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National Pharmacare: Laying the Groundwork

Au Canada, l’assurance mĂ©dicaments est une mosaĂŻque de rĂ©gimes publics provinciaux, territoriaux et fĂ©dĂ©raux, d’assurances privĂ©es et de paiements directs. Des millions de Canadiens n’ont pas les moyens d’acheter les mĂ©dicaments qui leur ont Ă©tĂ© prescrits. Mais nous avons l’occasion de changer cette situation. Le gouvernement libĂ©ral fĂ©dĂ©ral a signĂ© un accord de soutien et de confiance avec le Nouveau Parti dĂ©mocratique qui comprend l’engagement d’introduire un rĂ©gime national d’assurance mĂ©dicaments. Il existe plusieurs modĂšles que le gouvernement pourrait utiliser pour mettre en Ɠuvre un tel rĂ©gime. Le prĂ©sent document prĂ©conise une approche par Ă©tapes, prudente sur le plan financier, en commençant par un programme fĂ©dĂ©ral de rĂ©assurance pour les mĂ©dicaments coĂ»teux destinĂ©s au traitement des maladies rares, qui jetterait les bases d’un rĂ©gime d’assurance mĂ©dicaments complet et universel.

Joindre les deux bouts : Une nouvelle approche pour amĂ©liorer l’abordabilitĂ©

Alors que la pandĂ©mie de COVID-19 commençait Ă  montrer des signes de recul au dĂ©but de l’annĂ©e 2022, les Canadiens envisageaient l’avenir avec un regain d’espoir. Les gouvernements ont d’abord parlĂ© de « reconstruire en mieux » aprĂšs les ravages de la pandĂ©mie, en souhaitant s’attaquer aux inĂ©galitĂ©s sociales et rendre les systĂšmes du pays plus rĂ©sistants.

Mais pour beaucoup, cet espoir de progrĂšs a vite Ă©tĂ© tempĂ©rĂ© par la flambĂ©e des prix des denrĂ©es alimentaires, des loyers et des carburants, ainsi que par les consĂ©quences d’une saison record de feux de forĂȘt, d’inondations, de tempĂȘtes et d’autres Ă©vĂ©nements causĂ©s par les changements climatiques qui ont touchĂ© pratiquement tous les coins du pays.

C’est dans le contexte de ces deux crises que le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ©, une collaboration non partisane de divers experts en politiques publiques et de dirigeants communautaires de tout le pays, s’est rĂ©uni pour Ă©laborer une sĂ©rie de mesures politiques visant Ă  lutter simultanĂ©ment contre ceux d’une inflation Ă©levĂ©e et des changements climatiques. Le Conseil a rassemblĂ© des experts, commandĂ© des recherches et organisĂ© des discussions afin de fournir au gouvernement fĂ©dĂ©ral des recommandations politiques fondĂ©es sur des donnĂ©es probantes. Ce rapport est l’aboutissement de notre travail.

Le Conseil a Ă©tĂ© guidĂ© par une nouvelle approche de l’élaboration des politiques : une approche qui renonce aux mesures politiques fragmentaires en faveur d’une vision holistique prenant en compte tous les besoins de base Ă  la fois. En effet, personne ne devrait ĂȘtre obligĂ© de renoncer Ă  acheter de la nourriture pour payer son loyer ou renoncer Ă  chauffer ou Ă  climatiser son logement pour s’abonner aux transports en commun et se rendre au travail. Et rien de tout cela ne devrait se faire au dĂ©triment de la lutte contre les changements climatiques.

Nous entendons trop souvent des arguments selon lesquels les efforts visant Ă  accĂ©lĂ©rer la transition vers une Ă©conomie carboneutre rendront la vie encore plus inabordable. Nous croyons qu’en mettant en Ɠuvre les bonnes politiques, il est possible d’attĂ©nuer les problĂšmes d’abordabilitĂ© Ă  court terme tout en mettant en place les Ă©lĂ©ments constitutifs d’une abordabilitĂ©, d’une rĂ©silience, ainsi que d’une rĂ©duction des Ă©missions durables. En effet, si les efforts visant Ă  rĂ©soudre les problĂšmes d’abordabilitĂ© et de changements climatiques restent dĂ©connectĂ©s les uns des autres, les familles Ă  faibles revenus deviendront plus vulnĂ©rables Ă  la volatilitĂ© des prix des combustibles fossiles et supporteront le coĂ»t des changements climatiques.

Les travaux du Conseil sont guidĂ©s par la conviction que les efforts dĂ©ployĂ©s pour relever ces dĂ©fis doivent bĂ©nĂ©ficier en prioritĂ© aux familles Ă  faibles revenus. Les jeunes gĂ©nĂ©rations, dĂ©jĂ  confrontĂ©es Ă  des coĂ»ts de logement Ă©levĂ©s, Ă  une part disproportionnĂ©e des cotisations au filet social et Ă  des risques climatiques croissants, ne devraient pas ĂȘtre encore plus lourdement dĂ©savantagĂ©es.

Jennifer Ditchburn
Présidente et chef de la direction,
Institut de recherche en politiques publiques

Lili-Anna PereĆĄa
Présidente,
Fondation McConnell

Éric St-Pierre
Directeur général,
Fondation de la famille Trottier

Catherine Abreu
Fondatrice et directrice générale,
Destination Zero
Yasmin Abraham

Jasveen Brar

Caroline Brouillette

Cherise Burda

Evan Fraser

Brendan Haley

Kate Harland

Paul Kershaw

Marc Lee

Angella MacEwen

Mike Moffatt

Gillian Petit

Shelagh Pizey-Allen

Rosemarie Powell

Lisa Rae

Nate Wallace

Reconnaissance rurale : Des moyens de transport abordables et sûrs pour les collectivités éloignées

Plus de quatre millions de Canadiens vivent dans des zones Ă  faible densitĂ©, ce qui inclut les collectivitĂ©s rurales, Ă©loignĂ©es, autochtones et nordiques. La plupart ont peu d’options de transport en dehors de la voiture. Pour les personnes qui ne peuvent pas conduire pour des raisons de coĂ»t, d’ñge ou de capacitĂ©, le manque d’options peut exacerber les inĂ©galitĂ©s et accroĂźtre les risques pour leur santĂ© et leur sĂ©curitĂ©.

Pour rĂ©soudre ces problĂšmes, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit collaborer avec ses homologues provinciaux, territoriaux et autochtones afin d’élaborer une nouvelle vision du transport de passagers au Canada, tout en tirant parti du financement fĂ©dĂ©ral des infrastructures et en l’augmentant afin de combler les lacunes en matiĂšre de services.

Bien que ces zones soient moins peuplĂ©es, leurs habitants sont plus susceptibles d’ĂȘtre aux prises avec des coĂ»ts de transport plus Ă©levĂ©s et de gĂ©nĂ©rer plus d’émissions de gaz Ă  effet de serre (GES) par personne parce qu’ils doivent parcourir de plus longues distances.

Compte tenu des besoins spĂ©cifiques des collectivitĂ©s rurales, des solutions crĂ©atives sont nĂ©cessaires. L’absence d’une vision nationale fiable en matiĂšre de transport contribue aux lacunes dans les services, et la fermeture de lignes d’autobus vitales amplifie le problĂšme. Bien que le gouvernement fĂ©dĂ©ral ait fait des progrĂšs en ce qui concerne les besoins quotidiens de transport en milieu rural grĂące Ă  son Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural, le potentiel de ce fonds est limitĂ©, car il ne couvre pas les coĂ»ts d’exploitation ni les trajets entre les diffĂ©rentes communautĂ©s.

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de :

1. Collaborer avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones pour déve-lopper une vision nationale renouvelée du transport de passagers, étayée par de meilleures données, recherches et analyses.

  • Mettre Ă  jour la Vision 2013 des transports en mettant davantage l’accent sur les besoins des collectivitĂ©s rurales, isolĂ©es et autochtones et en comblant les lacunes dans les -services interrĂ©gionaux de transport par autobus et par train ;
  • Investir dans l’amĂ©lioration de la collecte de donnĂ©es, y compris une enquĂȘte nationale pour suivre les habitudes de dĂ©placement des mĂ©nages au-delĂ  des trajets entre le domicile et le travail.

2. Mobiliser le financement de l’infrastructure et VIA Rail pour aider Ă  combler les lacunes dans les services interrĂ©gionaux d’autobus et de transport ferroviaire.

  • Investir dans l’amĂ©lioration de la couverture des services de VIA Rail, de l’offre de services, de la frĂ©quence et de l’accessibilitĂ© tarifaire ;
  • Soutenir les efforts dĂ©ployĂ©s par les provinces, les territoires et les populations autochtones pour combler les lacunes dans les services de transport par autobus et par train.

3. Élargir le Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural afin de couvrir un plus large Ă©ventail de coĂ»ts, de projets et de candidats

  • Permettre au Fonds de couvrir les dĂ©penses de fonctionnement telles que les locations de vĂ©hicules et les salaires des employĂ©s ;
  • Utiliser le Fonds pour soutenir les trajets entre les collectivitĂ©s.

Les habitants des zones rurales sont aux prises avec une pauvreté croissante en matiÚre de transport

Le risque de pauvretĂ© en matiĂšre de transports, ou le manque d’options de transport adĂ©quates pour accĂ©der aux services essentiels et Ă  l’emploi, augmentent dans les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es du Canada. Si la pauvretĂ© liĂ©e au transport existe Ă©galement dans les zones urbaines, les habitants des collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es se trouvent devant des obstacles supplĂ©mentaires en raison des longues distances qu’ils doivent parcourir pour accĂ©der aux services, consulter un mĂ©decin ou obtenir de l’aide sociale (Fairbairn et Gustafson, 2006).

Les habitants de ces zones ont davantage recours Ă  la voiture pour se rendre au travail et accĂ©der aux services et aux commoditĂ©s, en partie parce qu’ils doivent parcourir de plus grandes distances et parce qu’ils disposent de systĂšmes de transport en commun nettement moins dĂ©veloppĂ©s. L’augmentation des coĂ»ts de possession d’une voiture peut Ă©galement limiter leurs options de transport. Les personnes qui vivent dans des collectivitĂ©s rurales ont gĂ©nĂ©ralement des revenus infĂ©rieurs Ă  ceux de leurs homologues urbains, ce qui peut aggraver le problĂšme.

Il y a des proportions plus Ă©levĂ©es de personnes ĂągĂ©es et de jeunes vivant dans des collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es – deux groupes qui sont souvent incapables de conduire ou d’accĂ©der Ă  un vĂ©hicule et qui sont donc plus limitĂ©s dans leurs dĂ©placements lorsqu’il n’y a pas d’autres options de transport en commun (voir le tableau 1). Les collectivitĂ©s trĂšs Ă©loignĂ©es peuvent avoir peu de routes, et les collectivitĂ©s nordiques sont confrontĂ©es au dĂ©fi supplĂ©mentaire des routes de glace construites sur le pergĂ©lisol qui ne sont praticables qu’une partie de l’annĂ©e (Barrette et Charlebois, 2018). Les changements climatiques crĂ©ent de plus en plus d’incertitudes quant Ă  l’avenir de ces routes de glace.

Comparativement aux zones urbaines, les options de transport en commun Ă  grande Ă©chelle sont moins rĂ©alisables dans les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es. Moins de 2 % des voyageurs des rĂ©gions rurales et Ă©loignĂ©es utilisent les transports en commun pour se rendre au travail (Statistique Canada, 2023b ; Larijani et al., 2019). Cela s’explique par le fait que les collectivitĂ©s sont rĂ©parties sur un vaste territoire et que les populations rurales sont plus petites. Par consĂ©quent, les systĂšmes de transport ruraux sont souvent plus rĂ©duits, comptent moins d’usagers et ne bĂ©nĂ©ficient pas des Ă©conomies d’échelle de nombreux systĂšmes urbains.

La figure 1 montre les subdivisions de recensement du Canada regroupĂ©es selon cinq degrĂ©s d’éloignement, tels que dĂ©finis par Statistique Canada (2022a). Les centres de population du pays sont reprĂ©sentĂ©s en orange. Tous les territoires situĂ©s en dehors des zones orange sont considĂ©rĂ©s comme ruraux. Les provinces de l’Atlantique et le Nord du Canada ont une proportion nettement plus Ă©levĂ©e de collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es.

Certaines des collectivitĂ©s les plus Ă©loignĂ©es du pays ne sont pas accessibles par route ou par traversier pendant une grande partie de l’annĂ©e (Transports Canada, 2020). En 2021, 117 subdivisions de recensement, sur un total de 5 112 au Canada, n’étaient pas reliĂ©es aux centres de population par une route principale ou un rĂ©seau de traversiers. Ces collectivitĂ©s ne sont accessibles que par avion, par des traversiers saisonniers et par des bateaux-bus qui, dans certains cas, n’ont pas d’horaires rĂ©guliers ou doivent ĂȘtre affrĂ©tĂ©s.

Les options de transport dans les zones rurales sont essentielles pour rĂ©pondre aux prĂ©occupations en matiĂšre d’équitĂ©

Le manque d’options de transport pour les personnes vivant dans des zones Ă  faible densitĂ© peut limiter leur accĂšs aux soins de santĂ© et aux activitĂ©s sociales et les exposer Ă  un risque plus Ă©levĂ© d’atteinte Ă  leur intĂ©gritĂ© physique. Les personnes Ă  faible revenu, les Autochtones, les personnes ĂągĂ©es, les jeunes et les personnes handicapĂ©es sont particuliĂšrement touchĂ©es.

L’accĂšs aux services essentiels tels que les soins de santĂ© est plus restreint dans les zones rurales, un problĂšme qui est exacerbĂ© par le manque d’options de transport (Institut canadien d’information sur la santĂ©, 2012 ; Mirza et Hulko, 2022). Les zones reculĂ©es sont Ă©galement moins susceptibles d’avoir accĂšs Ă  des rĂ©seaux de tĂ©lĂ©communication de qualitĂ© qui leur permettraient de contourner certains problĂšmes d’accĂšs au transport, comme les -rendez-vous de tĂ©lĂ©santĂ©.

Les personnes ĂągĂ©es vivant dans les zones urbaines et rurales sont soumises Ă  un risque accru d’isolement social (National Seniors Council, 2014), mais celles qui vivent dans des zones rurales et dans des endroits dĂ©pourvus de moyens de transport adĂ©quats sont face Ă  des obstacles encore plus importants lorsqu’il s’agit de participer Ă  des activitĂ©s sociales (National Seniors Council, 2017).

Certaines personnes qui ne peuvent pas conduire ou qui n’ont pas d’options de dĂ©placement accessibles et abordables risquent de subir des dommages physiques. Le rapport final de l’EnquĂȘte nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinĂ©es (2019) appelle Ă  une augmentation des services et des infrastructures de transport sĂ»rs et abordables pour les femmes, les filles et les personnes autochtones de la diversitĂ© sexuelle et de genre vivant dans des collectivitĂ©s rurales et isolĂ©es. En rĂ©ponse au meurtre de plus de 40 personnes, qui Ă©taient principalement des femmes et des filles autochtones, sur un tronçon d’autoroute entre Prince George et Prince Rupert, en Colombie-Britannique, le gouvernement provincial a pris des mesures pour amĂ©liorer les transports en commun communautaires (Gouvernement de la Colombie-Britannique, s. d.).

Des options de transport moins nombreuses et plus coĂ»teuses exacerbent Ă©galement l’incidence de la pauvretĂ© dans les collectivitĂ©s rurales, oĂč le coĂ»t des produits essentiels tels que la nourriture et l’énergie est dĂ©jĂ  considĂ©rablement plus Ă©levĂ© que dans les zones urbaines (Banques alimentaires Canada, s. d. ; Lovekin et Heerema, 2019). Des rapports montrent que les factures d’énergie dans les collectivitĂ©s Ă©loignĂ©es peuvent ĂȘtre de six Ă  dix fois plus Ă©levĂ©es que dans le reste du Canada (Lovekin, 2021). L’ajout de coĂ»ts de transport plus Ă©levĂ©s Ă  l’équation peut amener les budgets des mĂ©nages ruraux Ă  faible revenu Ă  leur point de rupture.

Des options de transport accessibles et abordables peuvent renforcer la rĂ©silience des communautĂ©s en permettant aux travailleurs de se rendre sur leur lieu de travail et dans les rĂ©gions voisines, et en aidant les communautĂ©s Ă  conserver leur population en Ăąge de travailler (Orb, 2021). Cela est particuliĂšrement important pour les collectivitĂ©s qui comptent une forte proportion de travailleurs saisonniers, car cela pourrait augmenter les possibilitĂ©s d’emploi disponibles hors saison, et pour les collectivitĂ©s dont l’économie est plus petite et qui dĂ©pendent d’industries Ă  forte intensitĂ© d’émissions, comme l’exploitation miniĂšre et pĂ©troliĂšre, qui peuvent ĂȘtre plus vulnĂ©rables aux fluctuations Ă©conomiques (Infrastructure Canada, 2019 ; Institut climatique du Canada, 2021).

Les solutions en matiÚre de transport sont essentielles à la transition vers un monde rural à consommation zéro

Le Canada a le taux de croissance de la population rurale le plus Ă©levĂ© parmi les pays du G7 et est l’un des deux seuls pays oĂč la population rurale augmente (Statistique Canada, 2022a). De nombreuses collectivitĂ©s rurales et isolĂ©es sont composĂ©es d’agriculteurs, de forestiers, de commerçants, de pĂȘcheurs et d’exploitants miniers. De nombreuses communautĂ©s autochtones sont Ă©galement situĂ©es dans des zones reculĂ©es.

Bien que ces rĂ©gions soient moins peuplĂ©es, elles sont plus coĂ»teuses et produisent plus d’émissions de gaz Ă  effet de serre par personne (OCDE, 2021). Cela s’explique en partie par le fait que les Canadiens vivant dans les collectivitĂ©s rurales, Ă©loignĂ©es et nordiques doivent parcourir de plus longues distances et sont plus susceptibles de recourir Ă  des combustibles plus coĂ»teux et plus polluants tels que le diesel, le propane et le mazout domestique (Lovekin & Heerema, 2019 ; Statistique Canada, 2022b ; Campbell, 2023).

Alors que le Canada et d’autres pays opĂšrent une transition vers une consommation nette nulle et adoptent davantage d’options en matiĂšre d’énergie renouvelable, les dĂ©sĂ©quilibres entre l’offre et la demande de pĂ©trole pourraient entraĂźner une volatilitĂ© croissante des prix (Leach, 2022). Les mĂ©nages qui restent dĂ©pendants des combustibles fossiles pour le transport et l’énergie seront de plus en plus exposĂ©s aux augmentations de coĂ»ts. En l’absence de solutions de rechange abordables, les mĂ©nages ruraux Ă  faibles revenus verront leur budget se resserrer de plus en plus.

Le supplĂ©ment rural au Paiement de l’incitatif Ă  agir pour le climat (rabais sur la taxe carbone) a Ă©tĂ© doublĂ© en 2023 pour tenir compte du coĂ»t de la vie plus Ă©levĂ© dans les zones rurales (MinistĂšre des Finances du Canada, 2023). Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a Ă©galement supprimĂ© la taxe carbone sur le mazout domestique pendant trois ans afin de donner aux mĂ©nages le temps de passer aux thermopompes. Une remise augmentĂ©e pour l’installation d’une thermopompe contribue Ă  rendre le changement plus abordable.

L’élargissement de l’accĂšs Ă  des solutions de transport abordables et Ă  faible Ă©mission de carbone nĂ©cessitera une approche diffĂ©rente dans les collectivitĂ©s rurales. Les solutions crĂ©atives telles que les transports en commun Ă  la demande et les navettes adaptĂ©es aux besoins spĂ©cifiques des collectivitĂ©s seront les plus efficaces, car elles offrent des solutions de remplacement Ă  faibles Ă©missions tout en contribuant Ă  lutter contre la pauvretĂ© en matiĂšre de transport. Ces options sont souvent Ă  l’échelle appropriĂ©e pour les rĂ©gions rurales et Ă©loignĂ©es, qui n’ont pas la densitĂ© requise pour un transport en commun Ă  itinĂ©raire fixe rentable. Un meilleur accĂšs Ă  des moyens de transport privĂ©s abordables et peu polluants, tels que des vĂ©hicules Ă©lectriques d’occasion, sera Ă©galement utile (Conseil d’action sur l’abordabilitĂ©, 2024).

Lacunes dans les transports ruraux et intercommunautaires

Le Canada n’a pas de vision nationale cohĂ©rente en matiĂšre de transport.

En 2013, les ministres fĂ©dĂ©ral, provinciaux et territoriaux des Transports se sont entendus sur une vision stratĂ©gique permettant de maintenir, de promouvoir et d’amĂ©liorer des rĂ©seaux de transport sĂ»rs, concurrentiels, viables et durables qui favoriseraient Ă  leur tour la prospĂ©ritĂ© Ă©conomique et la qualitĂ© de vie des Canadiens. Cette vision comprenait un plan prioritaire quinquennal visant Ă  favoriser des systĂšmes de transport homogĂšnes qui relient les personnes, les services et les emplois (Conseil des ministres, 2013).

Si des progrĂšs ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s dans certains domaines, des lacunes subsistent. La vision stratĂ©gique de 2013 a prĂ©cĂ©dĂ© les objectifs climatiques actuels du Canada et doit ĂȘtre mise Ă  jour pour les reflĂ©ter. En outre, Transports Canada dĂ©crit le rĂŽle des transports comme Ă©tant -essentiellement un soutien Ă  l’économie et au commerce du Canada (Transports Canada, 2023a). Bien que ce soit important, le transport est Ă©galement un besoin fondamental, nĂ©cessaire Ă  la survie et Ă  l’épanouissement des personnes dans leurs collectivitĂ©s.

La fermeture des lignes de bus de Greyhound Canada et de la Saskatchewan Transportation Company en 2017 et 2018 a entraĂźnĂ© une forte rĂ©duction des options de transport abordables pour de nombreux Canadiens dans les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es (voir encadrĂ© 2). Cependant, l’ampleur et la portĂ©e des lacunes en matiĂšre de connectivitĂ© des bus et des trains vont bien au-delĂ  de ces fermetures.

Les gouvernements n’ont pas rĂ©ussi Ă  mettre en place un rĂ©seau fiable de transports interurbains par autobus et par train Ă  un prix abordable.

Le transport de passagers au Canada est une compĂ©tence partagĂ©e entre les gouvernements fĂ©dĂ©ral, provinciaux, territoriaux et autochtones. Les opĂ©rateurs de bus et de trains sont aussi bien des entreprises privĂ©es que des agences publiques, avec un mĂ©lange d’autres modĂšles entre les deux. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral joue un rĂŽle important dans le transport de passagers par le biais du financement des infrastructures, de VIA Rail ainsi que de la rĂ©glementation et la collecte et l’analyse des donnĂ©es relatives au transport.

Pour fournir des services de transport abordables et durables aux collectivitĂ©s rurales, il faut une Ă©pine dorsale nationale d’autocars et de lignes ferroviaires le long des corridors les plus frĂ©quentĂ©s, avec des centres nĂ©vralgiques le long du trajet oĂč les petites collectivitĂ©s peuvent dĂ©velopper des solutions de transport rĂ©guliers ou Ă  la demande qui dĂ©posent les passagers en toute sĂ©curitĂ© pour qu’ils puissent poursuivre leur voyage.

Pourtant, le Canada ne dispose pas d’une infrastructure de transport fiable. Les services et la frĂ©quentation de VIA Rail sont en dĂ©clin depuis que les subventions d’investissement et d’exploitation ont Ă©tĂ© considĂ©rablement rĂ©duites pour la sociĂ©tĂ© d’État dans les annĂ©es 1990 (Dupuis, 2014). Entre le sommet atteint en 1983 et 2022, les subventions d’investissement et d’exploitation combinĂ©es ont diminuĂ© de 66 % (VIA Rail Canada, 2022 ; Dupuis, 2014). En outre, VIA Rail ne possĂšde que 2 % des voies qu’elle utilise, ce qui a entraĂźnĂ© des difficultĂ©s pour assurer un service frĂ©quent et ponctuel, car les trains de passagers doivent cĂ©der le passage au trafic de marchandises sur les voies partagĂ©es (Bureau du vĂ©rificateur gĂ©nĂ©ral du Canada, 2016).

