuse à long terme, du fait notamment qu’elle s’appuie non pas sur la confrontation mais sur une relation de confiance. Elle reprend les éléments clés qui sont à la base de toute intervention interculturelle, soit la recherche de sens (mettre au jour la perception de la situation qu’ont les employeurs, analyser leurs besoins et leurs attentes de même que l’interprétation qu’ils en font en fonction de leurs représentations sociales) et le travail du sens (répondre aux besoins exprimés de manière intelligible et efficace, sans toutefois adhérer aux représentations discriminatoires). C’est pourquoi nous pensons qu’une formation en intervention interculturelle ne pourrait qu’être bénéfique pour l’ensemble des intervenants. Elle aurait comme effet potentiel de réduire leur sentiment d’impuissance et leur permettrait d’agir sur les attitudes ou comportements discriminatoires des employeurs. Par ailleurs, comme ce sont les perceptions des intervenants sans expérience de travail à l’étranger qui sont plus fortement biaisées par des filtres d’interprétation, cette formation favoriserait aussi une amélioration de l’interaction entre les intervenants et les chercheurs d’emploi maghrébins, et diminuerait la frustration que ressentent ces derniers face à ce qu’ils perçoivent comme une absence de considération, par les intervenants, de leurs compétences professionnelles et des efforts qu’ils font pour s’intégrer.

Nous croyons aussi que, pour bénéficier des avantages d’une main-d’œuvre diversifiée au plan ethnoculturel au Québec, il faut un effort concerté des divers secteurs de la société — le milieu des affaires ayant en cette matière un rôle particulièrement important. Pour lutter contre la discrimination systémique, il faut abandonner toute logique reposant sur une intervention centrée sur l’individu et qui laisse peu de place au contexte socioéconomique dans lequel s’inscrivent les démarches de recherche d’emploi des immigrants. Une absence d’action en ce sens pourrait être interprétée par les Maghrébins en général — comme le font ceux que nous avons rencontrés — comme une volonté de les maintenir dans une position de citoyens de deuxième classe n’ayant droit qu’à des emplois moins bien rémunérés. Cette perspective est d’autant plus inquiétante qu’elle rendrait encore plus difficile l’intégration de ces nouveaux citoyens à leur société d’accueil et nuirait au développement d’un sentiment d’appartenance à la société canadienne et québécoise.

Annexe A : Les caractéristiques des répondants maghrébins

Annexe B : Les caractéristiques des intervenants

Annexe C : Questionnaires  d’entretien

Annexe C1 : Questions posées aux immigrants d’origine maghrébine

Trajectoire migratoire

  • Pourquoi êtes-vous parti(e) ?
  • Pourquoi avez-vous choisi le Canada ou le Québec ?
  • Pourquoi vous êtes-vous installé(e) à Montréal ou à Sherbrooke ?

Trajectoire en emploi avant la migration

  • Quel est le plus haut diplôme que vous avez obtenu ?
  • Où l’avez-vous obtenu ?
  • Quelle était votre motivation à entreprendre ces études ?
  • Quel était votre objectif de carrière à cette époque ?
  • Pendant combien de temps avez-vous exercé ce métier avant de migrer ?

Trajectoire en emploi après la migration

  • Avez-vous demandé l’équivalence pour ce diplôme ?
  • Quel en a été le résultat ? Qu’en pensez-vous ?
  • Avez-vous travaillé depuis votre arrivée ?

Si la réponse est oui

  • Quelles sont les démarches que vous avez faites pour obtenir un emploi ?
  • Quel était votre premier emploi ? Combien de temps avez-vous travaillé à cet endroit ?
  • Quelles étaient vos tâches ? Pensiez-vous être qualifié(e) pour ces tâches ? Aimiez-vous ce travail ?
  • Pourquoi avez-vous quitté (perdu) cet emploi ?
  • Comment avez-vous vécu cette situation ?
  • Avez-vous cherché immédiatement un autre emploi ?
  • Qui vous a soutenu à l’époque dans vos démarches ?
  • Avez-vous occupé d’autres emplois par la suite ? Combien de temps avez-vous travaillé à cet endroit ? Quelles étaient vos tâches ?
  • Pensiez-vous être qualifié(e) pour ces tâches ? Aimiez-vous ce travail ?

