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Textes d’opinion

Un progrès énorme

Robert L. Brown, Tyler Meredith | 28 mars 2012

Les mesures proposées par le ministre Raymond Bachand dans son budget changent carrément la donne dans le débat canadien sur la réforme des pensions.

Les gouvernements cherchent depuis plusieurs années à favoriser l’épargne retraite et à renforcer la stabilité et la sécurité des revenus de retraite. Le Québec et l’Alberta s’opposant toujours à l’expansion du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec (RRQ), les régimes de pension agréés collectifs (RPAC) mis de l’avant par Ottawa, quoique purement volontaires, semblaient la seule option possible… jusqu’au budget Bachand.

Car Québec exigera que son nouveau régime d’épargne retraite collectif soit offert par toute entreprise d’au moins cinq employés qui n’a pas de régime de pension. Il s’agit là d’un progrès énorme. Comme le régime fédéral dépend de son implantation provinciale, cette politique du Québec pourrait même créer un précédent.

Le fait que de moins en moins de travailleurs soient couverts par un régime de retraite collectif dans leur milieu de travail est un problème majeur, surtout dans le secteur privé. Même si chaque individu devait s’efforcer d’épargner suffisamment en vue de sa retraite, peu de gens le font.

Quand les régimes volontaires d’épargne retraite (RVER) du Québec seront tous mis en place en 2015, 2 millions de travailleurs se seront ajoutés au registre des pensions. De 40% aujourd’hui, le taux de couverture passera à 95% au Québec.

D’autres changements devront être apportés au RPAC si on veut le rendre réellement avantageux pour les travailleurs et les entreprises. Avant tout, il faut faire des cotisations d’employeur un élément obligatoire des régimes de retraite professionnels. Les employeurs québécois ne seront pas obligés de cotiser au RVER. Par contre, leurs cotisations seront exemptées des taxes sur la masse salariale et déductibles du revenu imposable, comme pour tout autre régime de pension agréé. Étant donné qu’à court terme, toute augmentation des charges salariales présente un risque pour la reprise économique et que les taux de cotisation au RRQ sont déjà appelés à augmenter, il s’agit là d’une approche constructive.

Les frais de gestion des caisses de retraite et des REER sont très élevés partout au pays. En s’accumulant au fil des ans, ces frais peuvent accaparer une part considérable du capital amassé par les travailleurs. Pour les réduire, les caisses doivent disposer d’une masse critique d’actifs. En imposant l’adhésion aux RVER à toutes les entreprises sans régime de retraite, le modèle québécois devrait permettre d’atteindre cette masse critique et de faire baisser les coûts.

Même si les RVER sont des régimes à cotisations déterminées, n’assurant donc pas un montant de prestations de retraite fixé d’avance, les mesures proposées pour réduire les risques d’investissement des participants sont prometteuses. Les RVER offriront une option par défaut qui est basée sur une approche « cycle de vie », visant à ajuster automatiquement le niveau de risque en fonction de l’âge du participant. Cela allégera le fardeau que représente pour tout travailleur la gestion de ses propres fonds.

Nous privilégions un régime de retraite à prestations cibles qui rendrait les revenus de retraite beaucoup plus prévisibles pour les participants tout en assurant des coûts stables aux employeurs. Québec étudie ce modèle dans le cadre de l’examen de son système de revenu de retraite. Il serait judicieux qu’il l’intègre en temps voulu à ses RVER.

Le modèle de pension proposé l’an dernier par Ottawa donne aux provinces toute la souplesse voulue pour lui apporter des améliorations. Or le régime que veut instaurer le gouvernement du Québec constitue non seulement une nette amélioration, il est l’élément central d’un plan global de réforme du système de revenu de retraite qui se veut cohérent et équitable. Souhaitons que les autres provinces en prendront bonne note.


Tyler Meredith; Robert L. Brown. Les auteurs ont récemment publié une étude de l’Institut de recherche en politiques publiques sur la réforme des pensions.