Avec la perte d’importants services de transport de VIA Rail, Greyhound, Saskatchewan Transportation Company et bien d’autres depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie, les passagers des collectivitĂ©s Ă  travers le Canada se retrouvent sans options de transport sĂ»res et abordables.

Le rapport 2023 du ComitĂ© permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivitĂ©s de la Chambre des communes invitait le gouvernement fĂ©dĂ©ral Ă  collaborer avec les autres ordres de gouvernement et les opĂ©rateurs publics et privĂ©s pour recenser et combler les lacunes dans les services de transport de passagers. L’une des recommandations du comitĂ© Ă©tait que le gouvernement fĂ©dĂ©ral Ă©largisse le Fonds pour les solutions de transport en commun en milieu rural, administrĂ© par le ministĂšre du Logement, de l’Infrastructure et des CollectivitĂ©s, afin d’offrir des mesures incitatives pour les itinĂ©raires ruraux intercommunautaires (Chambre des communes, 2023a).

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral dispose d’autres leviers pour amĂ©liorer l’épine dorsale des transports au Canada, notamment le financement des infrastructures pour les provinces, les territoires et les municipalitĂ©s, VIA Rail et la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC).

Étant donnĂ© que de nombreux itinĂ©raires pour lesquels le besoin est le plus urgent dans les zones rurales ne sont pas rentables, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit soit adapter le mandat de la BIC, soit fournir des sources de financement supplĂ©mentaires pour que l’investissement de la BIC soit une solution Ă  long terme qui crĂ©e des options de transport permanentes et fiables. Il sera Ă©galement important de maintenir des tarifs abordables pour ceux qui ont le plus besoin de transports. Dans de nombreux cas, une entitĂ© publique ou Ă  but non lucratif peut ĂȘtre mieux adaptĂ©e pour fournir des services de transport de passagers abordables dans les zones rurales et Ă©loignĂ©es.

Par exemple, une combinaison de sources de financement de Transports Canada, de la BIC et du gouvernement du QuĂ©bec a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour financer le premier chemin de fer autochtone du Canada, Tshiuetin, qui relie trois PremiĂšres Nations (entre Innu Takuaikan Uashat mak Mani Utenam, Naskapi Nation of Kawawachikamach et la Nation Innu de Matimekush Lac John) Ă  Schefferville au QuĂ©bec (Banque d’infrastructure du Canada, 2021). Les tarifs sont structurĂ©s de maniĂšre Ă  offrir des rĂ©ductions importantes aux jeunes, aux personnes ĂągĂ©es et aux -Autochtones (Transport Ferrovaire Tshiuetin, s. d.).

L’Ontario a investi dans l’amĂ©lioration des services de transport pour les collectivitĂ©s du Nord par l’intermĂ©diaire de sa sociĂ©tĂ© d’État, Ontario Northland, qui fournit des services de bus et de train. Elle est en train de rĂ©tablir les lignes ferroviaires fermĂ©es entre Toronto et le Nord-Est de la province (Ontario Northland, 2023). Les collectivitĂ©s du nord de l’Ontario seront ainsi desservies par une combinaison de services d’autobus et de trains fournis par des entitĂ©s provinciales et fĂ©dĂ©rales, un modĂšle qui pourrait ĂȘtre adoptĂ© par d’autres sociĂ©tĂ©s d’État.

La sociĂ©tĂ© d’État provinciale de la Colombie-Britannique, BC Transit, gĂšre Ă©galement les transports publics dans les villes et entre les villes en dehors de la rĂ©gion mĂ©tropolitaine de Vancouver. Des fonds fĂ©dĂ©raux ont Ă©tĂ© utilisĂ©s pour aider Ă  mettre en place des services de transport public pour les collectivitĂ©s rurales, Ă©loignĂ©es et autochtones du Nord de la Colombie-Britannique aprĂšs la fermeture des itinĂ©raires par Greyhound en 2018 (Chambre des communes, 2023b).

VIA Rail assure d’importantes liaisons entre les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es du Canada et entre celles-ci. Ces itinĂ©raires pourraient ĂȘtre prolongĂ©s et la frĂ©quence du service pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ©e et rendue plus abordable. Par exemple, un billet aller simple en classe Ă©conomique de Sioux Lookout (Ontario) Ă  Toronto en fĂ©vrier 2024 coĂ»tait 221 $ et les trajets n’étaient disponibles que les lundis et jeudis (VIA Rail, s. d.).

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a annoncĂ© un projet de train Ă  haute frĂ©quence qui traversera le corridor Toronto-QuĂ©bec avec des voies rĂ©servĂ©es, dans le but d’amĂ©liorer la frĂ©quence et la fiabilitĂ© du service ferroviaire dans l’avenir (Transports Canada, 2023b). Pour s’assurer que les collectivitĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es puissent Ă©galement bĂ©nĂ©ficier de ces amĂ©liorations et d’autres amĂ©liorations du systĂšme, les arrĂȘts ferroviaires pourraient faire partie d’un systĂšme rĂ©gional en Ă©toile qui offrait des liaisons par autobus ou par fourgonnette aux collectivitĂ©s plus petites, ainsi que des bĂątiments chauffĂ©s, des toilettes, des siĂšges et des services de restauration.

Le dĂ©putĂ© nĂ©odĂ©mocrate Taylor Bachrach a lancĂ© une pĂ©tition demandant au gouvernement fĂ©dĂ©ral d’élaborer une loi pour actualiser le mandat de VIA Rail afin de rĂ©pondre aux besoins des passagers et de l’environnement et de financer le renouvellement de la flotte longue distance de VIA Rail (Chambre des communes, 2024).

Une plus grande collaboration entre les entités de services de transport aux paliers fédéral et provincial est nécessaire pour favoriser des connexions transparentes entre les services en intégrant les systÚmes de réservation et en permettant les transferts.

Le Fonds de solutions pour le transport en commun en milieu rural est un bon début, mais son mandat et ses outils sont trop limités.

Le Fonds de solutions pour le transport en commun en milieu rural, dotĂ© de 250 millions de dollars sur cinq ans et mis en place en 2021, a constituĂ© une premiĂšre Ă©tape pour remĂ©dier au grave manque d’accĂšs aux moyens de transport quotidiens que connaissent les collectivitĂ©s rurales.

Le Fonds a soutenu des solutions dans de trĂšs petites collectivitĂ©s de moins de 1 000 habitants ainsi que dans de petites villes avec des pĂ©riphĂ©ries rurales. Il apporte Ă©galement un soutien important aux communautĂ©s autochtones et a dĂ©jĂ  dĂ©passĂ© son mandat de leur consacrer 10 % de ses fonds. La Nouvelle-Écosse et l’Alberta ont Ă©tĂ© les premiĂšres Ă  accĂ©der au Fonds, mais sa popularitĂ© s’étend Ă  d’autres rĂ©gions (Infrastructure Canada, communication personnelle, 6 septembre 2023).

Cependant, plusieurs contraintes imposĂ©es au Fonds limitent son potentiel. Le programme ne couvre que les coĂ»ts d’investissement des systĂšmes de transport en commun, et non leurs opĂ©rations. Pour les transports ruraux, les coĂ»ts d’exploitation tels que les salaires des chauffeurs peuvent constituer l’une des dĂ©penses les plus importantes et un obstacle Ă  l’expansion des services. L’accent mis sur les coĂ»ts d’investissement empĂȘche Ă©galement l’utilisation de vĂ©hicules louĂ©s, qui peuvent pourtant ĂȘtre une option moins coĂ»teuse.

PrĂ©sentement, de nombreuses options de transport rural sont offerts par des organisations caritatives communautaires qui s’appuient sur des conducteurs bĂ©nĂ©voles ou qui sont soutenues par des gouvernements locaux dont les assiettes fiscales sont trĂšs limitĂ©es (Levesque, 2022). Il est difficile d’introduire de nouvelles lignes de service sans ĂȘtre en mesure de financer les coĂ»ts d’exploitation et d’investissement nĂ©cessaires Ă  la gestion et Ă  l’exploitation des itinĂ©raires, en particulier pour les collectivitĂ©s dont l’assiette fiscale est limitĂ©e.

Les services de transport en commun Ă  la demande permettent aux passagers de rĂ©server un trajet au jour et Ă  l’heure qui leur conviennent. Ce type de service gagne en popularitĂ© dans les petites villes et les collectivitĂ©srurales. Certains services visent les personnes ĂągĂ©es ou handicapĂ©es, mais beaucoup Ă©tendent Ă  toute personne qui en a besoin. Le transport Ă  la demande devient plus pratique et plus rentable grĂące aux applications logicielles et aux technologies numĂ©riques qui permettent de rĂ©server des trajets et de planifier des itinĂ©raires en toute transparence (Mobility Innovators, 2022). Pour rĂ©aliser le potentiel du transport en commun Ă  la demande, les opĂ©rateurs ont besoin de fonds pour fournir des logiciels ou s’associer Ă  des fournisseurs de technologie privĂ©s.

Le Fonds limite gĂ©nĂ©ralement le financement des projets aux dĂ©placements vers les collectivitĂ©s voisines, aux rendez-vous quotidiens et Ă  l’épicerie, plutĂŽt qu’aux dĂ©placements entre collectivitĂ©s ou aux liaisons vers les plaques tournantes de transports ou les grands centres urbains. Il n’a pas non plus soutenu les dĂ©placements entre les diffĂ©rents territoires et provinces (voir figure 2).

Le rÎle du gouvernement fédéral dans le soutien à de meilleures options de transport rural

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit jouer un rĂŽle plus important dans le soutien des solutions de transport dans les collectivitĂ©s rurales. Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande qu’il prenne les mesures suivantes.

Recommandation 1 : collaborer avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones pour développer une vision nationale renouvelée du transport de passagers, étayée par de meilleures données, recherches et analyses.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit ĂȘtre le fer de lance d’une initiative pancanadienne visant Ă  mettre Ă  jour la vision fĂ©dĂ©rale-provinciale-territoriale des transports au Canada de 2013, en mettant davantage l’accent sur les besoins des collectivitĂ©s rurales et autochtones et en comblant les lacunes en matiĂšre de transport interrĂ©gional par autobus et par train. La vision doit ĂȘtre guidĂ©e par les objectifs climatiques du Canada, et le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit investir dans l’amĂ©lioration de la collecte et de l’analyse des donnĂ©es afin de cerner les besoins et les lacunes en matiĂšre de transport qui sont prĂ©occupants du point de vue de l’accessibilitĂ© financiĂšre, de l’équitĂ©, de la santĂ©, de la sĂ©curitĂ© et de l’environnement. Cela devrait inclure l’élaboration d’une enquĂȘte nationale sur les dĂ©placements des mĂ©nages, gĂ©rĂ©e par Statistique Canada, afin de suivre les habitudes de dĂ©placement au-delĂ  des trajets entre le domicile et le travail.

Recommandation 2 : Utiliser le financement des infrastructures et VIA Rail pour aider Ă  combler les lacunes des services de train et d’autobus interrĂ©gionaux nationaux.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit soutenir les efforts dĂ©ployĂ©s par les provinces, les territoires et les populations autochtones pour combler les lacunes dans les services d’autobus et de train en -finançant les infrastructures et en amĂ©liorant les infrastructures et les services de VIA Rail. Dans le cadre de ses efforts, le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait s’efforcer de rĂ©pondre aux besoins des populations vulnĂ©rables en leur offrant des services de transport plus abordables, plus accessibles et moins polluants. Pour amĂ©liorer la frĂ©quence des services de VIA Rail et rendre les tarifs plus abordables, il faudra investir davantage dans le renouvellement des locomotives et des wagons, dans les arrĂȘts et les gares, dans le personnel, ainsi que dans l’infrastructure ferroviaire.

Pour faire de VIA Rail l’épine dorsale d’un rĂ©seau de transport national, le gouvernement pourrait lui fournir des fonds supplĂ©mentaires pour qu’il offre un service de navette entre les gares et les collectivitĂ©s avoisinantes. VIA Rail doit Ă©galement amĂ©liorer son intĂ©gration aux rĂ©seaux de bus provinciaux existants, en utilisant les arrĂȘts ruraux et Ă©loignĂ©s comme des centres de transport rĂ©gionaux sĂ»rs qui permettent des transferts fluides Ă  travers un rĂ©seau pancanadien.

Recommandation 3 : élargir le Fonds de solutions pour le transport en commun en milieu rural afin de couvrir un plus large éventail de coûts, de projets et de candidats

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit Ă©largir le Fonds de solutions pour le transport rural afin de tirer parti de sa rĂ©ussite. Il peut le faire en Ă©largissant les coĂ»ts admissibles pour inclure les coĂ»ts d’exploitation tels que la location de vĂ©hicules, les salaires des employĂ©s et les autres -ressources humaines nĂ©cessaires pour superviser les itinĂ©raires, ainsi que les logiciels requis pour gĂ©rer les services Ă  la demande. Le Fonds peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ© pour soutenir les dĂ©placements intercommunautaires entre les provinces et les territoires.

Ces ajustements favoriseront des solutions de transport équitable et durable dans les collectivités rurales et aideront le gouvernement fédéral à atteindre ses objectifs en matiÚre de climat et de réduction de la pauvreté, tout en facilitant les efforts de réconciliation avec les communautés autochtones.

RELATION AVEC D’AUTRES PRIORITÉS EN MATIÈRE D’AMÉLIORATION DE L’ABORDABILITÉ

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© a donnĂ© la prioritĂ© au logement, au transport et Ă  l’alimentation en tant que domaines clĂ©s dans lesquels le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut agir pour aider les mĂ©nages Ă  faibles revenus Ă  satisfaire leurs besoins fondamentaux d’une maniĂšre qui favorise Ă©galement la rĂ©duction des Ă©missions et la rĂ©silience face aux changements climatiques.

Des options de transport bien planifiĂ©es et abordables peuvent amĂ©liorer l’accĂšs Ă  l’emploi et aux activitĂ©s sociales et rĂ©duire la nĂ©cessitĂ© de possĂ©der une voiture dans les zones rurales. Dans notre note d’information sur les transports urbains, le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande de modifier le programme fĂ©dĂ©ral d’incitations pour les vĂ©hicules zĂ©ro Ă©mission, ce qui pourrait Ă©galement profiter aux automobilistes ruraux en leur offrant des remises pour l’achat de vĂ©hicules Ă©lectriques d’occasion. Des connexions plus fluides entre les rĂ©seaux rĂ©gionaux de bus et de trains et les systĂšmes urbains de transport en commun amĂ©lioreraient l’accĂšs au transport et l’abordabilitĂ© dans tout le pays. Des options de transport plus abordables seraient bĂ©nĂ©fiques pour les budgets des mĂ©nages ainsi que pour l’environnement, et permettraient de libĂ©rer des dĂ©penses pour l’alimentation afin de rĂ©duire l’insĂ©curitĂ© alimentaire.

Repenser la mobilité urbaine : Offrir des options de transport plus abordables et plus équitables

Le transport est l’une des dĂ©penses les plus importantes pour les mĂ©nages, avec le logement et l’alimentation. Il reprĂ©sente Ă©galement la deuxiĂšme source d’émissions de gaz Ă  effet de serre (GES) au Canada. Afin d’offrir aux Canadiens Ă  faible revenu des options de transport abordables et utilisant des Ă©nergies propres, le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait rĂ©viser son programme de mesures incitatives pour les vĂ©hicules Ă©lectriques et fournir un financement opĂ©rationnel durable pour les systĂšmes de transport en commun.

PrĂšs d’un million de personnes vivant dans les huit plus grandes villes du Canada Ă©taient menacĂ©es de pauvretĂ© en matiĂšre de transport en 2019, ce qui signifie qu’elles n’ont pas accĂšs aux transports ou qu’elles n’ont pas les moyens de les payer. Sans un soutien accru, ces Canadiens risquent l’iso-lement social et Ă©conomique. Les politiques de mobilitĂ© urbaine doivent mieux servir les mĂ©nages Ă  faible revenu et tenir compte en prioritĂ© de leurs besoins sur la voie de la carboneutralitĂ©.

Avec la crise financiĂšre qui frappe les systĂšmes de transport en commun et l’introduction de rĂ©glementations nationales qui interdiront progressivement la vente de nouvelles voitures Ă  essence d’ici 2035, il est temps de repenser le rĂŽle du gouvernement fĂ©dĂ©ral dans le transport de passagers.

Pour parvenir Ă  un systĂšme de transport plus Ă©quitable et Ă  faible Ă©mission de carbone, le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de prendre deux mesures clĂ©s :

1. RĂ©former le Programme d’incitatifs pour les vĂ©hicules zĂ©ro Ă©mission (iVZE) afin de soutenir l’achat d’options de transport Ă  moindre coĂ»t et sans Ă©mission, telles que les vĂ©hicules Ă©lectriques d’occasion, les vĂ©los Ă©lectriques, les cyclomoteurs et les scooters Ă©lectriques, et de rĂ©orienter les incitatifs afin de mieux soutenir les mĂ©nages Ă  faible et Ă  moyen revenus.

Pour gĂ©rer les coĂ»ts du programme et promouvoir l’équitĂ©, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit faire des acheteurs Ă  faibles et moyens revenus les principaux bĂ©nĂ©ficiaires du programme et supprimer progressivement les rabais dans les points de vente pour les mĂ©nages Ă  -revenus plus Ă©levĂ©s. Il doit Ă©galement abaisser progressivement les limites de prix existantes pour les vĂ©hicules admissibles au programme.

2. Tirer parti du financement fĂ©dĂ©ral des transports en commun pour dĂ©velopper des -services accessibles et abordables en fournissant des fonds d’exploitation pour augmenter la frĂ©quentation.

Les fonds de fonctionnement permettraient aux systĂšmes de transport en commun de s’adapter aux nouveaux modes de dĂ©placement et de se remettre des pertes de frĂ©quentation liĂ©es Ă  la pandĂ©mie, d’augmenter la frĂ©quence des services et d’amĂ©liorer l’accessibilitĂ© des tarifs. Pour stimuler la croissance de la frĂ©quentation et garantir un meilleur accĂšs au logement, le gouvernement doit Ă©galement accĂ©lĂ©rer le dĂ©ploiement du plan de financement permanent du transport en commun et mettre en place des exigences en matiĂšre de densitĂ© de logement Ă  proximitĂ© des stations de transport en commun.

DE NOMBREUX CANADIENS sont aux prises avec le manque D’OPTIONS DE TRANSPORT ABORDABLES

Lorsqu’il s’agit de se dĂ©placer, de nombreux Canadiens n’ont pas de choix abordables. Les transports en commun sont souvent non disponibles ou peu pratiques dans les zones oĂč le logement est abordable, et les coĂ»ts pour les propriĂ©taires de voiture augmentent.

Il en rĂ©sulte une pauvretĂ© en matiĂšre de transport. Celle-ci survient lorsque les personnes n’ont pas accĂšs Ă  des moyens de transport abordables et accessibles (Kiss, 2022). Faute de pouvoir se rendre lĂ  oĂč elles le souhaitent, les personnes confrontĂ©es Ă  la pauvretĂ© en matiĂšre de transport sont souvent victimes d’exclusion sociale et n’ont qu’un accĂšs limitĂ© aux occasions d’emploi et aux services essentiels tels que les soins de santĂ© et l’éducation.

Les mĂ©nages Ă  faibles revenus sont particuliĂšrement vulnĂ©rables Ă  la pauvretĂ© en matiĂšre de transport, car nombre d’entre eux n’ont pas les moyens de s’offrir un vĂ©hicule privĂ©. D’autres facteurs, tels que le handicap, le fait d’avoir des enfants, le sexe et l’appartenance ethnique peuvent l’aggraver. Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2019 a rĂ©vĂ©lĂ© que 40 % de l’ensemble des rĂ©sidents Ă  faible revenu (prĂšs d’un million de personnes) des huit plus grandes villes du Canada Ă©taient exposĂ©s au risque de pauvretĂ© en matiĂšre de transport (Allen & Farber, 2019) (voir figure 1).

Le transport constitue l’un des coĂ»ts les plus importants pour les familles canadiennes. Comme le montre la figure 2, les dĂ©penses de transport reprĂ©sentaient plus d’un quart du revenu avant impĂŽt des mĂ©nages Ă  trĂšs faible revenu au deuxiĂšme trimestre 2023.

Bien que les dĂ©penses des mĂ©nages en matiĂšre de transport aient diminuĂ© Ă  la suite de la pandĂ©mie, les gens reviennent maintenant en personne sur leurs lieux de travail et les temps de dĂ©placement augmentent Ă  nouveau. Entre janvier 2019 et janvier 2023, l’indice des prix Ă  la consommation (IPC) pour les transports publics a augmentĂ© de 17 %, tandis que les prix des transports privĂ©s ont augmentĂ© de 21 % au cours de la mĂȘme pĂ©riode
(Statistique Canada, 2023a).

Les coĂ»ts Ă©levĂ©s des transports et du logement crĂ©ent un paradoxe Ă  l’égard de l’accessibilitĂ© financiĂšre. L’augmentation rapide du coĂ»t du logement pousse de plus en plus de Canadiens Ă  vivre loin des centres urbains. Cette situation a conduit de nombreuses familles Ă  faibles revenus Ă  s’installer dans des endroits plus dĂ©pendants de l’automobile, oĂč les services de transport en commun sont moins frĂ©quents et oĂč les trajets entre le domicile et le travail sont plus longs. De nombreux Canadiens Ă  faibles revenus et racialisĂ©s sont confrontĂ©s Ă  des « trajets extrĂȘmes », c’est-Ă -dire des trajets qui durent plus d’une heure pour un aller simple (Allen et Farber, 2021).

Les Canadiens se retrouvent de plus en plus souvent devant un « paradoxe de l’abordabilitĂ©Â Â»â€ˆ: ils doivent choisir entre des logements moins chers dans les banlieues, oĂč le manque de services de transport en commun rend indispensable la possession d’un vĂ©hicule personnel coĂ»teux, et des logements plus chers dans les centres urbains, oĂč l’accĂšs Ă  des transports en commun fiables peut potentiellement rendre l’automobile inutile (Kramer, 2018). Pour beaucoup, le choix de vivre plus loin des grands centres a conduit Ă  un isolement social accru et Ă  des dĂ©savantages sociaux aggravĂ©s, tel qu’un accĂšs rĂ©duit aux emplois, aux services et Ă  d’autres avantages (Allen et al., 2022).

Le manque d’options de transport exacerbe les inĂ©galitĂ©s

Dans les dix plus grandes rĂ©gions mĂ©tropolitaines du Canada, les personnes racisĂ©es, les jeunes, les femmes, les immigrants et les personnes Ă  faible revenu sont plus susceptibles d’utiliser les transports en commun pour se rendre au travail (Statistique Canada, 2022a). Il est donc -essentiel de soutenir les systĂšmes de transport en commun pour favoriser un accĂšs Ă©quitable aux options de transport.

En outre, une grande partie des personnes qui utilisent les transports publics effectuent des trajets en dehors des heures de pointe, notamment les travailleurs à faible revenu, qui sont -disproportionnellement racisés (Palm et al., 2023). Pourtant, la plupart des systÚmes de transport public sont conçus pour desservir les voyageurs qui se rendent dans un quartier commercial central et qui en reviennent, selon un horaire de neuf à cinq en semaine (Taylor et Morris, 2015).

À MontrĂ©al, les dĂ©placements entre le domicile et le travail liĂ©s Ă  l’emploi reprĂ©sentent moins de la moitiĂ© de tous les dĂ©placements en transport en commun (Ravensbergen et al., 2023). Le deuxiĂšme type de dĂ©placement le plus courant est le dĂ©placement pour soins, qui est -effectuĂ© de maniĂšre disproportionnĂ©e par les femmes. Il s’agit d’activitĂ©s telles que les courses, l’accompagnement des enfants et d’autres dĂ©placements liĂ©s Ă  l’entretien de la maison. La pandĂ©mie a prouvĂ© que le transport public est un Ă©lĂ©ment clĂ© de la vie quotidienne et pas seulement un moyen de dĂ©placement (Farber et al., 2022). Tout au long de la pandĂ©mie, la demande de transport en commun est restĂ©e forte dans les quartiers Ă  faibles revenus oĂč les travailleurs manuels et les travailleurs des services sont plus susceptibles de vivre (Freemark et al., 2021).