Si la réponse est non

  • Quelles sont les démarches que vous avez faites pour obtenir un emploi ? Quand avez- vous commencé à chercher un emploi (à l’ar- rivée ou plus tard) ? Qui vous a soutenu dans ces démarches ? Que cherchez-vous comme emploi ? Comment vivez-vous cette situation ?
  • Avez-vous fait d’autres études au Québec ? Ou pensez-vous reprendre vos études au Québec ?

Participation au programme d’insertion en emploi

  • Comment avez-vous entendu parler des Carrefours jeunesse-emploi ou des Centres locaux d’emploi ? Par quels moyens (amis, informations à l’arrivée, Internet, ) ? Quelles sont les informations que vous avez reçues concernant les activités d’inser- tion en emploi ?
  • Depuis combien de temps participez-vous (ou avez-vous participé) à des activités d’insertion en emploi ?
  • Quelles étaient vos motivations au moment de votre premier contact ?
  • Selon vous, d’après quels critères a-t-on déterminé vos besoins et donc les activités dont vous pour- riez bénéficier ?
  • Pourriez-vous me parler des possibilités que vous offrent (ou ont offert) ces activités ?
  • Pourriez-vous me parler des facilités ou des diffi- cultés que vous rencontrez (ou avez rencontrées) dans le cadre de votre participation à ces activ- ités ?
  • Quelles sont (ou étaient) vos attentes quant à ces activités ?
  • Aujourd’hui, quelles sont vos attentes (ou quel est le bilan que vous tirez de cette expérience) ?
  • Êtes-vous satisfait(e) de l’aide qui vous est apportée (ou a été apportée) dans le cadre de ces activités ?
  • À votre avis, quelles devraient être les modifica- tions à apporter à ces activités pour qu’elles soient plus efficaces ?
  • Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Divers

  • Y a-t-il quelque chose dont vous voudriez parler et que je n’ai pas abordé ?

Annexe C2 : Questions possées aux intervenants

Intervention auprès d’une population ayant des difficultés à trouver un emploi

  • Quelles études avez-vous faites ?
  • Depuis combien de temps exercez-vous ce métier (en général ; dans cet organisme ; à ce poste) ?
  • Pourriez-vous me décrire votre clientèle ?
    • Quel est l’âge moyen des jeunes adultes que vous rencontrez ?
    • Pourquoi viennent-ils vous rencontrer ?

Quelle est leur problématique (études et trajec- toire en emploi), quelles sont leurs attentes ?

  • Comment cette clientèle a-t-elle entendu parler de vous ?
  • Quels sont les critères qui permettent à ces jeunes adultes de participer à des mesures d’in- sertion en emploi ?
  • Quels sont les mesures et les services que vous pouvez leur offrir ?
    • Comment déterminez-vous leurs besoins et les ressources appropriées ?
    • Quels sont les obstacles à l’intervention que vous rencontrez le plus fréquemment ?
  • Quels sont les résultats escomptés ou concrets de l’intervention auprès des prestataires en général ?