Dans les trois plus grandes rĂ©gions mĂ©tropolitaines du Canada (MontrĂ©al, Toronto et -Vancouver), seuls 12 Ă  16 % des dĂ©placements sont effectuĂ©s en transport en commun (Transportation Tomorrow, 2016 ; ARTM, 2018 ; TransLink, 2017). Dans les zones urbaines plus petites, oĂč les arrĂȘts de transport en commun sont plus rares et plus espacĂ©s (Statistique Canada, 2023a), la majoritĂ© des dĂ©placements se font en voiture (Statistique Canada, 2022b).

Les estimations montrent que 20 Ă  40 % des habitants d’une communautĂ© type ne peuvent pas, ne devraient pas ou prĂ©fĂšrent ne pas conduire pour la plupart de leurs dĂ©placements (Litman, 2023). Il s’agit notamment des personnes handicapĂ©es, des personnes ĂągĂ©es qui ne conduisent pas ou ne devraient pas conduire, des adolescents, des mĂ©nages disposant d’un vĂ©hicule partagĂ©. Pour certaines personnes, notamment celles dont la mobilitĂ© est rĂ©duite ou qui ont d’autres besoins particuliers, la conduite d’une voiture peut ĂȘtre la seule option viable pour se rendre lĂ  oĂč elles doivent aller. Or, possĂ©der et utiliser une voiture coĂ»te de plus en plus cher.

Le prix mĂ©dian d’un vĂ©hicule d’occasion, que les familles Ă  faible ou Ă  moyen revenu sont plus susceptibles d’acheter, a augmentĂ© de 110 % entre 2019 et 2023, passant d’un peu moins de 19 000 dollars Ă  environ 40 000 dollars (AutoTrader, 2023). Pour les vĂ©hicules neufs, les prix ont augmentĂ© de prĂšs de 70 %, passant de 39 000 Ă  66 000 dollars au cours de la mĂȘme pĂ©riode. En raison de la hausse des taux d’intĂ©rĂȘt, les mĂ©nages ont de plus en plus de mal Ă  payer leur voiture (Young et Fanjoy, 2023). Par rapport aux prix prĂ©pandĂ©miques du dĂ©but de 2020, le coĂ»t des mensualitĂ©s a augmentĂ© de 30 % pour les vĂ©hicules d’occasion et de 20 % pour les vĂ©hicules neufs (Alini, 2023).

LES TENDANCES ACTUELLES ne permettent pas de rĂ©aliser LES OBJECTIFS EN MATIÈRE D’ABORDABILITÉ OU DE CHANGEMENT CLIMATIQUE

De plus en plus de logements sont construits loin des centres-villes, les systĂšmes de transport en commun rĂ©duisent leurs services et augmentent leurs tarifs, et la taille des vĂ©hicules s’accroĂźt. En consĂ©quence, les coĂ»ts de transport des mĂ©nages augmentent. Ces tendances empĂȘchent Ă©galement le Canada d’atteindre ses objectifs de rĂ©duction des Ă©missions de GES.

Les transports sont la deuxiĂšme source d’émissions de GES au Canada, avec 150 mĂ©gatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone en 2021 (Environnement et Changement climatique Canada, 2023). Les dĂ©placements des personnes (voitures, camionnettes, motocyclettes, autobus, trains et avions) ont reprĂ©sentĂ© plus de la moitiĂ© de ces Ă©missions.

Les Ă©missions des vĂ©hicules Ă  essence et Ă  moteur diesel prĂ©sentent des risques importants pour la santĂ©, en particulier pour les enfants et les personnes ĂągĂ©es. SantĂ© Canada estime que la pollution de l’air due Ă  la circulation automobile a contribuĂ© Ă  1 200 dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ©s et a entraĂźnĂ© des coĂ»ts socioĂ©conomiques de 9,5 milliards de dollars en 2015 (SantĂ© Canada, 2022).

Étalement urbain et dĂ©placements domicile-travail

Les centres urbains se dĂ©veloppent et les temps de trajet augmentent. En 2021, ce sont 73,7 % des Canadiens qui vivaient dans un grand centre urbain (Statistique Canada, 2022b). De 2016 Ă  2021, les banlieues intermĂ©diaires (situĂ©es Ă  20 ou 30 minutes du centre-ville) ont connu une croissance importante ; ces zones se sont Ă©largies de plus de 20 % Ă  Edmonton, Calgary et Ottawa. Les banlieues Ă©loignĂ©es (celles situĂ©es Ă  30 minutes ou plus du centre-ville) ont Ă©galement connu une croissance. Ces zones se sont Ă©largies de plus de 9 % Ă  Toronto et Ă  Vancouver, et de plus de 7 % Ă  MontrĂ©al.

Entre mai 2021 et mai 2023, le nombre de travailleurs ayant Ă  faire un trajet en voiture de plus d’une heure a augmentĂ© de 51,7 % et reprĂ©sentait 7 % de tous ceux qui se dĂ©placent en voiture (prĂšs de 900 000 personnes) (Statistique Canada, 2023c). Remarquons que ces longs trajets s’effectuent de plus en plus au sein des mĂȘmes zones urbaines.

Le fait de parcourir de plus longues distances signifie que les mĂ©nages dĂ©pensent plus pour l’essence et que les voitures Ă©mettent plus de dioxyde de carbone. Cela se traduit Ă©galement par une augmentation des embouteillages et de la pollution de l’air dans les zones urbaines.

Les systĂšmes de transport en commun et le manque Ă  gagner

Les systĂšmes de transport public ont du mal Ă  s’adapter aux modes de dĂ©placement post–pandĂ©miques (voir figure 3). Auparavant, les systĂšmes de transport se concentraient sur les dĂ©placements de pointe des voyageurs et les budgets d’exploitation reposaient sur les recettes des passagers pour couvrir plus de la moitiĂ© des coĂ»ts (Association canadienne du transport urbain, 2020).

Pendant la pandĂ©mie, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a fourni une aide au fonctionnement d’urgence aux agences de transport afin qu’elles puissent continuer Ă  fournir des services aux travailleurs essentiels et Ă  rĂ©tablir la frĂ©quentation, mais cette aide a pris fin depuis, et le manque Ă  gagner n’a Ă©tĂ© que partiellement comblĂ© par certaines provinces.

De nombreuses municipalités ont alors choisi de faire peser le fardeau sur les usagers en augmentant les tarifs de transports en commun et en réduisant les services. Pourtant, ces tendances entraßnent une réduction encore plus importante de la fréquentation, ce qui conduit inévitablement à de nouvelles suppressions de trajets et à de nouvelles augmentations de tarifs (Freemark et Rennert, 2023).

Taille du véhicule et rendement énergétique

Les dĂ©placements de passagers Ă  l’aide de camions lĂ©gers ont reprĂ©sentĂ© un tiers des Ă©missions totales de gaz Ă  effet de serre provenant des transports en 2021 (Environnement et Changement climatique Canada, 2023). La part des camions lĂ©gers (minifourgonnettes, vĂ©hicules utilitaires sport, camionnettes et fourgonnettes) en pourcentage de toutes les ventes de voitures neuves au Canada, a augmentĂ© rĂ©guliĂšrement, passant de 53 % en 2010 Ă  80 % en 2022 (Statistique Canada, 2023d).

En consĂ©quence, le parc canadien de vĂ©hicules personnels prĂ©sente la plus mauvaise Ă©conomie de carburant de tous les grands marchĂ©s automobiles du monde, et la croissance des ventes de camions lĂ©gers annule les gains en matiĂšre d’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et de rĂ©duction des Ă©missions de GES (voir figure 4). Les camions lĂ©gers ont un rendement Ă©nergĂ©tique infĂ©rieur Ă  celui des autres modĂšles de voitures, produisent plus d’émissions et sont plus coĂ»teux pour leurs propriĂ©taires.

Tendances positives

Il existe toutefois certaines tendances positives. Le nombre de nouvelles immatri-culations de vĂ©hicules Ă©lectriques Ă  batterie (VE) et de vĂ©hicules hybrides rechargeables est en constante augmentation, atteignant 13,3 % du marchĂ© au troisiĂšme trimestre 2023. S&P Global -Mobility (2023) prĂ©voit que les vĂ©hicules Ă  zĂ©ro Ă©mission reprĂ©senteront 25 % du marchĂ© canadien d’ici 2025.

Le programme fĂ©dĂ©ral d’incitation pour les vĂ©hicules Ă  zĂ©ro Ă©mission (iVZE) offre jusqu’à 5 000 dollars aux particuliers qui achĂštent de nouveaux vĂ©hicules Ă  zĂ©ro Ă©mission auprĂšs de concessionnaires enregistrĂ©s au Canada. Entre 2019 et 2023, les demandes annuelles auprĂšs du programme d’incitation ont passĂ©es d’environ 34 000 Ă  114 000 (voir figure 5). La modĂ©lisation suggĂšre que le maintien des subventions existantes jusqu’en 2035 coĂ»terait prĂšs de 27,3 milliards de dollars (Axsen et Bhardwaj, 2022). Au fur et Ă  mesure que le marchĂ© canadien des VE se dĂ©veloppe, il sera essentiel que le programme iVZE Ă©volue et fournisse un soutien plus ciblĂ© aux mĂ©nages Ă  faible ou moyen revenu.

APPROCHES ET LACUNES DE LA POLITIQUE ACTUELLE

Tous les ordres de gouvernement ne parviennent pas Ă  amĂ©liorer l’accĂšs aux transports, leur accessibilitĂ© financiĂšre et leur durabilitĂ©. Les systĂšmes de transport public sont en difficultĂ© et ont besoin de plus de fonds d’exploitation pour offrir des services supplĂ©mentaires et augmenter le nombre d’usagers. Les mesures provinciales telles que les rĂ©ductions des taxes sur l’essence profitent principalement aux mĂ©nages aisĂ©s, vont Ă  l’encontre des efforts de rĂ©duction des Ă©missions et privent les gouvernements des recettes nĂ©cessaires pour investir dans des solutions. Enfin, le principal programme fĂ©dĂ©ral visant Ă  encourager l’achat de vĂ©hicules Ă©lectriques n’est pas applicable aux personnes Ă  faible revenu.

L’accent mis sur le financement du capital laisse de nombreux bus Ă  l’arrĂȘt

En 2016, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a lancĂ© le Programme d’infrastructure Investir dans le -Canada (PIIC), qui comprend 23,5 milliards de dollars d’investissements en capital pour les systĂšmes de transport en commun. Le programme s’est engagĂ© Ă  partager 40 % des coĂ»ts des projets d’investissement par le biais d’accords bilatĂ©raux fĂ©dĂ©raux-provinciaux-territoriaux. MalgrĂ© la promesse de ces investissements historiques, le service de transport public par habitant est aujourd’hui infĂ©rieur de 7 % pour le Canadien moyen Ă  ce qu’il Ă©tait lors du lancement du programme (Association canadienne du transport urbain, 2022). Les systĂšmes de transport public n’ont tout simplement pas suivi la croissance de la population.

Comme le PIIC ne finance que les investissements en capital et non les dĂ©penses d’exploi-tation, un nombre croissant d’autobus restent inutilisĂ©s dans les garages. Par exemple, la Toronto Transit Commission compte 172 bus, 44 tramways et 13 rames de mĂ©tro qui restent inutilisĂ©s en raison d’un manque de chauffeurs (Elliott, 2023). Dans l’ensemble du pays, on estime Ă  1 700 le nombre d’autobus immobilisĂ©s.

En 2021, le gouvernement fĂ©dĂ©ral s’est engagĂ© Ă  fournir 3 milliards de dollars par annĂ©e pour le financement permanent du transport en commun Ă  partir de 2026-2027 par le biais du fonds permanent pour le transport en commun, mais il ne financera que les projets d’investissement et non les opĂ©rations (Infrastructure Canada, 2022).

Sans une source prĂ©visible et stable de financement opĂ©rationnel, les municipalitĂ©s dont les budgets sont serrĂ©s ont du mal Ă  supporter ce fardeau. Les collectivitĂ©s locales ne perçoivent que 10 % de l’ensemble des recettes fiscales (OCDE, 2021), mais sont responsables de 60 % des infrastructures du Canada (Johal, 2019). Les municipalitĂ©s paient dĂ©jĂ  75 % des coĂ»ts d’exploitation des transports en commun (Association canadienne du transport urbain, 2023). Les rĂ©gions qui dĂ©pendent principalement des services d’autobus, y compris la plupart des petites et moyennes villes du Canada, sont touchĂ©es de maniĂšre disproportionnĂ©e, car chaque autobus a besoin d’un chauffeur et la main-d’Ɠuvre constitue le plus important coĂ»t d’exploitation du transport en commun.

Les réductions de la taxe sur les carburants profitent essentiellement aux riches

En rĂ©ponse Ă  l’augmentation des prix de l’énergie et aux problĂšmes d’accessibilitĂ©, certains gouvernements provinciaux ont rĂ©duit les taxes sur les carburants afin d’allĂ©ger la pression des prix pour les consommateurs. Cependant, ces politiques ont souvent un impact rĂ©gressif, bĂ©nĂ©ficiant principalement aux personnes les plus riches parce que celles-ci conduisent davantage. Les rĂ©ductions des taxes sur les carburants vont Ă©galement Ă  l’encontre des politiques climatiques telles que le prix du carbone, et entraĂźnent un manque Ă  gagner en termes de -recettes fiscales nĂ©cessaires pour soutenir les services publics (Samson et al., 2022).

Des recherches rĂ©centes menĂ©es par Trevor Tombe et Jennifer Winter (2023) montrent que les impĂŽts indirects tels que les taxes de vente, les taxes sur les carburants et la taxe fĂ©dĂ©rale sur le carbone ont un impact minime sur les prix Ă  la consommation. Ils estiment que l’impact cumulĂ© de toutes les augmentations d’impĂŽts indirects sur les prix Ă  la consommation entre janvier 2015 et octobre 2023 n’a Ă©tĂ© que de 0,6 %. Une analyse de l’Institut climatique du Canada montre que les exemptions Ă  la taxe carbone, telles que l’exemption rĂ©cemment annoncĂ©e par le gouvernement fĂ©dĂ©ral pour le mazout rĂ©sidentiel, causent une augmentation des Ă©missions et aggravent la situation des mĂ©nages Ă  faible revenu en raison de la rĂ©duction des rabais accordĂ©s dans le cadre du programme Paiement de l’incitatif Ă  agir pour le climat (Sawyer et Beugin, 2023).

Les incitatifs sur les VZE ne répondent pas aux besoins des ménages à faibles revenus.

Les vĂ©hicules Ă  zĂ©ro Ă©mission (VZE) ont actuellement un coĂ»t initial plus Ă©levĂ© que leurs Ă©quivalents Ă  essence, mais leurs coĂ»ts d’exploitation et d’entretien Ă  long terme sont plus faibles, ce qui contribue Ă  une rĂ©duction substantielle des Ă©missions de carbone et Ă  des Ă©conomies Ă  long terme pour leurs propriĂ©taires (voir figure 6) (McNamara et al., 2023).

Transports Canada encourage l’adoption de VZE par le biais du programme iVZE. Ce programme ne rĂ©pond toutefois pas aux besoins des mĂ©nages Ă  faible revenu.

Les mĂ©nages Ă  faibles revenus sont plus susceptibles d’acheter des voitures d’occasion. Les VZE d’occasion peuvent offrir des rĂ©ductions importantes par rapport aux modĂšles plus -rĂ©cents. Cependant, ils ne sont pas actuellement admissibles au programme fĂ©dĂ©ral iVZE. Plusieurs autres juridictions, dont les États-Unis, le QuĂ©bec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador, les incluent.

Le programme iVZE n’est pas non plus soumis Ă  un critĂšre de revenu. Par consĂ©quent, les mĂ©nages Ă  revenu Ă©levĂ© en sont les principaux bĂ©nĂ©ficiaires. De nombreux acheteurs Ă  revenus Ă©levĂ©s achĂštent un VE indĂ©pendamment des subventions gouvernementales, ce qui signifie que le gouvernement subventionne en fait un comportement existant (Sheldon et Dua, 2019). Des Ă©tudes ont montrĂ© que 90 % de tous les crĂ©dits d’impĂŽt pour les VE sont distribuĂ©s aux 20 % des revenus les plus Ă©levĂ©s (Borenstein et Davis, 2016) et sont principalement distribuĂ©s dans les quartiers les plus aisĂ©s (Guo & Kontou, 2021).

Les consommateurs Ă  faible ou moyen revenus sont gĂ©nĂ©ralement plus hĂ©sitants quant Ă  l’achat d’un VE. Lier les incitations aux revenus permettrait de mieux influencer leurs dĂ©cisions d’achat (DeShazo et al., 2017). Certaines juridictions, comme la Colombie-Britannique et la -Californie, testent dĂ©jĂ  leurs incitations Ă  l’achat de VE en fonction des revenus, en ajustant leurs programmes pour se concentrer sur les mĂ©nages Ă  faibles revenus Ă  mesure que -l’adoption des VZE augmente.

Le programme iVZE ne s’applique pas non plus aux nouvelles formes de micromobilitĂ© sans Ă©missions, comme les vĂ©los Ă©lectriques, les cyclomoteurs et les quadricycles, malgrĂ© la croissance de la demande pour ces formes de mobilitĂ©. En Colombie-Britannique, la remise sur les vĂ©los Ă©lectriques en fonction des revenus a suscitĂ© un vif intĂ©rĂȘt, atteignant une inscription excĂ©dentaire huit heures seulement aprĂšs son lancement (The Energy Mix, 2023). À l’échelle mondiale, l’adoption des VZE a dĂ©jĂ  permis de rĂ©duire la demande de pĂ©trole de prĂšs de 1,7 million de barils par jour en 2022, dont 61 % pour les vĂ©hicules Ă  deux et trois roues
(BloombergNEF, 2022).

La nouvelle rĂ©glementation canadienne sur les vĂ©hicules exigera que tous les nouveaux vĂ©hicules lĂ©gers vendus soient Ă  zĂ©ro Ă©mission d’ici 2035. La modĂ©lisation suggĂšre que cette -rĂ©glementation peut faire baisser le prix d’un VZE d’environ 20 % par rapport Ă  la trajectoire de rĂ©fĂ©rence actuelle en encourageant davantage d’investissements dans la recherche et le dĂ©veloppement de vĂ©hicules et de batteries, ce qui permettra de mettre sur le marchĂ© des modĂšles plus abordables (Axsen et Bhardwaj, 2022). Au fur et Ă  mesure que les exigences canadiennes en matiĂšre de ventes de VZE augmenteront, les rabais joueront un rĂŽle moins important dans la stimulation de la demande de VE et les incitations Ă  grande Ă©chelle deviendront insoutenables sur le plan financier.

LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL PEUT AIDER À FOURNIR DES OPTIONS DE TRANSPORT PLUS ABORDABLES

Alors que les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux sont en premiĂšre ligne pour rĂ©soudre les problĂšmes de transport au Canada, le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut jouer un rĂŽle important dans deux domaines clĂ©s. Il peut rĂ©former son programme iVZE afin de mieux soutenir les mĂ©nages Ă  faible et moyen revenus. Il peut Ă©galement ajuster son financement des transports publics afin de fournir des fonds d’exploitation qui ciblent mieux l’accessibilitĂ© et l’abordabilitĂ©, et des fonds d’investissement qui sont liĂ©s Ă  de meilleurs rĂ©sultats en matiĂšre de logement et de climat.

Recommandation n° 1 : RĂ©former le programme iVZE pour qu’il se concentre sur les mĂ©nages Ă  faible et moyen revenus

À mesure que le marchĂ© des VE se dĂ©veloppe et que des modĂšles plus Ă©conomiques deviennent disponibles, le programme iVZE doit offrir un soutien ciblĂ© aux acheteurs Ă  revenu faible ou moyen qui achĂštent des VE dans les segments abordables du marchĂ©. Il peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ© pour encourager des formes nouvelles et innovantes de modes de mobilitĂ© sans -Ă©missions, offrant ainsi davantage de choix aux Canadiens.

  • Élargir le champ d’application du programme pour inclure les VZE d’occasion

Le programme doit Ă©tendre doit l’admissibilitĂ© aux VZE d’occasion. Dans d’autres juridictions oĂč les VZE d’occasion sont couverts, il n’y a gĂ©nĂ©ralement qu’une seule incitation autorisĂ©e pour chaque vĂ©hicule d’occasion (vĂ©rifiĂ©e avec le numĂ©ro d’idendification du vĂ©hicule), appliquĂ©e uniquement chez les concessionnaires enregistrĂ©s et assortie d’une obligation de tester les performances de la batterie. Les États-Unis ont fixĂ© Ă  25 000 dollars amĂ©ricains (34 000 dollars canadiens) le prix maximum des vĂ©hicules VZE d’occasion admissibles Ă  l’incitation et les acheteurs peuvent dĂ©terminer l’admissibilitĂ© des vĂ©hicules d’occasion aux crĂ©dits d’impĂŽt en saisissant le numĂ©ro d’identification du vĂ©hicule dans un outil de recherche en ligne (Internal Revenue Service, 2023).

  • Abaisser progressivement la limite de prix pour les vĂ©hicules achetĂ©s grĂące Ă  des incitations iVZE

 Les analystes de l’industrie ont observĂ© que les prix des VZE sont influencĂ©s par les limites de prix fixĂ©es par le gouvernement fĂ©dĂ©ral pour les vĂ©hicules admissibles dans le cadre du programme iVZE (Kennedy, 2023). Les prix limites actuels varient entre 55 000 et 70 000 dollars selon les modĂšles. L’abaissement progressif des limites de prix existantes pourrait encourager les constructeurs automobiles Ă  commercialiser des VE plus abordables sur le marchĂ© canadien.

  • Accorder plus de soutien aux mĂ©nages Ă  faibles revenus

Le programme doit rĂ©affecter les fonds existants de maniĂšre plus Ă©quitable en accordant davantage de soutien aux mĂ©nages Ă  revenus faibles et moyens et en supprimant progressivement les incitations destinĂ©es aux mĂ©nages plus aisĂ©s. La Californie a fixĂ© un plafond de revenu pour l’admissibilitĂ© Ă  son programme de rabais VZE, et la Colombie-Britannique a fait de mĂȘme tout en augmentant le montant du rabais pour les acheteurs Ă  faible revenu.

  • Soutenir l’achat de moyens de transport Ă  moindre coĂ»t et sans Ă©missions

Le programme iVZE devrait ĂȘtre Ă©largi pour inclure les fauteuils de mobilitĂ© et les quadricycles, ainsi que les vĂ©hicules Ă  deux ou trois roues tels que les scooters Ă©lectriques, les vĂ©los Ă©lectriques et les scooters. Plus de la moitiĂ© des trajets entre le domicile et le travail effectuĂ©s en voiture, en camion ou en camionnette font moins de 10 kilomĂštres, et 32 % font 5 kilomĂštres ou moins (Statistique Canada, 2017). Le remplacement des plus gros -vĂ©hicules pour ces courts trajets par des scooters et des vĂ©los Ă©lectriques pourrait amĂ©liorer considĂ©rablement les -embouteillages et rĂ©duire les Ă©missions. En Colombie-Britannique, les remises sur les vĂ©los Ă©lectriques en fonction du revenu vont de 350 à 1 400 dollars (BC Electric Bike Rebate Program, s. d.). La Californie offre jusqu’à 1 000 dollars pour les vĂ©los Ă©lectriques ordinaires et jusqu’à 1 750 dollars pour les vĂ©los Ă©lectriques cargos ou adaptĂ©s (California E-Bike Incentive Project, s. d.).

Recommandation n°2 : Tirer parti du financement fĂ©dĂ©ral des transports en commun pour dĂ©velopper des services de transport en commun accessibles et abordables qui s’harmonisent aux objectifs en matiĂšre de logement et de climat.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut utiliser le soutien au financement de l’exploitation pour amĂ©liorer la qualitĂ© des services de transport en commun et augmenter le nombre d’usagers. Les investissements Ă  long terme peuvent ĂȘtre mis Ă  profit pour garantir l’intĂ©gration des dĂ©cisions de financement en matiĂšre de logement, de climat et de transport.

  • AccĂ©lĂ©rer le dĂ©veloppement du fonds permanent pour les transports publics

L’un des principaux motifs de la demande pour les transports en commun est la frĂ©quence des passages et la proximitĂ© des services (Redman et al., 2013 ; Diab et al., 2020). AccroĂźtre le soutien du gouvernement fĂ©dĂ©ral aux opĂ©rations serait un moyen rapide et efficace d’augmenter la frĂ©quentation en permettant aux systĂšmes de transport en commun de remettre en marche leurs vĂ©hicules inutilisĂ©s. Ceci est particuliĂšrement important pour les petites et moyennes villes qui dĂ©pendent des autobus.

Le soutien au financement de l’exploitation peut ĂȘtre assurĂ© par le plan fĂ©dĂ©ral proposĂ© de financement permanent pour les transports publics. Le gouvernement doit accĂ©lĂ©rer le -financement promis dans le cadre du programme en le faisant passer de 2026-27 Ă  2024-2025 afin que les agences de transport locales puissent commencer Ă  embaucher des conducteurs et des opĂ©rateurs dĂšs que possible.

En s’inspirant du Programme d’infrastructure Investir dans le Canada, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit fournir ce financement en tenant compte des diffĂ©rences rĂ©gionales, notam-ment de la croissance dĂ©mographique prĂ©vue et de la capacitĂ© des infrastructures municipales. Il doit Ă©galement exiger un partage des coĂ»ts avec les provinces pour les grands projets. À l’instar du Fonds pour le dĂ©veloppement des collectivitĂ©s du Canada, la source permanente de financement d’Infrastructure Canada, le plan de financement permanent pour les transports publics doit offrir un financement prĂ©visible et Ă  long terme directement aux municipalitĂ©s (Association canadienne du transport urbain, 2021).

  Le financement de l’exploitation permettra aux systĂšmes de transport d’amĂ©liorer le service en dehors des pĂ©riodes de pointe et de mieux rĂ©pondre aux besoins de dĂ©placement des groupes en quĂȘte d’équitĂ©. Les villes doivent ĂȘtre autorisĂ©es Ă  utiliser les fonds d’exploi-tation pour rĂ©duire les tarifs payĂ©s par les usagers des transports publics et pour mettre en place des tarifs rĂ©duits pour les personnes Ă  faibles revenus.

  • Lier les rĂ©sultats en matiĂšre de logement et de climat aux investissements dans les -transports publics

Lors de l’attribution des fonds destinĂ©s aux transports en commun, le gouvernement fĂ©dĂ©-ral peut s’inspirer du succĂšs du Fonds pour accĂ©lĂ©rer la construction de logements, un programme qui fournit des fonds directement aux gouvernements locaux pour augmenter l’offre de logements. Le plan de financement permanent pour les transports publics peut Ă©galement fournir des incitations directement aux municipalitĂ©s qui atteignent les objectifs fĂ©dĂ©raux en matiĂšre d’accessibilitĂ© au logement, de rĂ©duction de la pauvretĂ© et de rĂ©duction des GES par le biais de projets de transport.

Les grands projets d’investissement financĂ©s par le plan de financement permanent pour les transports publics devraient comprendre des « accords de politiques de soutien » qui reconnaissent la compĂ©tence des municipalitĂ©s en matiĂšre de politique d’amĂ©nagement du territoire tout en encourageant les changements qui garantiraient la rĂ©ussite des projets de transport en commun. Il pourrait s’agir d’exigences en matiĂšre de densitĂ© de logement, de l’élimination des exigences minimales en matiĂšre de stationnement autour des stations de transport en commun et de l’amĂ©lioration des points de correspondance pour les bus, les piĂ©tons et les cyclistes. L’augmentation de l’offre de logements Ă  proximitĂ© des stations rapprocherait un plus grand nombre d’usagers d’options de transport accessibles et favoriserait l’augmentation du nombre d’usagers.

Pour soutenir les objectifs climatiques, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit exiger que tous les nouveaux vĂ©hicules de transport en commun achetĂ©s avec des fonds fĂ©dĂ©raux ne produisent pas d’émissions. Afin de garantir l’équitĂ© du dĂ©veloppement axĂ© sur les transports en commun, les municipalitĂ©s qui reçoivent des fonds fĂ©dĂ©raux pour de grands projets de transport en commun doivent Ă©galement ĂȘtre tenues de mettre en place des plans d’action visant Ă  prĂ©venir le dĂ©placement des rĂ©sidents.

Les gens ont besoin d’un plus grand nombre de choix en matiĂšre de transport Ă  faible -Ă©missions de carbone qui conviennent Ă  leur vie et Ă  leur porte-monnaie. L’expĂ©rience prouve que lorsque les gens disposent de meilleures options de mobilitĂ©, plus abordables et Ă  faible Ă©missions de carbone, ils les utilisent. En leur offrant des moyens fiables, abordables et durables de se rendre lĂ  oĂč ils doivent aller, on leur permet de mieux maĂźtriser leurs dĂ©penses, leur temps et leur bien-ĂȘtre.

LES LIENS AVEC D’AUTRES PRIORITÉS EN MATIÈRE D’ACCESSIBILITÉ FINANCIÈRE

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© a donnĂ© la prioritĂ© au logement, au transport et Ă  l’alimentation en tant que domaines clĂ©s dans lesquels le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut agir pour aider les mĂ©nages Ă  faibles revenus Ă  satisfaire leurs besoins fondamentaux d’une maniĂšre qui favorise Ă©galement la rĂ©duction des Ă©missions et la rĂ©silience face Ă  l’évolution du climat.

Des transports en commun bien planifiĂ©s peuvent jouer un rĂŽle important dans l’avancement des projets de logements abordables. La mise Ă  disposition de moyens de transport efficaces et accessibles, intĂ©grĂ©s aux programmes de logements abordables, peut rĂ©duire les coĂ»ts pour les mĂ©nages, amĂ©liorer l’accĂšs aux possibilitĂ©s d’emploi et aux activitĂ©s sociales, et rĂ©duire la nĂ©cessitĂ© de possĂ©der une voiture, ce qui est bon pour le budget des mĂ©nages et pour l’environnement.

Les secteurs Ă  haute densitĂ© de logement planifiĂ©s en fonction des transports en commun rĂ©duisent la dĂ©pendance Ă  l’égard de la voiture et les distances Ă  parcourir. Pour ceux qui doivent absolument prendre la voiture, le passage Ă  des VZE peut rĂ©duire les coĂ»ts d’entretien et d’exploitation tout en diminuant les Ă©missions. Les projets immobiliers qui comprennent des programmes de covoiturage pour les vĂ©hicules Ă©lectriques et des stations de recharge pour les options de micromobilitĂ© peuvent nĂ©cessiter moins de places de stationnement, ce qui peut rĂ©duire les coĂ»ts de dĂ©veloppement et les loyers. Des logements et des moyens de transport plus abordables amĂ©liorent le budget des mĂ©nages, rĂ©duisent la pollution de l’air et diminuent les Ă©missions. La rĂ©duction de toutes ces dĂ©penses libĂšre des fonds pour l’alimentation et -rĂ©duit ainsi l’insĂ©curitĂ© alimentaire.

Allocation pour l’Ă©picerie et les besoins de base : Aider les personnes Ă  faible revenu Ă  combler leurs nĂ©cessitĂ©s quotidiennes

PrĂšs de sept millions de personnes au Canada — dont prĂšs de deux millions d’enfants – n’ont pas un accĂšs stable Ă  une alimentation suffisante. Les rĂ©centes augmentations des prix des aliments, des loyers, des coĂ»ts de l’énergie et des transports ont dĂ©passĂ© l’augmentation des revenus, ne laissant que peu de marge Ă  la fin du mois. Il est souvent plus facile de faire des Ă©conomies sur les produits alimentaires que sur le loyer et les services publics, ce qui fait que de nombreuses personnes souffrent de la faim.

Le Canada, l’un des pays les plus riches du monde, ne devrait pas tolĂ©rer cette situation. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit crĂ©er une nouvelle allocation pour aider les familles Ă  faible revenu Ă  acheter de la nourriture et Ă  couvrir leurs autres besoins quotidiens.

Il faut poursuivre les efforts actuels visant Ă  rĂ©duire les prix des denrĂ©es alimentaires et des loyers, mais il est peu probable que ces mesures suffisent Ă  rĂ©pondre aux besoins immĂ©diats et urgents des mĂ©nages Ă  faible revenu. Ralentir la lutte contre les changements climatiques n’est pas non plus la solution — les fluctuations des prix mondiaux du pĂ©trole, les sĂ©cheresses et les inondations exacerbĂ©es par les changements climatiques et l’instabilitĂ© gĂ©opolitique ont une influence bien plus grande sur les prix des denrĂ©es alimentaires que les politiques climatiques actuelles.

Au lieu de cela, les gouvernements doivent fournir un revenu supplĂ©mentaire aux personnes qui en ont le plus besoin. Pour lutter contre l’insĂ©curitĂ© alimentaire, le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de prendre la mesure suivante :

CrĂ©er une nouvelle allocation pour l’épicerie et les besoins de base

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit restructurer et Ă©largir le CrĂ©dit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisĂ©e et le renommer « Allocation pour l’épicerie et les besoins de base ». L’allocation proposĂ©e s’appuierait sur le remboursement unique de la taxe sur les produits et services mis en Ɠuvre en 2023 et ciblerait les mĂ©nages avec des adultes en Ăąge de travailler. Elle fournirait 1 800 $ par annĂ©e et par adulte et 600 $ par enfant. En outre, le Conseil recommande que l’allocation proposĂ©e soit versĂ©e mensuellement plutĂŽt que trimestriellement. Ce changement — qui permettrait de verser 150 $ par mois par adulte et 50 $ par enfant aux mĂ©nages les plus pauvres — rĂ©partirait les paiements de maniĂšre Ă©gale tout au long de l’annĂ©e et offrirait aux bĂ©nĂ©ficiaires une plus grande stabilitĂ© pour le paiement de leurs factures mensuelles. Tous les mĂ©nages qui reçoivent actuellement le remboursement de la TPS/TVH recevraient plus d’argent, mais les mĂ©nages Ă  plus faible revenu bĂ©nĂ©ficieraient d’une augmentation plus importante.

Avec des budgets serrés, les ménages ont plus de difficulté à mettre de la nourriture sur la table

L’insĂ©curitĂ© alimentaire, c’est-Ă -dire l’accĂšs inadĂ©quat ou incertain Ă  des aliments nutritifs et culturellement appropriĂ©s, est en augmentation (SantĂ© Canada, 2020). Selon un rĂ©cent rapport de Statistique Canada, prĂšs de sept millions de personnes, dont prĂšs de deux millions d’enfants, sont confrontĂ©es Ă  l’insĂ©curitĂ© alimentaire. Plus de 40 % des familles de mĂšres cĂ©libataires, environ 60 % des mĂšres cĂ©libataires handicapĂ©es, plus d’un tiers des familles noires et autochtones et plus de 60 % des familles dont la personne gagnant le principal revenu est au chĂŽmage sont en situation d’insĂ©curitĂ© alimentaire (Uppal, 2023a).

D’autres indicateurs rĂ©vĂšlent Ă©galement une tendance inquiĂ©tante. Banques alimentaires Canada (2023) a enregistrĂ© prĂšs de deux millions de visites dans les banques alimentaires du pays en mars 2023, soit une hausse de 32 % par rapport au mĂȘme mois de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente et de plus de 78 % par rapport Ă  2019. Les adultes seuls en Ăąge de travailler reprĂ©sentaient 44 % des usagers des banques alimentaires, soit l’un des plus grands sous-ensembles de visiteurs.

La premiĂšre cause de l’insĂ©curitĂ© alimentaire est la contrainte financiĂšre (Uppal, 2023a, voir l’encadrĂ© 1). Les prix des denrĂ©es alimentaires augmentent et les loyers n’ont jamais Ă©tĂ© aussi Ă©levĂ©s. Les personnes qui dĂ©pendent des aides publiques, telles que l’aide sociale, les allocations pour enfants ou l’assurance-emploi, sont beaucoup plus susceptibles de souffrir d’insĂ©curitĂ© alimentaire (Uppal, 2023a). Les personnes qui gagnent le salaire minimum sont de plus en plus incapables de se procurer des biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ© tels que le logement et la nourriture. Selon un calcul, le salaire de subsistance dans la grande rĂ©gion de Toronto est passĂ© Ă  25 $ de l’heure en 2023, alors que le salaire minimum en Ontario n’est que de 16,55 $ (Pickthorne, 2023). À Saskatoon, le salaire de subsistance pour une famille de quatre personnes Ă©tait de 16,23 $ de l’heure en 2022, alors que le salaire minimum de la province n’était que de 14 $ de l’heure, le plus bas du pays (Centre canadien de politiques alternatives, bureau de la Saskatchewan, 2022 ; Saskatchewan, s.d.).

Les prix ont augmentĂ© rapidement Ă  la suite de la pandĂ©mie de COVID-19, l’inflation atteignant un pic de 8,1 % (d’une annĂ©e Ă  l’autre) en juin 2022, son niveau le plus Ă©levĂ© depuis le dĂ©but des annĂ©es 1980. Bien que l’inflation ait ralenti au cours des derniers mois, les prix continuent d’augmenter. Les augmentations des prix de la nourriture et du logement ont dĂ©passĂ© l’inflation globale depuis novembre 2021 (Statistique Canada, 2023a).

La hausse des prix est un problĂšme d’abordabilitĂ© pour de nombreux Canadiens, mais pour les mĂ©nages Ă  faibles revenus, c’est une question de survie. La figure 1 montre que les familles Ă  trĂšs faible revenu (les 20 % de salariĂ©s les moins bien rĂ©munĂ©rĂ©s) dĂ©pensent plus de 100 % de leur revenu disponible au logement, Ă  l’alimentation et au transport.

Les mĂ©nages Ă  faible revenu (l’avant-derniĂšre tranche de 20 % de la population) sont Ă©galement en difficultĂ©â€ˆ: prĂšs de 60 % de leur revenu disponible est consacrĂ© aux nĂ©cessitĂ©s de base. Dans l’ensemble, une plus grande proportion de familles Ă  faible revenu vivant sous le seuil de pauvretĂ© ont dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© confrontĂ©es Ă  l’insĂ©curitĂ© alimentaire en 2022. Cependant, l’insĂ©curitĂ© alimentaire est trĂšs rĂ©pandue et des recherches rĂ©centes de Statistique Canada montrent que huit familles sur dix en situation d’insĂ©curitĂ© alimentaire se situent au-dessus du seuil de pauvretĂ© (Uppal, 2023a).

Les gouvernements disposent d’options limitĂ©es pour faire baisser les prix des denrĂ©es alimentaires

Les efforts de la Banque du Canada pour ramener l’inflation de base dans sa fourchette cible de 1 Ă  3 % n’ont pas encore permis de ralentir de maniĂšre notable l’augmentation des prix des denrĂ©es alimentaires. En tant qu’élĂ©ment essentiel de la vie quotidienne, l’alimentation a tendance Ă  ĂȘtre moins sensible aux augmentations des taux d’intĂ©rĂȘt que d’autres secteurs des dĂ©penses de consommation. Bien que l’augmentation des prix des denrĂ©es alimentaires ait ralenti, les prix devraient rester Ă©levĂ©s dans l’avenir (Janzen & Fan, 2023). Plusieurs facteurs Ă  l’origine de cette hausse, comme la guerre en Ukraine, sont extĂ©rieurs Ă  l’économie canadienne, et les contraintes structurelles du secteur agricole (comme le vieillissement de la main-d’Ɠuvre) devraient persister pendant un certain temps.

Le manque de concurrence dans le secteur de l’épicerie au dĂ©tail au Canada a Ă©tĂ© identifiĂ© comme un coupable possible. Un rapport du ComitĂ© permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes (2023) note que les Canadiens achĂštent les trois quarts de leur nourriture dans des Ă©piceries et que les cinq plus grands dĂ©taillants du Canada contrĂŽlent 80 % du marchĂ© de l’épicerie. Pour stimuler la concurrence, le Bureau de la concurrence (2023) recommande que les gouvernements Ă  tous les niveaux prennent des mesures pour encourager la croissance des Ă©piceries indĂ©pendantes et faciliter l’entrĂ©e des dĂ©taillants basĂ©s Ă  l’étranger.

En septembre 2023, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a prĂ©sentĂ© le projet de loi C-56, la Loi sur le logement et l’épicerie Ă  prix abordable (ministĂšre des Finances, 2023a). Entre autres choses, le projet de loi proposĂ© donnerait au Bureau de la concurrence des pouvoirs accrus pour rejeter les fusions dans certaines circonstances. En outre, sur l’insistance du gouvernement fĂ©dĂ©ral, les PDG des cinq plus grandes chaĂźnes d’épicerie ont prĂ©sentĂ© des plans aux fonctionnaires fĂ©dĂ©raux sur la maniĂšre dont ils prĂ©voient contenir les prix des aliments. Mais les rĂ©sultats de ces efforts sont incertains et il est peu probable qu’ils se fassent sentir Ă  court terme.

RĂ©cemment, des voix de plus en plus nombreuses se sont Ă©levĂ©es pour rĂ©clamer une rĂ©duction de la taxe carbone (taxe sur les carburants) en raison des coĂ»ts supplĂ©mentaires qu’elle engendre. Toutefois, des recherches ont montrĂ© qu’une telle mesure n’aurait probablement qu’un trĂšs faible impact sur les prix des denrĂ©es alimentaires. Une note d’information rĂ©digĂ©e par Trevor Tombe et Jennifer Winter, Ă©conomistes Ă  l’UniversitĂ© de Calgary (2023), compare l’indice des prix Ă  la consommation (IPC) Ă  l’IPC sans les impĂŽts indirects (par exemple, la TPS, la taxe carbone, etc.). Ils constatent que les prix Ă  la consommation n’ont augmentĂ© que de 0,6 % en aoĂ»t 2023 par rapport Ă  janvier 2015 en raison des impĂŽts indirects.

Tombe et Winter (2023) utilisent Ă©galement la Base de donnĂ©es et ModĂšle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) de Statistique Canada, une base de donnĂ©es de Canadiens reprĂ©sentatifs de toutes les provinces (mais pas des territoires), pour examiner l’incidence de la tarification du carbone sur l’inflation en Colombie-Britannique. MĂȘme en tenant compte des effets de dĂ©bordement du transport et d’autres parties de la chaĂźne d’approvisionnement, ils concluent que les taxes sur le carbone n’ont fait augmenter le coĂ»t moyen des denrĂ©es alimentaires en Colombie-Britannique que de 0,33 %.

Les fluctuations des prix du pĂ©trole ont un effet bien plus important sur l’inflation et les prix des denrĂ©es alimentaires que la taxe carbone. Par exemple, la variation du prix mondial du pĂ©trole entre le dĂ©but de 2021 et le printemps 2022, de 40 Ă  120 $ amĂ©ricains le baril, Ă©quivaut Ă  une augmentation hypothĂ©tique du prix du carbone Ă  300 $ canadiens la tonne. Au cours de la mĂȘme pĂ©riode, le prix du carbone n’a augmentĂ© que de 10 $ canadiens par tonne (Stanford, 2023).

Une stratĂ©gie Ă  long terme visant Ă  rĂ©duire l’effet des prix du pĂ©trole et du gaz naturel sur les prix des aliments pourrait inclure l’amĂ©lioration de l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et la rĂ©duction de l’utilisation des combustibles fossiles tout au long de la chaĂźne d’approvisionnement. Cela aurait pour avantage de rĂ©duire simultanĂ©ment les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (GES). En 2021, le secteur agricole canadien a produit 69 mĂ©gatonnes de GES, soit 10 % des Ă©missions totales du Canada (Environnement et changement climatique Canada, 2023).

Les effets des changements climatiques sont Ă©galement susceptibles d’avoir des retombĂ©es plus importantes sur les prix des denrĂ©es alimentaires que les politiques visant Ă  rĂ©duire les Ă©missions de GES. Les phĂ©nomĂšnes mĂ©tĂ©orologiques extrĂȘmes — qui devraient devenir plus frĂ©quents et plus intenses au fil du temps — affectent de plus en plus l’approvisionnement et la production de denrĂ©es alimentaires. En 2021, une vague de chaleur extrĂȘme dans les Prairies a contribuĂ© Ă  la hausse des prix de la viande, en particulier du bƓuf, et des produits cĂ©rĂ©aliers. Aux États-Unis, premier partenaire commercial agricole du Canada, une sĂ©cheresse dans le Sud-Ouest amĂ©ricain, ainsi que des vagues de chaleur, des inondations et un gel prĂ©coce dans d’autres rĂ©gions du pays ont entraĂźnĂ© une augmentation du prix des lĂ©gumes et des fruits frais (Fradella, 2022).

L’origine de l’insĂ©curitĂ© alimentaire va au-delĂ  des prix des aliments

La hausse des prix des aliments n’est pas la seule cause de l’insĂ©curitĂ© alimentaire. Les coĂ»ts d’autres biens et services essentiels, tels que le logement, l’énergie et les transports, Ă©tant Ă©galement en hausse, les mĂ©nages doivent de plus en plus souvent faire des choix difficiles entre payer les factures et mettre de la nourriture sur la table. Ce sont souvent les dĂ©penses alimentaires qui sont rĂ©duites parce que c’est la chose la plus facile Ă  faire : ne pas payer le loyer peut conduire Ă  l’expulsion, ne pas payer les factures d’énergie peut conduire Ă  la coupure du chauffage, et renoncer Ă  un abonnement de transport peut signifier ne pas ĂȘtre en mesure de se rendre au travail ou Ă  un rendez-vous mĂ©dical (voir la figure 2).

Une enquĂȘte menĂ©e en 2023 par Statistique Canada a rĂ©vĂ©lĂ© qu’environ un mĂ©nage canadien sur sept avait dĂ» rĂ©duire ses dĂ©penses de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, comme la nourriture, pendant au moins un mois par an pour pouvoir payer une facture d’énergie. (Statistique Canada, 2023b).

Selon un rapport de la Daily Bread Food Bank et de la North York Harvest Food Bank (2023), les clients des banques alimentaires disposaient en 2023 d’environ 200 $ par mois, aprĂšs avoir payĂ© le loyer et les charges, pour acheter d’autres produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, soit une baisse d’environ 17 % par rapport Ă  l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente.

Le manque de revenus est l’une des principales sources d’insĂ©curitĂ© alimentaire, mais les mĂ©nages ayant un niveau d’endettement Ă©levĂ© et un faible niveau d’actifs sont Ă©galement Ă  risque (Uppal, 2023b). En 2019, plus de cinq millions de Canadiens vivaient dans des familles appartenant au quintile infĂ©rieur de revenu (les 20 % de personnes ayant les revenus les plus faibles) (Uppal, 2023b ; voir l’encadrĂ© 2). Le revenu mĂ©dian aprĂšs impĂŽt des familles et des adultes cĂ©libataires de ce groupe Ă©tait de 21 000 $. PrĂšs de 70 % des familles du quintile infĂ©rieur vivaient sous le seuil de pauvretĂ©.

Plus de 60 % des Canadiens appartenant au quintile de revenu le plus bas se disent trĂšs inquiets quant Ă  leur capacitĂ© Ă  faire face aux dĂ©penses quotidiennes, et 19 % dĂ©clarent devoir souvent emprunter de l’argent Ă  des amis et Ă  des parents ou s’endetter pour joindre les deux bouts (Uppal, 2023b).

Depuis la pandĂ©mie, l’augmen-tation des revenus des mĂ©nages les plus modestes n’a pas suivi l’augmentation du coĂ»t de la vie. Les organisations travaillant dans le domaine de la sĂ©curitĂ© alimentaire ont depuis longtemps remarquĂ© que les personnes vivant avec des revenus faibles ou fixes ont besoin d’aides au revenu plus nombreuses et plus importantes au revenu pour joindre les deux bouts. Bien que ces organisations proposent diffĂ©rentes façons de fournir ces soutiens, elles s’accordent toutes sur un point : le filet de sĂ©curitĂ© sociale actuel ne fournit pas un soutien suffisant Ă  ceux qui en ont le plus besoin (Daily Bread Food Bank et North York Harvest Food Bank, 2023 ; Banques alimentaires Canada, 2023 ; PROOF, 2022).