Intervention auprès d’une population originaire du Maghreb

  • Quelle est, selon vous, la problématique partic- ulière à ces prestataires ?
    • Quel est l’âge moyen des jeunes adultes que vous rencontrez ?
    • Pourquoi viennent-ils vous rencontrer ? Quelle est leur problématique (études et trajectoire en emploi), quelles sont leurs attentes ?
    • Comment cette clientèle a-t-elle entendu parler de vous ?
  • Quels sont les mesures et les services dont ils ont généralement besoin ?
    • Comment déterminez-vous leurs besoins et les ressources appropriées ?
    • Quels sont les obstacles à l’intervention que vous rencontrez le plus fréquemment ?
  • Quels sont les résultats escomptés ou concrets de l’intervention auprès de cette clientèle maghrébine ?
  • À votre avis, qu’est-ce qui devrait être modifié pour que votre intervention soit plus efficace encore?
  • Pourriez-vous, sans m’indiquer de nom, me donner un exemple concret ?
    • Quel est votre rôle auprès de cette personne X ?
    • Pourquoi, à votre avis, cette personne X par- ticipe-t-elle (ou a-t-elle participé) à un pro- gramme d’insertion en emploi ?
    • À quel programme cette personne X participe-t- elle (ou a-t-elle participé) ?
    • Pourquoi et comment avez-vous choisi ce programme ?
    • À votre avis, quels sont les bénéfices que cette personne X peut s’attendre à retirer (ou qu’elle a retirés) de ce programme ?