De nombreuses Ă©tudes ont montrĂ© que l’incidence de l’insĂ©curitĂ© alimentaire a diminuĂ© chez les familles et les personnes qui bĂ©nĂ©ficient de soutiens au revenu tels que l’Allocation canadienne pour enfants et l’aide sociale provinciale (Brown et Tarasuk, 2019 ; Ionescu-Ittu et al., 2015 ; Li et al., 2016 ; Loopstra et al., 2015 ; Men et al., 2021 ; Tarasuk et al., 2019). Les programmes de repas dans les Ă©coles sont un autre moyen de lutter contre l’insĂ©curitĂ© alimentaire, mais ils n’aideront pas les familles sans enfants et sont difficiles Ă  mettre en Ɠuvre Ă  l’échelle nationale.

Les mĂ©nages soutenus par des personnes ĂągĂ©es de 65 ans et plus, qui perçoivent des pensions, la pension de la SĂ©curitĂ© de la vieillesse et le SupplĂ©ment de revenu garanti, sont confrontĂ©s Ă  des niveaux d’insĂ©curitĂ© alimentaire plus faibles, ce qui dĂ©montre l’importance du soutien au revenu (McIntyre et al., 2016 ; Uppal, 2023a).

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a prĂ©cĂ©demment reconnu le lien entre l’insĂ©curitĂ© alimentaire et le revenu. Dans le budget 2023, il a annoncĂ© un remboursement unique pour les produits d’épicerie qui a fourni 2,5 G$ en allĂ©gement ciblĂ© de l’inflation. Ce remboursement consistait en un supplĂ©ment unique au CrĂ©dit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisĂ©e (TPS/TVH), qui a Ă©tĂ© versĂ© le 5 juillet 2023 Ă  environ 11 millions de Canadiens Ă  faible ou modeste revenu sous la forme d’un paiement non imposable. Les couples admissibles avec deux enfants ont reçu 467 $, les cĂ©libataires sans enfants 234 $ et les personnes ĂągĂ©es 225 $ (ministĂšre des Finances, 2023b). Le remboursement des frais d’épicerie s’ajoutait au doublement ponctuel du crĂ©dit pour la TPS par le gouvernement fĂ©dĂ©ral au cours de l’annĂ©e de prestation de juin 2022 Ă  juillet 2023, qui a Ă©tĂ© Ă©mis pour aider les mĂ©nages les plus touchĂ©s par l’inflation (par exemple, la prestation pour une mĂšre cĂ©libataire avec un enfant et un revenu net de 30 000 $ est passĂ©e de 773 $ Ă  1 160 $) (MinistĂšre des Finances, 2022).

Toutefois, cet allĂ©gement Ă©tait Ă  la fois inadĂ©quat et temporaire. Le remboursement des frais d’épicerie s’élevait Ă  moins de 20 $ par mois pour un adulte, alors qu’on estimait qu’une famille type dĂ©penserait environ 130 $ de plus par mois en aliments achetĂ©s dans les magasins en juillet 2023 par rapport Ă  juillet 2021.

Introduction d’une allocation pour l’épicerie et les besoins de base

La meilleure façon de fournir un soutien au revenu Ă  court terme aux personnes qui en ont le plus besoin est de s’appuyer sur les complĂ©ments antĂ©rieurs au crĂ©dit pour la TPS/TVH.

Une Ă©tude Ă  paraĂźtre commandĂ©e par le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© Ă  Gillian Petit, de l’UniversitĂ© de Calgary, a comparĂ© diffĂ©rentes options de soutien au revenu pour le gouvernement fĂ©dĂ©ral. Elle a analysĂ© les augmentations de l’Allocation canadienne pour enfants, de l’Allocation canadienne pour les travailleurs et du crĂ©dit pour la TPS/TVH. La prestation canadienne d’invaliditĂ© proposĂ©e, qui n’a pas encore Ă©tĂ© mise en Ɠuvre, n’a pas Ă©tĂ© incluse dans son analyse. Un soutien au revenu supplĂ©mentaire pour les personnes handicapĂ©es aiderait sans aucun doute Ă  lutter contre les taux Ă©levĂ©s d’insĂ©curitĂ© alimentaire au sein de la population handicapĂ©e du Canada.

Cependant, l’insĂ©curitĂ© alimentaire touche de nombreux types de mĂ©nages. Gillian Petit conclut que le crĂ©dit pour la TPS/TVH est la meilleure option pour atteindre un large Ă©ventail de types de familles, y compris les adultes seuls et les chĂŽmeurs, et qu’il cible adĂ©quatement les familles Ă  revenu faible et moyen.

Selon l’analyse de Gillian Petit, 78 % des mĂ©nages qui reçoivent le crĂ©dit pour la TPS/TVH sont des adultes vivant seuls, et 90 % des familles bĂ©nĂ©ficiaires ont un revenu familial net infĂ©rieur Ă  60 000 $ par an.

Cependant, le crĂ©dit actuel pour la TPS/TVH, qui est basĂ© sur le revenu familial, est modeste. Il prĂ©voit un montant de base de 325 $ par annĂ©e par adulte, et de 171 $ par annĂ©e par enfant Ă  charge de moins de 18 ans ; les adultes cĂ©libataires reçoivent 171 $ supplĂ©mentaires par an. Le montant maximal de la prestation est de 496 $ par annĂ©e pour un adulte cĂ©libataire, de 821 $ pour un parent cĂ©libataire ou un couple avec un enfant, et de 650 $ par an pour un couple sans enfant (voir le tableau 1).

Les dĂ©penses fĂ©dĂ©rales totales au titre du crĂ©dit existant pour la TPS/TVH devraient s’élever Ă  5,44 G$ en 2023, y compris le remboursement unique pour les produits d’épicerie (MinistĂšre des Finances, 2023c).

Gillian Petit a Ă©laborĂ© plusieurs scĂ©narios Ă  l’aide de la Base de donnĂ©es et ModĂšle de simulation de politiques sociales (BD/MSPS) qui permettent de simuler les coĂ»ts et les avantages des changements proposĂ©s en matiĂšre de prestations fiscales. S’appuyant sur l’analyse de Gillian Petit, le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de crĂ©er une nouvelle allocation pour l’épicerie et les besoins de base afin d’aider les mĂ©nages Ă  acheter des aliments adĂ©quats et d’autres produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ©.

CrĂ©er une nouvelle allocation pour l’épicerie et les besoins de base

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de restructurer et d’élargir le crĂ©dit pour la TPS/TVH existant et de le renommer « Allocation pour l’épicerie et les besoins de base » (voir figure 3). L’allocation proposĂ©e ciblerait les mĂ©nages composĂ©s d’adultes en Ăąge de travailler et offrirait des montants basĂ©s sur le revenu et le nombre de personnes dans le mĂ©nage. L’élargissement porterait le montant de base Ă  1 800 $ par annĂ©e par adulte (au lieu de 325 $) et Ă  600 $ par enfant (au lieu de 171 $).

En outre, le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande de verser l’allocation mensuellement plutĂŽt que trimestriellement. Ce changement permettrait de rĂ©partir les paiements de maniĂšre uniforme tout au long de l’annĂ©e et offrirait aux bĂ©nĂ©ficiaires une plus grande stabilitĂ© pour le paiement des factures mensuelles. Des Ă©tudes ont montrĂ© que la consommation est sensible au moment oĂč les revenus sont versĂ©s (Aguila et al., 2017 ; Shapiro, 2005 ; Stephens, 2006). Plus les versements d’aide sociale sont frĂ©quents, plus les mĂ©nages peuvent Ă©taler leurs achats et dĂ©penser de maniĂšre cohĂ©rente dans des domaines essentiels tels que l’alimentation et les soins de santĂ©.

Les mĂ©nages recevraient une allocation mensuelle de 150 $ par adulte (comparativement Ă  41,33 $ par mois pour une personne seule dont le revenu net se situe entre 10 544 et 24 824 $, et Ă  27,08 $ par mois pour une personne seule dont le revenu net se situe entre 0 et 10 544 $) et de 50 $ par enfant (comparativement Ă  14,25 $).

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande Ă©galement d’abaisser le niveau de revenu net Ă  partir duquel l’allocation commence Ă  diminuer progressivement de 42 335 $ Ă  24 824 $. Cela garantirait que les mĂ©nages Ă  trĂšs faible revenu, qui sont plus exposĂ©s aux risques d’insĂ©curitĂ© alimentaire et d’itinĂ©rance, reçoivent l’allocation la plus Ă©levĂ©e possible. Ces mĂ©nages recevraient une allocation proportionnellement plus Ă©levĂ©e dans le cadre de la nouvelle structure. Les mĂ©nages Ă  revenus faibles et intermĂ©diaires dont le revenu est supĂ©rieur Ă  24 824 $ recevraient toujours plus que dans le cadre du crĂ©dit actuel, mais moins que ceux qui se situent au bas de l’échelle des revenus. La restructuration proposĂ©e augmenterait Ă©galement le montant perçu par les cĂ©libataires dont le revenu est infĂ©rieur Ă  10 000 $, pour le porter au mĂȘme niveau que celui des cĂ©libataires dont le revenu est infĂ©rieur Ă  24 824 $.

Le tableau 2 prĂ©sente une ventilation de l’impact de l’allocation proposĂ©e pour l’épicerie et les besoins de base en fonction des diffĂ©rents niveaux de revenus et des diffĂ©rentes structures familiales. Il montre le rĂŽle que l’allocation proposĂ©e pourrait jouer en aidant les mĂ©nages Ă  faibles revenus Ă  payer des biens essentiels tels que la nourriture, le logement et le transport.

Selon les calculs de Gillian Petit, l’allocation proposĂ©e toucherait environ 9,7 millions de familles), pour un coĂ»t supplĂ©mentaire estimĂ© Ă  environ 11 G$ par an pour le gouvernement fĂ©dĂ©ral. L’allocation proposĂ©e exclurait les personnes ĂągĂ©es, qui font face Ă  des taux plus faibles d’insĂ©curitĂ© alimentaire et qui reçoivent dĂ©jĂ  des soutiens ciblĂ©s au revenu par le biais de la pension de la SĂ©curitĂ© de la vieillesse et du SupplĂ©ment de revenu garanti. Cependant, elles continueraient de recevoir le crĂ©dit existant de TPS/TVH.

L’allocation pour l’épicerie et les besoins de base doit ĂȘtre revue pĂ©riodiquement et ajustĂ©e en fonction de l’évolution des revenus et de l’inflation (comme c’est actuellement le cas pour le crĂ©dit pour la TPS/TVH).

Comme pour les autres prestations fournies par le biais du systĂšme d’impĂŽt sur le revenu, les personnes qui ne remplissent pas de dĂ©claration de revenus ne recevraient pas l’allocation proposĂ©e pour l’épicerie et les besoins de base. Robson et Schwartz (2020) estiment que 10 à 12 % des Canadiens ne remplissent pas de dĂ©claration et que pour les personnes en Ăąge de travailler ayant de faibles revenus, cette estimation s’élĂšve Ă  22 % ; les personnes en Ăąge de travailler qui n’ont pas rempli de dĂ©claration de revenus ont manquĂ© environ 1,7 G$ en prestations en espĂšces en 2015. Les personnes qui ne remplissent pas de dĂ©claration sont plus susceptibles d’ĂȘtre des personnes vivant dans la pauvretĂ©, des Autochtones, des sans-abri et des bĂ©nĂ©ficiaires de l’aide sociale (Calgary Homeless Foundation, 2018 ; Petit et al., 2021 ; Prosper Canada, 2018 ; Robson et Schwartz, 2020 ; Stapleton, 2018).

Dans le budget 2023, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a annoncĂ© son intention de mettre en place un systĂšme automatisĂ© de dĂ©claration de revenus pour les personnes Ă  revenus faibles ou fixes. L’Agence du revenu du Canada devrait piloter ce nouveau systĂšme en 2024. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit accĂ©lĂ©rer le lancement du projet pilote afin que le plus grand nombre possible de mĂ©nages puissent recevoir les prestations auxquelles ils ont droit. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit Ă©galement collaborer avec les organismes communautaires, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les gouvernements autochtones pour atteindre les personnes sans-abri, les Autochtones et les personnes sans domicile fixe et sans compte bancaire afin de dĂ©terminer les moyens d’aider ces groupes Ă  accĂ©der aux prestations.

Lien avec d’autres prioritĂ©s en matiĂšre d’abordabilitĂ©

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© a donnĂ© la prioritĂ© au logement, au transport et Ă  l’alimentation en tant que domaines clĂ©s dans lesquels le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut agir pour aider les mĂ©nages Ă  faibles revenus Ă  rĂ©pondre Ă  leurs besoins fondamentaux de maniĂšre Ă  soutenir Ă©galement la rĂ©duction des GES et la rĂ©silience face aux changements climatiques. Tous les domaines de l’abordabilitĂ© sont interconnectĂ©s : les actions menĂ©es dans un domaine bĂ©nĂ©ficieront aux autres.

Tous les Canadiens ont le droit de pouvoir mettre de la nourriture sur la table. Cela ne doit pas signifier se priver d’un logement convenable, d’une carte de transport pour se rendre au travail, de chauffage et de climatisation, de mĂ©dicaments sur ordonnance ou d’autres biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ©. Les Ă©tudes montrent que les familles dont les revenus sont les plus faibles dĂ©penseront l’allocation pour l’alimentation, le logement, le transport et d’autres besoins essentiels.

Le Canada ne devrait pas ĂȘtre un pays oĂč prĂšs de deux millions d’enfants ne mangent pas Ă  leur faim. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit prendre des mesures immĂ©diates pour rĂ©duire l’insĂ©curitĂ© alimentaire des plus vulnĂ©rables.­­­­­

Can Canada Help Feed the World While Reducing Emissions? Assessing Challenges and Barriers to Digital Opportunities in Agriculture

La production, le partage et l’utilisation de donnĂ©es numĂ©riques sont essentiels pour accĂ©lĂ©rer les nouvelles dĂ©couvertes scientifiques, l’innovation et l’efficacitĂ© du systĂšme alimentaire mondial. Si elle est bien menĂ©e, l’adoption des technologies numĂ©riques devrait permettre aux secteurs agricole et agroalimentaire du Canada de soutenir certains des objectifs de dĂ©veloppement durable les plus urgents adoptĂ©s par les Nations Unies, notamment la rĂ©duction de la faim, l’attĂ©nuation des changements climatiques et l’adaptation face Ă  ceux-ci, l’optimisation de l’utilisation des terres arables et de l’eau, et la fourniture d’un travail dĂ©cent et d’une croissance Ă©conomique durable. Elle peut Ă©galement contribuer Ă  la sĂ©curitĂ© alimentaire et Ă  l’abordabilitĂ© au Canada.

Le Canada dispose d’un avantage important en matiĂšre de sĂ©curitĂ© alimentaire et est un important fournisseur de denrĂ©es alimentaires, d’aliments pour animaux et de fibres au niveau mondial. Le pays dispose Ă©galement d’un secteur des tĂ©lĂ©communications avancĂ© et est un innovateur et un adepte prĂ©coce de nombreuses approches que les agriculteurs, les scientifiques, les industriels, les gouvernements et les ONG espĂšrent voir se concrĂ©tiser.

L’intelligence artificielle, l’internet des objets, les mĂ©gadonnĂ©es et l’édition gĂ©nomique offrent la possibilitĂ© d’augmenter la production, de rĂ©duire les coĂ»ts, les Ă©missions, la consommation d’eau, le gaspillage alimentaire et les risques, d’amĂ©liorer la rĂ©silience et la sĂ©curitĂ© alimentaire et de fournir aux consommateurs davantage d’informations sur les aliments qu’ils consomment. De nouvelles technologies et de nouveaux services apparaissent dans un large Ă©ventail de domaines liĂ©s Ă  l’agriculture, notamment l’agriculture de prĂ©cision, la technologie Ă  taux variable, et la gestion numĂ©rique des exploitations agricoles et de la santĂ© animale. Il existe d’importantes possibilitĂ©s de croissance Ă©conomique pour les dĂ©veloppeurs de technologies, les entreprises de tĂ©lĂ©communications, les agriculteurs et d’autres entreprises tout au long de la chaĂźne d’approvisionnement, de la ferme Ă  la table.

Il existe cependant de nombreux dĂ©fis et obstacles au dĂ©veloppement et Ă  l’adoption de ces opportunitĂ©s numĂ©riques, notamment la capacitĂ© du secteur agricole et agroalimentaire d’adopter de nouvelles technologies, des marchĂ©s incomplets pour les donnĂ©es, la concentration industrielle et une gouvernance des donnĂ©es mal dĂ©finie.

Les gouvernements canadiens sont confrontĂ©s Ă  un choix. Ils peuvent suivre le modĂšle canadien par excellence de l’adoption passive des technologies, qui est Ă  la fois peu risquĂ© et peu rentable. Ils peuvent adopter une approche plus proactive et confuse, en s’attaquant aux obstacles les plus faciles Ă  surmonter tout en ignorant les plus difficiles. Ou ils peuvent se lancer Ă  corps perdu dans une stratĂ©gie ambitieuse, Ă  haut risque et Ă  haut rendement, visant une transformation Ă  grande Ă©chelle.

L’ampleur des opportunitĂ©s Ă©conomiques offertes par la croissance des marchĂ©s mondiaux, combinĂ©e aux avantages sociĂ©taux d’une plus grande sĂ©curitĂ© alimentaire mondiale et d’un systĂšme de production alimentaire plus efficace et moins polluant, justifie la mise en place d’une stratĂ©gie ambitieuse. Celle-ci nĂ©cessitera des actions audacieuses sur plusieurs fronts, en collaboration avec le secteur privĂ© et les institutions acadĂ©miques :

  • Une stratĂ©gie globale en matiĂšre de compĂ©tences agricoles, qui tire parti d’un changement gĂ©nĂ©rationnel imminent pour accĂ©lĂ©rer les formations ciblĂ©es dans le « juste Ă  temps », des certifications et des microcertifications visant Ă  renforcer la culture numĂ©rique, ainsi que la prĂ©paration de la chaĂźne d’approvisionnement et des exploitations agricoles Ă  l’adoption des technologies numĂ©riques.
  • Un effort de premier plan au niveau mondial sur la cybersĂ©curitĂ© du systĂšme alimentaire, combinant la recherche, la rĂ©glementation et la coordination pour remĂ©dier aux vulnĂ©rabilitĂ©s.
  • Élargissement de la connectivitĂ© rurale Ă  large bande pour garantir que l’accĂšs Ă  l’internet se dĂ©veloppe parallĂšlement Ă  l’adoption de la technologie.
  • CrĂ©er une bourse d’échange de donnĂ©es agricoles avec une tarification transparente, semblable aux bourses existantes comme la Bourse de Toronto.
    Toutefois, au lieu d’acheter et de vendre des actions, les participants Ă©changeraient des informations recueillies dans les exploitations agricoles. Cela donne aux donnĂ©es une valeur claire que les agriculteurs peuvent vendre et que les fournisseurs de technologie peuvent acheter.
  • Contrer le pouvoir marchand des grands fournisseurs de technologies agricoles en soutenant les concurrents locaux, en collaborant avec des pays partageant les mĂȘmes idĂ©es sur la rĂ©glementation des donnĂ©es et en accĂ©lĂ©rant l’adoption prĂ©coce et rapide des nouvelles innovations.
  • S’engager Ă  mettre en place un systĂšme de gouvernance des donnĂ©es qui favorise l’innovation, en s’appuyant sur les enseignements tirĂ©s de l’initiative Production bioalimentaire durable et adaptĂ©e au climat de GĂ©nome Canada.

Le Canada a la possibilitĂ© de rĂ©ussir avec un plan bien pensĂ© et la bonne combinaison d’investissements, de planification, de collaboration et de gouvernance. Le Canada peut faire mieux en faisant le bien, en augmentant le rendement Ă©conomique de son systĂšme agroalimentaire de classe mondiale et en contribuant aux objectifs mondiaux en matiĂšre de sĂ©curitĂ© alimentaire et de changement climatique. Il n’y a pas de temps Ă  perdre.

Relance du logement abordable : Rétablir le leadership fédéral

Pour fournir des logements abordables Ă  ceux qui en ont le plus besoin, le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait viser la construction d’un million de logements communautaires Ă  loyer indexĂ© sur le revenu d’ici 2030 et relancer le secteur du logement Ă  but non lucratif et coopĂ©ratif. Pour s’harmoniser

aux objectifs en matiĂšre de lutte contre les changements climatiques et offrir une abordabilitĂ© durable, ces logements devraient ĂȘtre construits Ă  proximitĂ© des transports en commun et rĂ©pondre Ă  des codes et Ă  des normes en matiĂšre de consommation nette zĂ©ro et de rĂ©silience climatique.

Ce niveau d’ambition nĂ©cessite une approche globale oĂč tous les gouvernements et les partenaires mettent la main Ă  la pĂąte. Le leadership fĂ©dĂ©ral peut ĂȘtre le catalyseur d’une action gĂ©nĂ©ralisĂ©e. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral jouait autrefois un rĂŽle important dans la construction de logements communautaires subventionnĂ©s (ou logements sociaux) et dans le financement d’un secteur du logement Ă  but non lucratif autrefois florissant, y compris les coopĂ©ratives, mais il ne le fait plus aujourd’hui. La construction d’un plus grand nombre de logements abordables peut attĂ©nuer la pression du marchĂ©, amĂ©liorant ainsi l’abordabilitĂ© pour tous.

1. Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© fait les recommandations suivantes au gouvernement fĂ©dĂ©ral :

  • AcquĂ©rir des propriĂ©tĂ©s Ă  proximitĂ© des transports en commun pour construire des infrastructures de logement communautaire carboneutres et rĂ©silientes face aux changements climatiques ;
  • Élargir l’Initiative des terrains fĂ©dĂ©raux et investir d’emblĂ©e dans l’acquisition de propriĂ©tĂ©s Ă  proximitĂ© de transports en commun rapides ;
  • Conserver des terrains sous la propriĂ©tĂ© du gouvernement fĂ©dĂ©ral afin que la valeur de l’actif rĂ©duise l’incidence budgĂ©taire ;
  • Exploiter la capacitĂ© de la SociĂ©tĂ© immobiliĂšre du Canada Ă  coordonner les projets de logement ;
  • Combiner les baux Ă  loyer Ă  faible coĂ»t avec d’autres incitatifs fĂ©dĂ©raux et un Ă©largissement de l’Initiative pour la crĂ©ation rapide de logements afin de dĂ©velopper des logements innovants Ă  revenus mixtes sur les propriĂ©tĂ©s acquises ;
  • Exploiter le pouvoir d’investissement de la Banque de l’infrastructure du Canada — et son mandat en matiĂšre d’infrastructures vertes — pour s’assurer que les dĂ©veloppements et les rĂ©novations utilisent des pratiques de construction et d’énergie prĂȘtes pour l’avenir et respectent les codes et les normes en matiĂšre de consommation carboneutre et de rĂ©silience climatique.

2. Fournir un financement plus attractif pour développer à grande échelle le secteur du logement à but non lucratif

  • Utiliser les programmes fĂ©dĂ©raux pour rĂ©duire les obstacles financiers auxquels se heurtent les fiducies fonciĂšres, les coopĂ©ratives, les logements adminsitrĂ©s par des organismes de bienfaisance et les sociĂ©tĂ©s communautaires Ă  but non lucratif qui s’engagent Ă  fournir des logements abordables ;
  • Augmenter le plafond des contributions non remboursables et garantir un taux d’intĂ©rĂȘt fixe et bas sur les prĂȘts accordĂ©s aux projets Ă  but non lucratif dans le cadre du Fonds national de co-investissement pour le logement ;
  • Permettre aux fournisseurs de logements Ă  but non lucratif de cumuler les programmes de financement fĂ©dĂ©raux, provinciaux et municipaux afin qu’ils puissent bĂ©nĂ©ficier de multiples sources de soutien ;
  • Offrir des mesures incitatives financiĂšres plus importantes aux projets Ă  but non lucratif situĂ©s Ă  proximitĂ© de transports en commun rapides et qui respectent les codes et les normes en matiĂšre de consommation carboneutre et de rĂ©silience climatique ;
  • Utiliser le Fonds pour accĂ©lĂ©rer la construction de logements afin d’encourager les municipalitĂ©s Ă  supprimer les obstacles, y compris les rĂ©glementations en matiĂšre de zonage et d’autorisation, pour les projets de logements Ă  but non lucratif situĂ©s Ă  proximitĂ© de transports en commun rapides.

Le manque de logements communautaires a plongĂ© les mĂ©nages Ă  faibles revenus dans une situation PRÉcaire

La population du Canada a doublĂ© depuis les annĂ©es 1970, mais la construction de logements communautaires a chutĂ© (encadrĂ© 1). La plupart des logements publics, Ă  but non lucratif et coopĂ©ratifs du pays ont Ă©tĂ© construits avant les annĂ©es 1990 avec l’aide du gouvernement fĂ©dĂ©ral (SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement, 2021a) ; plus de la moitiĂ© du parc de logements communautaires et de logements Ă  loyer modique du Canada a Ă©tĂ© construite avant 1980 (SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement, 2023a). Les logements hors du marchĂ© ne reprĂ©sentent qu’environ 5 % du parc de logements existant au pays, ce qui accentue le problĂšme du logement abordable (Statistique Canada, 2023a).

Plus d’un million de familles Ă  faible ou trĂšs faible revenu vivent dans des logements inabordables, surpeuplĂ©s, inhabitables ou inadĂ©quats. Elles ont besoin d’un loyer infĂ©rieur Ă  1 050 $ par mois pour pouvoir satisfaire d’autres besoins fondamentaux tels que la nourriture (figures 1A et 1B). Le loyer moyen d’un appartement vacant avec une seule chambre Ă  Toronto en septembre 2022 Ă©tait de 2 329 $ ; Ă  Vancouver, il Ă©tait de 2 574 $ (Myers, 2022). Et on compte plus de 230 000 personnes sans abri au pays (Dionne et al., 2023). Nous avons beaucoup de retard Ă  rattraper.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a abandonnĂ© ce dossier il y a plus de trois dĂ©cennies lorsqu’il a cessĂ© de financer le logement communautaire. Le soutien fĂ©dĂ©ral Ă  la construction de logements communautaires a diminuĂ© Ă  la fin des annĂ©es 1980 et s’est complĂštement arrĂȘtĂ© en 1992, lorsque la responsabilitĂ© a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©e aux provinces (Deng et al., 2023). Certaines provinces, dont l’Ontario, ont par la suite transfĂ©rĂ© la responsabilitĂ© aux municipalitĂ©s, qui ne disposent pas des sources de revenus et des budgets nĂ©cessaires pour construire suffisamment de logements communautaires afin de rĂ©pondre Ă  la demande (Canadian Centre for Housing Rights, 2022).

Les listes d’attente pour les logements communautaires dans les grandes rĂ©gions mĂ©tropolitaines sont trĂšs longues. À Toronto, le temps d’attente moyen pour un appartement subventionnĂ© d’une chambre Ă©tait de 14 ans Ă  la fin de 2022, avec plus de 85 000 mĂ©nages en attente pour tous les types de logements subventionnĂ©s (Ville de Toronto, s. d.). À MontrĂ©al, le temps d’attente moyen pour un logement subventionnĂ© est de six ans (Vallis, 2023).

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral s’est engagĂ© Ă  rĂ©duire la pauvretĂ© de 50 % par rapport aux niveaux de 2015 d’ici 2030, mais cet objectif est menacĂ©. Les prestations temporaires introduites pendant la pandĂ©mie de COVID-19 ont contribuĂ© Ă  rĂ©duire la pauvretĂ©, mais l’augmentation du coĂ»t du logement et d’autres nĂ©cessitĂ©s de base Ă©rode maintenant ces gains et accroĂźt l’insĂ©curitĂ© alimentaire (Banques alimentaires Canada, s. d.).

Parmi les mĂ©nages vivant dans la pauvretĂ© en 2016, 62 % Ă©taient des locataires (Randle et al., 2022). À Toronto, prĂšs d’un quart des locataires consacrent plus de 50 % de leur revenu aux frais de logement (Ville de Toronto, 2021). Les personnes qui gagnent le salaire minimum ne sont plus en mesure de payer un loyer dans les grandes villes et, compte tenu de la pĂ©nurie de logements communautaires, elles sont de plus en plus en concurrence avec les bĂ©nĂ©ficiaires de l’aide sociale pour les espaces locatifs (Macdonald et Tranjan, 2023). Cette concurrence fait grimper les loyers encore plus haut. Les entreprises qui dĂ©pendent des travailleurs Ă  bas salaire sont en difficultĂ© parce que les travailleurs ne peuvent pas accepter un emploi lĂ  oĂč ils n’ont pas les moyens de vivre (Statistique Canada, 2022).

Le logement a des implications importantes Ă  l’égard de l’abordabilitĂ©, de la rĂ©silience et des Ă©missions DE Gaz Ă  effets de serre

Les logements construits aujourd’hui seront encore debout en 2050 et peut-ĂȘtre au-delĂ . À cet Ă©gard, ils sont similaires aux infrastructures Ă  longue durĂ©e de vie telles que les routes et les ponts. Le type de bĂątiments construits et leur emplacement auront une incidence sur la situation sociale, Ă©conomique et environnementale pendant des dĂ©cennies. On estime Ă  5,8 millions le nombre d’unitĂ©s de logement nĂ©cessaires pour rĂ©tablir l’abordabilitĂ© globale des logements d’ici 2030. Pour ce faire, il faudra construire 3,5 millions d’unitĂ©s supplĂ©mentaires par rapport Ă  ce qui est dĂ©jĂ  prĂ©vu (SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement, 2022).

Bien que l’on puisse ĂȘtre tentĂ© de construire des logements bon marchĂ© le plus rapidement possible, il faut tenir compte de la relation entre le logement et les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre. Pour que le Canada atteigne son objectif de consommation carboneutre en 2050, il faudra que la totalitĂ© des bĂątiments rĂ©sidentiels n’émettent pas de gaz Ă  effet de serre (GES). En 2021, les bĂątiments rĂ©sidentiels ont Ă©mis 40 millions de tonnes de GES. La SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšque et de logement (SCHL) estime que 3,5 millions d’unitĂ©s de logement supplĂ©mentaires sont nĂ©cessaires pour rĂ©tablir l’abordabilitĂ© des logements d’ici 2030, en plus des 2,3 millions d’unitĂ©s dont la construction est dĂ©jĂ  prĂ©vue (SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement, 2022). Si les 5,8 millions de nouveaux bĂątiments rĂ©sidentiels et commerciaux proposĂ©s sont construits sans modification des pratiques de construction, il sera plus difficile pour le Canada d’atteindre ses objectifs de rĂ©duction des Ă©missions pour 2030 et 2050 (Guldimann, 2023).

Chaque bĂątiment rĂ©sidentiel construit d’ici Ă  2050 sans que l’objectif de carboneutralitĂ© soit pris en compte crĂ©era un passif que quelqu’un devra payer. Bien que les rĂ©novations prĂ©sentent de nombreux avantages, il est beaucoup moins coĂ»teux de construire de nouveaux logements rĂ©pondant Ă  une norme de consommation nette zĂ©ro que de rĂ©nover des bĂątiments.

Les logements qui ne sont pas conçus pour rĂ©sister aux effets des changements climatiques, notamment la frĂ©quence et la gravitĂ© accrues des vagues de chaleur, des inondations, des feux de forĂȘt, de la fumĂ©e et des tempĂȘtes, exposeront les personnes qui y vivent Ă  des risques accrus (Conseil des acadĂ©mies canadiennes, 2019). Les mĂ©nages qui ont le moins les moyens de reconstruire ou de remplacer les aliments perdus lors d’une panne d’électricitĂ© sont ceux qui ont le plus besoin de protection (Dugan et al., 2023). Ils peuvent Ă©galement ĂȘtre confrontĂ©s Ă  des consĂ©quences sanitaires Ă  long terme en raison des moisissures et de la mauvaise qualitĂ© de l’air rĂ©sultant des dĂ©gĂąts causĂ©s par les inondations ou les tempĂȘtes.

L’emplacement des logements est essentiel Ă  la fois pour leur abordabilitĂ© et pour la rĂ©duction des Ă©missions de GES. Les logements construits sur des terrains Ă©loignĂ©s des transports en commun et d’autres commoditĂ©s telles que les Ă©piceries, les Ă©tablissements de santĂ© et les Ă©coles peuvent ĂȘtre moins chers, mais les coĂ»ts pour les mĂ©nages et les municipalitĂ©s seront plus Ă©levĂ©s. Les gens devront se dĂ©placer en voiture, ce qui augmentera leurs coĂ»ts Ă©nergĂ©tiques ainsi que la pollution de l’air et les Ă©missions de GES. Les municipalitĂ©s devront investir dans de nouvelles infrastructures routiĂšres, d’eau, d’égouts et Ă©nergĂ©tiques. Une densitĂ© plus Ă©levĂ©e ne signifie pas nĂ©cessairement la construction de rangĂ©es de grandes tours d’appartements. Les logements locatifs de moyenne hauteur, dotĂ©s de vastes espaces verts et d’un systĂšme de chauffage partagĂ© pouvant accueillir des familles, offrent un potentiel important pour amĂ©liorer l’abordabilitĂ© et rĂ©duire les Ă©missions.

Les stratĂ©gies de logement abordable doivent avoir une vue d’ensemble et prĂ©voir des plans Ă  court terme qui favoriseront les communautĂ©s que nous voulons dĂ©velopper au cours des 30 Ă  40 prochaines annĂ©es. Cela signifie qu’il faut se concentrer sur l’abordabilitĂ©, la commoditĂ©, la rĂ©silience et l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique (encadrĂ© 2). Les infrastructures de logement communautaire prĂȘtes pour l’avenir ont le potentiel d’offrir un meilleur avenir Ă  tous.

Le logement Communautaire est au cƓur du dĂ©fi — et de l’opportunitĂ©

Bien qu’il soit nĂ©cessaire de construire tous les types de logements, la prioritĂ© devrait ĂȘtre accordĂ©e aux logements communautaires dont les loyers sont indexĂ©s sur les revenus. Du point de vue de l’équitĂ©, le logement est un besoin de base. Les personnes qui peinent Ă  payer leur loyer et Ă  faire leurs courses devraient ĂȘtre les premiĂšres Ă  bĂ©nĂ©ficier d’un logement abordable.

Le logement pour les Canadiens Ă  faible revenu peut contribuer Ă  amĂ©liorer l’abordabilitĂ© des loyers pour tout le monde

Les dĂ©penses actuelles consacrĂ©es aux programmes de logement destinĂ©s aux mĂ©nages Ă  faible revenu ne reprĂ©sentent qu’une goutte d’eau dans l’ocĂ©an. L’Initiative pour la crĂ©ation rapide de logements, qui fait partie de la StratĂ©gie nationale sur le logement du Canada, a consacrĂ© 4 G$ depuis 2020 Ă  la crĂ©ation de nouveaux logements abordables pour les personnes qui en ont le plus besoin (SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement, 2023b), principalement sous la forme de logements supervisĂ©s pour rĂ©pondre Ă  l’itinĂ©rance critique pendant la pandĂ©mie (BC Housing, s. d. ; Conseil national du logement, 2022). Cependant, plus d’un million de mĂ©nages Ă  faible revenu ont un besoin impĂ©rieux de logement et plus de 230 000 sont estimĂ©s ĂȘtre sans-abri (Housing Assessment Resource Tools, s. d.).

Plusieurs initiatives visant Ă  stimuler la construction ont Ă©tĂ© annoncĂ©es rĂ©cemment. Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a supprimĂ© la TPS sur les nouvelles constructions locatives, annoncĂ© un financement par le biais du Fonds pour accĂ©lĂ©rer la construction de logements et Ă©largi l’accĂšs aux prĂȘts Ă  faible coĂ»t pour les constructeurs (annexe A). À elles seules, ces initiatives augmenteront l’offre et amĂ©lioreront l’accessibilitĂ© pour les Canadiens Ă  revenu moyen. Dans l’intervalle, cependant, les Canadiens Ă  revenu faible et fixe continueront Ă  rivaliser avec les mĂ©nages Ă  revenus modĂ©rĂ©s et moyens pour l’offre locative limitĂ©e (SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement, 2023d).

En mettant l’accent sur la construction d’un plus grand nombre de logements communautaires, on ciblera directement les Canadiens qui en ont le plus besoin et on attĂ©nuera la concurrence dans le marchĂ© locatif en gĂ©nĂ©ral. La Banque Scotia a plaidĂ© en faveur d’une accĂ©lĂ©ration de la construction de logements communautaires, notant que les pĂ©nuries dans un segment du marchĂ© locatif auront des rĂ©percussions sur d’autres segments (Young, 2023). Il est urgent d’intensifier la construction de logements pour les mĂ©nages au bas de l’échelle des revenus.

Les gouvernements et les organisations à but non lucratif sont les mieux placés pour fournir des logements abordables

Les initiatives privĂ©es ne permettent pas de construire des logements assez rapidement pour ramener les loyers du marchĂ© au niveau requis par les mĂ©nages Ă  faibles revenus. La seule solution Ă  court terme consiste Ă  construire davantage de logements communautaires subventionnĂ©s par l’État, dont les loyers sont indexĂ©s sur les revenus, ainsi que des logements dont les loyers sont infĂ©rieurs Ă  ceux du marchĂ© et qui sont gĂ©rĂ©s par des organisations Ă  but non lucratif.

Les promoteurs Ă  but non lucratif — tels que les fiducies fonciĂšres, les coopĂ©ratives, les organismes de bienfaisance et les sociĂ©tĂ©s communautaires Ă  but non lucratif — ont dĂ©montrĂ© leur capacitĂ© Ă  offrir des logements abordables (Lee, 2021). Ils peuvent rĂ©duire les coĂ»ts du projet de 20 Ă  25 %. Si le projet est construit sur un terrain public, il peut entraĂźner des Ă©conomies de 15 Ă  30 % (Whitzman et Goldstein, 2023).

L’infrastructure de logement communautaire offre la possibilitĂ© au gouvernement fĂ©dĂ©ral d’innover et de jouer un rĂŽle de leadership

Le logement communautaire peut ĂȘtre l’occasion de mettre en place l’infrastructure de logement prĂȘte pour l’avenir dont le Canada a besoin pour parvenir Ă  une accessibilitĂ© durable, Ă  la carboneutralitĂ© et Ă  la rĂ©silience face aux changements climatiques. Ces communautĂ©s ont la possibilitĂ© d’ĂȘtre financiĂšrement rentables tout en rĂ©pondant aux objectifs de politique publique :

  • Les logements communautaires Ă  revenus mixtes sont rĂ©alisables avec des subventions croisĂ©es

Avec un emplacement souhaitable à proximité de transports en commun rapides, il serait possible de créer un ensemble de logements pour revenus mixtes comprenant des logements subventionnés et des locations à revenus modérés et moyens (Lee, 2021). Les revenus des logements à revenus modérés et moyens pourraient aider à couvrir le coût des logements subventionnés pour les ménages à trÚs faibles et faibles revenus.

  • Les logements carboneutres Ă  grande Ă©chelle peuvent rĂ©duire les coĂ»ts de construction et les coĂ»ts opĂ©rationnels

Une meilleure efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique se traduit par des factures moins Ă©levĂ©es. Mais les coĂ»ts de construction peuvent Ă©galement ĂȘtre rĂ©duits grĂące Ă  une conception et une planification adĂ©quates. Certains Ă©lĂ©ments, tels que l’isolation, peuvent nĂ©cessiter un investissement initial plus important, mais permettent de rĂ©aliser des Ă©conomies parce qu’ils nĂ©cessitent des systĂšmes de chauffage plus petits. L’électrification rĂ©duit Ă©galement le besoin de systĂšmes supplĂ©mentaires d’échappement et de distribution de combustibles fossiles (Haley et Lockhart, 2023 ; ZEBx, 2021). Des conceptions plus simples, des Ă©quipes de projet intĂ©grĂ©es et des Ă©lĂ©ments de construction prĂ©fabriquĂ©s peuvent encore rĂ©duire les dĂ©penses.

  • Les communautĂ©s d’habitation pourraient ĂȘtre des centrales Ă©lectriques virtuelles

Les services publics pourraient utiliser les technologies domestiques telles que les thermostats intelligents, les gĂ©nĂ©rateurs de batteries, les panneaux solaires, le rĂ©seau de chaleur et la recharge bidirectionnelle des vĂ©hicules pour rĂ©duire la demande d’électricitĂ© et fournir de l’énergie supplĂ©mentaire pendant les vagues de chaleur ou de froid. Cela permettrait d’éviter la construction de nouvelles grandes centrales Ă©lectriques. Il pourrait en rĂ©sulter une baisse du coĂ»t global de l’électricitĂ©, une meilleure rĂ©sistance aux tempĂȘtes et aux catastrophes naturelles, et une augmentation des revenus des mĂ©nages et des propriĂ©taires (U.S. Department of Energy, s. d.). La Californie offre dĂ©jĂ  des mesures incitatives aux clients vulnĂ©rables pour qu’ils installent des gĂ©nĂ©rateurs Ă  batterie (California Public Utilities Commission, s. d.).

Le gouvernement fédéral doit montrer la voie

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit relancer son engagement Ă  jouer un rĂŽle de leader dans la construction de logements abordables. Il pourrait s’agir d’un exercice d’infrastructure de construction nationale visant Ă  atteindre des objectifs de politique publique essentiels tels que la rĂ©duction de la pauvretĂ©, la carboneutralitĂ© et la rĂ©silience face aux changements climatiques.

L’effort pourrait commencer par un objectif ambitieux de construction d’un million de logements communautaires d’ici 2030. Le Canada est l’un des pays dĂ©veloppĂ©s oĂč le nombre de logements communautaires sans but lucratif est le plus faible, puisque ce dernier ne reprĂ©sente que 5 % de l’ensemble du parc immobilier, comparativement Ă  40 % en SuĂšde, 16 % au Royaume-Uni et 14 % en France. La construction d’un million d’unitĂ©s doublerait le parc de logements communautaires et rapprocherait le Canada de la cible de 10 % (Saravanamuttoo et McKenney, 2023).

La construction de logements communautaires sur des terrains fĂ©dĂ©raux et la mise Ă  l’échelle du secteur du logement Ă  but non lucratif permettront d’accroĂźtre l’offre de logements Ă  des loyers infĂ©rieurs Ă  ceux du marchĂ©.

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande une stratĂ©gie fĂ©dĂ©rale Ă  deux volets :

Recommandation n° 1 : AcquĂ©rir des propriĂ©tĂ©s Ă  proximitĂ© des transports en commun pour construire des infrastructures de logements communautaires carboneutres et rĂ©silients

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit Ă©tendre l’Initiative des terrains fĂ©dĂ©raux en investissant d’emblĂ©e des sommes importantes dans l’acquisition de terrains situĂ©s Ă  proximitĂ© de transports publics rapides. L’initiative fonciĂšre fĂ©dĂ©rale soutient le transfert et la rĂ©affectation de propriĂ©tĂ©s fĂ©dĂ©rales excĂ©dentaires pour la construction de nouveaux logements abordables, durables, accessibles et socialement inclusifs. L’ajout d’un Ă©lĂ©ment d’acquisition de propriĂ©tĂ©s permettrait d’étendre ce programme populaire. L’acquisition de propriĂ©tĂ©s a Ă©tĂ© recommandĂ©e par l’Accord national sur le logement, qui a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© et proposĂ© par des organisations Ă  but non lucratif et du secteur privĂ© (Richter et al., 2023), ainsi que par d’autres experts. Les propriĂ©tĂ©s pourraient ĂȘtre celles qui se prĂȘtent bien Ă  la construction de nouveaux logements ou Ă  la rĂ©habilitation et Ă  la rĂ©novation de logements communautaires.

Toutefois, au lieu de transfĂ©rer les propriĂ©tĂ©s, le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait en rester propriĂ©taire afin de conserver la valeur de l’actif dans ses livres et de limiter l’incidence budgĂ©taire budgĂ©taire (Meredith et Broadbent, 2023). Les terrains pourraient ĂȘtre louĂ©s Ă  bas prix Ă  des organisations partenaires, Ă  des fiducies fonciĂšres communautaires ou Ă  d’autres niveaux de gouvernement pourvu que l’abordabilitĂ© soit maintenue. La SociĂ©tĂ© immobiliĂšre du Canada, une sociĂ©tĂ© d’État, a dĂ©jĂ  dĂ©montrĂ© sa capacitĂ© Ă  coordonner le dĂ©veloppement de projets de logement novateurs sur des propriĂ©tĂ©s fĂ©dĂ©rales. Son mandat et son financement pourraient ĂȘtre Ă©largis.

La carte de Toronto prĂ©sentĂ©e dans la figure 2 met en Ă©vidence certaines des possibilitĂ©s que le gouvernement fĂ©dĂ©ral pourrait explorer. Les propriĂ©tĂ©s situĂ©es Ă  proximitĂ© des stations de transport rapides existantes ou prĂ©vues, avec une faible densitĂ© de population et une proportion Ă©levĂ©e d’anciens logements, peuvent ĂȘtre parmi les endroits les plus prometteurs pour la construction ou la rĂ©novation de logements abordables. Le Housing Assessment Resource Tools (HART) conçu par l’UniversitĂ© de la Colombie-Britannique pourrait ĂȘtre utilisĂ© pour Ă©valuer la pertinence des propriĂ©tĂ©s pour le dĂ©veloppement de logements (Housing Assessment Resource Tools, s. d.).

L’Initiative pour la crĂ©ation rapide de logements, qui fournit des contributions en capital pour la construction de nouveaux logements et l’acquisition de bĂątiments existants afin de les rĂ©habiliter ou de les convertir en logements abordables permanents, devrait ĂȘtre Ă©largie avec un financement supplĂ©mentaire important pour atteindre le rythme et l’ampleur nĂ©cessaire.

La Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) offre Ă©galement la possibilitĂ© d’étendre l’initiative et de veiller Ă  ce que les projets de construction et de rĂ©novation de logements utilisent des pratiques de construction de pointe conformes aux objectifs climatiques du Canada (Kershaw, 2021). La BIC participe dĂ©jĂ  Ă  d’importants projets de rĂ©novation avec des fournisseurs de logements Ă  but non lucratif et s’est engagĂ©e Ă  investir jusqu’à 5 milliards de dollars dans l’infrastructure verte (Banque de l’infrastructure du Canada, 2022). Avec un mandat d’intĂ©rĂȘt public pour soutenir l’infrastructure verte, l’énergie propre et les transports en commun, ce pourrait ĂȘtre l’occasion d’explorer des projets innovants de logements Ă  revenus mixtes et carboneutres qui serviraient de point de dĂ©part Ă  des communautĂ©s habitables. Ces projets pourraient gĂ©nĂ©rer et stocker de l’énergie et ĂȘtre intĂ©grĂ©s aux investissements de la BIC dans les transports publics.

Recommandation n°2 : Fournir un financement plus attractif pour dĂ©velopper le secteur du logement Ă  but non lucratif Ă  plus grande Ă©chelle

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut Ă©galement aider le secteur du logement Ă  but non lucratif Ă  surmonter les obstacles financiers qui l’empĂȘchent de construire des logements abordables.

Par exemple, le Fonds national de co-investissement pour le logement accorde des prĂȘts remboursables Ă  faible coĂ»t, des prĂȘts Ă  remboursement conditionnel et des contributions non remboursables Ă  une entitĂ© canadienne qui dĂ©veloppe des logements abordables Ă  proximitĂ© des transports en commun, des Ă©coles et d’autres commoditĂ©s (annexe A). Toutefois, le financement est plafonnĂ© Ă  25 000 $ par unitĂ© pour les unitĂ©s qui rĂ©pondent aux exigences minimales en matiĂšre de rĂ©sultats sociaux, et Ă  75 000 $ pour les unitĂ©s qui dĂ©passent les normes d’abordabilitĂ© et d’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique. En outre, les taux d’intĂ©rĂȘt des prĂȘts fluctuent en fonction des coĂ»ts d’emprunt de la SCHL. Ces caractĂ©ristiques font qu’il est difficile pour les organisations Ă  but non lucratif d’atteindre le seuil de rentabilitĂ© (encadrĂ© 3).