Divers

  • Y a-t-il quelque chose dont vous voudriez parler et que je n’ai pas abordé ?
  1. L’équipe de recherche tient à remercier tout partic- ulièrement le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles pour son appui constant à la réalisation de ce projet, mais aussi pour les nombreux commentaires, conseils et informations pointues dont cette étude a bénéficié tout au long du processus d’écriture. Un grand merci également à Emploi-Québec et aux divers organismes de soutien en recherche d’emploi pour leur aide précieuse. Enfin, nous sommes redevables à toutes les personnes, intervenants et chercheurs d’emploi, qui ont accepté de répondre à nos questions, et nous les remercions vivement.
  2. La présence d’immigrants originaires de l’Allemagne, de la Suisse, du Portugal, de l’Espagne ou de l’Italie est également attestée dès la colonisation française (Trudel 1963).
  3. Nous ne tenons pas compte ici des Marocains et des Algériens nés au Canada, en France ou ailleurs. Ces données nous ont été offertes gracieusement par Mme Nicole Turcotte de la Direction de la recherche et de l’analyse prospective du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC), au mois de janvier Elles sont extraites d’un tableau intitulé « Immigrants permanents admis au Québec de 1968 à 2007. Données préliminaires pour 2007 ».
  4. Ce tableau sur les pays de naissance de la population immigrée indique que, en 2007, le Maroc se classait au premier rang avec 3 610 personnes admises, alors que l’Algérie arrivait au troisième rang avec 3 414
  5. En 2008, la France et la Chine se classaient au deuxième et au quatrième rang des principaux pays d’origine de l’immigration au Québec (MICC 2008).
  6. Les données de ce paragraphe sont tirées d’une compi- lation spéciale du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles provenant du recensement canadien de Elles nous ont été données par Mme Nicole Turcotte, du MICC, au cours de conversa- tions qui ont eu lieu en janvier (les données sur les langues parlées) et en février 2009 (les données sur le taux de diplômés universitaires et le taux de chômage dans cette population comparativement à la population québécoise dans son ensemble). Les données compara- bles et plus récentes provenant du recensement de 2006 ne seront pas disponibles avant le mois d’avril 2009.
  7. Le Maghreb est une région qui comprend le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Libye et la Mais, en nous basant sur les flux migratoires actuels, nous n’avons rencontré pour les fins de ce projet que des personnes originaires du Maroc et de l’Algérie.
  8. Cet article est issu d’un projet de recherche subven- tionné par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) entre 2004 et 2006 et portant sur les effets des définitions des freins à l’em- ploi, tels que présentés dans les programmes publics relatifs à l’emploi de l’État québécois, sur les parcours en emploi et l’image de soi de la clientèle
  9. En moyenne, 230 000 personnes se sont installées au Canada au cours des années 2003, 2004 et 2005. Parmi celles-ci, plus ou moins 17 p. 100 ont choisi le Québec comme province de destination (MICC 2007).
  10. Statistique Canada (2007a) a annoncé à l’automne de 2007 que, sur 38 800 emplois créés au premier trimestre de l’année, 33 600 étaient des emplois à temps
  11. Cette expression désigne les immigrants reçus « arrivés au Canada au cours des cinq années ayant précédé un recensement donné » (Statistique Canada 2007b). Ici, elle concerne donc les immigrants reçus entre 1996 et 2001.
  12. Selon Le dictionnaire du recensement de 2001 (Statistique Canada 2002), d’où sont extraites les données citées par Fleury, le terme « Arabe » désigne les membres des groupes suivants : Algériens, Berbères, Égyptiens, Irakiens, Jordaniens, Koweitiens, Libanais, Libyens, Marocains, Palestiniens, Saoudiens, Syriens, Tunisiens, Yéménites, Arabes non inclus ailleurs, Maghrébins non inclus ailleurs (Statistique Canada 2002).
  13. Cette même étude relève qu’en ce qui concerne le taux d’activité des immigrants arrivés au Québec en 1989 et interrogées à trois reprises de 1990 à 1992, ceux qui étaient originaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord se classaient troisième sur 10 pour ce qui est des difficultés à s’intégrer au marché de l’emploi québécois (31,7 100 d’entre eux n’avaient jamais travaillé une semaine à temps plein en 78 semaines de séjour), juste après les personnes originaires de l’Asie du Sud, de l’Asie de l’Est et du Pacifique (35,6 p. 100) et les per- sonnes originaires de l’Amérique du Sud et des Caraïbes (38,2 p. 100). Les Européens de l’Est avaient pour leur part le taux d’inactivité le plus bas (11,6 p. 100) (Piché et al. 2002).
  14. D’autres auteurs, comme Antonius et Tadloui (2003, dans Chicha et Charest 2008), Simard (2002) et Vatz Laaroussi (2002), ont déjà confirmé cet aspect quelques années auparavant.
  15. Un sondage effectué pour le MICC en 2005 a ainsi montré que 20 100 des Québécois membres d’une minorité visible déclaraient avoir subi des actes dis- criminatoires au cours de l’année précédant le sondage, soit dans le cadre de leur travail (64 p. 100), au cours d’interactions se déroulant dans des lieux publics (magasins ou banques, rue) (40 p. 100 et 29 p. 100) ou au cours d’interactions avec les instances judiciaires (17 p. 100) (MICC 2006).
  16. Le terme « Arabo-musulmans » désigne les ressortis- sants de pays arabes, dont la langue officielle est l’arabe et la religion dominante l’islam (Kouzmine 2006-2007). Mais Kouzmine note qu’au sein de ces pays, il peut aussi exister des minorités musulmanes non arabophones ainsi que des minorités arabophones non Cependant, ces nuances n’étant pas toujours connues du grand public, et en particulier des employeurs, il peut arriver qu’une personne arabo- phone et non musulmane ou musulmane et non arabo- phone soit classée injustement dans la catégorie « Arabo-musulmans ».
  17. Une enquête réalisée par Angus Reid dans les années 1990 (Helly 2004a) signalait déjà à l’époque un malaise au sein de la population canadienne : la plu- part des répondants affirmaient ressentir un certain malaise en présence de membres de quelques minorités visibles, dont les Arabo-musulmans. Une dizaine d’an- nées plus tard, en 2001, un autre sondage effectué auprès d’employeurs québécois indiquait que 33 p. 100 d’entre eux affirmaient refuser d’embaucher des Arabes et des Maghrébins (Helly 2004a). Ce malaise et les pra- tiques discriminatoires qui en découlent, suggère Daher (2003), pourraient s’expliquer par des événements internationaux antérieurs au 11 septembre 2001, comme la guerre du Golfe (en 1990) et la revendication du port du hijab par des membres de communautés musulmanes installés dans plusieurs pays occidentaux.
  18. Au Canada comme au Québec, l’immigration comprend trois composantes : familiale, humanitaire et économique, et des critères précis définissent les con- ditions d’entrée des personnes de chacune de ces caté- Révisée en 1996, la grille de sélection en vigueur au moment où les chercheurs d’emploi ont été rencontrés (arrivés entre 2001 et début 2004) accordait une grande importance à la scolarisation, au domaine de formation, à l’âge et à la connaissance de l’une ou l’autre des deux langues officielles.
  19. Il est à noter, cependant, que la majorité des inter- venants (13 sur 15) ont été rencontrés entre juillet et novembre 2004, alors que tous les chercheurs d’emploi maghrébins ont été interrogés entre septembre 2004 et janvier
  20. En 2001, à l’instar de nombreux autres immigrants, la majorité des membres des communautés marocaine et algérienne du Québec résidait dans la région métropoli- taine de Montréal. C’était le cas de 91,9 100 des per- sonnes d’origine marocaine et de 93,1 p. 100 des personnes d’origine algérienne (MICC 2005a ; 2005b). En outre, les Marocains et les Algériens représentaient respectivement 0,9 p. 100 et 0,7 p. 100 de la population montréalaise, ce qui faisait du Maroc et de l’Algérie les 7eet 10e pays en importance pour ce qui est du lieu de provenance (MICC 2005c).
  21. En 2001, respectivement 0,9 100 et 0,5 p. 100 des membres des communautés marocaine et algérienne résidaient dans la région métropolitaine de Sherbrooke.
  22. Il importe ici de préciser qu’il ne s’agit pas d’une étude comparative, les entretiens effectués à Sherbrooke ser- vant surtout de toile de fond pour valider ou mettre en perspective les résultats obtenus à Montréal.
  23. La question de la validité des analyses qualitatives soulève régulièrement un débat entre chercheurs, notamment parce que, en général, les analyses sont faites à partir de petits échantillons. Mais, en accord avec Andréani et Conchon (2003) et Mucchielli (1996), nous croyons que l’analyse qualitative est la plus adéquate lorsque l’objectif, comme c’est le cas ici, est d’explorer des pensées, des rites, des sens symboliques et des représentations. Dans ce sens, l’analyse qualita- tive s’oppose radicalement à l’analyse quantitative qui, pour sa part, vise essentiellement à confirmer la réalité grâce à des faits objectivables. Dès lors, contester la per- tinence des résultats d’une analyse qualitative — sous prétexte qu’on ne peut vérifier les mesures de validité externe (dépendance entre les variables) et de validité interne (confirmation ou infirmation des hypothèses) propres à l’analyse quantitative – n’est pas approprié, ni même légitime. Néanmoins, parce que la présence de critères validant les résultats demeure essentielle, la validité interprétative (réflexivité, introspection, interac- tion et triangulation avec des études similaires) et la validité communicationnelle (accord entre les répon- dants, généralisation potentielle des résultats) peuvent faire office de balises (Andréani et Conchon 2003).
  24. Les données ont été traitées à l’aide du logiciel Atlas-ti.
  25. L’obtention d’une licence nécessite trois années d’études de premier cycle universitaire ; ce diplôme ressemble donc au baccalauréat québécois.
  26. Le master implique deux années d’études après la licence ; il peut être de type professionnel ou axé sur la recherche, et comprend toujours un travail écrit sanc- tionnant la fin des études (le mémoire). Parfois, il inclut un stage. Il s’agit donc d’un diplôme semblable à la maîtrise québécoise.
  27. À ce sujet, il est à noter que, depuis environ trois ans, le MICC et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ont réalisé un important travail de coordination avec plusieurs ordres professionnels et organismes réglemen- tant certains métiers, afin d’améliorer la diffusion de l’information à l’étranger auprès des candidats à l’immi- gration, de réduire les attentes ou les incompréhensions de ceux-ci une fois qu’ils se sont installés au Québec, d’augmenter l’accessibilité des formations d’appoint, d’accélérer la reconnaissance de la formation et de l’expérience acquises à l’étranger, de mieux préparer les candidats aux examens professionnels et de soutenir les ordres dans l’adaptation de leurs pratiques à la réalité De plus, depuis que nous avons réalisé cette étude, plusieurs modifications au Code des professions ont été apportées, notamment en ce qui a trait à l’octroi de nouvelles formes de permis de travail (restrictifs tem- poraires, spéciaux, permis sur permis) visant à faciliter l’exercice de professions réglementées chez les candidats immigrants. Maintenant, les ordres professionnels ont aussi la responsabilité de déterminer une procédure per- mettant de reconnaître, par équivalence, une formation ou un diplôme acquis hors du Québec. Les nouvelles dis- positions prévoient que la révision des décisions portant sur les équivalences devra être effectuée par des person- nes autres que celles ayant rendu la décision (Conseil interprofessionnel du Québec 2006).
  28. Ce diplôme est obtenu après une année d’études suivant le Il correspond à la fin de la première année d’études au niveau du doctorat.
  29. Depuis 2005, le MICC offre aux candidats à l’immigra- tion un guide (Apprendre le Québec) visant à faciliter leurs démarches d’intégration au Québec. Ce guide com- prend des informations précieuses sur les ressources disponibles, sur les démarches à effectuer avant de quit- ter le pays d’origine et à l’arrivée, ainsi que sur divers aspects de la société québécoise. Il n’était cependant pas disponible au moment où nos répondants ont entamé leurs propres démarches d’immigration et d’in- tégration.
  30. L’ethnocentrisme est défini comme la tendance à pri- vilégier son propre groupe culturel, et à en faire son seul modèle de référence pour l’analyse des normes, des comportements, des valeurs privilégiés par d’autres (Lévi-Strauss 1968).
  31. Le culturalisme est, à la base un courant anthro- pologique qui insiste sur l’influence prépondérante de la culture sur la personnalité des La notion de culturalisme est ainsi la tendance à surinterpréter, sur la base de la culture d’une personne, les événe- ments que vit cette personne, ce qui a pour effet de réduire celle-ci à cette unique dimension (Vidal 2004). Elle est donc tout autant que l’ethnocentrisme syno- nyme d’un manque d’ouverture aux autres.