Le programme a Ă©galement des exigences limitĂ©es en matiĂšre d’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique et de rĂ©silience, puisqu’il n’exige qu’une rĂ©duction de 25 % de la consommation d’énergie et des Ă©missions de GES par rapport aux niveaux du Code national de l’énergie pour les bĂątiments de 2015, malgrĂ© l’existence de codes plus rĂ©cents et plus stricts. Le Code national du bĂątiment de 2020, par exemple, comporte des niveaux progressant vers une norme prĂȘte pour une consommation Ă©nergĂ©tique carboneutre et un code d’émissions nettes zĂ©ro en cours d’élaboration.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut faire mieux. La SCHL pourrait augmenter le financement sous forme de contribution par projet et offrir des taux d’intĂ©rĂȘt fixes peu Ă©levĂ©s pour les bĂątiments les plus abordables, carboneutres et rĂ©silients, situĂ©s Ă  proximitĂ© des transports en commun. La SCHL pourrait Ă©galement permettre un plus grand cumul de ses programmes afin que les promoteurs puissent bĂ©nĂ©ficier de plusieurs sources de soutien (SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement, 2021b ; FĂ©dĂ©ration canadienne des municipalitĂ©s, 2017 ; Whitzman et Goldstein, 2023). Les promoteurs devraient ĂȘtre tenus de respecter les normes et les codes les plus rĂ©cents en matiĂšre d’énergie et de carboneutralitĂ©, mais recevoir un financement supplĂ©mentaire pour ce faire. L’Association canadienne d’habitation et de rĂ©novation urbaine a appelĂ© Ă  un financement plus gĂ©nĂ©reux des projets, notant que les taux d’intĂ©rĂȘt et l’inflation ont Ă©rodĂ© la valeur de la mesure incitative (Sullivan, 2022).

Le Fonds pour accĂ©lĂ©rer la construction de logements du fĂ©dĂ©ral, qui fournit un soutien financier aux gouvernements locaux, pourrait ĂȘtre utilisĂ© pour encourager les gouvernements municipaux Ă  assouplir les rĂ©glementations restrictives en matiĂšre de zonage et de permis, et Ă  construire des logements plus abordables, Ă  haute densitĂ©, avec des pratiques de pointe en matiĂšre de construction carboneutre et rĂ©siliente (annexe A). Une plus grande utilisation de la carotte et du bĂąton par le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut aider Ă  dĂ©bloquer les investissements dans le logement lĂ  oĂč ils sont nĂ©cessaires (SociĂ©tĂ© immobiliĂšre du Canada, s. d.). Par exemple, le gouvernement fĂ©dĂ©ral pourrait fixer des quotas pour la quantitĂ© de logements abordables et augmenter les exigences pour les nouveaux dĂ©veloppements afin qu’ils respectent les codes et les normes de construction carboneutres et rĂ©silientes face aux changements climatiques.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral ne pourra pas atteindre l’objectif de construction d’un million de logements communautaires sans une collaboration entre les diffĂ©rents ordres de gouvernement, les organisations Ă  but non lucratif et le secteur privĂ©. Les municipalitĂ©s doivent assouplir les rĂšgles de zonage et d’octroi de permis, les organisations Ă  but non lucratif devront se dĂ©velopper Ă  plus grande Ă©chelle, il faudra trouver des travailleurs et des matĂ©riaux de construction, les entreprises devront innover en matiĂšre de pratiques de construction et les services publics provinciaux devront Ă©laborer des programmes qui valorisent les ressources Ă©nergĂ©tiques distribuĂ©es. Toutefois, la stratĂ©gie Ă  deux volets du Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© constitue une base solide sur laquelle s’appuyer.

Liens avec d’autres prioritĂ©s en matiĂšre d’accessibilitĂ© financiĂšre

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© a donnĂ© la prioritĂ© au logement, au transport et Ă  l’alimentation en tant que domaines clĂ©s dans lesquels le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut agir pour aider les mĂ©nages Ă  faibles revenus Ă  satisfaire leurs besoins fondamentaux d’une maniĂšre qui favorise Ă©galement la rĂ©duction des Ă©missions de GES et la rĂ©silience face Ă  l’évolution du climat.

Tous les domaines de l’accessibilitĂ© sont interconnectĂ©s, les actions menĂ©es dans un domaine bĂ©nĂ©ficiant Ă  un autre. La construction de logements communautaires efficaces sur le plan Ă©nergĂ©tique et rĂ©silients face aux changements climatiques permettra d’éviter des rĂ©novations coĂ»teuses dans l’avenir, et la construction de logements Ă  proximitĂ© des transports en commun contribuera Ă  rĂ©duire les coĂ»ts de transport et les Ă©missions de GES. La rĂ©duction des coĂ»ts de logement amĂ©liorera Ă©galement la sĂ©curitĂ© alimentaire en libĂ©rant de l’argent pour l’épicerie.

Le rĂ©tablissement du leadership fĂ©dĂ©ral en matiĂšre de logement communautaire offre la possibilitĂ© de rĂ©tablir l’accessibilitĂ© et de lutter contre la pauvretĂ©, tout en aidant le Canada Ă  atteindre ses objectifs en matiĂšre de climat.

Du renouveau dans la rénovation : Priorité aux ménages à faibles revenus

Pour réduire les coûts énergétiques et les risques climatiques auxquels sont confrontés les ménages à faibles revenus, le gouvernement fédéral doit mettre en place un nouveau programme de rénovation gratuit visant à rendre environ 100 000 logements par an plus abordables, plus écoénergétiques et plus résilients face aux changements climatiques.

Les mĂ©nages Ă  faibles revenus sont plus susceptibles de vivre dans de vieilles maisons pleines de courants d’air et dĂ©pourvues de climatisation. Les logis moins efficaces rendent les propriĂ©taires vulnĂ©rables aux coĂ»ts Ă©levĂ©s de l’énergie et aux risques croissants liĂ©s aux changements climatiques. En l’absence de soutien aux travaux de rĂ©novation qui rĂ©duisent leur dĂ©pendance Ă  l’égard des combustibles fossiles et les protĂšgent des risques climatiques tels que les vagues de chaleur et les inondations, ces mĂ©nages pourraient ĂȘtre confrontĂ©s Ă  des risques financiers, de santĂ©, de sĂ©curitĂ©, ainsi que d’insĂ©curitĂ© en matiĂšre de logement.

Les programmes fĂ©dĂ©raux de rĂ©novation existants ne sont pas Ă  la hauteur. Ils s’adressent aux propriĂ©taires Ă  hauts revenus qui peuvent plus facilement s’y retrouver dans les procĂ©dures administratives complexes et couvrir les coĂ»ts en attendant le remboursement. Les mĂ©nages qui ont du mal Ă  joindre les deux bouts ont besoin de davantage de soutien.

Les propriĂ©taires de petits immeubles locatifs Ă  loyer abordable passent Ă©galement Ă  travers les mailles du filet, ce qui les empĂȘche de rĂ©aliser des Ă©conomies dont bĂ©nĂ©ficieraient les locataires.

La StratĂ©gie canadienne pour des bĂątiments verts, une initiative fĂ©dĂ©rale visant principalement Ă  rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre (GES), offre la possibilitĂ© d’une repenser Ă  neuf les rĂ©novations.

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© recommande au gouvernement fĂ©dĂ©ral de prendre trois mesures clĂ©s pour rĂ©duire les coĂ»ts Ă©nergĂ©tiques et les risques climatiques auxquels sont confrontĂ©s les mĂ©nages Ă  faibles revenus :

  • Offrir des rĂ©novations gratuites et clĂ©s en main

Mettre en place un nouveau programme – en coopĂ©ration avec des partenaires locaux – qui offre aux propriĂ©taires Ă  faibles revenus des solutions de rĂ©novation gratuites, clĂ©s en main, Ă©coĂ©nergĂ©tiques et rĂ©silientes face aux changements climatiques en accordant la prioritĂ© aux maisons plus vieilles, aux personnes ĂągĂ©es et aux personnes souffrant de problĂšmes de santĂ©. L’installation gĂ©nĂ©ralisĂ©e de thermopompes, combinĂ©e Ă  l’amĂ©lioration de l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique des habitations, peut en amĂ©liorer l’abordabilitĂ©, les protĂ©ger contre les vagues de chaleur et rĂ©duire les Ă©missions de GES.

  • Permettre des Ă©conomies aux locataires

Permettre aux propriĂ©taires de bĂątiments plus petits et de logements abordables d’accĂ©der au programme de rĂ©novation et les obliger Ă  signer des accords avec le responsable du programme pour maintenir ou amĂ©liorer l’abordabilitĂ©.

  • RĂ©orienter la stratĂ©gie de rĂ©novation pour commencer par les mĂ©nages Ă  faibles revenus

Le document de travail de la StratĂ©gie canadienne pour les bĂątiments verts propose que soient effectuĂ©es des rĂ©novations majeures dans 3 Ă  5 % des bĂątiments chaque annĂ©e d’ici 2025. Si 20 % des rĂ©novations majeures ciblĂ©es se concentraient sur les mĂ©nages Ă  faible revenu, le Canada pourrait rĂ©nover environ 100 000 logements par an (entre 92 000 et 154 000).

Les mĂ©nages Ă  faibles revenus sont vulnĂ©rables aux coĂ»ts de l’énergie et aux effets du climat

Les mĂ©nages Ă  faible revenu consacrent une part plus importante de leur revenu Ă  l’énergie que l’ensemble des autres mĂ©nages (Ressources naturelles Canada, 2022a). Une proportion importante de mĂ©nages Ă  trĂšs faibles revenus vit dans la pauvretĂ© Ă©nergĂ©tique (entre 30 et 60 % selon la dĂ©finition employĂ©e, voir la figure 1). Les mĂ©nages Ă  faibles revenus sont souvent contraints de faire des choix difficiles pour rĂ©pondre Ă  leurs besoins de base : baisser le chauffage pour payer l’épicerie ou couper dans les repas pour payer la facture d’électricitĂ©, par exemple.

Bien que 62 % des familles Ă  faible revenu soient locataires, un nombre important d’entre elles sont propriĂ©taires (Randle et al., 2022). En outre, deux tiers des mĂ©nages en situation de pauvretĂ© Ă©nergĂ©tique sont propriĂ©taires de leur logement (Rezaei, 2017). En 2021, 13% de l’ensemble des propriĂ©taires vivaient dans un logement inabordable (Statistique Canada, 2022a).

Les propriĂ©taires Ă  faibles revenus vivent dans des zones rurales ou urbaines, dans des maisons unifamiliales, des coopĂ©ratives, des condominiums ou des maisons de ville. De nombreux propriĂ©taires vivant dans des zones urbaines ont Ă©tirĂ© leur budget pour acheter leur premier appartement ou leur premiĂšre maison lorsque les prix de l’immobilier Ă©taient au plus haut, pour finalement voir les paiements hypothĂ©caires augmenter en mĂȘme temps que les taux d’intĂ©rĂȘt. Plus d’un tiers des acheteurs de premiĂšre maison en Ontario, en -Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique vivent dans un logement inabordable, trop petit pour leur famille ou nĂ©cessitant des rĂ©parations importantes (Statistique Canada, 2023a).

La hausse des prix de l’énergie, de l’alimentation et du logement pĂšse sur le budget des mĂ©nages Ă  faible revenu (SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement, 2023 ; Uppal, 2023). Les prix de l’énergie ont augmentĂ© plus rapidement que l’inflation globale sur plusieurs annĂ©es, mais l’écart s’est creusĂ© depuis 2020 (figure 2).

Les bĂątiments plus vieux ont tendance Ă  consommer plus d’énergie que les nouveaux. Par exemple, un bĂątiment de faible hauteur construit avant 2005 peut consommer jusqu’à 200 % d’énergie de plus qu’un bĂątiment neuf similaire (Kukadia et al., 2022). Les maisons rurales sont plus susceptibles d’ĂȘtre plus anciennes et plus grandes ; 54 % des maisons rurales ont Ă©tĂ© construites avant 1980, comparativement Ă  47 % dans les zones urbaines (Statistique Canada, 2023b ; Riva et al., 2021). Les maisons plus vieilles Ă©tant gĂ©nĂ©ralement plus abordables, elles sont plus susceptibles d’appartenir Ă  des personnes Ă  faible revenu, qui doivent par consĂ©quent faire face Ă  des coĂ»ts Ă©nergĂ©tiques plus Ă©levĂ©s que les mĂ©nages Ă  revenu plus Ă©levĂ© (Aviles, 2022).

Les propriĂ©taires de maisons situĂ©es dans des zones rurales ou Ă©loignĂ©es et dans les Maritimes n’ont souvent pas accĂšs aux rĂ©seaux de gaz naturel et paient davantage pour le chauffage au mazout et au propane. Les foyers qui dĂ©pendent de ce type de combustibles sont plus exposĂ©s aux chocs des prix mondiaux. En outre, ces propriĂ©taires traitent gĂ©nĂ©ralement directement avec des entreprises privĂ©es qui n’offrent pas toujours les mĂȘmes options de paiement flexibles que les services publics. L’expert canadien en Ă©nergie Andrew Leach (2022) a affirmĂ© que les dĂ©sĂ©quilibres entre l’offre et la demande de pĂ©trole pourraient s’accentuer avec l’accĂ©lĂ©ration de l’action climatique mondiale. Une plus grande volatilitĂ© des prix du pĂ©trole pourrait exposer les propriĂ©taires qui en dĂ©pendent Ă  des augmentations de coĂ»ts inattendues.

Les mĂ©nages Ă  faible revenu sont Ă©galement plus vulnĂ©rables aux effets des changements climatiques (Tower Renewal Partnership, 2023 ; Institut climatique du Canada, 2020). Ils sont plus susceptibles d’ĂȘtre confrontĂ©s Ă  des risques pour leur santĂ© pendant les vagues de chaleur et Ă  la fumĂ©e des incendies de forĂȘt parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir une climatisation, une thermopompe ou un systĂšme de filtration de l’air de haute qualitĂ© (MinistĂšre de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario, 2023 ; Beugin et al., 2023). Cela est particuliĂšrement vrai pour les personnes ĂągĂ©es et les personnes souffrant de problĂšmes de santĂ© sous-jacents.

Les mĂ©nages Ă  faible revenu sont plus vulnĂ©rables aux inondations et aux feux de forĂȘt parce qu’ils n’ont pas les moyens d’investir dans la protection de leur domicile, et sont plus susceptibles de vivre dans des zones Ă  risque (Institut climatique du Canada, 2020). Les mĂ©nages Ă  faible revenu sont Ă©galement les plus touchĂ©s par les coupures de courant liĂ©es aux tempĂȘtes, car ils n’ont pas les moyens de remplacer les aliments perdus, de manger Ă  l’extĂ©rieur ou de payer un hĂ©bergement temporaire (Ramesh et Coutinho, 2022). De nombreux mĂ©nages Ă  faibles revenus n’ont pas non plus de couverture d’assurance. Environ 1,5 million des mĂ©nages qui sont vulnĂ©rables aux inondations n’ont pas accĂšs Ă  une assurance contre ce type de sinistre (Stewart, 2023). Les locataires Ă  faibles revenus renoncent souvent Ă  l’assurance habitation pour Ă©conomiser de l’argent.

Les dĂ©fis liĂ©s Ă  la rĂ©silience des logements et Ă  l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique sont encore plus prononcĂ©s pour les Autochtones, en particulier dans les communautĂ©s Ă©loignĂ©es, rurales et nordiques. Plus de 23 % des personnes Ă  trĂšs faible revenu au Canada sont autochtones, contre 13,8 % d’allochtones (Uppal, 2023). En 2021, prĂšs d’un Autochtone sur six (16,4 %) au Canada rĂ©sidait dans un logement nĂ©cessitant des rĂ©parations importantes, soit prĂšs de trois fois plus que les allochtones (5,7 %) (Melvin & Anderson, 2022). L’organisation Indigenous Clean Energy estime que 65 % des mĂ©nages des PremiĂšres Nations, 46 % des mĂ©nages inuits et 65 % des mĂ©nages mĂ©tis avaient besoin de rĂ©parations importantes liĂ©es Ă  l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique en 2021, soit un total de 133 195 logements (Indigenous Clean Energy, 2021). Les communautĂ©s rurales, isolĂ©es et autochtones Ă  faible revenu sont souvent en premiĂšre ligne des rĂ©percussions des changements climatiques, une situation qui a Ă©tĂ© mise en Ă©vidence lors de la saison des feux de forĂȘt sans prĂ©cĂ©dent de 2023 (Webber et Berger, 2023).

Les lacunes des programmes de rénovation existants

RĂ©duire la dĂ©pendance des mĂ©nages Ă  l’égard de l’énergie et les aider Ă  Ă©viter les coĂ»ts liĂ©s aux risques climatiques croissants est essentiel pour rĂ©soudre le problĂšme de l’abordabilitĂ©. Mais les programmes fĂ©dĂ©raux de rĂ©novation laissent prĂ©sentement les mĂ©nages Ă  faibles revenus – propriĂ©taires et locataires – sur le carreau.

Certains programmes fĂ©dĂ©raux de rĂ©novation prometteurs voient le jour, mais ils prĂ©sentent des lacunes dans leur couverture (voir l’annexe A). S’ils sont Ă©largis, de nouveaux programmes tels que l’Initiative d’accĂ©lĂ©rateur de rĂ©novations majeures et le Programme pilote pour des quartiers plus verts de Ressources naturelles Canada ont le potentiel de soutenir les rĂ©novations dans les immeubles locatifs abordables et les logements communautaires, mais Ă  l’heure actuelle, les deux programmes n’ont pas de directive pour donner la prioritĂ© aux logements abordables.

Les principaux programmes visant Ă  rĂ©nover les habitations impliquent des coĂ»ts initiaux Ă©levĂ©s et des processus administratifs complexes. Ils ne tiennent pas compte de la situation dans son ensemble, se concentrant uniquement sur la rĂ©duction des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre et nĂ©gligeant souvent les possibilitĂ©s d’amĂ©lioration de l’accessibilitĂ© ou de la rĂ©silience.

Obstacle n° 1 : CoĂ»ts initiaux Ă©levĂ©s

Bien que le programme de subventions pour des maisons plus vertes de Ressources naturelles Canada offre une certaine aide, les propriĂ©taires doivent dĂ©bourser les premiers, ce qui le rend inaccessible pour ceux qui ont du mal Ă  mettre de la nourriture sur la table (EncadrĂ© 1). Les programmes sont souvent conçus pour inciter les propriĂ©taires Ă  opter pour une version plus efficace d’un produit, comme le choix d’une ampoule DEL plutĂŽt qu’une ampoule Ă  incandescence. Ils ne fournissent pas un financement suffisant pour favoriser des investissements plus importants, tels que l’amĂ©lioration des fenĂȘtres d’une maison. La subvention pour des maisons plus vertes permet d’obtenir jusqu’à 40 000 $, mais les prĂȘts sont souvent hors de portĂ©e des mĂ©nages Ă  faibles revenus en raison de la nĂ©cessitĂ© d’avoir un trĂšs bon dossier de crĂ©dit. Or, de nombreux mĂ©nages Ă  faibles revenus sont dĂ©jĂ  trĂšs endettĂ©s (Uppal, 2023).

La mise Ă  jour du Programme pour la conversion abordable du mazout Ă  la thermopompe (Premier ministre du Canada, 2023) offre des paiements initiaux qui couvrent une partie du coĂ»t d’une nouvelle thermopompe, et certaines provinces et territoires offrent des fonds supplĂ©mentaires pour rendre une thermopompe typique gratuite pour les mĂ©nages Ă  faible revenu. Toutefois, la plupart des mĂ©nages dĂ©pendent du gaz naturel ou du chauffage Ă©lectrique et ne peuvent pas bĂ©nĂ©ficier du programme (Statistique Canada, 2023c).

Obstacle n° 2 : Administration complexe et lacunes dans l’admissibilitĂ©

La subvention pour des maisons plus vertes exige que le propriĂ©taire franchisse plusieurs Ă©tapes. Il lui faut notamment se conformer Ă  des critĂšres spĂ©cifiques pour ĂȘtre admissible, remplir de longs formulaires de demande qui requiĂšrent des renseignements personnels, et relever le dĂ©fi de rĂ©server des Ă©valuations ÉnerGuide avant et aprĂšs les rĂ©novations. Les propriĂ©taires doivent Ă©galement rĂ©server les services d’entrepreneurs pour effectuer les travaux de rĂ©novation et soumettre les reçus pour recevoir les paiements. S’ils ne remplissent pas les conditions requises ou s’ils dĂ©cident de renoncer aux amĂ©liorations, les propriĂ©taires supportent le coĂ»t de l’évaluation prĂ©alable. Les avantages du programme par rapport aux coĂ»ts sont souvent peu clairs, ce qui oblige les propriĂ©taires Ă  faire leurs propres recherches pour dĂ©terminer les Ă©conomies mensuelles potentielles. La complexitĂ© du programme constitue un obstacle pour de nombreux mĂ©nages Ă  faibles revenus, familles monoparentales, immigrants rĂ©cents et personnes ĂągĂ©es.

Le programme est Ă©galement conçu pour les propriĂ©taires de maisons unifamiliales. En 2021, 47 % des Canadiens vivaient dans une maison individuelle privĂ©e (Statistique Canada, 2022b), ce qui laisse une proportion importante de Canadiens mal desservis par le programme. Par exemple, les copropriĂ©taires vivant dans de petits immeubles rĂ©sidentiels Ă  logements multiples (IRLM) ne sont admissibles que si l’immeuble compte trois Ă©tages ou moins et que sa superficie au sol est infĂ©rieure Ă  600 mĂštres carrĂ©s. Pour ceux qui sont admissibles, l’ensemble du bĂątiment doit faire l’objet d’une Ă©valuation ÉnerGuide, le conseil d’administration de la copropriĂ©tĂ© doit approuver la rĂ©novation et chaque copropriĂ©taire doit faire une demande individuelle pour recevoir une subvention pour un Ă©quipement partagĂ© tel qu’une chaudiĂšre ou une porte d’entrĂ©e. Le montant maximal de 5 000 $ est multipliĂ© par le nombre de logements, mais le total est plafonnĂ© Ă  20 600 $ (Ressources naturelles Canada, 2023a). Pour de nombreux propriĂ©taires de condominiums, le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Les petits immeubles locatifs passent Ă©galement Ă  travers les mailles du filet des programmes de rĂ©novation existants. Il s’agit d’un problĂšme important pour l’abordabilitĂ©, car 62 % des Canadiens Ă  faible revenu sont locataires et 72 % des locataires vivent dans des logements construits avant 1990, alors que l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique ne figurait pas dans dans les codes du bĂątiment du Canada (Randle et al., 2022 ; Kantamneni et Haley, 2023).

La majoritĂ© des programmes de rĂ©novation des immeubles locatifs visent les logements communautaires et les grands immeubles. Le Fonds national de coinvestissement pour le -logement (FNCL) de la SociĂ©tĂ© canadienne d’hypothĂšques et de logement (SCHL) pour les projets de rĂ©novation limite par exemple le financement aux immeubles locatifs de cinq logements ou plus, et les projets doivent rĂ©pondre Ă  des exigences strictes en matiĂšre de partenariat et d’accessibilitĂ© (SCHL, s.d.).

D’autres programmes, comme l’Initiative de rĂ©novation Ă©nergĂ©tique des bĂątiments de la Banque canadienne d’infrastructure, peuvent ĂȘtre proposĂ©s aux IRLM privĂ©s, mais demandent des investissements minimaux qui excluent les petits propriĂ©taires ayant des moyens financiers modestes (BIC, s.d.). Les petits propriĂ©taires sont Ă©galement moins susceptibles de s’y retrouver dans les documents complexes d’application aux programmes.

Les subventions et les prĂȘts accordĂ©s dans le cadre de la subvention pour des maisons plus vertes sont accessibles aux petits propriĂ©taires qui vivent dans leur immeuble, mais le montant maximum de la subvention est de 5 000 $ si tous les autres logements sont occupĂ©s par des locataires. Ces programmes ne prĂ©voient pas non plus de politiques de protection des locataires pour maintenir l’abordabilitĂ©. Le programme amĂ©ricain Weatherization Assistance Program comprend des accords (ou conventions) avec les propriĂ©taires pour garantir que les loyers sont maintenus Ă  des niveaux abordables et que les locataires bĂ©nificient des Ă©conomies d’énergie (Department of Energy, s.d.).

Obstacle n° 3 : Manque d’information sur la portĂ©e et l’ampleur des  rĂ©novations nĂ©cessaires

La focalisation Ă©troite des programmes de rĂ©novation sur la rĂ©duction des Ă©missions de GES des mĂ©nages ne permet pas de rĂ©aliser des gains en termes d’abordabilitĂ©, d’adaptation et d’objectifs d’émission nette zĂ©ro.