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Annick Lenoir-Achdjian est professeure au Département de service social de l’Université de Sherbrooke. Son expertise porte notamment sur les processus migratoire et d’établissement des familles immigrantes ainsi que sur l’intervention et ses effets auprès de ces familles. Elle a publié plusieurs monographies, rapports et articles sur ces sujets.

Sébastien Arcand est professeur au Service de l’enseignement du management à l’École des hautes études commerciales de Montréal (HEC). Il mène des recherches sur la gestion de la diversité dans les entreprises et les organisations, l’entrepreneurship ethnique ainsi que l’apport de la sociologie dans l’enseignement du management.

Denise Helly est chercheuse à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Elle a réalisé de nombreuses études, et publié des articles et des livres sur les minorités ethniques et nationales, les théories et pratiques de la citoyenneté, le nationalisme, les politiques de pluralisme culturel, l’intégration des immigrants et l’insertion des personnes de confession musulmane.

Isabelle Drainville détient une maîtrise en service social de l’Université de Sherbrooke. Elle agit actuellement comme intervenante en surveillance communautaire au centre Elizabeth Fry de l’Outaouais.

Michèle Vatz Laaroussi est professeure de travail social à l’Université de Sherbrooke. Elle s’intéresse aux dynamiques familiales dans l’immigration et aux dynamiques locales dans des situations de diversité culturelle en dehors des métropoles. Elle mène présentement des recherches sur la mobilité et la rétention de familles immigrantes et réfugiées dans divers endroits du Québec.

Ce document a été produit sous la direction de Geneviève Bouchard, directrice de recherche à l’IRPP. La révision linguistique a été effectuée par Jean Bernard et la correction d’épreuves par Félice Schaefli. La mise en pages a été réalisée par Chantal Létourneau et la direction artistique a été confiée à Schumacher Design. Imprimé par AGL Graphiques.

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Pour citer ce document :

Lenoir-Achdjian, Annick, Sébastien Arcand, Denise Helly, Isabelle Drainville et Michèle Vatz Laaroussi, 2009, « Les difficultés d’insertion en emploi des immigrants du Maghreb au Québec : une question de perspective », Choix IRPP, vol. 15, no 3, Montréal, Institut de recherche en politiques publiques.