Bien rĂ©alisĂ©es, les rĂ©novations peuvent contribuer Ă  rĂ©duire les coĂ»ts Ă©nergĂ©tiques et Ă  amĂ©liorer la qualitĂ© de l’air d’un logis tout en protĂ©geant les personnes contre les vagues de chaleur, les inondations, les feux de forĂȘt et les pannes de courant (Institut climatique du Canada, 2023 ; Kantamneni et Haley 2022 ; C40 Cities Climate Leadership Group, 2020). Les mĂ©nages Ă  faibles revenus ont peu d’occasions d’entreprendre des travaux de rĂ©novation importants. Il est donc essentiel de ne pas se contenter d’amĂ©liorer les habitations en fonction des conditions actuelles, mais de les prĂ©parer au rĂ©seau Ă©lectrique, au climat et Ă  l’économie de demain.

Les thermopompes peuvent par exemple rĂ©duire la consommation d’énergie, diminuer les factures mensuelles d’énergie et refroidir et filtrer l’air lors d’évĂ©nements climatiques extrĂȘmes (Institut climatique du Canada, 2023). Mais si elles sont installĂ©es sans que les vieilles fenĂȘtres et portes soient rĂ©novĂ©es, l’installation risque d’augmenter les factures Ă  court terme.

Les solutions de stockage de l’énergie, telles que le stockage thermique dans les rĂ©servoirs d’eau chaude, peuvent aider les services publics Ă  gĂ©rer la demande d’électricitĂ© tout en permettant aux mĂ©nages de rĂ©aliser des Ă©conomies. C’est dĂ©jĂ  le cas Ă  Summerside, Ă  l’Île-du-Prince-Édouard, oĂč les rĂ©seaux intelligents sont connectĂ©s aux systĂšmes de chauffage et d’eau chaude des maisons (Ville de Summerside, s.d.). Et des technologies plus rĂ©centes peuvent apporter des avantages encore plus importants.

Les habitations ont Ă©galement la possibilitĂ© de faire partie du systĂšme Ă©lectrique, les bĂątiments rĂ©sidentiels intĂ©grĂ©s au rĂ©seau agissant comme une centrale Ă©lectrique distribuĂ©e qui utilise les gĂ©nĂ©rateurs de secours Ă  batterie domestique, le stockage de l’énergie thermique, les thermostats intelligents, les pompes Ă  chaleur et la recharge bidirectionnelle des vĂ©hicules pour gĂ©rer efficacement la demande et produire de l’énergie supplĂ©mentaire pendant les vagues de chaleur ou les grands froids. Éviter de devoir construire des centrales Ă©lectriques supplĂ©mentaires pour couvrir les pics de demande pourrait contribuer Ă  rĂ©duire la facture d’électricitĂ© de chacun (Monie et. al., 2021). Les systĂšmes Ă©nergĂ©tiques de quartier offrent Ă©galement la possibilitĂ© de rĂ©duire les coĂ»ts et d’amĂ©liorer la rĂ©silience (Quest Canada, s.d.).

Cependant, les rĂ©novations nĂ©cessaires pour obtenir ces avantages importants sont coĂ»teuses et complexes. Il peut s’agir de projets trĂšs techniques qui impliquent plusieurs entrepreneurs, des calendriers de construction variĂ©s et des interactions avec plusieurs programmes d’incitation financiĂšre. La plupart des mĂ©nages ne seront pas en mesure de gĂ©rer eux-mĂȘmes ces rĂ©novations. De plus, la portĂ©e et l’ampleur de l’ensemble des programmes actuels sont insuffisantes pour entreprendre des rĂ©novations qui rĂ©pondent simultanĂ©ment aux objectifs d’abordabilitĂ©, d’adaptation et d’émission nette zĂ©ro. Selon Haley et Torrie (2021), il faudrait 142 ans pour rĂ©nover tous les bĂątiments rĂ©sidentiels de faible hauteur au rythme actuel (moins de 1 % des maisons par an).

Des organisations autochtones telles que Logement coopĂ©ratif national autochtone ont demandĂ© un financement spĂ©cifique, une rĂ©vision de la stratĂ©gie nationale du logement, une plus grande reprĂ©sentation autochtone et des investissements fĂ©dĂ©raux durables dans le logement autochtone (Indigenous Housing Caucus Working Group, 2018). En effet, si les communautĂ©s autochtones peuvent accĂ©der aux programmes de rĂ©novation existants, ceux-ci ne suffisent pas Ă  rĂ©pondre Ă  l’ensemble des besoins.

L’occasion de renouveler les rĂ©novations

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral a publiĂ© en 2022 un document de travail proposant les Ă©lĂ©ments d’une stratĂ©gie pour les bĂątiments verts (Ressources naturelles Canada, 2022b). Deux des huit principes proposĂ©s sont axĂ©s sur l’accessibilitĂ© financiĂšre et l’équitĂ©, la diversitĂ© et l’inclusion. Cependant, les actions proposĂ©es sont insuffisantes, et peu de propositions traitent de l’accessibilitĂ© financiĂšre ou de la rĂ©silience aux risques climatiques.

Le gouvernement fédéral pourrait aller plus loin en agissant dans trois domaines :

Recommandation 1 : Proposer des rĂ©novations gratuites et clĂ©s en main

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait mettre en place un nouveau programme – en coopĂ©ration avec les organisations communautaires, les services publics et d’autres ordres de gouvernement – afin de fournir gratuitement aux propriĂ©taires Ă  faibles revenus des solutions de rĂ©novation clĂ©s en main, efficaces sur le plan Ă©nergĂ©tique et rĂ©sistantes au changement climatique. Un tel programme permettrait de lever les obstacles administratifs et financiers tout en produisant de nombreux avantages pour la sociĂ©tĂ©. Par exemple, l’installation gĂ©nĂ©ralisĂ©e de thermopompes, combinĂ©e Ă  des travaux d’amĂ©lioration de l’efficacitĂ© Ă©nergĂ©tique des habitations, peut amĂ©liorer l’abordabilitĂ©, protĂ©ger contre les vagues de chaleur et rĂ©duire les Ă©missions de GES.

Le programme devrait se concentrer sur les propriĂ©taires Ă  trĂšs faibles et faibles revenus (environ deux millions de mĂ©nages) et donner la prioritĂ© aux personnes les plus vulnĂ©rables -financiĂšrement et les plus exposĂ©es au risque de pauvretĂ© Ă©nergĂ©tique, ainsi qu’aux personnes vivant dans de vieilles maisons, aux personnes ĂągĂ©es, aux personnes souffrant de problĂšmes de santĂ© et aux communautĂ©s autochtones.

Le nouveau programme offrirait un guichet unique de prestation de services qui permettrait Ă  tous les types de propriĂ©taires Ă  faible revenu, y compris les copropriĂ©tĂ©s et les coopĂ©ratives, de demander plus facilement des fonds pour la rĂ©novation (Institut climatique du Canada, 2023). Permettre aux administrateurs du programme de combiner le financement et le soutien de diffĂ©rentes sources de financement fĂ©dĂ©rales, provinciales et de services publics en vue d’un mĂȘme objectif permettrait d’obtenir plus de financement tout en Ă©liminant les obstacles administratifs pour les participants. Les administrateurs de programmes ayant une expertise en science du bĂątiment devraient Ă©galement avoir la possibilitĂ© de rĂ©pondre aux besoins structurels des logements, tels que l’élimination des moisissures ou de l’amiante, qui peuvent constituer des obstacles aux amĂ©liorations Ă©nergĂ©tiques (Kantamneni et Haley, 2022).

Recommandation 2 : Permettre des Ă©conomies aux locataires

Le programme de rĂ©novation clĂ© en main proposĂ© pour les propriĂ©taires devrait Ă©galement inclure les propriĂ©taires privĂ©s de petits immeubles rĂ©novĂ©s Ă  des prix abordables qui ne remplissent pas les conditions requises ou qui ne sont pas bien desservis par d’autres programmes. Les rĂ©novations d’immeubles locatifs devraient exiger des propriĂ©taires qu’ils rĂ©percutent les Ă©conomies rĂ©alisĂ©es et qu’ils maintiennent des loyers bas aprĂšs les rĂ©novations (Haley & Kantamneni, 2023). Les immeubles locatifs anciens prĂ©sentant un potentiel important d’économies d’énergie et une grande vulnĂ©rabilitĂ© aux changements climatiques devraient ĂȘtre prioritaires.

Recommandation 3 : Orienter la stratégie de rénovation pour commencer par les ménages à faibles revenus

Le document de travail de la StratĂ©gie pour les bĂątiments verts comprend une proposition visant Ă  rĂ©aliser des rĂ©novations majeures dans 3 Ă  5 % des bĂątiments chaque annĂ©e d’ici Ă  2025. Avec environ 15 millions de bĂątiments rĂ©sidentiels et 480 000 bĂątiments commerciaux au -Canada, cet engagement Ă©quivaut Ă  460 000 Ă  770 000 bĂątiments par an (Gouvernement du Canada, 2021). Il s’agit d’un objectif audacieux et d’un calendrier ambitieux.

L’objectif devrait viser en prioritĂ© les mĂ©nages Ă  faibles revenus. L’on pourrait cibler les investissements qui permettent de rendre les logements plus abordables, d’amĂ©liorer la rĂ©silience et de contribuer Ă  la rĂ©alisation des objectifs de rĂ©duction nette des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre. Un tel changement placerait les mĂ©nages Ă  faibles revenus au premier rang des bĂ©nĂ©ficiaires des rĂ©novations, ce qui permettrait de mieux harmoniser la stratĂ©gie pour des bĂątiments durables aux principes d’accessibilitĂ© et d’équitĂ©, de diversitĂ© et d’inclusion. Si 20 % des rĂ©novations majeures ciblĂ©es se concentraient sur les mĂ©nages Ă  faible revenu, le Canada pourrait rĂ©nover environ 100 000 logements par an (entre 92 000 et 154 000).

Les programmes destinĂ©s aux personnes Ă  faibles revenus qui sont gĂ©rĂ©s du dĂ©but Ă  la fin pour les participants sont Ă©galement en mesure de s’étendre rapidement grĂące Ă  des contrats d’achat en gros, au calendrier stratĂ©gique des rĂ©novations, Ă  la formation et Ă  l’emploi de personnes issues de populations Ă  faibles revenus.

Pour appuyer ces recommandations, le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait collaborer avec les organisations communautaires locales, les services publics et d’autres ordres de gouvernement afin d’établir des normes pour des rĂ©novations efficaces sur le plan Ă©nergĂ©tique et rĂ©silientes face aux risques climatiques pour les mĂ©nages Ă  faibles revenus, prĂ©voyant des ajustements pour les locataires, les maisons rurales et Ă©loignĂ©es, ainsi que pour diffĂ©rentes zones gĂ©ographiques et diffĂ©rents climats.

Une stratĂ©gie de rĂ©novation ambitieuse fournit Ă©galement l’occasion de dĂ©velopper une main-d’Ɠuvre locale diversifiĂ©e capable d’offrir des solutions de rĂ©novation de haute qualitĂ©, efficaces sur le plan Ă©nergĂ©tique et rĂ©silientes face aux risques climatiques, et ce de maniĂšre rentable. Le plan peut crĂ©er de bons emplois pour les groupes dĂ©favorisĂ©s grĂące Ă  une formation intĂ©grĂ©e sur le lieu de travail, Ă  des accords communautaires et Ă  des approches inclusives de dĂ©veloppement de la main-d’Ɠuvre.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral devrait Ă©galement continuer Ă  travailler avec les provinces, les territoires, les gouvernements autochtones et les compagnies d’assurance pour veiller Ă  ce que les mĂ©nages Ă  faible revenu soient en mesure d’accĂ©der Ă  l’assurance et d’en assumer les coĂ»ts pour se protĂ©ger contre les risques climatiques croissants. Le programme national d’assurance contre les inondations annoncĂ© dans le budget 2023 est une bonne premiĂšre Ă©tape.

Relation avec d’autres prioritĂ©s en matiĂšre d’accessibilitĂ© financiĂšre

Le Conseil d’action sur l’abordabilitĂ© a donnĂ© la prioritĂ© au logement, au transport et Ă  l’alimentation en tant que domaines clĂ©s oĂč le gouvernement fĂ©dĂ©ral peut aider les mĂ©nages Ă  faibles revenus Ă  rĂ©pondre Ă  leurs besoins fondamentaux tout en favorisant la rĂ©duction des -Ă©missions et la rĂ©silience face aux changements climatiques. Tous les domaines de l’abordabilitĂ© sont interconnectĂ©s – les mesures prises dans un domaine profiteront aux autres.

Les rĂ©novations peuvent contribuer Ă  prĂ©server et Ă  protĂ©ger les logements abordables au Canada et Ă  limiter la nĂ©cessitĂ© de construire de nouveaux logements. Les -logements existants sont susceptibles d’offrir un meilleur accĂšs aux transports en commun, aux Ă©coles, aux soins mĂ©dicaux et Ă  d’autres services, ce qui rĂ©duit les coĂ»ts de transport. La rĂ©duction des coĂ»ts de logement et d’énergie peut Ă©galement amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© alimentaire en libĂ©rant de l’argent pour l’épicerie.

Il est temps de placer les ménages à faibles revenus au premier rang des priorités en matiÚre de rénovation des logements.

Long-Term Care Financing: What’s Fair and Sustainable?

Le systĂšme canadien de soins de longue durĂ©e (SLD) est confrontĂ© Ă  d’énormes dĂ©fis qui devraient s’aggraver dans les annĂ©es Ă  venir. Au cours des deux prochaines dĂ©cennies, le nombre de Canadiens ĂągĂ©s de plus de 85 ans devrait augmenter de 145 %. L’Association mĂ©dicale canadienne prĂ©voit que le coĂ»t des SLD et des soins Ă  domicile atteindra 58,5 milliards de dollars d’ici Ă  2031, soit prĂšs du double de ce qu’il Ă©tait en 2019.

MĂȘme aujourd’hui, alors que les consĂ©quences du vieillissement de la population ne se sont pas encore pleinement montrĂ©es, le systĂšme ne fonctionne pas bien. Les listes d’attente pour accĂ©der aux Ă©tablissements de SLD sont longues dans tout le pays. La qualitĂ© des soins fournis laisse beaucoup Ă  dĂ©sirer, comme on l’a douloureusement constatĂ© au dĂ©but de la pandĂ©mie de COVID-19. Les soins Ă  domicile financĂ©s par l’État sont difficiles d’accĂšs, mais les soins Ă  domicile fournis par le secteur privĂ© sont coĂ»teux. Le systĂšme repose en grande partie sur les conjoints, les enfants adultes et les autres aidants, qui dĂ©clarent fournir de longues heures de soins non rĂ©munĂ©rĂ©s et se sentir fatiguĂ©s et Ă  bout de ressources.

Cette situation place les Canadiens devant trois choix : augmenter les impĂŽts et rĂ©duire les dĂ©penses pour financer l’amĂ©lioration de la qualitĂ© des SLD tout en rĂ©pondant Ă  la demande croissante ; maintenir les niveaux de financement actuels et assister au coĂ»t humain du dĂ©clin des soins ; gĂ©nĂ©rer de nouvelles sources de revenus en s’inspirant des modĂšles de financement Ă  long terme utilisĂ©s ailleurs.

Cette Ă©tude se concentre sur la troisiĂšme option. Elle Ă©value le financement et la rĂ©partition des soins de longue durĂ©e au Canada par rapport Ă  plusieurs approches internationales. Contrairement aux idĂ©es reçues, une grande partie du systĂšme canadien de SLD est financĂ©e par le secteur privĂ©, sous la forme de soins non rĂ©munĂ©rĂ©s dispensĂ©s par des membres de la famille, de services de soins personnels et d’aide mĂ©nagĂšre achetĂ©s auprĂšs du secteur privĂ© et de rĂ©sidences avec service de soutien financĂ©s par le secteur privĂ©. Les services financĂ©s par l’État sont Ă©troitement rationnĂ©s et la quantitĂ© disponible est loin de rĂ©pondre aux besoins en matiĂšre de soins.

Cette Ă©tude Ă©nonce cinq principes pour guider la future rĂ©forme du financement des SLD : l’Ă©quitĂ©, la neutralitĂ©, la transparence, le partage des risques et l’adĂ©quation. Les aspects du financement liĂ©s Ă  l’équitĂ© sont souvent ignorĂ©s et pourtant cruciaux. Les choix des gouvernements ont des consĂ©quences sur les inĂ©galitĂ©s entre les hommes et les femmes, sur les Ă©carts de revenus et de richesse, ainsi que sur l’équitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle.

Ces principes sont utilisĂ©s pour Ă©valuer les mĂ©rites et les inconvĂ©nients de plusieurs approches de financement des SLD adoptĂ©es Ă  l’international : assurance nationale des soins de longue durĂ©e, facture partagĂ© des soins rĂ©sidentiels et contributions aux coĂ»ts des soins de longue durĂ©e basĂ©es sur la richesse.

L’analyse fournit des informations importantes qui peuvent Ă©clairer les perspectives fĂ©dĂ©rales, provinciales et territoriales sur la loi fĂ©dĂ©rale sur la sĂ©curitĂ© des soins de longue durĂ©e et l’allocation Vieillir chez soi, ainsi que les dĂ©libĂ©rations futures sur les paiements de transfert fĂ©dĂ©raux.

L’étude formule trois recommandations :

  • Les provinces et les territoires devraient assurer une plus grande transparence en ce qui concerne l’éligibilitĂ© aux prestations et les niveaux de service afin d’amĂ©liorer la transfĂ©rabilitĂ© des services et la normalisation de l’aide gouvernementale.
  • Tous les niveaux de gouvernement devraient rĂ©Ă©quilibrer le financement public des soins Ă  domicile et en institution afin de donner aux bĂ©nĂ©ficiaires un plus grand choix quant Ă  la maniĂšre de rĂ©pondre Ă  leurs besoins en matiĂšre de soins.
  • Les gouvernements devraient collaborer Ă  l’élaboration d’un modĂšle de financement durable et Ă©quitable comprenant une Ă©valuation plus complĂšte de la capacitĂ© d’une personne Ă  contribuer au coĂ»t de ses soins, en tenant compte Ă  la fois de ses revenus et de son patrimoine plutĂŽt que de ses seuls revenus, en s’inspirant des approches adoptĂ©es en Australie et aux Pays-Bas.

Le Canada est confrontĂ© Ă  une crise du financement des SLD. Mais cette crise est aussi une opportunitĂ©. Les pressions que le vieillissement de la population exercera sur un systĂšme public qui se dĂ©tĂ©riore progressivement et qui est de plus en plus ­sous-financĂ© pourraient ĂȘtre l’étincelle nĂ©cessaire Ă  une rĂ©forme substantielle. Nous avons aujourd’hui l’occasion, une fois par gĂ©nĂ©ration, d’apporter des changements substantiels au financement des soins de longue durĂ©e, afin d’obtenir des rĂ©sultats plus Ă©quitables.

Il est temps d’abandonner l’idĂ©e que nous pouvons bĂ©nĂ©ficier de meilleurs soins tout en payant moins. La rĂ©forme du financement doit faire partie de toute stratĂ©gie en matiĂšre de soins de longue durĂ©e.

Toward a Universal Dental Care Plan: Policy Options for Canada

Le Canada traĂźne la patte en ce qui concerne le financement public des soins dentaires, se classant prĂšs du dernier rang des pays de l’OCDE. Toutefois, le rĂ©gime canadien de soins dentaires proposĂ© par le gouvernement fĂ©dĂ©ral pourrait changer la donne.

Dans son budget 2023, le gouvernement fĂ©dĂ©ral s’est engagĂ© Ă  verser 13 milliards de dollars sur 5 ans pour mettre en Ɠuvre le plan, qui fournira des soins dentaires aux familles canadiennes dĂ©pourvues d’assurance dentaire et dont le revenu est infĂ©rieur Ă  90 000 dollars par an. Le plan est mis en Ɠuvre par Ă©tapes : la couverture a d’abord Ă©tĂ© Ă©tendue aux enfants de moins de 12 ans Ă  la fin de 2022 ; les enfants de moins de 18 ans, les personnes ĂągĂ©es et les personnes handicapĂ©es bĂ©nĂ©ficieront d’une couverture Ă  la fin de 2023 ; puis toutes les familles qui tombent en dessous du seuil de revenu Ă  la fin de 2025.

Outre le rĂ©gime canadien de soins dentaires, le gouvernement fĂ©dĂ©ral s’est Ă©galement engagĂ© Ă  dĂ©penser 250 millions de dollars sur 3 ans Ă  partir de 2025-26 pour crĂ©er un fonds d’accĂšs Ă  la santĂ© buccodentaire. Ce fonds vise Ă  investir dans des programmes qui comblent les lacunes en matiĂšre de santĂ© buccodentaire et rĂ©solvent les problĂšmes d’accĂšs chez les populations vulnĂ©rables.

Cette Ă©tude considĂšre le rĂ©gime comme une avancĂ©e majeure dans la rĂ©forme des soins dentaires, mais affirme que le « modĂšle de payeur de dernier recours » choisi par le gouvernement pour le mettre en Ɠuvre n’est pas Ă  la hauteur et entraĂźnera des inefficacitĂ©s, tout en ne garantissant pas un accĂšs Ă©quitable aux soins dentaires primaires et prĂ©ventifs. Alors que le Canada s’apprĂȘte Ă  mettre en Ɠuvre ces nouveaux programmes, le gouvernement fĂ©dĂ©ral doit rĂ©flĂ©chir Ă  ses objectifs en matiĂšre de rĂ©forme des soins dentaires et Ă  la meilleure façon de les atteindre.

Les auteurs identifient quatre grands objectifs politiques qui devraient guider la rĂ©forme : l’universalitĂ©, l’équitĂ©, l’accessibilitĂ© et la reddition de comptes. Ils Ă©valuent ensuite les avantages et les inconvĂ©nients de six options possibles pour atteindre ces objectifs :

  1. Un bon ou un paiement en espùces ;
  2. Un crĂ©dit d’impĂŽt remboursable ;
  3. Des transferts conditionnels aux provinces et aux territoires, similaires Ă  ceux prĂ©vus par la Loi canadienne sur la santĂ©â€ˆ;
  4. Un programme similaire Ă  l’actuel Programme de services de santĂ© non assurĂ©s, par lequel le gouvernement fĂ©dĂ©ral fournit directement une couverture d’assurance aux PremiĂšres Nations et aux Inuits Ă©ligibles ;
  5. Des transferts conditionnels par le biais d’accords bilatĂ©raux nĂ©gociĂ©s avec chaque province et territoire ;
  6. Une agence nationale indépendante, financée par le gouvernement fédéral et administrée par les provinces et les territoires.

À la fin de 2022, le gouvernement fĂ©dĂ©ral a adoptĂ© l’option 1, soit un rĂ©gime de prestations en espĂšces, afin de mettre rapidement en place une aide pour les enfants des familles dont le revenu est infĂ©rieur Ă  90 000 de dollars. À l’avenir, il semble cependant envisager l’option 4 comme moyen de parvenir Ă  une couverture d’assurance dentaire pour toutes les familles gagnant moins de 90 000 de dollars. Dans cette Ă©tude, nous demandons au gouvernement de s’orienter vers une couverture universelle pour un ensemble limitĂ© de services dentaires essentiels, et nous soutenons que la meilleure façon d’y parvenir est l’option 6, c’est-Ă -dire une collaboration de tous les ordres de gouvernement pour crĂ©er une agence nationale indĂ©pendante dont le financement est assurĂ© par le gouvernement fĂ©dĂ©ral.

Cette option serait conforme Ă  la rĂ©partition constitutionnelle des pouvoirs au Canada et constituerait le moyen le plus efficace et efficient d’assurer Ă  la fois un accĂšs et une couverture Ă©tendus et de rĂ©glementer le point de liaison entre les rĂ©gimes publics et les soins financĂ©s par le secteur privĂ©. Cette agence devrait Ă©galement ĂȘtre chargĂ©e de crĂ©er et de faciliter des programmes visant Ă  garantir un accĂšs rĂ©el aux soins dentaires (plutĂŽt que de fournir une couverture d’assurance superficielle) et de collecter des donnĂ©es sur la santĂ© buccodentaire afin de contrĂŽler, entre autres choses, l’accessibilitĂ©, la qualitĂ© des soins et l’utilisation des soins disponibles.